Yoshinori Ono (Capcom) : "Je sais certaines choses sur Tekken X Street Fighter"


Ce n'est pas tous les jours que l'on a l'occasion de croiser la route de Yoshinori Ono, l'un des hommes forts de Capcom. Nous avons donc profité de sa venue au Paris Games Week 2015, qui s'est tenu il y a peu à Paris Expo - Porte de Versailles, pour nous entretenir avec lui - et Matt Dahlgren, Senior Product Marketing Manager chez Capcom - et lui poser un certain nombre de questions sur Street Fighter 5, compte tenu qu'il en est le producteur. De bonne humeur et particulièrement bavard, Ono-san ne s'est pas fait prier pour glisser également un petit mot sur Tekken X Street Fighter, tout en esquivant gentiment le dossier The King of Fighters XIV.

Yoshinori Ono (Capcom) : "Je sais certaines choses sur Tekken X Street Fighter"

1/ JEUXACTU : Quand nous nous étions croisés durant la promotion de Street Fighter IV, vous disiez que vous aviez dû convaincre les dirigeants de Capcom pour lancer le développement du jeu. Quelle a été leur réaction quand vous leur avez annoncé votre souhait de développer Street Fighter 5 ?

 

Yoshinori Ono : L'engouement pour développer Street Fighter V a été immédiat. En fait, avec Street Fighter IV, nous nous sommes aperçus que nous étions arrivés au même point que pour les épisodes précédents ; c'est-à-dire que la communauté était essentiellement composée de puristes, et que le public n'était plus aussi large que lorsque le jeu fut commercialisé en 2008. Ceux qui n'avaient pas l'habitude de pratiquer Street Fighter IV de manière intensive ont fini par laisser tomber, parce qu'ils n'arrivaient plus à être aussi assidus que les hardcore gamers. Dans ce constat, nous avons vu l'opportunité de tirer un trait et de repartir de zéro avec un nouvel épisode ; un jeu où les puristes et les fans plus occasionnels partiront sur un pied d'égalité, en termes de gameplay. C'est pour toutes ces raisons que nous avons décidé de développer Street Fighter 5.

 

 

2/ Nous comprenons votre démarche. Mais, aujourd’hui, pensez-vous réellement que les jeux de combat ont encore leur place dans l’industrie du jeu vidéo, surtout avec les impératifs financiers actuels ?

 

Yoshinori Ono : Je reste convaincu que les jeux de combat ont toujours leur place, et pas uniquement dans l'industrie vidéoludique en général, mais également dans l'univers de l'eSport. Je n'ai pas peur de reconnaître qu'il y a quelques années, la série Street Fighter était morte ; ou, du moins, peu active. Les jeux de baston existaient toujours, mais le genre n'était pas aussi présent qu'il ne l'est aujourd'hui. La sortie de Street Fighter IV a permis de relancer la machine, et de provoquer ce retour de flamme. Il faut que vous sachiez que c'est dans notre intention de continuer sur cette lancée dans les années à venir, en faisant en sorte que la communauté demeure active et en encourageant l'organisation de tournois professionnels. Aujourd'hui, les joueurs peuvent gagner de l'argent avec les jeux de combat. C'est un phénomène qui s'est amplifié avec le temps, et je pense qu'il ne faut plus parler d'un genre ou d'une série en particulier. C'est quelque chose qui a un réel impact sur l'industrie du jeu vidéo.

 

 

3/ Pour Street Fighter 5, vous avez fait le choix de ne sortir le jeu que sur PS4 en ce qui concerne le marché des consoles. Quels éléments vous ont poussé à prendre cette décision ?

 

Yoshinori Ono : Ce que nous avons pu constater avec Street Fighter IV, c'est qu'il y avait une sorte de ségrégation entre les versions Xbox, PlayStation et PC. Cela avait un effet négatif sur la communauté, et divisait même les joueurs. En effet, durant différentes compétitions, à plusieurs reprises nous avons eu l'occasion d'en entendre certains demander : 'Sur quel support se déroule le tournoi ?'. Ils tenaient absolument à ce que ce soit sur telle ou telle machine. Il s'agissait d'un problème que nous souhaitions résoudre, et durant nos discussions avec Sony, nos interlocuteurs nous ont soumis l'idée de proposer du cross-play avec la version PC. De cette manière, il n'y aurait plus qu'une seule et même communauté pour Street Fighter 5, et donc un seul endroit où les fans pourraient se retrouver. Sony nous a donc permis de régler ce souci, mais nous a également apporter un soutien technique depuis le début du développement du jeu.

 

 

4/ Bien sûr, lorsque l’on parle de Street Fighter 5, on pense immédiatement aux nouveaux personnages que vous avez intégrés dans le jeu. Pouvez-vous nous expliquer comment se déroule le processus de sélection ?

