Test South of Midnight : archi beau, mais cruellement générique dans son gameplay


Mais si l'enrobage est plus que réussie, la proposition de gameplay l'est nettement moins, puisque South of Midnight se morfond dans un classicisme assez sidérant. On n'est jamais les derniers pour retrouver des sensations nostalgiques, même vieille de 15 ans, mais avec sa boucle de gameplay limitée et répétitive, la structure de ses niveaux beaucoup trop linéaire et convenue, des boss décevants et un bestaire d'une pauvreté affligeante (il y a 6 ennemis différents pendant les 15h d'aventure), on se rend compte que Compulsion Games a privilégié la forme plutôt que le fond. Attention, c'est loin d'être catastrophique, mais il n'y a rien d'excitant non plus, et c'est d'autant plus regrettable que certaines mécaniques, bien que conventionnelles, arrivent à fonctionner par moments. South of Midnight est clairement un jeu bâti pour le Game Pass : ça passe bien quand c'est dans l'abonnement.
- C’est quand même bien beau
- Superbe direction artistique également
- Le folklore du Bayou parfaitement utilisé
- Des thèmes abordés très durs assez surprenants
- Personnages attachants
- Doublage VO et VF de haute tenue
- Sound design percutant
- La bande originale d’Olivier Derivière qui pousse le jeu vers le haut
- Boucle de gameplay limitée et répétitive
- Structure trop linéaire et générique
- Les phases de plateforme vraiment pas ouf
- Bestiaire d’une pauvreté affolante (5/6 ennemis différents qui se battent en duel)
- Les patterns des boss archi prévisibles
- La ‘méchante’ qui est cramée dès le début du jeu
- Quelques bugs problématiques (chutes de map)
S’il y a bien une chose qu’on ne peut pas enlever à Compulsion Games, c’est cette faculté à aller chercher des idées originales, ou du moins rarement traitées dans le jeu vidéo. Pour Contrat en 2013, le studio canadien nous surprenait avec son mélange de gameplay 2D/3D basé sur les ombres chinoises ; puis en 2018, We Happy Few avait attiré l’attention avec cette Angleterre plongée sous la domination allemande. Bon, on passera l’épisode Early Access en 2016 qui a fait hurler de rage les backers, mais une chose est sûre, le studio canadien sait raconter des histoires. Et c’est encore le cas dans South of Midnight, qui nous raconter les péripéties de Hazel Flood, une jeune adolescente qui vit seule avec sa mère dans la ville fictive de Prospero. On est quelque part en Louisiane, ou du moins une région qui s’en inspire, avec ses bayous, ses paysages sauvages, son jazz et ses prêtresses vaudoues. En quelques minutes de jeu, on ressent parfaitement l’ambiance de cette région si atypique du sud des Etats-Unis, d’autant que musicalement, le studio a mis le paquet pour nous immerger. Bande-son qui a d’ailleurs été chapeauté et conjointement composé par le Français Olivier Derivière, mais on y reviendra le moment opportun.
"COMME UN OURAGAN..."
On pourrait penser que l’histoire de South of Midnight nous raconte quelque chose de léger et de très amusant, mais c’est tout l’inverse en réalité qui se passe. Car sous ses faux airs de jeu à la plastique séduisante et son côté film d’animation en stop-motion, le titre de Compulsion Games aborde des thèmes assez lourds, comme la pauvreté, l’isolement, l’abandon, l’exploitation, la maltraitance infantile et bien sûr l'esclavagisme. Tout cela va cependant être enrobé de folklore fantasmagorique, de créatures mystiques, de légendes vivantes de cette région, emprunts en plus de métaphores et autres analogies afin de masquer les traumatismes vécus par les plus démunis. Donc la maison d’Hazel emportée par un torrent avec sa mère encore dedans, vous l’avez compris, c’est une manière subtile pour nous narrer la quête d’identité d’une jeune fille déboussolée, qui va remuer son passé, celui d’autres familles aussi, sans oublier le renvoi permanent à cette catastrophe de 2005, lorsque la Louisiane a été fortement touchée par l’ouragan Katrina qui a fait plus de 1800 morts.
On peut d’ailleurs reprocher à South of Midnight de vouloir aborder trop de thèmes à la fois, de suivre trop d’histoires également, d’avoir aussi une histoire cousue de fils blancs (enfin rouges pour le coup) avec une ‘méchante’ qu’on grille assez rapidement, ce qui a pour conséquence de minimiser et de diluer le récit, mais au moins, le jeu de Compulsion Games sait parfaitement l’enrober. En effet, quelques minutes suffisent pour comprendre que tout le budget est passé dans la plastique du jeu, fort séduisante il faut bien l’admettre, avec cette envie déjà de se démarquer en optant pour un rendu en stop motion. Que ce soit dans les cinématiques et in-game, ce côté film d’animation à la Aardman, vous savez les créateurs de Wallace & Groomit, fait son petit effet. Alors il est vrai qu’au départ, on est un peu décontenancé et que ce stop-motion donne l’impression que le jeu saccade, mais je peux vous rassurer, Soth of Midnight est un jeu techniquement stable et solide, et qui affiche en plus des graphismes de très haute tenue, avec un côté texturé rarement vu dans un jeu vidéo. Il suffit d’ailleurs de prêter attention aux objets posés dans les décors intérieurs pour constater que chaque élément a fait l’objet d’un soin et d’une modélisation extrêmement soignée. C’est splendide et le jeu ne manque pas de moments euphorisants, avec des jeux de lumière incroyables et beaucoup de panoramas qui font mouche. Il faut dire que les développeurs ont su jouer avec les différents moments de la journée pour nous en mettre plein la vue, jusque dans la représentation de certains personnages et autres créatures. C’est assez exemplaire.
