Test Elden Ring : alors non, ce n'est pas lui le GOTY 2022
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On ne partage pas l’opinion de la plupart de nos confrères : Elden Ring est un excellent titre, mais il lui manque encore quelque chose pour avoir l’étoffe d’un GOTY 2022. Malgré cela, transposer treize ans d’héritage dans un open world gigantesque était un sacré défi, et FromSoftware s’en est brillamment tiré avec comme guide The Legend of Zelda : Breath of the Wild. D’une exigence cruelle, le jeu se montre pourtant plus accessible que ses prédécesseurs, notamment parce que la progression du personnage se fait sous le prisme de la découverte. Une méthode qui fait d’Elden Ring la meilleure porte d’entrée pour les néophytes qui n’ont jamais osé pénétrer dans les salles de torture du studio. En dépit de ses nombreuses qualités, on ne peut pas ignorer que le titre fait preuve d’une certaine fainéantise en termes de réalisation. Non les amis, la direction artistique ne fait pas tout, surtout quand les textures poppent deux mètres devant nous. Et quoi qu’on en dise, recycler les boss optionnels – quand ce ne sont pas les animations – ce n’est pas plus glorieux que les quêtes Fedex aperçues ailleurs. Enfin, on s’attendait à ce que la patte de George R. R. Martin soit plus palpable, et pas juste du namedropping marketing. Parce que bon, on a quand même l’impression que c’est plutôt Hidetaka Miyazaki qui a tenu la plume.
- Une sensation de liberté rare
- Une direction artistique qui défonce
- La verticalité du level design
- À la fois accessible et exigeant
- Une invitation à la découverte constante
- Encore une B.O. d’une qualité incroyable
- Des boss qui forcent le respect
- La richesse de la map
- Une durée de vie qui flirte avec l’infini
- Le gameplay d’une profondeur insoupçonnée
- Ça recycle les boss et les assets des anciens jeux From Software sans vergogne...
- ...pour une nouvelle licence, ça fait désordre
- Techniquement, ce n’est pas fou...
- ...c'est même parfois très daté
- Interface utilisateur austère au possible
- L’infiltration qui n’apporte pas grand-chose
- George R. R. Martin : du namedropping marketing
- Quelques soucis de caméra
The Legend of Zelda : Breath of the Wild a clairement inspiré l’open world d’Elden Ring. Ainsi, à chaque fois que l’on met la main sur un fragment de carte, seule une partie de la map est dévoilée. Pour le reste, c’est au joueur d’explorer les lieux afin de découvrir des catacombes ici, des ruines là, ou encore l’entrée d’une grotte malicieusement cachée derrière des feuillages. En dehors de quelques traînées lumineuses qui bornent la trame principale, et de points d’intérêt qui s’affichent dès qu’on les découvre, l’univers du jeu est vierge de toute indication. Comme si l’on gribouillait des notes dans un carnet, on devra donc positionner soi-même des marqueurs pour se rappeler de l’endroit d’un boss, d’un trésor, ou bien d’un PNJ déclenchant une quête annexe. En scrutant attentivement le relief de la map, il y a même moyen de deviner les zones susceptibles d’abriter quelque chose. Parfois on vise juste, d’autres fois non, et c’est justement ce qui rend Elden Ring aussi grisant en matière d’exploration. Pour les développeurs, chaque nouvelle région est l’occasion de renouveler le gameplay et de titiller la curiosité du joueur par le biais d’un level design qui incite constamment à aller voir ce qui se dissimule un peu plus loin. Résultat : le jeu agit comme une drogue dure dont il est difficile de se passer. On a beau essayer de limiter les sessions pour ne pas ruiner sa vie sociale et familiale, on finit toujours par déborder car on n’a pas terminé de fouiller tel ou tel secteur. Rares sont les open worlds à procurer ce sentiment, et Elden Ring en fait indéniablement partie.
On ne partage pas l’opinion de la plupart de nos confrères : Elden Ring est un excellent titre, mais il lui manque encore quelque chose pour avoir l’étoffe d’un GOTY 2022.