 

Yoshinori Ono : Naturellement, on s'appuie sur les retours que les fans expriment au fil des années, et nous pouvons ainsi dégager des tendances ; c'est-à-dire savoir quels personnages seraient susceptibles d'être populaires dans telle ou telle zone géographique. Par exemple, au sujet de Laura, on disposait déjà d'un combattant brésilien avec Blanka. Mais énormément de joueurs vivant au Brésil ont fait savoir qu'ils aimeraient pouvoir profiter d'un nouveau représentant de leur pays dans Street Fighter 5, bien qu'ils adoraient Blanka. Nous nous sommes donc réunis et avons commencé à réfléchir à ce nouveau personnage. Comme vous avec certainement pu le constater, Laura est une adepte du jiu-jitsu brésilien, possède ses propres attaques ainsi qu'une personnalité qui lui est propre. L'avis des joueurs est réellement pris en compte.

 

Rashid est un autre exemple que je peux vous citer. Quand on jette un oeil sur les dernières années, il est évident que le Moyen-Orient est devenu un marché important pour le jeu vidéo en général - et les jeux de combat en particulier - avec les ventes de consoles et de jeux qui se sont envolées. Il était donc nécessaire d'intégrer un personnage auquel les joueurs du Moyen-Orient pouvaient s'identifier. Nous avons étroitement collaboré avec notre distributeur local, afin de savoir quelles caractéristiques nous devions prendre en considération pour la personnalité et le style de combat de Rashid. C'est de cette manière que nous avons procédé pour créer les nouveaux personnages.


 

5/ Lorsque vous vous êtes rendu au Brazil Game Show cette année, vous en avez profité pour annoncer le personnage brésilien Laura ; et quand vous vous êtes déplacé à Dubaï, vous avez présenté Rashid qui est un combattant originaire du Moyen-Orient. Aujourd’hui, nous sommes au Paris Games Week et vous n’avez pas dévoilé de personnage français. Devons-nous donc en conclure qu’il n’y en aura pas dans Street Fighter 5 ?

 

Yoshinori Ono : Je peux comprendre que vous soyez surpris qu'aucun personnage français n'ait été annoncé, alors que l'on se trouve au Paris Games Week (rires). Vous savez, nous avons eu plusieurs discussions au sujet des 16 personnages qui allaient composer le roster de base de Street Fighter 5, et la présence d'un personnage français a fait partie des questions qui ont été soulevées. On savait que nous en avions déjà un avec Abel, et quand nous nous y sommes intéressés d'un peu plus près, nous avons remarqué que même en France les joueurs ne le prenaient pas souvent. Aujourd'hui, notre réflexion porte uniquement sur des combattants populaires, et nous avons estimé que les fans ne nous en voudraient pas si Abel n'était pas inclus dans le roster. Cela dit, si les joueurs se mettent à militer massivement pour un retour d'Abel, on ne sait jamais.

 

Matt Dahlgren : Au sujet du roster de Street Fighter 5, je rappelle que six autres personnages seront ajoutés durant l'année suivant la sortie du jeu. Contrairement à ce qui a pu être dit, ces combattants ne figureront pas sur le disque de Street Fighter 5 pour la simple et bonne raison qu'ils ne sont pas encore terminés. Nous avons beaucoup appris des épisodes précédents, aussi bien en termes de gameplay que sur la manière de proposer du contenu supplémentaire. Nous avons mis en place un nouveau système capable de résoudre certains problèmes auxquels nous avons dû faire face avec Street Fighter IV. En effet, pour obtenir des nouveaux personnages par exemple, vous deviez passer par des upgrades - Super Street Fighter IV, Ultra Street Fighter IV ; et même si cela permettait à la communauté de rester active, il y avait certains inconvénients. Le principal désavantage, c'est que vous deviez parfois attendre un an ou deux avant de pouvoir accéder à du contenu frais ; le délai d'attente était donc très long. Du coup, la communauté se réduisait progressivement car les joueurs finissaient par passer à autre chose.

 

Avec Street Fighter 5, notre stratégie est différente et nous comptons sortir en moyenne un personnage tous les deux mois. Nous n'avons pas encore défini la vitesse à laquelle les joueurs pourront accumuler de la Fight Money (la devise virtuelle de Street Fighter 5 pour débloquer du contenu, ndlr), mais nous savons déjà comment ils devront s'y prendre pour en récupérer. Par exemple, il sera possible d'accomplir des objectifs quotidiens à chaque fois que vous lancerez le jeu. Il s'agira de défis à la portée de tous tels que remporter cinq matchs classés, ou alors exécuter une trentaine de hadoken. La raison pour laquelle nous avons opté pour ce système, c'est qu'elle permet de récompenser les joueurs qui reviennent régulièrement sur Street Fighter 5. Si vous multipliez les petites sessions quotidiennes, vous serez en mesure de gagner de la Fight Money et d'accéder, ainsi, à du nouveau contenu. Par ailleurs, notre philosophie avec ce nouvel épisode, c'est d'inciter les joueurs à pratiquer plusieurs personnages. C'est pourquoi vous avez la possibilité d'augmenter le niveau de chacun d'eux, sans que cela n'ait un impact sur les propriétés de leurs attaques. En fait, cela représentera un moyen de voir jusqu'à quel degré de maîtrise vous êtes allé avec tel ou tel personnage. Là encore, en franchissant les niveaux, vous obtiendrez de la Fight Money. Au final, avec le levelling des combattants et les objectifs quotidiens, nous tenons à récompenser les joueurs fidèles qui exploitent, en quelque sorte, l'intégralité du casting de Street Fighter 5.