OLD SCHOOL MUSICAL
Seulement voilà, comme chacun sait, avoir un beau jeu ne suffit pas pour en faire un bon jeu et c’est là que South of Midnight nous fait un peu déchanter. En effet, South of Midnight pêche sur de nombreux aspects, à commencer par sa structure, beaucoup trop linéaire et bien trop dirigiste pour un jeu qui sort en 2025. Globalement, les niveaux du jeu reposent sur un schéma très classique qui consiste à découvrir les lieux à travers une succession de phases de plateformes qui font appel aux compétences d’Hazel. Double-saut, wallrun, paravoile pour planer un très court instant, mais vraiment très court, grappin et même la possibilité d’invoquer une poupée pour passer dans les passages les plus étriqués, puisque notre charmante ne sait visiblement pas se baisser. On veut bien que sa peluche Croûton soit la seule capable de passer dans des trous de souris, mais quand il s’agit juste de se baisser, on aurait quand même pu éviter. Mais soit, passons…
Si les compétences et les pouvoirs d’Hazel se débloquent au fil de l’aventure, très vite, on se rend compte que chaque niveau sont construits systématiquement de la même manière, d’autant que les combats ont lieu invariablement dans des zones fermées, sur les côtés du chemin qu’on suit presque aveuglément et qui sont en plus délimitées par des séquelles, ces barrières végétales qui font office de murs invisibles. D’ailleurs, pour que les ennemis apparaissent, il faut obligatoirement entrer dans ces zones, sinon jamais vous ne croiserez de menace sur votre parcours, si ce n’est des champignons explosifs qu’on repère sans le moindre problème, puisqu’ils se mettent à s’agiter et à briller également. De toutes les manières, South of Midnight ne vous posera rarement de problème, le jeu étant très accessible et les séquences de plateformes ont été également très simplifiées, d’autant que si vous vous loupez, le jeu vous respawn juste avant votre chute. Il n'y a donc rien de pénalisant, juste une perte de temps. Pire, le jeu intègre un système GPS qui indique le chemin à suivre si jamais vous vous sentez perdu dans ce tracé pourtant très linéaire. A croire que le studio a peur que le grand public ne s’y retrouve pas. Même les séquences de course-poursuite avec ce nuage noir qui nous avale nepose jamais de problème, car non seulement il n’est jamais angoissant, mais en plus, les checkpoints sont tellement en faveur du joueur qu’on avance sans la moindre crainte.
SI C'EST DANS LE GAME PASS, ALORS ÇA PASSE !
Et c’est aussi ça l’un des problèmes de South of Midnight, c’est ce manque de confiance attribué au joueur, comme s’il fallait absolument lui mâcher le travail au profit d’un storytelling qui paraît plus important que le reste. Très sincèrement, hormis quelques combats retors, et je ne parle pas des boss, puisque leurs patterns sont assez simplistes et archi lisibles, mais plutôt des ennemis basiques qui affichent une agressivité qui tranche radicalement avec la facilité qui émane du reste du jeu. Rien d’insurmontable attention, mais il y a une sorte de déséquilibre assez incompréhensible. D’ailleurs, à ce propos, quitte à faire des ennemis plus coriaces que la moyenne, il aurait aussi fallu travailler sur leur diversité, parce que sans déconner, il y a 5 ou 6 ennemis différents à tout casser sur la quinzaine d’heures de jeu nécessaires pour finir l’aventure. Et c’est dommage parce qu’il se dégage tout de même quelque chose de plutôt sympathique dans les combats, avec quelques combos à imaginer via les différents pouvoirs que Hazel accumule au fil des chapitres. Repousser un ennemi, l’attirer vers soi, l’engluer, lui sauter dessus, le tout accompagné de combos bien sentis qui permettent d’enchaîner les kills parfois avec style. Sauf que ce schéma va lui aussi se répéter inlassablement sur l’ensemble de l’aventure, et qui va donc finir par nuire à l’expérience. Rien de bien catastrophique attention, mais c’est assez convenu pour ne pas dire d’une grande banalité. Fort heureusement, South of Midnight s’en sort un peu mieux dans ses phases d’exploration Pour être un peu piquant, on pourrait même dire qu’on a affaire à un jeu d’action-aventure avec une structure des années 2005.
Malgré ce classicisme débordant, l’ensemble fonctionne correctement, soyons honnêtes, sauf que South of Midnight n’arrive jamais à sortir de sa routine monotone. À tout donner dans les graphismes et la direction artistique de leur jeu, les développeurs de Compulsion Games en ont oublié l’essentiel, à savoir le gameplay, la variété, et même la diversité, ce qui est quand même un comble. Du coup, on se rattache à l’histoire qu’on suit facilement, d’autant que le jeu propose de très belles cinématiques et des dialogues plutôt bien écrits. Le doublage, qu’il soit en VO comme en VF, participe aussi à la qualité du récit, appuyé en plus par cette très belle bande originale composée par Olivier Derivière. Si le Français est habitué aux grosses productions dans le jeu vidéo, son travail dans South of Midnight se démarque des autres jeux sur lesquels il a travaillé, notamment parce qu’il s’inspire et rend hommage aux divers styles musicaux du Sud profond des Etats-Unis. Jazz, Blues, Folk et même Gospel, l’identité musicale de la région est représentée dans le jeu avec justesse, d’autant que certains passages sont carrément des musiques chantées, les paroles faisant écho à la situation ou à l’histoire des créatures qu’on affronte. C’est très réussi et c’est peut-être aussi ça qui sauve South of Midnight de sa grande banalité…


