Test Tintin Les Cigares du Pharaon : un retour dans le jeu vidéo par la petite porte
11 20
- Graphismes plutôt séduisants
- Enigmes intéressantes, avec un brin de challenge
- Environnements variés, on voyage
- VF de qualité
- Durée de vie honnête (10/12h pour finir le jeu)
- Gameplay beaucoup trop enfantin
- Infiltration d'un autre temps
- Séquences de QTE has-been
- ...et qui durent beaucoup trop longtemps
- L'inertie des sauts de Tintin est à l'ouest
- Pathfinding des ennemis qui n'a aucun sens
- Ça manque de moments épiques
- On s'ennuie un peu quand même
- C'est un point & clic déguisé
- Encore beaucoup de bugs résiduels après le patch
Partenaires de longue date, depuis 2016 et le jeu Yesterday Origins précisément, Microids et Pendulo Studios se sont mutuellement faits confiance pour faire revenir Tintin en jeu vidéo. Il faut dire que depuis 2011 et la tentative d'Ubisoft d'en faire un jeu marquant a échoué. À l'époque, les adaptations de grosses licences, surtout quand elles sortaient en simultané au cinéma, c'était la 5è roue du carosse. Mais les choses ont changé et l'envie de retrouver l'aura des épisodes Super Nintendo a égayé les pontes de Microids et de Pendulo Studios. Du coup, la promesse était de faire un jeu d'action-aventure où l'on retrouvait évidemment l'esprit de Hergé, tout en nous adaptant l'une des BD majeures de Tintin, à savoir Les Cigares du Pharaon. Un choix pas anodin car cet épisode introduit pas mal de choses, notamment le fait que Tintin se découvre en tant que journaliste d’investigation, et qui permettra de façonner son caractère pour la suite de ses aventures. D'ailleurs, si son rendu physique paraît aussi juvénile, créant le débat sur les réseaux sociaux, c'est aussi parce que dans la bande dessinée, Tintin a tout juste 15 ans. Ce qui signifie donc que Microids et Pendulo Studios ont respecté jusqu'au bout les choix de Hergé. Contrôler un Tintin aussi jeune n'est d'ailleurs pas vraiment un problème en soi, et cela permet aussi d'apporter un peu de sang neuf à un héros qu'on a toujours connu sous les mêmes traits, celui du dessin animé qui passait sur France 3 dans les années 90.
Savoir se détacher des oeuvres nostalgiques est aussi important que de vouloir renouveler un genre, et sur le papier, les promesses étaient grandes, le tout évidemment à l'échelle de Microids. L'investissement de 7 millions d'euros pour le jeu fait d'ailleurs parties des gros projets de l'éditeur français, qui a confirmé que la suite Le Lotus Bleu est déjà dans les cartons. On ne sait pas si les 7 millions englobent ce 2è épisode, ou s'il s'agit uniquement des Cigares du Pharaon, mais il y a tout de même une envie d'accompagner ces projets de la plus belle des manières. Malheureusement, l'exécution n'est pas vraiment au rendez-vous... Alors qu'est-ce qui cloche avec ce Tintin cuvée 2023 ? Mettons de côté les blugs bloquants qui ont été pointés du doigt au moment de la sortie du jeu, vu que je n'ai pas eu à les expérimenter puisque j'ai lancé le jeu 1 semaine après le lancement et qu'ils étaient déjà corrigés. Mais on va y revenir ne vous inquiétez pas, car il subsiste toujours pas mal de bugs résiduels. Non, le principal écueil qui entoure Tintin et les Cigares du Pharaon, c'est dans sa structure et le choix de ses différents gameplay. Si vous vous attendez à un jeu d'action teinté d'aventures comme les trailers et le marketing nous ont promis, vous allez être déçus, puisque le jeu s'apparente davantage à un point & clic déguisé, auquel on est venu greffer quelques séquences plus action (comme la scène en avion ou la course-poursuite en voiture) pour faire illusion.
POINTE ET CLIQUE
En réalité, le coeur du gameplay de ce Tintin et les Cigares du Pharaon, ce sont les énigmes, les puzzles qu'il va falloir résoudre des des zones fermées, mais qui donnent la sensation d'être assez ouvertes. C'est 70% du jeu même, et si on prend du recul, on se rend surtout compte qu'il s'agit d'un point & clic déguisé. Et du coup, quand on sait que c'est Pendulo Studios qui aux commandes, ça fait vraiment sens. Est-ce vraiment un défaut pour autant ? Dans l'absolu non évidemment, il y a d'excellents point & clic sur le marché, mais disons que ce n'est pas la promesse qui a été vendue dans les trailers et le discours de Microids. Même les previews hands-on du mois de mai dernier laissaient sous-entendre une variété dans le gameplay, puisqu'on avait joué à la séquence de poursuite avec Tintin sur le bateau via les fameux QTE qui ont fait débat, une partie énigme dans la pyramide et enfin, la scène aux commandes d'un d'avion. Le problème, c'est qu'il y a rien de tout ça dans le jeu, enfin je veux dire, ces séquences un peu action, on peut les compter sur les doigts d'une main amputée durant les 10/12h nécessaires pour finir le jeu. Du coup, on se sent particulièrement frustré, surtout quand on sait que la jouabilité de ces séquences un peu plus mouvementés on va dire ne sont guère flamboyantes non plus. Il faut dire que le moteur maison utilisé par Pendulo Studio n'est pas adapté pour ce genre de séquences et ça se ressent immédiatement, notamment dans l'inertie des véhicules qui manquent cruellement de souplesse. Que ce soit l'avion ou même la voiture, il y a une sorte de rigidité et de latence dans les mouvements qui perturbent le jeu et fusillent totalement nos sensations. Même les moments un peu plus épiques ne fonctionnent, comme ce saut programmé, qui ruinent l'expérience, c'est terrible.
