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Retrouvez plus bas la suite de notre test de Beyond : Two Souls
- Une expérience vraiment à part
- Graphiquement très réussi
- L’impact des acteurs sur le jeu. Admirable.
- Une mise en scène digne du Septième Art
- Un scénario très fort en émotion
- La replay-value pour les 23 fins différentes !
- La bonne idée de l’application tactile
- Va diviser…
- La maniabilité de Jodie parfois un peu lourde
- Les PNJ moins soignés que le reste
- Un manque criant de challenge
- Certaines phases qui auraient pu être creusées
Quantic Dream et Sony ont donc choisi, avec Beyond, d’aller plus loin dans le trip cinématoludographique qui était déjà celui d’Heavy Rain et même de Fahrenheit avant lui. N’attendez toutefois pas un polar bien ficelé pour cette fois. Le studio français a choisi de se tourner vers quelque chose de différent pour le scénario de ce nouveau titre. Alors qu’Heavy Rain proposait de suivre le déroulement de l’enquête autour du Tueur aux Origamis, Beyond : Two Souls offre d’abord aux joueurs une expérience de vie : celle, exceptionnelle, de Jodie Holmes, une jeune femme liée depuis sa naissance à une entité invisible et mystérieuse nommée Aiden. Et l’expression "expérience de vie" n’est pas galvaudée puisque le jeu nous fait incarner Jodie dans une trentaine de passages du début de son existence, de son enfance à l’âge adulte en passant évidemment par son adolescence. Bien entendu et comme le titre du soft l’indique sans détour, c’est son lien étroit et inexpliqué avec Ayden qui est au cœur de l’aventure dans la mesure où il va modeler le cours de sa vie, déclenchant un enchaînement d’événements particulièrement forts en émotion, et décider de son destin. Tout du moins, en partie, car c’est là que vous allez entrer en scène...
Enter the void
Chacun des épisodes du jeu vous raconte un morceau de la vie de Jodie, à un moment particulier, un tournant, un instant décisif pour une raison ou pour une autre (et il vous faudra bien souvent du temps pour comprendre pourquoi). Chacun d’entre eux est en réalité une pièce d’un grand puzzle qui vous amènera à comprendre la nature du lien qui existe entre Jodie et Aiden mais aussi la trajectoire de la jeune femme, passée d’une petite fille réservée à l’imagination débordante à l’ennemi public numéro 1. La narration du soft est d’ailleurs à n’en pas douter une de ses forces premières : Beyond nous livre les chapitres de la vie de Jodie sans en respecter le déroulement chronologique ; on passe d’une scène à l’autre, sans lien entre elles, si ce n’est qu’on peut savoir à peu de choses près à quel moment de la vie de Jodie elles se déroulent grâce à une sorte de frise. Ce qui ne veut pas dire que les scénaristes du jeu les ont foutues dans n’importe quel ordre. Le déroulement du jeu est minutieusement calculé pour vous donner l’envie de comprendre le pourquoi du comment, de jouer le point B entre le point A et le point C. Comme pour Heavy Rain, on veut à tout prix éclairer les zones d’ombre qui entourent les situations assez extrêmes dans lesquelles se retrouve Jodie, et ce le plus vite possible. L’autre avantage de ce système est de changer régulièrement d’ambiance, de renouveler constamment le background. Nuit et jour, ville, désert, laboratoire, quartier résidentiel, on passe du coqq à l’âne et on aime ça. Et on a du mal à lâcher la manette et on continue à jouer.
Comme pour Heavy Rain, on veut à tout prix éclairer les zones d’ombre qui entourent les situations assez extrêmes dans lesquelles se retrouve Jodie, et ce le plus vite possible."
