20 20
- Dieu que c'est beau...
- ...et encore plus sur PS4 Pro
- Un gameplay profond et accessible
- Brok et Sindri, c'est le Jamel Comedy Club
- Une narration aux petits oignons
- Atreus, on s'y attache comme si c'était notre fils
- La qualité des dialogues
- Une V.O. qui tue avec Christopher Judge
- Une nouvelle facette de Kratos que l'on n'aurait jamais imaginée
- Un semi-open world d'une richesse inouïe
- Un jeu qui va marquer l'histoire du beat'em all
- Un plan-séquence de la première à la dernière minute
- L'épilogue qui met la pression
- Des boss fights qui forcent le respect
- Kratos toujours aussi charismatique
- Une durée de vie hallucinante pour un God of War
- L'Etranger, un vrai taré
- Une maîtrise totale dans tous les domaines du jeu
- Des scènes d'anthologie
- Une prise de risque payante
- La mythologie nordique, ça claque
- Le bestiaire au top
- La B.O. qui tabasse
- Atreus, l'invincible
- Certains fans risquent de ne pas adhérer
- La VF qui altère cette distance entre Kratos et son fils
- Ca va être dur d'attendre jusqu'au prochain épisode
Cinq ans. Cory Barlog aura consacré cinq ans de sa vie à refaçonner celle de Kratos, son anti-héros qui a longtemps foutu le bordel chez les dieux de l’Olympe. Usée jusqu’à la corde, la formule n’évoluait plus, le Divin Chauve donnant même l’impression d’être fatigué de broyer des côtes et de crever des yeux pour amuser la galerie. Après avoir aidé Lara Croft à se relever (TOMB RAIDER), le réalisateur de GOD OF WAR est rentré à la maison (Santa Monica Studio), convaincu que son histoire avec le Fantôme de Sparte n’était pas terminée. On a hurlé de joie à l’E3 2016 lors de l’annonce du jeu, on a pris une claque le mois dernier après y avoir joué pendant trois heures, on s’est incliné devant le talent de Barlog quand le générique de fin s’est mis à défiler sous nos yeux. Récit d’une aventure qui nous a marqués au fer rouge.
Mise à jour de notre test réalisé le 12 avril 2018 à 8h59
On ne le répétera jamais assez : non, GOD OF WAR n’est pas un reboot de la série. Il s’agit bel et bien de la suite de God of War III, l’épisode où Kratos met un terme au règne de Zeus. Alors que l’on pensait que personne ne remplacerait Lysandra et Calliope dans son cœur (sa femme et sa fille qu’il a assassinées dans God of War), les premières minutes font comprendre qu’il a fondé une nouvelle famille dans un endroit reculé de Midgard. Une scène forte qui montre d’emblée que le jeu n’évolue pas dans le même registre que ses prédécesseurs : si Kratos était jusqu’à présent animé par un désir de vengeance, il va maintenant lui falloir maîtriser cette rage pour aider son fils Atreus à respecter les dernières volontés de sa mère. Au-delà du niveau graphique de GOD OF WAR, c’est surtout ce lien indéfectible entre les deux personnages qui porte le jeu quasiment à lui tout seul. Les dialogues sont d’une justesse incroyable – on ne tombe jamais dans le pathos, le ton autoritaire du héros se marie parfaitement aux rares émotions qu’il laisse transparaître, et Atreus fait preuve d’une malice, d’une insolence et d’une insouciance qui rendent ce gamin attachant. Tout est dosé du début à la fin, et on se doute que de nombreux essais ont été nécessaires pour arriver à ce résultat remarquable et ô combien naturel. Là où l’on sent qu’il y a du vécu derrière, c’est dans la façon dont Kratos s’ouvre progressivement à son fils. En effet, ce n’est qu’au bout de leur périple qu’il osera enfin une petite tape sur ses épaules ; et de mémoire, il ne l’appelle que trois ou quatre fois par son prénom (en V.O.). Bien évidemment, cette pudeur est beaucoup moins palpable chez Atreus qui y va franco et appuie, parfois, là où ça fait mal. Par exemple, quand son père le remet à sa place, il n’hésite pas à le renvoyer dans les cordes en lui rappelant que c’est un grand garçon et qu’il peut se passer des services d’un individu qui ne l’a pas élevé. Mille excuses si l’on en a trop dit, mais un GOD OF WAR qui s’articule à ce point autour de la narration et de l’émotion, on croyait que c’était impossible.
