Test Bayonetta 3 : on a fini le jeu et la sorcière n'a rien perdu de son charme
17 20
- Rythmé du début à la fin
- Le temps n’a pas d’emprise sur la classe de Bayonetta
- Le système de combat d’une profondeur inouïe
- Les intermèdes avec Jeanne
- La direction artistique ébouriffante
- Une B.O. démentielle
- Des séquences vraiment chouettes visuellement
- La richesse du bestiaire
- Du contenu à revendre
- Des scènes d’action qui marquent les esprits
- Ça tourne bien en 60fps…
- … sauf à quelques endroits
- Ça aliase pas mal
- Ça poppe beaucoup aussi
- Quelques soucis de caméra
- Le scénario qui ne sert à rien
- On aurait aimé un panel de coups plus étoffé pour Viola...
- ...qui manque de charisme par rapport à Bayonetta
Le story trailer diffusé par Nintendo il y a une douzaine de jours fut l’occasion d’en apprendre davantage sur l’histoire de Bayonetta 3, même si PlatinumGames a volontairement brouillé les cartes pour ne pas tout révéler de l’intrigue. Maintenant qu’elle a définitivement réglé ses comptes avec les anges et les démons, la sorcière de l’Umbra est confrontée aux Homonculus, des entités biologiques créées par les êtres humains. Emmenés par un certain Singularity, ils prennent un malin plaisir à réduire à néant les univers les uns après les autres, l’Alphavers étant visiblement le seul endroit où l’ordre des dimensions peut être rétablie. On s’arrêtera là pour vous laisser le plaisir de la découverte, mais à l’image des deux premiers épisodes, Bayonetta 3 ne brille pas par la qualité de son écriture. Heureusement que les répliques de l’héroïne demeurent fracassantes, ce qui tranche avec les banalités énoncées par certains personnages secondaires, Enzo et Rodin en tête. Par contre, Jeanne tient la baraque, tout comme la petite nouvelle, Viola. Apprentie sorcière, sa naïveté ne laisse pas indifférente Bayonetta qui se cache derrière ses habituelles taquineries pour maintenir un semblant de détachement. Se partageant l’essentiel des missions, leur relation fait office de fil conducteur jusqu’à un final que l’on voit arriver de loin, mais qui, selon nous, fera le job auprès des adeptes. Et puisque l’on parle de fan service, Bayonetta 3 va plus loin en intégrant avec intelligence quelques références à la pop culture que l’on accepte bien volontiers.
Si Bayonetta 2 donnait le sentiment d’avoir été développé sous acide, on se demande à quoi ont carburé les équipes de PlatinumGames tellement les occasions de reprendre son souffle sont rares. Même pendant les cut scenes Bayonetta 3 reste énervé, comme si les développeurs s’étaient fixé comme objectif ultime de ruiner le cardiofréquencemètre.
Contrairement à God of War qui est devenu un semi-open world depuis le reboot/suite sorti en 2018, Bayonetta souhaite rester fidèle à ses principes et continue donc de dérouler des niveaux linéaires. Pour éviter de perdre le joueur dans la monotonie, des défis planqués ici et là viennent titiller notre curiosité et nous incitent à nous écarter de la roue principale. Malgré tout, on sent bien que ce n’est pas un exercice dans lequel PlatinuGames excelle, d’autant que les phases de plates-formes sont assez bancales. La faute à une caméra que l’on a toujours du mal à positionner, et à des contrôles qui manquent cruellement de précision, notamment dans les petits espaces. Du coup, on finit par se focaliser uniquement sur ce qui a construit la légende du studio d’Hideki Kamiya et d’Atsushi Inaba : l’action débridée. Si Bayonetta 2 donnait le sentiment d’avoir été développé sous acide, on se demande à quoi ont carburé les équipes de PlatinumGames tellement les occasions de reprendre son souffle sont rares. Même pendant les cut scenes Bayonetta 3 reste énervé, comme si les développeurs s’étaient fixé comme objectif ultime de ruiner le cardiofréquencemètre. On se retrouve pris dans un vortex d’une puissance folle, et si l’on oublie tout ce qui nous entoure, on peut très bien boucler le jeu en une journée. Les puristes se retrouveront en terrain connu, les mécaniques de base ayant été conservées. À l’aide de combinaisons de touches donc, on claque toutes sortes de combos, avec bien évidemment les flingues pour les rallonger et tenter d’obtenir la meilleure médaille possible au terme de chaque verset.
