Test Red Dead Redemption 2 : quand Rockstar donne une leçon de jeu vidéo sur PS4
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Dan et Sam Houser ont été visionnaires en choisissant le nom de leur studio : aujourd’hui, les rockstars du jeu vidéo, c’est bien eux. Ils se trouvent tout là-haut, parmi les constellations, à un niveau que même les grands noms de l’industrie ne pourront probablement jamais atteindre. En un claquement de doigts, ils sont capables de révolutionner un genre qui n’avait plus connu pareille onde de choc depuis… GTA : San Andreas ; ce n’est pas un hasard. Avec le recul, le plus dramatique pour la concurrence, c’est que Red Dead Redemption 2 n’invente strictement rien, il ne fait que reprendre des mécaniques connues mais en les intégrant dans un monde organique dont il a le secret. Et d’un coup, la magie opère. L’interaction devient complètement folle, et on se rend compte que, jusqu’à présent, l’expression « cycle de vie » a été galvaudée. Aucun superlatif, aucun stream, aucun test n’est en mesure de rendre justice au travail colossal abattu par les équipes du studio. Il y a tellement de choses à découvrir, tellement d’émotions à vivre, que les mots nous manquent pour expliquer ce que l’on a ressenti. Avec sa réalisation interstellaire et sa B.O. de malade mental, Red Dead Redemption 2 nous embarque également dans une histoire à l’écriture dingo. Arthur Morgan et Dutch van der Linde occupent le haut de l’affiche, bien évidemment, mais que dire des autres personnages composant ce casting cinq étoiles ? Bref, que vous le vouliez ou non, il y aura bel et bien un avant et un après-Red Dead Redemption 2. Une page de l’open-world est en train de se tourner, implacablement.
- Le plus bel open-world jamais créé
- Le 1er open world sans aucun clipping ni popping
- Il y aura un avant et un après-Red Dead 2
- Cohérent et organique jusqu’à la moëlle
- 60h+ de jeu juste pour boucler les missions principales
- La customisation du personnage au service du gameplay
- Des transitions cut scenes/gameplay bluffantes
- Un casting 5 étoiles
- La modélisation hallucinante du cheval
- Gestion des ragdolls impressionnante
- Jamais un jeu n’avait proposé un tel niveau d’interaction
- Une B.O. et une ambiance sonore de ouf
- La scène d’ouverture casse tout
- Ca parle tout le temps, et jamais pour rien
- L’écriture qui pue le talent
- Un doublage de haute volée
- Arthur Morgan, quel charisme !
- Dutch van der Linde, l’autorité incarnée
- Un univers immense
- La blinde d'activités annexes (du poker, de la chasse, du Blackjack, des dominos, etc.)
- Des scènes qui marquent les esprits
- On peut refaire les missions quand on veut
- Et dire qu’il y a Red Dead Online derrière…
- Les transitions dans les conditions météo qui manquent de naturel
- Il va falloir attendre des plombes avant le prochain jeu Rockstar
Le danger avec les productions Rockstar Games, c’est de les élever au rang de chef-d’œuvre avant même d’y avoir joué, avant même de les avoir terminées. Un blanc-seing qui s’explique par le talent inégalable de la maison, la seule au monde à communiquer sur ses jeux avec des semi-exclus. Red Dead Redemption 2 n’a pas fait exception à cette règle imposée par les boss Houser depuis l’éternité, et c’est donc ici-même que vous avez pu vous faire une idée plus précise des aventures d’Arthur Morgan, le successeur (ou le prédécesseur, ça dépend du côté où l’on se place) de John Marston. Dans notre vie de journaliste, on pensait avoir tout vu, absolument tout. Eh bien sachez qu’après l’expérience incroyable que nous venons de vivre avec Red Dead Redemption 2, la face de l’open world a définitivement changé. Oui, ce sont des putains de génies chez Rockstar Games, et en plus de nous pondre un script remarquable, ils ont également mis un point d’honneur à repousser les limites de l’interaction. Une leçon de jeu vidéo, tout simplement.
Il y a tellement à dire sur le jeu que l’on ne sait même pas par quoi commencer. Tiens, on pourrait revenir deux secondes sur notre théorie, celle qui voudrait que les développeurs démystifient John Marston après l’avoir déifié dans le premier Red Dead Redemption. Autant le préciser tout de suite : on a tout faux. En fait, Dan Houser, Mike Unsworth et Rupert Humphries – qui ont gratté le scénario de Red Dead Redemption 2 – ont imaginé quelque chose de plus nuancé, de plus subtil, pour éviter que les événements ne soient cousus de fil blanc. On était pourtant convaincu que Marston allait se faire marcher dessus comme une merde, un sentiment renforcé par le sublime générique d’ouverture. Alors qu’en 2010, il fallait aller jusqu’au bout du bout pour voir l’énorme « RED DEAD REDEMPTION » repeindre l’écran, Rockstar Games a décidé cette fois-ci de nous fusiller d’entrée de jeu. Les agents immobiliers ne le savent que trop bien : en général, l’acte d’achat se déclenche dans les deux premières minutes de la visite. C’est exactement ce que l’on ressent avec Red Dead Redemption 2 qui, en quelques secondes, nous fait comprendre que l’on est face à un jeu hors norme. Alors, on peut débattre pendant dix plombes sur les sacrifices que ça a nécessité chez les développeurs, créer des dramas sur Twitter après avoir avalé pendant des années la soupe dans laquelle on crache, mais quand on a le privilège d’avoir entre les mains une telle œuvre d’art, on la ferme et on kiffe.