Il y aura un avant et un après GOD OF WAR, c’est indéniable. On se doutait que Santa Monica Studio préparait quelque chose d’énorme pour le retour de Kratos sur PS4, mais on ne s’attendait pas à une telle gifle.
Après avoir revisité la mythologie grecque, la franchise a cette fois-ci décidé de rendre hommage aux divinités nordiques en poussant le curseur nettement plus loin. Tous les grands noms répondent présent : Baldur, Thor, Odin, Loki, Mimir, Tyr, Brok, Fáfnir, le Serpent de Midgard et le reste de la clique défilent à l’écran, Santa Monica Studio ayant fait en sorte que le même souci du détail soit apporté au bestiaire. Les draugar sont les premiers ennemis que l’on rencontre, rapidement épaulés par les trolls, les ogres, les seiðr, les loups enragés, les elfs ou encore les Heléens. Bien sûr, en plus de Midgard, GOD OF WAR évoque les huit autres royaumes du folklore scandinave, dont le mythique Asgard cher aux fans des Chevaliers du Zodiaque. Si l’accès à certains d’entre eux est a priori interdit (DLC ?), il n’est pas indispensable de tous les explorer pour terminer le jeu. Pour notre part, ce n’est qu’après avoir vaincu le boss final que nous sommes allés nous balader à Muspellheim (le monde du feu) et à Niflheim (le monde de la brume). C’est aussi ça la force du jeu, proposer un contenu d’une richesse inouïe. OK, Cory a dit qu’il ne s’agissait pas d’un open-world, mais jamais Kratos ne s’est retrouvé dans un univers aussi vaste. Il y a toujours une région à découvrir, une fresque à contempler, une inscription runique à décrypter, un coffre à déverrouiller pour gonfler notre barre de vie et de Rage, une carte au trésor à déchiffrer, un dragon à libérer, une valkyrie à affronter. En résumé, les gars ont abattu un boulot monstre pour – disons-le – redéfinir les codes du beat’em all. Plus jamais, plus jamais on ne pourra oser dire que casser des tibias impose un périple linéaire. Le level design est tellement bien pensé que le jeu nous incite constamment à nous éloigner de la quête principale pour aller se perdre dans une caverne ou une mine.
COEUR DE GLACE
Alors, c’est vrai qu’avec GOD OF WAR, les équipes de Santa Monica Studio n’ont pas non plus réinventé le jeu vidéo puisque l’on capte assez vite où ils ont puisé leur inspiration. The Last of Us pour cette narration du tonnerre, Dark Souls pour ces affrontements impitoyables et ces multiples dédales dans lesquels il est facile de se perdre, The Witcher 3 pour ces quêtes scénarisées – autant prendre exemple sur les meilleurs tout en respectant l’ADN de la série. Une prise de risque énorme alors qu’il aurait été nettement plus confortable pour SMS de dégainer un God of War III dopé à la PS4… Quand on voit le résultat, vous comprendrez que Bayonetta et les autres beat’em all prennent un sacré coup dans la gueule, le genre d’uppercut dont il est difficile de se relever. Désormais, il va falloir trouver autre chose qu’un string ficelle, une paire de lunette working girl et un regard aguicheur pour nous faire chavirer. Kratos ne boxe plus dans la même catégorie que la sorcière, le système de combat étant un parfait exemple de cette remise en question salutaire. Considéré comme ultra basique par le passé, il a gagné en technicité tout en demeurant facile d’accès. Dorénavant équipé de la Hache Leviathan, le Fantôme de Sparte tabasse toujours les créatures en alternant attaques rapides (R1) et attaques puissantes (R2), la Rage Spartiate (L3+R3) permettant de récupérer un peu de HP en plus de décupler la puissance de l’ex anti-héros. La jauge ne se remplissant pas en un claquement de doigts, il est préférable de laisser éclater la colère du Divin Chauve uniquement en cas de force majeure, et non pour s’acharner sur un cadavre. Déjà présentes dans les anciens opus, les exécutions de barbare se déclenchent désormais une fois la barre de stun au max. Un petit ajout qui renforce le caractère tactique des combats : on élimine les ennemis en tenant compte de leur niveau, forcément.
Aujourd’hui, qui aurait cru Kratos capable d’un tel retour fracassant sur PS4 ? Personne. Ce jeu est une dinguerie dont on parlera encore dans dix ans, et pas uniquement pour sa réalisation de malade venue d’une autre galaxie.