LA SORCIÈRE DE LA RUE MOUFFETARD
Le Witch Time (où Envoûtement) est lui aussi présent. Pour mémoire, après une esquive exécutée dans le tempo, les mouvements des ennemis sont ralentis, ce qui permet à Bayonetta de leur infliger un maximum de dégâts. Les attaques sadiques sont de retour également, au même titre que l’Apothéose et ses châtiments infernaux. Comme attendu, PlatinumGames a opéré quelques changements, à commencer par le fait qu’il n’y a plus moyen d’équiper des armes aux pieds ou aux mains. À la place, l’héroïne peut désormais compter sur les mascarades démoniaques – dont certains aspects reprennent des idées connues telles que le système de Bestialité, entre autres – symbolisées par deux slots contenant chacun une arme différente. Au-delà de pouvoir passer de l’une à l’autre à n’importe quel moment du combat (L), ce qui est particulièrement intéressant, c’est qu’elles possèdent leurs propres caractéristiques et offrent ainsi la possibilité de choisir son style de jeu en fonction de la situation. Face à des adversaires ayant tendance à attaquer depuis les airs, il sera préférable d’opter pour une arme dotée d’une grande allonge. En revanche, contre des unités terrestres, on pourra favoriser la puissance sans nécessairement penser à la portée. C’est d’une profondeur monstrueuse, et encore plus si l’on ajoute la danse de soumission, l’autre grosse nouveauté introduite dans Bayonetta 3.
Concrètement, en maintenant ZL, la protagoniste peut invoquer des golgoths et les contrôler directement afin qu’ils combattent à ses côtés. C’est d’une fluidité remarquable, puisque dès que l’on relâche la touche, le monstre retourne dans sa tanière. Quand on maîtrise le truc après l’avoir travaillé dans la salle d’entraînement, on assiste à de véritables ballets qui illuminent l’écran, chaque démon affichant des particularités qui le distinguent des autres. Il est évident que PlatinumGames a étudié la chose afin d’offrir un maximum d’options, qu’elles soient offensives ou défensives. Attention toutefois, car la danse de soumission est encadrée par deux contraintes. La première, c’est qu’elle consomme de l’énergie magique dont la barre se régénère progressivement. La seconde – et sans doute la plus importante – concerne Bayonetta, puisque lorsqu’elle contrôle la créature, elle s’expose en même temps aux coups adverses. Pour être honnête, en difficulté normale, on ne s’est jamais posé la question, grisés par cette symbiose entre la sorcière d’Umbra et son compagnon démoniaque. Par contre, à un niveau supérieur, avec des ennemis qui font nettement plus mal, mieux vaut prendre le temps de réfléchir deux secondes avant d’avoir recours à la danse de soumission. On pourrait résumer Bayonetta 3 à une bête superposition de scènes d’action – le genre d’écueil contre lequel se sont fracassés bon nombre de beat’em up – mais ce n’est évidemment pas le cas. Il y a une vraie expertise du combat épileptique derrière, couplée à une science du rythme à montrer dans toutes les écoles. Et même quand le délire semble se calmer, on se retrouve à affronter un Homonculus géant. Tout simplement dingue.
On pourrait résumer Bayonetta 3 à une bête superposition de scènes d’action – le genre d’écueil contre lequel se sont fracassés bon nombre de beat’em up – mais ce n’est évidemment pas le cas. Il y a une vraie expertise du combat épileptique derrière, couplée à une science du rythme à montrer dans toutes les écoles.