Dan et Sam Houser ont été visionnaires en choisissant le nom de leur studio : aujourd’hui, les rockstars du jeu vidéo, c’est bien eux. Ils se trouvent tout là-haut, parmi les constellations, à un niveau que même les grands noms de l’industrie ne pourront probablement jamais atteindre.
Bien sûr, on ne vous dévoilera strictement rien de l’histoire du jeu, mais sachez que l’on se situe bien dans les 60 heures annoncées récemment par Dan Houser, hors quêtes annexes. Pas question de faire illusion avec du farming à l’instar d’Assassin’s Creed Odyssey, les missions principales s’enchaînent à une vitesse folle en proposant un niveau de variété rarement atteint. On aura sans doute l’occasion d’en reparler une fois que tout le monde aura terminé Red Dead Redemption 2, mais il y a des expéditions qui marquent non seulement par leur ambiance de dingue, mais aussi par leurs mécaniques de gameplay. Evidemment que non, le jeu n’invente rien, et il faudrait être de mauvaise foi pour soutenir le contraire. Le truc, c’est que Rockstar Games explore des zones où aucun autre studio n’a été en mesure de s’aventurer jusqu’à présent. Entendons-nous bien : là, on ne parle pas de la puissance des consoles et des technologies qu’elles permettent de développer, on parle juste des idées. Pour créer un univers aussi cohérent, aussi organique, aussi harmonieux, il ne suffit pas de bosser sur un jeu pendant huit ans ; ça se saurait. Non, il faut opter pour une approche intelligente afin que chacun des éléments s’imbrique à la perfection, un domaine dans lequel la boîte de GTA n’a pas d’équivalent ; peut-être Naughty Dog, mais à une échelle moindre. Et puis, il y a cette écriture… Pourtant, ce n’est pas la première chose qui vient à l’esprit quand on parle de Rockstar Games, mais Red Dead Redemption 2 est rempli de dialogues qui défoncent. A chaque fois que Dutch ouvre la bouche, ça tabasse.
"LADIES AND GENTLEMEN, GET YOUR HORSE READY !"
Il n’y a pas que lui, tous les autres apportent leur pierre à l’édifice, à commencer par Arthur Morgan, l’un des plus fidèles disciples de van der Linde. Autoritaire tant dans sa démarche que lorsqu’il dégaine son arme, il est l’anti-John Marston par excellence. Si ce dernier était dans la rédemption la plus totale dans Red Dead Redemption, Morgan, en revanche, suit à la lettre les ordres de son mentor Dutch. Qu’il s’agisse de braquer une banque, d’attaquer une diligence, ou bien encore de subtiliser des bons au porteur dans un train, c’est zéro état d’âme. Si ce lien fort qui unit les deux patrons du gang constitue le socle scénaristique de Red Dead Redemption 2, d’autres caractères forts gravitent tout autour d’eux. On pense par exemple à Sadie Adler dont le mari a été assassiné salement par un clan, et qui a donc intégré la bande de Dutch dans l’espoir de se venger. A travers elle, difficile de ne pas voir une volonté de Rockstar Games de faire taire les critiques selon lesquelles le studio n’a jamais inclus de femmes fortes dans ses productions. Croyez-nous, ces gens-là vont être servis, et pas qu’avec elle. Déjà présent dans le premier Red Dead, Bill Williamson est un peu le bras cassé du groupe. Il essaie de faire le bonhomme, mais il sait au fond de lui qu’il ne sert pas à grand-chose malgré son statut d’ex-militaire. Impossible de ne pas évoquer Hosea Matthews, le bras droit de van der Linde qui, à l’inverse de son acolyte, utilise son cerveau avant de faire parler ses flingues. Ultra classe en dépit de son âge avancé, on peut dire de lui qu’il est le philosophe du clan. Présent également dans Red Dead Redemption, Javier Escuella a une gueule que l’on peut difficilement oublier. Son regard particulièrement noir inspire la crainte chez les personnes qui le croisent, et il ne ressent aucune émotion au moment de coller une balle entre les yeux.