Cette absence d'équilibre dans le gameplay est d'ailleurs appuyée par les phases d'infiltration qui constituent l'autre bonne partie du jeu. En effet, très souvent, Tintin et même Milou vont devoir se faufiler dans le dos des ennemis pour essayer d'échapper à leur champ de vision pour ne pas se faire attraper, mais l'exécution est malheureusement ratée. Rien ne va dans ses séquences en stealth, qu'il s'agisse des mouvements de Tintin ou de Milou jusqu'au level design pas du tout adapté à l'infiltration, en passant par le pathfinding des ennemis complètement à côté de la plaque, sans oublier les bugs qui donnent lieu à des séquences ridicules. Clairement, il va falloir que Pendulo Studios gagne en XP de ce côté-là, parce qu'une telle infiltration, même le premier Spinter Cell en 2001, il y a 22 ans lui met une vitesse considérable. Et ce n'est pas en variant les points de vue et en changeant la position des caméras dans ces séquences que ça va faire illusion. Au contraire, dans les passages en vue top down, on se rend encore plus compte du pathfinding éclaté des PNJ, c'est terrible...
Malheureusement, les écueils ne s'arrêtent pas en si bon chemin, il y a aussi tous les autres passages "action" gérés en Quick Time Event, mais sans l'expertise. On le sait, les QTE n'ont plus vraiment la côte dans les jeux vidéo, mais parfois, quand c'est bien amené, comme dans le récent Spider-Man 2 et à petite échelle bien sûr, ça peut apporter du dynamisme dans un gameplay. Sauf que dans Tintin, ça ne va pas du tout, principalement parce que là encore, l'exécution n'est pas bonne du tout. Ces séquences pré-programmées ne résument aux moments où Tintin va se mettre à courir, soit pour fuir quelqu'un, soit piur prendre une cible en chasse. On appuie donc sur le bon bouton au bon moment, avec un timing ultra large, histoire de ne pas froisser les jeunes enfants hein, et on verra Tintin esquiver des obstacles avec toujours cette inertie complètement ratée. Qu'il saute par-dessus un obstacle ou qu'il esquive un élément du décor, tout paraît mou, monotone et parfois ridicule. Surtout les sauts à une jambe où vraiment là, Tintin se ridiculise. Le jeu manque aussi singulièrement de dynamisme et l'on sait à quel point on a demandé aux développeurs de simplifier au maximum le gameplay pour qu'il soit adapté aux enfants. Sauf que c'est là que je m'inscrit en faux, faire un jeu spécialement pour les enfants, ça ne veut pas dire proposer un gameplay enfantin et sans aucun challenge. Jetez simplement un oeil à ce que fait Nintendo, capable de réunir petits et grands autour d'un même jeu, sans pour autant les prendre pour des incapables. Au contraire, aux développeurs de jeu de leur donner les moyens de progresser, de faire usage de leur réflexes, de les challenger. Rappelons-nous également les jeux auxquels nous étions soumis dans les années 80 et 90, clairement, les développeurs n'étaient pas là pour nous caresser dans le sens du poil.
Dans ce déluge de défauts, Tintin Les Cigares du Pharaon affiche tout de même quelques qualités, à commencer par son rendu visuel, tout en rondeur et bien coloré. Certes, le physique juvénile de Tintin dans le jeu fera débat pour longtemps, mais il faut reconnaître une certaine patte graphique, avec des PNJ bien modélisés et toujours dans l'esprit de Hergé. Les dialogues aussi rappellent les bandes dessinées et la qualité du doublage français apporte une véritable immersion. Si l'on s'est plaint de la direction prise par le jeu de Microids (un point & click déguisé au lieu d'un jeu d'action-aventure, rappelez-vous), il faut aussi admettre qu'en matière de puzzles et d'énigmes, le jeu s'en sort plutôt bien. Avec Pendulo Studios aux commandes, cela ne pouvait pas en être autrement, la société espagnole étant spécialisée dans le genre depuis près de 20 ans. On a cependant constaté des mécanismes pas très clairs, pas vraiment adaptés non plus au public cible (les enfants) tant chéri par TintinImaginatio, mais passé les galères de compréhension de certains défis, on ne peut que saluer le travail du studio espagnol. Dommage que ces derniers n'aient pas l'expérience pour honorer l'héritage de Tintin et de ce qu'il représente, à savoir un aventurier à la Nathan Drake avant l'heure. Espérons que pour le Lotus Bleu, les développeurs réajustent la formule pour ne pas répéter les mêmes erreurs. Car rendre le jeu juste "plus difficile" comme annoncé par TintinImaginatio ne va rien arranger aux véritables problèmes qui composent le jeu. On est là pour voyager, être scotché à notre canapé et non s'ennuyer devant un point & click déguisé...