>>> FABIEN PELLEGRINI

>> PIGISTE HÉDONISTE

Après avoir testé plusieurs milliers de jeux, il devient parfois bien difficile de s'enthousiasmer devant la énième copie d'un concept déjà vu maintes et maintes fois. C'est pourquoi vous trouverez peu de AAA dans mon top cette année. J'ai même failli pousser le vice jusqu'à inclure dans la liste Gorogoa, un tout petit jeu qui n'a l'air de rien mais dont les mécaniques originales nous forcent à réaliser une gymnastique mentale inédite. Il aurait presque pu remplacer Divinity : Original Sin II ou Mario + The Lapins Crétins: Kingdom Battle, deux œuvres extrêmement méritantes mais relativement classiques. Quant aux trois autres titres retenus, ils possèdent systématiquement une direction artistique forte, qui suffit à elle seule à les faire sortir du lot. Une condition nécessaire, mais non suffisante, pour retenir l'attention d'un quarantenaire ayant déjà écumé toutes les eaux vidéoludiques.

1/ WHAT REMAINS OF EDITH FINCH (PC) 

De manière totalement inattendue, c'est un "walking simulator" qui m'aura mis la plus grande baffe cette année. Mais ce serait extrêmement réducteur et insultant de considérer What remains of Edith Finch comme un simple simulateur de promenade. Certes, il suffit de maîtriser des commandes de déplacement basiques pour parcourir l'aventure, découpée en différentes scènes correspondant à autant de membres de la famille Finch. Mais chacune de ces tranches de vie tragiques déploie un angle de mise en scène extrêmement original. Le joueur va donc de surprises en surprises, et a l'impression d'une expérience sans cesse renouvelée. Ajoutez à cela des graphismes extrêmement détaillés, une musique et des voix prenantes, un discours "meta" sur le jeu vidéo à l'occasion, et des bouffées d'émotions par dizaines !

2/ CUPHEAD (PC)

Grâce à sa formidable direction artistique inspirée des dessins animés des années 30, Cuphead a fait sensation dès son annonce en 2014. Mais le risque de décevoir était grand, car la beauté des graphismes aurait tout à fait pu aller de pair avec une jouabilité bancale. Finalement il n'en est rien, et le jeu tient absolument toutes ses promesses. La difficulté relevée, mais jamais injuste, est une parfaite justification pour parcourir encore et encore des niveaux qui ne cessent de nous en mettre plein les yeux. Chaque boss possède une forte personnalité, des attaques spécifiques, et des animations à l'ancienne dont la fluidité et la richesse ont de quoi mettre à l'amende les studios de motion capture du monde entier. Si vous n'avez pas l'occasion de jouer à Cuphead, allez au moins visionner quelques parties sur le net. Rien que ça, c'est déjà un grand plaisir.

3/ HELLBLADE : SENUA'S SACRIFICE (PC)

En choisissant de créer une héroïne atteinte de troubles psychotiques, les développeurs de Hellblade nous ont offert un personnage inoubliable. Surtout qu'ils ont eu l'intelligence de ne pas faire de la maladie mentale de Senua le centre de l'histoire, qui aurait tout à fait pu être racontée de manière plus classique. Mais elle aurait alors nettement perdu en force et en singularité. Les voix qui se chamaillent en permanence dans la tête de Senua et dans le casque du joueur participent à l'ambiance oppressante de l'aventure, qui se marie parfaitement avec les combats pesants et la direction artistique crasseuse. Autant d'éléments parfaitement incongrus pour un gros éditeur, ce qui aura poussé le studio Ninja Theory à faire cavalier seul cette fois-ci. Et tant mieux, car le jeu aura finalement remporté un succès à la fois critique et commercial.

4/ DIVINITY : ORIGINAL SIN II (PC)

Avec Divinity : Original Sin II on revient à quelque chose de plus classique, mais de très solide. Les développeurs de Larian Studios maîtrisent désormais parfaitement leur sujet, et savent nous concocter des jeux de rôle dignes de la grande époque des Baldur's Gate et autres Planescape Torment. Avec son univers riche et foisonnant de détails, son gameplay au tour par tour extrêmement tactique, et ses quêtes particulièrement bien écrites, ce nouvel épisode de la saga Divinity nous prouve avec brio que le jeu de rôles "velu" a encore de beaucoup jours devant lui. Y compris en termes de chiffre d'affaires, puisque le jeu a dépassé le million d'exemplaires vendus en à peine deux mois. N'hésitez pas à venir grossir les rangs des fans de Divinity, vous vous rendrez service à vous-mêmes au moins autant que vous rendrez service aux développeurs.

5/ MARIO + LAPINS CRÉTINS : KINGDOM BATTLE (SWITCH)

Si on m'avait dit l'année dernière qu'une exclusivité console se glisserait dans mon Top 5, que je finirais par trouver les lapins crétins plus amusants qu'insupportables, et que l'univers de Mario me semblerait plus séduisant qu'insipide et niais, je ne l'aurais pas cru. C'est dire à quel point les développeurs d'Ubisoft ont réussi leur coup ! Sur le papier, le fait de transposer le gameplay des XCOM dans une fusion mariolapinesque a tout de la fausse bonne idée jetée sur la table lors d'une soirée un peu trop arrosée. Et pourtant, le jeu réussit au final tout ce qu'il entreprend, que ce soit en termes de gameplay, de graphismes ou même d'humour. Prochaine étape pour la Switch : arriver à nous sortir un jeu de cette qualité sans se reposer sur les sempiternelles licences de la maison mère...