Naturellement, Jack et Abigail Marston sont là, aux côtés de John qui n’a pas vraiment les faveurs de la bande. Les nombreux sous-entendus dès l’intro du jeu laissent supposer que ce n’est pas un membre fiable, Dutch ne comprenant pas pourquoi le cas de Blackwater a pu foirer à ce point. Vous vous en doutez déjà, la liste est longue et on pourrait continuer à lister les persos pendant des heures ; on préfère vous laisser le plaisir de la découverte. Ce qui est hallucinant en tout cas, c’est que l’on était persuadé qu’après le trio de GTA 5 (Michael, Franklin, Trevor), Rockstar Games ne se passerait plus jamais de cette formule tellement elle a marqué les esprits. C’est pourtant la carte de l’homme solitaire que joue Red Dead Redemption 2, tout en s’appuyant sur l’expérience acquise à Los Santos. En effet, chaque PNJ dispose d’une histoire bien fouillée ; pas uniquement ceux du gang, mais aussi la plupart des individus rencontrés en ville ou au fin fond de la nature. Les développeurs sont allés loin, très loin pour donner envie de s’écarter de la campagne principale, d’écouter ce qu’il se dit dans le saloon ou la boutique du coin, et pas avec des sketchs de deux lignes. On a droit à de réelles quêtes scénarisées découpées, parfois, en plusieurs parties. Et tout ça n’est pas figé, c’est-à-dire qu’un personnage faiblard au début pourra très bien, par la suite, se révéler avec une force de caractère que l’on ne soupçonnait même pas. Dans l’autre sens, des supposées têtes brûlées s’écrouleront dès la première difficulté. Quand on sait que, derrière, 1 200 comédiens ont été sollicités pour créer les PNJ, et que 700 sont capables de tenir un dialogue (80 pages de script pour chacun d’eux), ça vous donne une idée de la chose.
Inutile d’y aller par quatre chemins : Red Dead Redemption 2 est le plus bel open-world jamais créé jusqu’à présent. Il enterre la concurrence et démontre avec brio que les jeux dits « couloirs » n’ont pas le monopole de la réalisation.
Si l’on répète depuis des mois et des mois qu’il y aura un avant et un après-Red Dead Redemption 2, c’est parce qu’un bon nombre d’absurdités seront difficilement tolérables désormais. Chez Rockstar Games, il n’est pas logique qu’un PNJ répète bêtement deux fois la même phrase. Du coup, si vous n’êtes pas attentif au moment où il parle, c’est mort. Avec un peu de chance, il paraphrasera peut-être, mais il ne faut surtout pas les prendre pour des abrutis. Même dans les choix de réponse, ça se grisera au bout de deux-trois répliques. Bref, ça change carrément de ce qui se fait ailleurs. Autre exemple : les missions secondaires qu’Arthur Morgan n’est pas obligé d’accepter. C’est vrai, il n’y a rien de nouveau là-dedans, sauf que dans Red Dead Redemption 2, si vous déclinez la demande d’un PNJ, c’est terminé jusqu’à la fin de l’aventure. Sévère mais ultra réaliste. Réfléchissez donc bien avant de faire votre choix, d’autant qu’en progressant dans le jeu, certaines quêtes disparaîtront au profit d’autres. Eh oui, le scénario du jeu se déroulant sur plusieurs mois, les individus ayant chacun leur propre cycle de vie, il n’aurait pas été sensé de laisser moisir des missions au même endroit. C’est aussi une manière intelligente d’assurer au jeu une replay value en béton armé : en ce qui nous, concerne, nous nous sommes déjà lancés dans un second run pour découvrir toutes les petites histoires à côté desquelles nous sommes passés. On n’ira pas jusqu’à dire que c’est aussi complexe que Detroit : Become Human en termes de variables (même si c’est du jamais vu pour un open-world), mais accepter le moindre besoin d’un PNJ peut déboucher sur une poignée de missions annexes que l’on aurait pu manquer si l’on n’avait pas fait attention.
RINGARDISER LA CONCURRENCE
Dans le même délire, on note aussi que les PNJ réagissent en fonction de notre dégaine, de notre comportement et de nos actions. Ainsi, si vous entrez quelque part comme une brute, on vous fera immédiatement la réflexion. Après un braquage réussi, il nous est arrivé d’être convié à une conversation alors que l’on n’avait pas spécialement prévu d’y prendre part, sans appuyer sur la moindre touche. On nous interpelle à l’autre bout du camp, on vient nous chercher si l’on ne se bouge pas, et nous voilà avec les potes autour du feu en train de refaire le casse. Si vous prenez trop de temps à fouiller une maison alors que le reste de la bande attend dehors, on vous appellera plusieurs fois avec des intonations différentes. Ca n’arrive pas qu’une seule fois dans le jeu, hein ? C’est systématique, c’est na-tu-rel. Comme dans Red Dead Redemption, une jauge d’Honneur permet de savoir comment nous sommes considérés par les autres, que l’on multiplie les actes héroïques (sans pour autant devenir un ange, bien sûr) ou que l’on fasse dans le sale. Dans la peau du Bon Samaritain, il sera plus facile d’échanger avec les PNJ et de se remplir les poches en tant que chasseur de primes, et les boutiques nous accorderont même des ristournes. On ignore s’il y a un lien ou non, mais après avoir commis un crime, le témoin qui était sur place n’a pas pris la peine d’alerter les forces de l’ordre. A vérifier. En décidant de basculer du côté obscur, les gens nous regarderont de travers, des portes resteront closes, et pour reprendre l’exemple du témoin, il sera plus facile d’intimider les balances potentielles.