Vous l’aurez compris, le but de Beyond : Two Souls est avant tout de raconter cette histoire hors du commun. Avec ce jeu, David Cage se rapproche encore un peu plus du cinéma qu’il admire tant et ne s’en cache même plus. Les noms d’Ellen Page ou de Willem Dafoe au générique, entre autres (on tient à souligner la performance de Kadeem Hardison également, exceptionnel dans son rôle de Cole Freeman), ne sont en effet pas que du bling-bling, de la poudre aux yeux, puisque grâce à la technologie de capture faciale développée par Quantic Dream, ils ont été modélisés avec une très grande fidélité, tout en finesse, afin d’apporter leur qualité d’acteurs. Beyond est probablement ce qui se fait de mieux en la matière sur PS3, ainsi qu’en synchronisation labiale, et la mise en scène n’hésite pas à multiplier les gros plans, en particulier dans les scènes les plus intimistes, avec un jeu d’acteurs qui peut vraiment vous prendre aux tripes. Le tout reste d’ailleurs très propre visuellement, dans la mesure où la plupart des décors sont de taille réduite. On regrette toutefois une certaine inégalité de traitement entre les protagonistes et certains personnages secondaires (des démarches de robot, des animations plus ou moins détaillées, etc.). Au-delà de ça, c’est toute la mise en scène de Beyond qui lorgne du côté du cinéma, avec un nombre incalculable de cut-scenes, des angles de caméra qui sentent bon le pop-corn et des moments d’une intensité émotionnelle rare, comme le chapitre dans lequel Jodie est recueillie par un groupe de SDF. Probablement le meilleur passage du jeu, dommage qu’il ait été diffusé sur la Toile…
au-delà du jeu vidéo
Jodie est le principal personnage jouable, dans une vue classique à la troisième personne, et ce peu importe l’âge auquel on l’incarne. Chaque scène de jeu se déroule dans un environnement assez restreint, avec lequel vous pouvez choisir d’interagir ou non, aux endroits prédéterminés pour le faire. Oui, même si on peut déplacer notre héroïne assez librement dans les niveaux, le gameplay de Beyond reste très dirigiste, ce qui pourra, comme pour Heavy Rain, en troubler certains. Le prix à payer pour une histoire particulière ? Nous verrons cela plus loin. Pour faire simple, vous disposez d’un ensemble d’actions qui constituent le fil rouge du chapitre, que vous pouvez terminer en allant à l’essentiel. Mais vous pouvez choisir, si vous le souhaitez, d’interagir avec d’autres objets ou personnages autour de vous, ce qui vous offrira peut-être davantage d’informations sur la situation, ou même un angle d’attaque différent. Un point blanc apparaît là où il y a une interaction : porte à ouvrir, objet à saisir, action à déclencher. Une simple orientation du joystick droit suffit pour faire agir Jodie. Non, contrairement à ce qu’avait clamé David Cage, les QTE n’ont pas disparu, le jeu en est même blindé. Disons qu’ils sont légèrement camouflés désormais. Le système de combat au corps-à-corps en est un exemple flagrant : chaque fois que Jodie donne un coup ou se protège, un bullet time s’enclenche et vous devez alors suivre la direction de son mouvement avec le joystick droit. Pas d’indication à l’écran, mais le concept reste le même.
Non, le cœur de Beyond : Two Souls est ailleurs que dans son gameplay, il faut le dire. Il est dans ses choix, dans l’impact que vous allez avoir sur l’histoire de Jodie en prenant telle ou telle décision à un moment donné. C’est là que le soft révèle tout son potentiel narratif."