 

 

6/ Certains combattants historiques, tels que Blanka ou encore Sagat, ne seront pas présents dans le roster de lancement de Street Fighter 5. Comment l’expliquez-vous et peut-on s’attendre à les voir arriver sous la forme d’un DLC, par exemple ?

 

Yoshinori Ono : Bien sûr qu'il est envisageable qu'ils fassent leur retour après la sortie du jeu. Le fait qu'ils ne soient pas dans le casting de départ ne signifie pas, nécessairement, qu'ils ne reviendront jamais. Par exemple, lors de la conférence de Sony, vous avez bien vu que Dhalsim serait présent dans Street Fighter 5. C'est l'un des huit personnages historiques de la série, mais il a un look et des attaques totalement nouveaux. Ce que je veux vous dire, c'est que si un combattant tel que Blanka devait réapparaître, ce serait pour offrir une nouvelle expérience et non pas pour être le même Blanka.

 

 

7/ Nous savons que vous et Katsuhiro Harada (producteur de la série Tekken) adorez vous chambrer. Mais il y a un sujet sur lequel nous ne vous entendons jamais : Tekken X Street Fighter. Le jeu a pourtant été annoncé en même temps que Street Fighter X Tekken qui, lui, est déjà sorti. Tekken X Street Fighter va-t-il vraiment sortir un jour ?

 

Yoshinori Ono : C'est une question qui revient souvent, et je tiens à dire que Harada-san est un excellent ami (rires). Effectivement, cela fait maintenant quelques années que Street Fighter X Tekken est sorti ; tout le monde se demande, à présent, ce qu'il est advenu de Tekken X Street Fighter. Je ne veux pas parler à la place de Harada-san, mais sachez que je suis au courant de certaines choses et de la manière dont évolue cette situation. Malheureusement, je ne peux vraiment rien vous dire là-dessus (rires). Vous devez vous adresser à Harada-san pour tout commentaire officiel sur le sujet.



 

8/ Il y a encore quelques années, les jeux de baston 2D étaient très populaires, mais ce n’est plus le cas aujourd’hui. Même des séries telles que The King of Fighters semblent avoir basculé définitivement du côté de la 3D. Estimez-vous que cette tendance va perdurer ?

 

Yoshinori Ono : Chez Capcom, nous sommes restés fidèles aux jeux de combat 2D en termes de gameplay. C'est vrai que sur le plan graphique, les personnages sont modélisés en 3D et ne ressemblent plus à des sprites comme c'était le cas auparavant ; ils ont une présence visuelle plus consistante. Mais en ce qui concerne le système de jeu, nous n'avons jamais dévié de nos principes.

 

 

9/ Nous aimerions connaître votre opinion sur l’annonce de The King of Fighters XIV, dont les premières images et le trailer nous ont profondément déçus. Nous avons grandi avec la Neo Geo, et ça nous fait mal au cœur de voir ce que SNK Playmore est en train de faire de la série. Selon, comment est-il possible d’obtenir un tel résultat après tout ce qu’a pu représenter The King of Fighters par le passé ?


A cette question, je me contenterai juste de répondre que l'épisode que je préfère est The King of Fighters 98 (rires). C'est un jeu de baston fabuleux.


Propos recueillis par Laurely Birba

Street Fighter 5 


Réagir à cet article Réagir à cet article


Autres articles

Street Fighter V : des filtres pixel et cel-shading dans la mise à jour définitive, un gros trailer percutant Au lendemain de la mise en ligne de notre test de KOF XV, qui s'octroie d'ailleurs son premier DLC avec la team Garou Mark of the Wolves, Capcom revient à la charge avec Street Fighter V et nous annonce l'arrivé d'une MAJ. 18/03/2022, 09:52
Street Fighter : un logo pour les 35 ans et des surprises à venir Née en août 1987 sur borne d'arcade, la franchise Street Fighter va fêter ses 35 ans en 2022, et du côté de Capcom, on commencer à teaser l'arrivée de petites surprises. 10/01/2022, 13:34