Dans le premier Red Dead, on se souvient qu’en agissant de manière dégueulasse, John Marston suscitait l’admiration des gangs qui lui proposaient, du coup, de faire des braquages ensemble. Mieux, en se rendant à Thieves Landing, il y avait moyen de profiter de remises bienvenues. On ne sait pas si c’est toujours le cas dans Red Dead Redemption 2, mais vous pouvez compter sur nous pour vous tenir au courant une fois le test publié. Quoi qu’il en soit, ce qui est extrêmement intéressant avec la jauge d’Honneur, c’est ce refus du manichéisme : que l’on soit d’un côté ou de l’autre, il y a des avantages et des inconvénients ; et c’est encore plus puissant avec des conséquences que l’on ne saisit pas forcément tout de suite. Au final, on finit par peser constamment le pour ou le contre – doit-on porter secours à la demoiselle perdue au milieu de nulle part, faut-il attaquer le banquier confortablement installé dans sa diligence, ou encore a-t-on intérêt de donner un coup de main au shérif du coin. Les possibilités sont multiples, les conséquences parfois lourdes. Puisque l’on vient de parler de shérif, c’est le moment de discuter de la Pinkerton, la célèbre agence privée dont les agents sillonne le Far West à la recherche de criminels. Bon, dans Red Dead Redemption 2, il n’est pas obligatoire de trancher la gorge d’un individu pour se faire courser par les flics. Une simple bousculade peut provoquer le bordel.
Avant de passer à la suite de notre test, arrêtons-nous quelques instants sur le cheval, véritable icône des western qui, on insiste, n’a jamais fait l’objet d’une aussi grande attention dans un jeu vidéo. Ceux qui avaient bavé sur celui de The Witcher 3 risquent d’être choqués (dans le bon sens du terme) en voyant celui de Red Dead Redemption 2.
Plus concrètement, une fois l’exaction commise, les forces de l’ordre se dépêchent sur place pour quadriller le secteur. Si vous êtes encore dans le coin – c’est-à-dire à l’intérieur de la zone rouge indiquée sur le radar – elles feront tout pour procéder à votre arrestation. Ce n’est qu’une fois que vous avez pris la poudre d’escampette que la jauge « RECHERCHÉ » se met à décroître. Fastoche ? Pas vraiment, et ce pour deux raisons. La première, c’est que même si vous parvenez à vous échapper, vous vous retrouvez avec un avis de recherche et des chasseurs de primes au cul. La seconde raison, c’est que la Pinkerton n’est pas réputée pour recruter des débutants en matière d’armes à feu. Comprenez par là que ses agents font preuve d’une précision nettement au-dessus de la moyenne, surtout quand on vous veut mort ou vif. Dans ce cas-là, ce n’est pas seulement deux-trois gars qui tentent de vous attraper, mais un groupe d’enragés qui cherchent à vous plomber. A noter que les recherches peuvent s’étendre à toute une région et que tous les établissements et services locaux (diligences, gares, boutiques entre autres) sont temporairement fermés. Heureusement, on peut payer la prime dont on fait l’objet pour que l’état d’alerte soit levé. Toujours dans ce souci de cohérence extrême, changer de tenue, se raser ou aller chez le coiffeur évite d’être reconnu trop facilement par les témoins qui savent à quoi on ressemble. Simple, mais encore fallait-il y penser.