Il y a tellement à dire sur le gameplay que l’on fait forcément l’impasse sur certains éléments que vous découvrirez par vous-mêmes. Néanmoins, impossible de ne pas s’attarder quelques instants sur Viola qui est clairement moins expérimentée que Bayonetta. D’ailleurs, on le ressent dans sa prise en main puisqu’elle ne peut invoquer qu’un seul démon (Chouchou) sur lequel on n’a pas le contrôle au cours des combats. L’avantage, c’est que pendant que son ami félin nettoie la zone, on a la possibilité de continuer à se battre à mains nues et éviter ainsi d’être pris en traître. L’autre point à souligner avec Viola, c’est que l’Envoûtement s’active non pas en esquivant les attaques, mais en les contrant (R). Une approche qui non seulement remet en cause des années de pratique, mais impacte surtout le flow et fait de la gamine un personnage moins gracieux que la sorcière. Elle est plus directe, plus brutale, plus agressive, et ne s’appuie en plus que sur deux armes : son katana et ses fléchettes. En dépit de skills déblocables au fil des orbes récupérées, Viola affiche une command list largement moins étoffée – pour ne pas dire plus basique – que celle de Bayonetta. C’était sans doute le prix à payer pour rester cohérent avec son statut de rookie. À noter qu’à l’instar de son modèle, elle est capable d’entrer dans un état de rage et de bénéficier ainsi d’un surplus de puissance et de vitesse bien utile dans les moments chauds. On remarque aussi que le Witch Time est plus tolérant avec Viola, la fenêtre d’exécution étant plus large qu’avec Bayonetta. On peut même spammer R pour ne pas s’embêter.
LES DÉMONS DE MINUIT
Jeanne n’est pas en reste puisqu’elle a droit à des intermèdes (quatre au total) aux allures de jeu de plates-formes 2D. Chargée d’infiltrer un centre de recherche, elle évolue la plupart du temps en se dissimulant derrière une porte, un meuble, ou dans un conduit d’aération. L’intérêt d’agir dans l’ombre est double : ne pas alerter toute la cavalerie, et éliminer les gardes d’un coup d’un seul. Si un ennemi passe à proximité de notre planque, on peut le neutraliser en toute discrétion. Après, il ne faut pas non plus s’attendre à du Metal Gear Solid dans le sens où l’I.A. est assez primaire. En effet, si un Homonculus nous repère, il se contentera de nous attaquer et ne cherchera absolument pas à nous poursuivre à travers le niveau. Ça donne même lieu à des situations absurdes, comme le fait de disparaître dans un conduit d’aération sous ses yeux, et de le supprimer juste derrière depuis notre planque. En fait, c’est surtout au chrono qu’il faut faire attention, chaque mission devant être terminée dans le temps imparti. Bien évidemment, des sabliers sont éparpillés un peu partout afin de gratter de précieuses secondes, et il faut aussi avoir à l’esprit que Jeanne dispose de six cœurs en guise de barre vitale. Pas aussi nerveux que les promenades dans les différents univers, ces intermèdes offrent cependant leur lot d’action, et quelques armes secondaires sont accessibles pour la jouer plus bourrin si c’est l’unique solution. Dernier détail d’importance : l’acolyte de Jeanne ne peut à aucun moment faire venir un démon de l’enfer.
On a beau être subjugués par le talent de PlatinumGames, toujours est-il que Bayonetta 3 demeure perfectible, notamment en ce qui concerne la lisibilité des affrontements. C’est comme si les développeurs s’étaient laissé emporter par leur fougue : même en essayant de trouver le meilleur angle possible, certains combats sont beaucoup trop brouillons pour savoir qui fait quoi. Dans ces moments-là, on assure en dégainant des attaques qui balaient une bonne partie de l’écran. Et puis, Nintendo Switch oblige, les développeurs ont dû tenir compte des limitations techniques de la console afin de ne pas trahir la grandiloquence de la mise en scène. C’est vrai, il y aurait à redire sur les textures, les effets visuels, l’aliasing, le popping, les quelques décors insipides ou la qualité visuelle en docké, mais l’essentiel était de garantir le sacro-saint 60fps. Mission accomplie ? En partie. Si c’est d’une stabilité remarquable pendant les combats, on observe quand même quelques chutes de framerate quand les événements s’emballent. La preuve que PlatinumGames ne s’est pas totalement assis sur ses ambitions artistiques (certaines cinématiques ont vraiment de la gueule, sans oublier les boss fights qui forcent le respect) et que Bayonetta demeure l’un des rares beat’em up à avoir ce sens du grand spectacle. D’ailleurs, on ne serait pas ressortis autant enthousiastes des 14 chapitres sans cette B.O. qui nous accompagne du début à la fin avec une justesse tout bonnement incroyable. Chapeau messieurs.