Là où Santa Monica Studio montre toute son intelligence avec les finish moves, c’est qu’une courte fenêtre permet de réaxer légèrement la caméra, ce qui présente l’avantage de faciliter leur intégration sans bousiller la lisibilité du spectacle. De toute façon, un indicateur se charge de signaler l’imminence d’une attaque, qu’il s’agisse d’un coup de coude ou d’un projectile envoyé en traître. On est donc assez serein en passant d’un adversaire à l’autre, tout ça avec une fluidité et un dynamisme grisants, il faut le dire. Tout s’imbrique à la perfection : on cible sa proie avec R3, on sprinte jusqu’à elle, on la défonce, et ainsi de suite. Entre deux crochets, rien n’empêche de switcher de monstre en inclinant le stick droit, histoire de toujours savoir où l’on frappe. Accessoire de prime abord, la possibilité de balancer la hache est une idée absolument géniale une fois que l’on en a saisi toutes les subtilités. Ainsi, on peut très bien immobiliser une créature grâce au gel de la machette, et en pilonner une autre à mains nues avant de récupérer notre arme (Triangle) avec une classe démentielle. Comme autre approche, il y a aussi le mix coups de poing-coups de lame qui amoche pas mal, sans oublier toutes les runes que l’on peut assigner à la hache pour accéder à des mouvements spéciaux (L1+R1 ou R2). Cette profondeur de gameplay que l’on pensait inimaginable avec God of War, on la retrouve dans l’équipement dont l’impact sur les stats de Kratos est tout sauf anecdotique. Plus concrètement, en fonction de notre style de jeu, on misera sur tel ou tel aspect : la Force pour augmenter les dégâts infligés, les Runes pour mettre l’accent sur les attaques runiques, la Défense pour mieux encaisser les coups adverses, la Vitalité pour accroître la jauge de santé, la Chance pour récupérer plus d’XP et d’argent, et la Récupération pour réduire le cooldown des attaques spéciales.
THIS IS (STILL) SPARTA !
Quand on voit tous ces éléments auxquels sont déjà habitués les fans de RPG, on se demande comment on a fait pour se contenter de si peu auparavant. Votre Kratos – qui peut monter en niveau, vous l’aurez deviné – ne sera pas le même que celui de votre pote, des artefacts permettant d’appuyer un peu plus cette singularité. Certains augmenteront les dégâts de givre infligés, d’autres octroieront temporairement un boost de défense quand Kratos sera au bord de l’évanouissement, d’autres encore permettront de mieux résister aux dégâts de brûlure. Bref, les combinaisons sont multiples, ce qui n’est pas du luxe quand on doit se coltiner trois-quatre types de monstres en même temps. L’I.A. n’est pas des plus extraordinaires – pour les moins débrouillards, un codex fournit toutefois des indications bien utiles – mais l’afflux d’adversaires peut, par moments, devenir problématique. Il y a moyen d’y aller à l’ancienne et de répéter les coups, mais 1) ce n’est pas tout le temps efficace 2) ça laisse le temps aux autres ennemis de nous frapper dans le dos. Sans aller jusqu’à changer constamment d’équipement chez les frangins Brok et Sindri (où l’on peut également s’adonner au craft en ramassant divers matériaux), avoir deux-trois « profils » sous le coude peut s’avérer précieux pour s’adapter à n’importe quelle situation. Et puis, il y a aussi l’arbre de compétences pour étoffer la palette d’attaques de Kratos, chaque nouveau palier se débloquant au fur et à mesure que la Hache Leviathan franchit un level. On est loin, très loin de cette monotonie montrée du doigt dans les anciens God of War. Quant à ceux qui craignent que les combats aient été vidés de toute leur substance, attendez la seconde moitié de l’aventure, et on en reparle.
Chef-d’œuvre parmi les chefs-d’œuvre, GOD OF WAR, c’est aussi l’histoire de Cory Barlog et de son fils, ce qui explique la narration brillante et ces émotions qui nous touchent en plein cœur. Si Red Dead Redemption 2 ne sortait pas cette année, on vous aurait dit que l’on tient là le GOTY.