A GAME CHANGER
Avec un terrain de jeu aussi énorme, l’exploration occupe un rôle central dans Red Dead Redemption 2. Alors que le premier épisode proposait essentiellement des paysages désertiques, les développeurs ont imaginé ce coup-ci des décors beaucoup plus variés. Saint-Denis est indéniablement la ville qui sort du lot. Symbole de l’industrialisation et de la « civilisation » haïes par Dutch et sa clique, elle séduit par son architecture qui n’est pas sans rappeler celle de la Nouvelle-Orléans. On prend un malin plaisir à tendre l’oreille et à écouter les français s’exprimer en anglais avec cet accent bien de chez nous. Ambiance Louisiane oblige, on a droit aux célèbres bayous où adorent traîner les crocodiles. Vous savez déjà que l’aventure permet d’explorer des montagnes enneigées, mais vous n’êtes peut-être pas au courant que Red Dead Redemption 2 abrite des espaces avec une végétation très importante. On fait immédiatement le rapprochement avec Uncharted 4 et sa jungle luxuriante : là, on est clairement un cran au-dessus, promis. Ceux qui n’ont pas spécialement envie d’avaler des kilomètres avec leur monture peuvent toujours passer par les fast travels. Ces derniers fonctionnent soit avec les diligences, soit avec les trains, soit à l’aide d’une carte de déplacements rapides que l’on débloque en améliorant le camp. A l’instar des autres open-world, des indicateurs permettent de se rendre d’un point A à un point sans s’égarer en route, sachant qu’il est possible d’activer une vue Cinéma qui se charge de maintenir notre cheval sur le chemin (même si l’on peut reprendre les rênes à tout moment). Hyper pratique, puisque ça permet de se focaliser sur les dialogues qui ne cessent jamais avec Rockstar Games, vous le savez bien.
Avant de passer à la suite de notre test, arrêtons-nous quelques instants sur le cheval, véritable icône des western qui, on insiste, n’a jamais fait l’objet d’une aussi grande attention dans un jeu vidéo. Ceux qui avaient bavé sur celui de The Witcher 3 risquent d’être choqués (dans le bon sens du terme) en voyant celui de Red Dead Redemption 2. Ce n’est pas qu’une question de graphismes, c’est aussi et surtout une question de réactions par rapport au monde qui nous entoure. Un truc tout bête : quand notre monture entend un coup de feu, elle prend peur. Ca tombe sous le sens, mais c’est ce genre de détail auquel les autres studios ne pensent pas forcément, et c’est ce genre de détail qui fait que Rockstar Games est en train de révolutionner l’open-world. Autre exemple : si l’on part s’aventurer tout en haut d’une montagne et que notre cheval reste en bas, on aura beau le siffler, il ne nous entendra pas. Ce sera à nous de nous rapprocher pour le récupérer. Idem un prédateur rodera dans les environs : notre compagnon se méfiera et aura un mouvement de recul. Avant de ne faire qu’un avec notre cheval, avant qu’il ne devienne le prolongement d’Arthur Morgan finalement, il va falloir passer du temps avec lui, le traiter correctement, et créer un lien. Prendre le temps de l’attacher à un poteau au lieu de le laisser en plein milieu du chemin, le nettoyer, le calmer quand il est effrayé, le nourrir, voilà un exemple des actions qui permettent des franchir les différents niveaux d’affection. En plus, on accède à des nouvelles manœuvres bien utiles en cas de danger (se cabrer, tourner en dérapant, etc.) et il devient plus compliqué de vous le faire voler. Bah oui, on vole bien celui des autres, alors pourquoi ils ne pourraient pas le faire ?
L’un des tours de force de Red Dead Redemption 2, c’est de proposer une interface épurée malgré tous les paramètres dont il faut tenir compte.
Sincèrement, jamais nous n’avons été aussi attachés à un cheval dans un jeu vidéo ; alors quand il meurt (il dispose également d’un noyau de santé et d’énergie) et que l’on est dans l’incapacité de le ranimer, c’est rude à encaisser. Déjà parce que son regard rempli de souffrance arrache le cœur, et puis parce que l’on va devoir recréer un lien avec un autre cheval, même si l’écurie permet de posséder jusqu’à trois compagnons. Evidemment, il existe plusieurs races qui se comportent différemment, sans oublier tous les accessoires qui leur sont destinés. Parmi les activités annexes, certaines consistent à prendre part à un business de chevaux sauvages que l’on peut revendre, ensuite, à des receleurs. Quant à la selle, elle sert à stocker l’équipement d’Arthur Morgan. D’ailleurs, on peut apercevoir quelques objets sur notre monture, dont les armes que le personnage enlève de la selle ou enfile en fonction des armes que l’on décide d’emmener avec nous. Le cheval, c’est aussi pratique pour la chasse ne serait-ce que pour transporter la peau, la fourrure, ou encore le cadavre des gibiers abattus. L’occasion de rappeler – au cas où – que la qualité de la viande est prise en compte et qu’il faut donc faire attention à ne pas descendre les animaux comme un barbare. Si les impacts sont trop nombreux, si les blessures sont trop importantes, la valeur de la marchandise chutera. Pareil si on laisse les cadavres trop longtemps sur notre cheval : la décomposition débutera, et on pourra même apercevoir par moments des mouches voler. On vous avoue que pour boucler le jeu dans les temps, nous n’avons pas passé des heures à chasser, mais Hosea nous a montré comment utiliser les appâts pour attirer les bêtes – y compris les légendaires – comment les pister avec les indices trahissant leur passage (grâce à l’Oeil de lynx), et comment les approcher sans se faire repérer.