Vous l’aurez compris, celui qui concentre les meilleures idées de FromSoftware depuis l’avènement de Demon’s Souls en 2009 est d’une richesse inouïe. Après, on ne va pas se mentir : il arrive que le studio cède à la facilité en recyclant un certain nombre de boss optionnels. Pareil pour les catacombes dont l’intérêt s’essouffle assez vite lorsque l’on en a bouclé trois-quatre. Quand on sait que d’habitude, la qualité première de la maison est sa créativité, ça fait tache. Mais c’était sans doute le prix à payer pour que le jeu soit plus accessible que ses prédécesseurs tout en conservant ce haut degré d’exigence cher à Miyazaki-san. En effet, contrairement à ses autres œuvres qui demandent de farmer sans relâche pour monter en niveau, Elden Ring a la malice de masquer cette contrainte derrière une foultitude d’objectifs secondaires indolores. Plus concrètement, si l’on bute contre un boss a priori infranchissable, rien ne nous empêche d’aller gratter quelques Runes – l’équivalent des Âmes dans Demon’s Souls – en explorant l’Entre-terre et de retenter notre chance par la suite. Cette méthode présente trois avantages : 1) Se mesurer à des boss aux patterns plus lisibles, 2) Récupérer des items puissants, 3) Croiser des PNJ prêts à nous donner un sérieux coup de main. Voilà pourquoi ceux qui étaient réfractaires aux Soulsborne font aujourd’hui la danse du ventre. Pour autant, cette recette plus digeste ne s’affranchit pas totalement des règles ancestrales de FromSoftware.
LE PLAISIR DANS LA SOUFFRANCE
À partir d’un certain stade de l’aventure, il est quand même nécessaire de prendre le temps d’enquiller les Runes, car s’il peut se montrer magnanime, Elden Ring demeure néanmoins un jeu impitoyable. Le combat face à Godrick le Greffé représente cette fameuse étape où les développeurs éprouvent notre envie d’aller jusque bout : même correctement équipé, on peut se faire terrasser en un claquement de doigts. Dans ces moments-là, Hidetaka Miyazaki revient à ce qu’il maîtrise le mieux, à savoir l’apprentissage par l’échec. Aucune mort n’est vaine : on emporte toujours avec soi un réflexe, une information, un détail qui nous permettra de mieux appréhender l’affrontement la fois d’après. Si l’on a retenu Godrick le Greffé, c’est aussi parce que de mémoire – et il se peut que la nôtre soit défaillante – jamais FromSoftware n’avait proposé de boss de cette trempe aussi tôt dans le scénario principal. C’est vrai que Margit le Déchu nous a fait galérer, mais ce n’est rien comparé au seigneur du Château de Voilorage qui nous a broyés et rebroyés. On soupçonne FromSoftware d’avoir volontairement rehaussé le niveau pour – justement – inciter les joueurs à explorer l’open world afin qu’ils se rendent compte de ce qu’il pouvait leur apporter. Quoi qu’il en soit, les demi-dieux d’Elden Ring affichent une variété dans leurs patterns assez sidérante, voire décourageante quand on ne parvient pas à lire les animations. Alors que l’on pense bénéficier d’une fenêtre suffisante, ces divinités claquent de manière soudaine un combo qui arrache les trois quarts de la jauge de HP. Elles se permettent même d’attaquer à contretemps et de nous agresser dès que l’on prend un peu de distance pour déboucher une fiole. En résumé, la pression est constante.
