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Uncharted 2 : Among Thieves est une aventure haletante, hautement interactive à laquelle il ne manque plus que ce souffle épique pour s'élever à des hauteurs stratosphériques. Vierge de toute faute de goût, généreux dans son souci du détail, brillant dans sa réalisation, prenant dans sa narration et spectaculaire dans sa mise en scène, le titre de Naughty Dog ne souffre au final que d'un dirigisme joliment dissimulé, et de quelques carences dans ses gunfights et son I.A. pour que la partition soit maitrisée de bout en bout. Un léger manque de rigueur déjà remarqué chez son mésestimé aîné cette fois compensé par un sens du rythme génial, de vrais morceaux de grand spectacle et une durée de vie qui fait plaisir en ces temps où la tendance est plutôt à la régression. En d’autres termes, Uncharted 2 nous fait vivre un excellent et authentique moment de jeu vidéo. Un moment d’exception ? Nous n’irons pas jusque-là, mais il n’en est pas loin.
- Réalisation qui crève l'écran
- Incroyablement fluide
- Un sens du rythme époustouflant
- Prenant de bout en bout
- Empile naturellement des scènes d'anthologie
- Grande variété dans les décors et les situations
- Doublage réussi
- I.A. perfectible
- Headshots à l'efficacité aléatoire
- Linéaire et dirigiste
- Persos qui manquent de charisme
- Scénario un peu convenu
Rares sont ceux à avoir cru en Nathan Drake depuis ses débuts – pourtant maîtrisés – il y a déjà deux ans dans Uncharted : Drake’s Fortune. Mais parce qu’il y a un semblant de justice sur Terre, un petit bouche à oreille favorable lui aura permis de glaner ses premiers galons dans l’industrie vidéoludique, au point qu’il est aujourd’hui attendu comme le blockbuster exclusif de cette fin d’année. Alors, statut usurpé ou véritable objet de jalousie des adorateurs de Nintendo et Microsoft ? L’heure du verdict a sonné.
En passe de se faire un nom au panthéon du jeu vidéo, Nathan Drake est un chasseur de trésors dont la devise pourrait être "un esprit sain dans un corps sain". Non content d’être l'un des athlètes les plus confirmés que notre industrie ait engendré, ce trentenaire à la tignasse ébouriffée et à la barbe mal rasée fait preuve d’un goût assuré en matière d’antiquités. Après avoir tenté de retrouver le trésor de son aïeul, l’éminent corsaire Francis Drake, il s’attaque aujourd’hui à la flotte disparue de Marco Polo. Baladé de Turquie au Népal, en passant par Bornéo, avant d’échouer blessé au Tibet, Drake verra du pays dans Uncharted 2 : Among Thieves, ce qui sera l’occasion pour lui d’étaler toute sa science et sa bonne humeur sur treize à quatorze heures (en Difficile) d’un plaisir ininterrompu. A condition de ne pas chercher de scénario faussement torturé. Des relents dramatiques se font bien sentir, mais toujours dans l’esprit hollywoodien avec lequel est forgée la saga de Naughty Dog. Ici on pense grand spectacle avant tout, réflexion philosophique après. Voire ailleurs.
Free Tibet
Les amateurs du premier volet le savent déjà, la première étape d’émerveillement avec la série Uncharted passe par un festin oculaire incroyable, qui nous rappelle à chaque instant qu’il est si bon d’investir un bon millier d’euros dans une machine capable de produire de la haute-définition et dans l’écran susceptible de l’afficher. Voir évoluer les différents protagonistes dans les nombreuses cut-scenes faites à partir du moteur du jeu est simplement bluffant. D’autant que le doublage est une fois de plus à la hauteur de l’évènement grâce à des comédiens dans le ton, qui vivent autant que nous chaque rebondissement, sans jamais en rajouter dans leur performance. Sans prétendre postuler au Jamel Comedy Club, tous font preuve d’un humour qui les humanise, faisant au final du casting de Uncharted 2 une belle brochette de losers plutôt attachants. On regrettera simplement leur manque de charisme à tous, frappés du sceau guys next door passe-partout qu’ils sont. Petit détail assez révélateur, la coutume veut que pour avoir un grand héros, il faut un grand méchant en face. Ce n’est malheureusement pas le cas ici.