UN MONDE VIVANT, UN MONDE COHÉRENT
A l’instar de The Legend of Zelda : Breath of the Wild, on pourra cuisiner nos propres plats non seulement à partir de la viande que l’on aura récupérée, mais aussi des fleurs que l’on aura cueillies. Nous n’allons pas vous dresser la liste de tous les ingrédients du jeu, mais sachez que les recettes sont nombreuses. Naturellement, en fonction des mets, les effets seront différents, d’où la nécessité de prendre son temps quand on est près du feu, surtout qu’Arthur Morgan est capable de monter un mini-camp n’importe où et à n’importe quel moment. Il y a tellement de choses à découvrir au niveau de la flore et de la faune que l’encyclopédie est une véritable bible pour savoir où chaque chose se trouve. Avec autant de personnalités fortes dans la bande de Dutch, il aurait été regrettable que Rockstar Games n’accorde pas une place importante à la gestion du camp. C’est le cas, et on serait même tenté de dire qu’il y a plus de vie dans ce camp que dans n’importe quel autre open-world. On en a déjà dit des tonnes sur l’interaction entres les personnages, et on préfère donc se focaliser sur l’amélioration de la base. Chacun devra apporter sa contribution d’une manière ou d’une autre. A côté de la tente de van der Linde se trouve une caisse où l’on peut déposer du liquide ou alors des objets de valeur, sachant qu’à chaque casse commis, une partie du butin est directement remise au camp, le reste étant dispatché entre les membres ayant participé à la mission. A proximité, un registre permet de savoir quels sont ceux qui se décarcassent le plus, et ceux qui n’en branlent pas une. D’ailleurs, il n’est pas rare d’entendre les membres s’invectiver parce que certains glandent au lieu de multiplier les braquages. En allant faire un tour chez le chef cuisinier Pearson, on pourra lui remettre du gibier pour nourrir le groupe et crafter certains objets. Les développeurs l’ont dit, améliorer son camp ne sera pas obligatoire pour progresser dans l’aventure, mais ceux qui s’efforceront de le faire seront généreusement récompensés.
Organique au possible, déterminé à imposer des nouveaux standards en termes d’interaction, le jeu propose tout de même des mécaniques de gameplay plus convenues, sauf peut-être les noyaux qui offrent un parfait compromis entre les barres de HP à l’ancienne et la régénération automatique de la santé devenue incontournable depuis plusieurs années. En gros, pour se faire abattre, il faudra que le noyau et la jauge qui l’accompagne soient totalement vides. La petite subtilité, c’est que si le noyau est à un niveau faible, la jauge de santé se remplira plus lentement. A l’inverse, si votre perso est en pleine forme, il retrouvera plus rapidement ses esprits. Astucieux, d’autant qu’il faudra consommer des items bien précis pour revitaliser le noyau. Et cela ne concerne pas que la santé, puisque le Dead Eye et l’énergie d’Arthur Morgan sont également soumis à cette règle. Tout un tas de paramètres viennent impacter ces noyaux, comme le poids du héros, tiens. S’il est trop enrobé, il sera plus robuste mais se fatiguera plus rapidement, et s’il ne mange pas assez, il encaissera moins facilement les dégâts mais se montrera plus endurant. Comme dans Breath of the Wild, il faudra faire attention aux vêtements que l’on porte pour éviter d’avoir trop chaud ou trop froid, et griller ainsi le noyau de santé. En dénichant des amulettes et en se procurant certains objets, les noyaux pourront être boostés. Enfin, n’oublions pas que le niveau de santé, d’énergie et de Dead Eye évolue si l’on multiplie les actions qui nécessitent de l’endurance, de l’adresse, ou de la puissance. Vous l’aurez compris, ce système est d’une efficacité redoutable.
S’il y a bien une touche dont le jeu ne peut absolument pas se passer, c’est LT/L2 ; c’est d’elle que dépendent la plupart des interactions. En ciblant un individu et en pressant la seconde gâchette de gauche donc, on pourra accéder à différentes actions contextuelles. Oui, contextuelles, car le choix ne sera pas le même selon l’humeur du PNJ que l’on aura en face.