Venons-en maintenant au point qui a longtemps divisé la rédaction et qui aurait pu empêcher GOD OF WAR d’obtenir la note suprême : le rôle d’Atreus dans les combats. A l’E3 2017, Cory Barlog nous avait confié que le fils de Kratos ne serait pas un boulet susceptible de ruiner la partie ; très bien. Le souci, c’est que le lien entre les deux personnages est si fort, si puissant que l’invincibilité du petit durant les affrontements ternit quelque peu tout ce travail sur le supposé talon d’Achille du Divin Chauve. A aucun moment on ne s’inquiète de son sort, car même en difficulté (les ennemis peuvent le neutraliser pendant un court instant), on sait d’avance qu’il finira par s’en sortir. Muni d’un arc, il dispose d’un stock de trois flèches qu’il peut décocher pour faire diversion et, accessoirement, étourdir plus rapidement les créatures. Le lock lui permet de faire mouche systématiquement, sachant qu’il peut infliger de sévères dégâts et réduire le cooldown quand on prend le temps d’améliorer son équipement. Résultat : on a parfois cette drôle d’impression de jouer à un shoot’em up en matraquant Carré non-stop. Ca nous a surtout frappés avec l’un des défis de Muspellheim qui consiste à abattre une vingtaine d’ennemis sans se faire toucher une seule fois. La solution ? Envoyer le fiston au charbon. Il y a bien deux-trois monstres qui ont tenté de s’en prendre au padre, mais puisqu’Atreus est capable d’atteindre sa cible à l’autre bout de la zone, zéro panique. D’un autre côté, on a tellement morflé par le passé avec une I.A. déglinguée (même dans des blockbusters acclamés par la critique) que l’on peut comprendre le choix de Barlog, même si l’on reste convaincu qu’une meilleure solution aurait pu être trouvée compte tenu du talent de ses équipes.
SA MAJESTÉ KRATOS
Malgré tout, GOD OF WAR apporte tellement au beat’em all – et même au jeu vidéo en général – que l’on a décidé de ne pas sanctionner cet unique faux-pas qui semblera sans doute irrémédiable aux yeux de certains. Aujourd’hui, qui aurait cru Kratos capable d’un tel retour fracassant sur PS4 ? Personne. Ce jeu est une dinguerie dont on parlera encore dans dix ans, et pas uniquement pour sa réalisation de malade venue d’une autre galaxie. Sur PS4 standard, GOD OF WAR est une œuvre d’art qu’on ne se lasse pas de regarder, même avec les yeux remplis de fatigue. Si chacune des régions de Midgard possède sa propre identité visuelle, c’est encore plus marqué quand on commence à explorer les différents royaumes. Au niveau des textures, des effets (on ne s’est toujours pas remis de la poudreuse dans les montagnes), de la modélisation des persos et des créatures, de cette rage exprimée par Kratos quand il éventre ses adversaires, de ce grain de peau plus vrai que nature, de cette gestion de l’éclairage au poil, de toute cette hémoglobine qui gicle à chaque corps transpercé, de toutes les animations faciales, c’est open bar. La console s’est juste mise à toussoter sur la fin, quand le rythme s’est accéléré et que le dénouement était proche.
Mais le véritable coup de génie de Cory Barlog reste d’avoir fait de GOD OF WAR un plan-séquence de A à Z.
En revanche, rien à signaler sur PS4 Pro où le jeu demeure fluide dans n’importe quelles circonstances (30fps), et où la 4K HDR sublime ce tableau déjà renversant. Maintenant que l’on peut contrôler la caméra comme bon nous semble, les développeurs ont dû faire attention à ne rien laisser au hasard, d’où ce niveau de détail assez ébouriffant. Mais le véritable coup de génie de Cory Barlog reste d’avoir fait de GOD OF WAR un plan-séquence de A à Z, si l’on ne tient pas compte bien sûr de l’indispensable fast travel. Refoulé par Crystal Dynamics pour TOMB RAIDER, le concept permet pourtant d’obtenir un haut degré d’immersion ; et couplé à une caméra désormais plus proche de Kratos, c’est encore plus fou. A ce propos, on pensait naïvement que les environnements perdraient en immensité avec un objectif repositionné, mais là encore, Santa Monica Studio s’est démerdé pour que l’on retrouve cette sensation de grandeur si grisante. Enfin, impossible de conclure sans saluer la B.O. du jeu qui est juste sublime, avec une mention spéciale au thème principal. D’ailleurs, c’est justement à elle que certains boss fights doivent leur caractère épique.