Des relents dramatiques se font bien sentir, mais toujours dans l’esprit hollywoodien avec lequel est forgée la saga de Naughty Dog. Ici on pense grand spectacle avant tout, réflexion philosophique après. Voire ailleurs."
Toujours est-il qu’aussi bien modélisés et expressifs qu’ils soient, les différents protagonistes ne sont pas les seuls garants de la beauté du soft. C’est bien simple, jamais dans l’histoire du jeu vidéo il nous a été donné de voir une telle variété d’environnements, réalisés avec autant de soin. Les égouts dégoûtent par leur côté insalubre et nauséabond, les temples tibétains impressionnent par leur majesté, les traditionnelles jungles et ruines nous plongent en plein trip guérilla urbaine ou aventurier d’une époque révolue, permettant à Uncharted 2 : Among Thieves de nous en faire voir de toutes les couleurs. Les couleurs d’ailleurs, parlons-en puisqu’elles explosent littéralement au visage sans jamais dénaturer la nature des décors dans lesquels on évolue, et sans jamais porter atteinte à la foultitude de détails qui les composent. Signe d’une réalisation exécutée avec maestria, la large gamme de tons utilisés permet simplement de mettre en valeur chaque élément plutôt que de le fondre dans une soupe monochromatique indigeste et sans âme. Pour s’en convaincre, il suffit de prendre un peu de hauteur et admirer le travail effectué en contrebas afin de comprendre que Uncharted 2 est une prouesse technique sans précédent. Dans certaines situations, la distance d’affichage flirte sans complexe avec la ligne d’horizon sans que jamais l'on ait à perdre une fluidité à toute épreuve et cette richesse visuelle, ce souci du détail auquel Naughty Dog semble solidement attaché.
L'aventurier perdu
Malheureusement, serions-nous tentés de dire, les occasions de rester béat d’admiration devant un tel spectacle ne nous sont pas données si souvent que cela. Il faut dire que le rythme effréné sur lequel sont menés les débats ne laisse guère de place à la contemplation, et que le joueur sera plus enclin à réaliser correctement ses cabrioles ou à sauver la peau de ses fesses qu’à s’extasier devant un amoncellement de blocs de béton plus vrais que nature. Certainement conscient de cet état de fait, les développeurs se sont alors évertués à compenser en nous livrant une véritable succession de scènes dantesques, dont les mots servant à les qualifier oscilleront entre époustouflant, impressionnant, et peut-être même culte. Suffisamment de vidéos ont été mises en circulation par Sony Computer Entertainment pour que l’envie de vous spoiler ne nous effleure. Le plaisir de la découverte vaut mieux que toutes les descriptions possibles, c’est pourquoi, nous garderons le silence sur ces nombreux passages – qui s’apparentent parfois à des boss – faisant le lien entre l’exploration et les gunfights hérités de Uncharted : Drake's Fortune. Sachez simplement que la gestion et l’exploitation des espaces confèrent par moment ce soupçon épique qui manquait tant à un premier volet trop occupé à exécuter correctement les bases du gameplay qui caractérisent désormais la série Uncharted.
Il faut dire que le rythme effréné sur lequel sont menés les débats ne laisse guère de place à la contemplation, et que le joueur sera plus enclin à réaliser correctement ses cabrioles ou à sauver la peau de ses fesses qu’à s’extasier devant un amoncellement de blocs de béton plus vrais que nature."