On s’est également attardé sur les gunfights, aspect ô combien important quand on parle de Far West. Déjà au top il y a huit ans, ils le sont toujours dans Red Dead Redemption 2, les développeurs de Rockstar les ayant adaptés à la philosophie du jeu. Arthur Morgan pourra donc se faire plaisir une cinquantaine d’armes (carabines, fusils, pistolets, arcs entre autres) et les customiser en changeant le canon, ou bien encore en ajoutant une lunette. Si certains éléments sont purement cosmétiques, d’autres par contre ont une réelle incidence sur les performances de l’engin (dégâts, précision, portée, etc.). Du coup, se rendre régulièrement chez l’armurier pour parfaire son arsenal est tout sauf gadget, surtout que si vous êtes à court d’huile pour nettoyer vos armes, il sera capable vous donner un coup de main. L’usure, justement, oblige à prendre soin de son équipement pour ne pas se retrouver avec des flingues abîmés et aux statistiques mauvaises. Posséder un étui permet de les protéger de la saleté, et donc, de ralentir la détérioration. Par ailleurs, soulignons que si l’on utilise souvent la même arme, le personnage aura tendance à mieux s’en servir au fil du temps ; on pourra d’ailleurs le constater en jetant en œil aux stats qui auront augmenté sensiblement. Autre point : la possibilité d’acheter différents types de balles selon l’utilisation que l’on souhaite en faire. Par exemple, les cartouches à haute vélocité seront les meilleures à longue distance, tandis que les balles express ont la faculté de mettre un ennemi hors d’état de nuire dès le premier impact. Ce n’est pas tout, car si vous ne trouvez pas votre bonheur dans le catalogue de l’armurier, sachez qu’il y a moyen de fabriquer vos propres munitions, dont des balles explosives qui font très mal. Et en cueillant les bonnes plantes, on pourra enduire nos flèches d’un poison particulièrement toxique. On vous le répète, ils ont pensé à tout.
UN AVANT ET UN APRÈS RED DEAD 2
La seule chose que l’on pourrait reprocher aux gunfights, c’est le système de couverture qui est victime du level design chiadé. Les planques sont si nombreuses et leurs formes si différentes que parfois, il arrive que la visée ne soit pas optimale. Un peu plus haut, on a parlé du Dead Eye. Afin d’être complet sur le sujet, précisons qu’il existe différentes façons de l’exploiter. La plus basique permet de ralentir le temps pour mieux ajuster les adversaires, alors que le palier suivant autorise le marquage des cibles avec les légendaires croix rouges. Derrière, il y a un troisième level qui, cette fois-ci, met en surbrillance les points critiques des ennemis. Idéal pour les éliminer en un minimum de balles. Les combats au corps-à-corps ont également leur mot à dire dans Red Dead Redemption 2, et même s’il ne faut pas s’attendre à de la grande baston – autrement dit, les commandes ne sont pas plus évoluées que ça – c’est amplement suffisant pour qu’Arthur Morgan brise des gueules. Dans les grandes lignes, on peut mettre des droites, contrer, esquiver, et même saisir le gars d’en face par le col pour placer un coup de tête. Quand il est étourdi, c’est le moment d’en profiter pour enchaîner les coups, voire le mettre au sol pour l’achever. Toujours avec ce sens du détail dont Red Dead Redemption 2 ne se départ jamais, des bleus, des écorchures, des ecchymoses apparaissent quand on encaisse des crochets. On ressent toute la brutalité des combats, surtout quand la boue s’en mêle.
Crade de la tête aux pieds, Arthur Morgan a heureusement la possibilité de prendre un bon bain chaud à l’hôtel du village. En lâchant quelques pièces supplémentaires, une demoiselle viendra lui tenir compagnie tout en l’aidant à se frotter les cheveux, les bras et les jambes. Pour ne pas avoir à salir ses vêtements, on peut très bien opter pour l’infiltration qui est devenue indispensable dans tout open-world qui se respecte. En s’accroupissant pour faire le moins de bruit possible, on a l’occasion de s’approcher des ennemis afin de les neutraliser en toute discrétion. Contrairement à Assassin’s Creed, on ne peut pas se cacher dans les buissons en dehors des missions prévues pour, bien évidemment. Ce qui est bien vu par contre, c’est qu’Arthur Morgan, lors de certaines quêtes, conseille à ses acolytes de recourir à la force ou d’agir dans l’ombre. Bon, peut-être que nous sommes mauvais, mais nous n’avons réussi qu’une seule fois à boucler une mission uniquement en mode infiltration. Les gardes étaient au nombre de quatre et la zone assez restreinte. Après, le but de Red Dead Redemption 2 n’est certainement pas de marcher sur les plates-bandes de la Confrérie. On remarque assez vite que les ennemis ne sont pas adeptes des grandes rondes – ce qui permettrait de se glisser dans leur dos – et puis ça nous épargne certaines incohérences du type le gars d’à côté n’entend rien alors que son partenaire est en train d’agoniser. En revanche, dissimuler les corps reste nécessaire.
Pour créer un univers aussi cohérent, aussi organique, aussi harmonieux, il ne suffit pas de bosser sur un jeu pendant huit ans ; ça se saurait. Non, il faut opter pour une approche intelligente afin que chacun des éléments s’imbrique à la perfection, un domaine dans lequel la boîte de GTA n’a pas d’équivalent ; peut-être Naughty Dog, mais à une échelle moindre.