Mais il y a un second personnage jouable, et il s’agit d’Aiden, la fameuse entité invisible et mystérieuse liée à Jodie et qui ne la quitte pas d’une semelle. Il est possible de le contrôler d’une simple pression sur le bouton Triangle, à n’importe quel moment dans le jeu. Ou presque, puisque là encore, Beyond se veut extrêmement scripté, et certaines scènes vous empêchent de prendre les commandes d’Ayden alors que d’autres vous y obligent… On passe alors en vue à la première personne, dans une sorte de mode ghost (pour les fans de FPS), flottant dans les airs et traversant les murs, tout en restant à une distance limitée de Jodie, le lien qui les unit n’étant pas extensible (ce qui est bien pratique pour des raisons de level design). Le rôle d’Aiden se résume globalement à filer un coup de main à Jodie quand celle-ci est face à un obstacle : déplacer des objets trop lourds, effrayer des ados arrogants en déplaçant tout ce qui se trouve à portée de main, supprimer un adversaire ou même en prendre le contrôle. Là encore, il faudra accepter de voir sa liberté de joueur être particulièrement rognée, puisque toutes ces possibilités ne sont disponibles qu’à certains moments. Vous ne pourrez pas tuer tous les personnages présents dans un chapitre pour la déconne et ce pour une raison simple : le jeu n’a pas de Game Over. Quantic Dream a pris le pari de rebondir sur tout ce qui vous arrive, y compris si c’est ce que Jodie essaie absolument d’éviter, du style une arrestation par les forces de l’ordre. Pas d’écran de fin de partie, la scène continue et vous devrez chercher une autre porte de sortie. On comprend alors que pour rester sur les rails, on ne soit pas autorisés à faire tout et n’importe quoi, même si c’est parfois assez frustrant.
Expériences de vie
Il faut bien comprendre que le but de Beyond n’est pas de proposer un gameplay ultra-technique, nécessitant du skill ou de l’expérience. L’accessibilité a été le maître-mot, David Cage l’a dit, son but est d’offrir du jeu vidéo à tout un chacun, et surtout à ceux que cela effraie en temps normal. Il faut d’ailleurs souligner l’excellente idée de la création d’une application gratuite sur plates-formes Android et iOS qui permet d’utiliser sa tablette ou son smartphone comme manette de jeu, avec des contrôles tactiles simplifiés. Ca fonctionne parfaitement et ça permet à ceux qui n’ont qu’une seule manette de jouer à deux, ou simplement aux personnes peu habituées aux manettes de consoles de tenter quand même l’aventure (idéal pour faire participer sa mamie ou sa copine). On peut considérer cette volonté d’accessibilité comme une bride, qui a empêché les équipes de développement d’insérer un quelconque challenge, la seule difficulté étant de comprendre quoi faire ensuite ! De la même façon, certaines features auraient bien mérité un léger approfondissement, comme les séquences d’infiltration : assez agréables à jouer, mais trop linéaires et répétitives.
...une fois le jeu terminé, pour pouvoir mesurer jusqu’à quel degré le scénario peut être modifié, en recommençant leurs parties à différents moments simplement pour jouer sur les variables."
Non, le cœur de Beyond : Two Souls est ailleurs que dans son gameplay, il faut le dire. Il est dans ses choix, dans l’impact que vous allez avoir sur l’histoire de Jodie en prenant telle ou telle décision à un moment donné. C’est là que le soft révèle tout son potentiel narratif. Au-delà de ses 23 fins, ce qui est déjà colossal en soi, Beyond multiplie les embranchements scénaristiques, les actions à répercussion tardive. Vous ne réaliserez pas toujours (pas souvent même) l’importance d’un choix, ce qu’il changera plus tard dans le cours du jeu et dans les nouvelles décisions à prendre. Mais pour beaucoup, elles changeront la donne, vous offriront ou supprimeront des possibilités de jeu, des options, des scènes, des points de vue et pourront même avoir une répercussion sur la vie et la mort de tous, oui tous les personnages du jeu. Difficile d’aller plus loin sans spoiler, mais il est évident qu’en tant que joueur, vos choix et vos actions représentent une sorte de méta-gameplay. Le vrai jeu est là. Et ceux qui l’auront saisi devraient laisser leur galette dans leur console une fois le jeu terminé, pour pouvoir mesurer jusqu’à quel degré le scénario peut être modifié, en recommençant leurs parties à différents moments simplement pour jouer sur les variables. Dénicher des détails qui étaient restés dans l’ombre, tenter de trouver le bonheur par tous les moyens ou faire endurer à Jodie une vie de martyre : autant de possibilités qui s’offrent à vous, comme une sorte de gigantesque livre dont vous êtes le héros.