Malgré tout, la clé du succès reste la même : observer, étudier, analyser, patienter, encore et toujours. Il faut simplement accepter de se faire marcher dessus tant que l’on n’a pas décelé les failles. Heureusement, un Site de Grâce – l’équivalent des feux de camp dans Dark Souls – est souvent placé à proximité pour éviter un trop long trajet jusqu’au repaire du boss, et réduire ainsi le risque de débuter le combat diminué. En plus de faire office de fast travel – dont on peut abuser à l’infini – et de checkpoints, les Sites de Grâce sont aussi l’occasion d’améliorer les stats de notre personnage en fonction de la classe de départ (Vagabond, Bandit, Héros, Guerrier, Prisonnier, Confesseur, Prophète, Astrologue, Samouraï, Indigent) et de notre style de jeu. Alors que FromSoftware avait choisi d’imposer un héros dans Sekiro : Shadows Die Twice (Loup), cette fois-ci, les développeurs ont redonné la main au joueur qui dispose donc de tout un éventail d’options de personnalisation. Nous n’allons pas détailler les avantages et les inconvénients de chacune des classes, mais si Elden Ring est votre première expérience du genre, nous vous conseillons d’opter pour le Chevalier dont les caractéristiques sont assez équilibrées. Quant aux puristes, une fois qu’ils auront terminé le jeu, ils lorgneront sans doute l’Indigent – qui commence l’aventure avec un slip et une masse – pour un second run. C’est aussi à un Site de Grâce qu’il faut se rendre pour booster les fioles (les graines dorées servent à augmenter le nombre de doses, tandis que les larmes de vie sont précieuses pour accroître la quantité de PV et de PC restaurée), mémoriser des sorts, organiser l’inventaire, accélérer le cycle jour-nuit, ou encore équiper les Runes majeures. Indéniablement, il s’agit d’un des éléments centraux d’Elden Ring.
D’une exigence cruelle, le jeu se montre pourtant plus accessible que ses prédécesseurs, notamment parce que la progression du personnage se fait sous le prisme de la découverte.
Si le profil de notre protagoniste est à prendre en considération, l’efficacité de l’équipement n’est pas à négliger non plus, sachant que le poids a toujours un impact direct sur la mobilité du personnage. Par exemple, très tôt dans l’aventure, il est possible de récupérer le couteau à aiguiser qui est indispensable pour profiter des Cendres de guerre. Derrière cette mécanique se cache en réalité un subtil mélange entre l’Imprégnation de Dark Souls 3 et les Arts de combat de Sekiro. On se voit donc offrir l’opportunité d’ajouter une capacité spéciale à notre arme ou à notre bouclier, sans oublier les effets passifs capables de faire très mal à l’adversaire. Et ce n’est pas tout, puisque les Cendres de guerre ont aussi une incidence sur les bonus d’attribut – et par voie de conséquence sur les dégâts que l’on inflige – sans parler des affinités que l’on peut associer. Mises bout à bout, ces finesses permettent d’élaborer un nombre incalculable de builds, et surtout, n’enferment pas le joueur dans une seule et unique classe. Selon les obstacles rencontrés durant notre périple, on pourra très bien changer d’arme afin d’exploiter une faiblesse en particulier. Cerise sur le gâteau : les Cendres de guerre peuvent être dupliquées par le forgeron du Baston de la Table Ronde. FromSoftware régale, clairement, mais a quand même posé quelques restrictions comme le fait que telles ou telles Cendres de guerre ne peuvent être appliquées qu’à tel ou tel type d’arme. On ne peut pas non plus y avoir recours avec certaines armes spéciales, notamment celles arrachées des mains des boss. Évidemment.
ENTRE TERRE ET MER
Et puis, on ne va pas vous le cacher : maîtriser les Cendres de guerre nécessite de multiplier les essais pour mieux mesurer les dégâts infligés. Certaines combinaisons feront mouche, tandis que d’autres déséquilibreront les stats de notre personnage. Pas sûr que les non-initiés apprécieront d’avoir à tester différentes associations jusqu’à trouver la bonne formule ; en tout cas, celle qui leur permettra de vaincre le boss leur barrant le chemin depuis une heure. Le fait de pouvoir sauter dans Elden Ring rappelle que Sekiro : Shadows Die Twice est passé par là depuis Dark Souls 3. Cet ajout sert non seulement la verticalité du jeu – puisque l’on peut grimper sur des plates-formes, toits et autres murets menant à des zones cachées – mais il s’agit aussi d’une fonctionnalité ultra importante pendant les affrontements. En termes de contre-attaque et de dégâts donné, c’est juste royal. Puisque l’on parle des nouveautés, on pense également à Torrent, le cheval spectral dont on a du mal à se passer une fois débloqué. La map d’Elden Ring étant particulièrement grande – et même si les Sites de Grâce sont disséminés un peu partout – on prend du plaisir à parcourir de grandes distances en compagnie de notre destrier. Son double-saut et les fameuses sources spirituelles pour prendre de la hauteur renforcent cette sensation de liberté voulue par FromSoftware.