L’un des tours de force de Red Dead Redemption 2, c’est de proposer une interface épurée malgré tous les paramètres dont il faut tenir compte. En effet, par défaut, seul un radar habille l’écran en bas à gauche, les noyaux et les jauges ne s’affichant que lorsqu’ils sont sollicités. On a la possibilité de réduire le radar, de l’élargir, et même de le désactiver (sauf les noyaux), ce qui renforce grandement l’immersion. S’il y a bien une touche dont le jeu ne peut absolument pas se passer, c’est LT/L2 ; c’est d’elle que dépendent la plupart des interactions. En ciblant un individu et en pressant la seconde gâchette de gauche donc, on pourra accéder à différentes actions contextuelles. Oui, contextuelles, car le choix ne sera pas le même selon l’humeur du PNJ que l’on aura en face. Par exemple, s’il se montre menaçant, on pourra le dévaliser, voler son cheval, ou encore le provoquer ; et c’est dynamique car on fonction de sa réaction, d’autres options s’offriront à nous. Face à une demoiselle assise sur un banc, il y aura moyen d’entamer une conversation et de la continuer jusqu’à ce que les choix se grisent. En appuyant sur LB/L1, on accède à la roue des armes qui est assez claire pour que l’on comprenne que le stick droit permet de sélectionner tel ou tel flingue. En maintenant LB/L1, puis en pressant RB/R2, on passe cette fois-ci à la roue des objets. Vous vous en doutez, le cheval n’est pas en reste puisqu’une fois à côté de lui, Arthur Morgan pourra le caresser, le nourrir, le guider, ou bien le brosser. En fouillant dans la selle, il pourra choisir les armes et objets qu’il souhaite emmener avec lui avant d’attaquer une mission. Attention, donc, à bien choisir votre équipement avant de vous éloigner de votre monture.
ORGANIQUE & ORGASMIQUE
Inutile d’y aller par quatre chemins : Red Dead Redemption 2 est le plus bel open-world jamais créé jusqu’à présent. Il enterre la concurrence et démontre avec brio que les jeux dits « couloirs » n’ont pas le monopole de la réalisation. Il y a des scènes absolument bluffantes, des paysages absolument incroyables, et comme le souligne notre techos Damien, « quand on en vient à scruter le clipping sur l’ombre des objets, c’est que l’on a clairement franchi une étape ». Il y a une maîtrise totale des variations climatiques bien que l’on estime que les transitions auraient pu être mieux travaillées – la nuit tombe beaucoup trop rapidement. En revanche, quand les nuages s’assombrissent, quand le tonnerre gronde, on admire le spectacle sans chipoter. Ce n’est pas la première fois que l’on voit de la pluie dans un open-world, mais c’est la première fois que l’on aperçoit des gouttes épouser le rebord des toits avant de s’écraser sur le sol. On pourrait être tout élogieux envers la boue qui finit par nous hypnotiser tellement elle est réaliste. A chaque trace de pas laissée, l’eau s’infiltre et en prend la forme. Totalement fou. Dans l’ensemble, les revêtements sont super bien fichus ; un vrai festival de textures qui reproduisent à la perfection la moindre aspérité. Ce qui nous a particulièrement frappés, c’est la reproduction parfaite de l’humidité avec ces petites gouttes en suspension. Ce n’est pas la seule chose que l’on aperçoit quand on se balade en forêt, puisqu’il y a aussi les rayons du soleil qui transpercent le feuillage des arbres pour nous offrir un moment saisissant. En ce qui concerne les personnages, tout le monde est logé à la même enseigne, qu’il s’agisse d’Arthur Morgan ou des autres. Même le PNJ perdu au fin fond de la map n’a pas été bâclé, ce qui confrère au jeu un équilibre graphique total.
Les chevaux, Maxime vous les a tellement décortiqués lors des différentes previews consacrées à Red Dead Redemption 2 que ce n’est pas la peine de revenir dessus. On a aussi retenu que les tâches de sang restaient sur la veste d’Arthur Morgan à chaque fois qu’il posait un cadavre sur ses épaules, ce qui est aussi valable pour son cheval. Et dire que tout ça tourne sur le RAGE Engine, un moteur conçu à la base pour un jeu de ping-pong (Table Tennis), rappelez-vous. Pour ceux que ça intéresse, on a testé Red Dead Redemption 2 sur Xbox One X avec un écran Asus ROG Swift PG27UQ. Quand on a découvert le jeu pour la toute première fois en 4K HDR 30fps, on a frôlé l’évanouissement. On vous souhaite des sensations identiques, sachant que même sur un modèle standard (Xbox One et PS4), le jeu est tout aussi splendide. Du coup, pas la peine de passer un coup de fil à la banque pour casser le PEL, même si ça tue encore plus avec du bon matos, soyons honnêtes.