Située quelque part entre recherche, plates-formes, puzzles et fusillades dopées au cover system, la formule érigée par Naughty Dog gagne avec Uncharted 2 : Among Thieves un rythme bien plus équilibré qui ne doit pas tant à une meilleure répartition de ces différentes séquences, mais plutôt à un épaississement général du gameplay. Il va de soi qu’il ne faudra pas rechercher une révolution ludique à escalader un mur ou à sauter d’une corniche à une autre. Nathan Drake l’a toujours bien fait et l’âge n’a pas eu raison de son agilité. On notera même pour les joueurs les moins avertis le retour du système d’indices contextuels à activer ou non et un subtil jeu sur les couleurs afin de nous indiquer la route – unique – à suivre lors de ces phases aussi linéaires que grisantes. Mais là où Uncharted : Drake's Fortune contraignait le joueur à se dissimuler derrière une caisse pour mieux répliquer aux rafales ennemies, sa suite autorise davantage de manières d’aborder un même affrontement. Prenants place dans des environnements plus ouverts que par le passé, les séquences purement shooter autorisent désormais des approches bien moins explosives, la possibilité de s’essayer à l’infiltration étant maintenant une option à considérer sérieusement. L’attribution la plupart du temps d’un partenaire assez efficace, l’âpreté des gunfights, la résistance des ennemis (en Difficile), leur agressivité fusil ou grenade dégoupillée au poing et cette désagréable tendance à rendre le headshot inefficace donne un sens nouveau à l’art de la dissimulation. Disparaître dans le vide agrippé à une simple corniche à attendre qu’un soldat s’approche pour lui offrir un saut de l’ange, en suivre un autre patiemment pour lui jaillir à la gorge en toute discrétion ou terminer le dernier résistant dans un combat au corps à corps permettent de varier les plaisir. Le système d’esquive, à déclencher généralement lorsque l’animation se fond dans un slow motion, étoffe quant à lui la palette de coups mis à disposition du héros, palette qui varie d’ailleurs en fonction du positionnement de Drake par rapport à son opposant et au décor.
Tomb of War
Bien plus abouti que son prédécesseur, Uncharted 2 ne touche pas encore cette perfection que certains attendent peut-être. L’I.A. défaillante de nos opposants (il arrive que certains placés à deux mètres nous fixent droit dans les yeux sans sourciller), leur incapacité à opter pour une stratégie autre que faire parler la poudre (se faire prendre à revers est relativement rare), l’absence de localisation des dégâts et la résistance à l’épreuve des balles de leur crâne noircissent un peu le tableau. Le côté hollywoodien probablement. De la même manière, habilement maquillé derrière une mise en scène et des décors de toute beauté se cache, il faut le reconnaître, un titre assez linéaire qui n’offre qu’un seul chemin possible durant les phases d’exploration. Plutôt aisées, ces dernières semblent avoir été calibrées pour éviter toute frustration avec seulement deux cas de figure possibles : périr misérablement ou s’accrocher solidement même aux parois les plus enneigées et rocailleuses qui soient. Dans ce sens, la prise en main de Nathan ne requiert pas une dextérité de folie, le tout étant assez assisté, ce qui peut s’avérer regrettable pour les joueurs en quête de challenge. La disposition des nombreux checkpoints ne fait que renforcer ce sentiment. Heureusement la durée de vie revue à la hausse par rapport à Uncharted, la traditionnelle chasse aux trésors, et l’introduction de modes de jeu en multijoueur prolongent efficacement l’expérience. Deathmatch, Team Deathmatch, Capture the Flag, tous les classiques y passent, une reprise du mode Horde de Gears of War 2 est même au menu ici. Quelques missions à réaliser en coop’, des options pour personnaliser ses parties ou des bonus à débloquer à la pelle (vêtements, vidéos making-of, notamment) ajoutent la touche finale à une production majeure de notre industrie, qui a été excellemment finie jusqu’aux entournures. C’est suffisamment rare et aussi bien fait pour ne pas être signalé.