Torrent, c’est aussi un partenaire sur lequel on peut compter pendant les combats, surtout lorsque l’on doit faire face à des dragons à l’envergure immense dans des espaces dégagés. C’est un peu plus délicat dans les zones accidentées où la mobilité du cheval est réduite ; on n’est jamais à l’abri d’une attaque perdue susceptible de nous faire chuter et de nous exposer à un coup critique. Mieux vaut mettre pied à terre donc, d’autant que Torrent n’est pas immortel. En effet, il dispose de sa propre jauge vitale que l’on peut restaurer avec des baies ; et en cas de drame, il faudra consommer une fiole – pour le ressusciter immédiatement – ou se rendre à un Site de Grâce. Si notre monture est d’une grande utilité, on ne peut pas en dire autant de l’infiltration dont les mécaniques sont on ne peut plus basiques. On est en 2022, et visiblement, pouvoir s’accroupir pour faire le moins de bruit possible, se cacher derrière les buissons, ou encore se glisser dans le dos d’un garde pour lui porter un coup fatal, c’est la révolution du siècle. On force un peu le trait, mais il y a quand même des incohérences qui font halluciner, sachant que ce sont les mêmes que l’on avait déjà pointées dans Sekiro. Et le fait que le studio ne soit pas réputé pour exceller dans cet exercice ne doit pas être une excuse, car il y avait forcément mieux à faire. Quand on voit ce que propose la concurrence dans ce domaine, il aurait sans doute été préférable que les développeurs fassent l’impasse, d’autant que dans l’ensemble, les niveaux ne se prêtent pas réellement à l’infiltration.
Non les amis, la direction artistique ne fait pas tout, surtout quand les textures poppent deux mètres devant nous. Et quoi qu’on en dise, recycler les boss optionnels – quand ce ne sont pas les animations – ce n’est pas plus glorieux que les quêtes Fedex aperçues ailleurs.
DA INCROYABLE, MAIS TECHNIQUEMENT DATÉ
En revanche, on n’a rien à redire quant aux donjons où les demi-dieux ont élu domicile. C’est du FromSoftware pur jus, avec notamment cette science du level design parfaitement illustrée par les nombreux raccourcis, les couloirs qui se chevauchent, les pièces étroites où affronter deux-trois ennemis est un calvaire, ou bien cette complexité des lieux qui finit par nous manger le cerveau. Bref, du grand art. On aurait aimé que ce soit également le cas d’un point de vue visuel, mais il faut être honnête : sur le plan graphique, Elden Ring affiche de sérieuses carences. Quand on a passé des heures en compagnie d’Aloy (Horizon : Forbidden West), ça pique les yeux. Heureusement, la direction artistique est là pour sauver les meubles : certains environnements d’Elden Ring sont d’un charme fou. Quelques effets aident aussi à embellir sensiblement le tableau – le vent qui plie la flore, la pluie, l’éclairage dans les endroits obscurs par exemple. Sans surprise, les boss ont de la gueule, ce qui permet de faire oublier les assets usés jusqu’à la corde. L’arrivée sur le marché de l’open world était l’occasion parfaite de remanier bon nombre d’animations, FromSoftware a décidé de se reposer sur ses acquis. Soit. Puisque c’est devenu une habitude, on a le choix entre deux modes selon que l’on privilégie la résolution (qualité) ou le framerate (performance). Pour conclure, si l’on n’a pas encore évoqué le rôle de George R. R. Martin – le créateur de Game of Thrones – dans l’écriture du scénario, c’est tout simplement parce que son implication ne saute pas aux yeux. Certes, on sait que c’est lui qui a posé les bases du script, mais on sait également que Hidetaka Miyazaki s’est approprié son univers pour le coller aux codes du studio. C’est dommage, car même si l’on ne doute pas de la richesse du lore d’Elden Ring, l’approche cryptique fait que toute l’intrigue passe au second plan.