Test Assassin's Creed Shadows : Ubisoft a-t-il réussi à conjurer son mauvais sort ?


Parmi les signes positifs qui démontrent qu'Ubisoft a pris conscience qu'il était temps de faire évoluer sa formule, il y a aussi cette envie de ne plus donner la main aux joueurs, d'arrêter de faire le GPS Waze en permanence. Avec ce système d'informations floues à trouver soi-même, mais avec l'aide néanmoins d'éclaireurs, Ubisoft fait enfin confiance aux joueurs qui vont devoir se débrouiller tout seul. C'est assez plaisant, même si on se rend compte qu'il s'agit d'une solution de substitution, arrivée sans doute en plein développement et pas pensée dès la gestation du projet. Il manque donc encore ce côté narration environnementale imposée déjà par d'autres grands open worlds, Zelda Breath of the Wild, Red Dead Redemption 2, Elden Ring et récemment Kingdom Come Deliverance 2 pour ne pas les citer. Il faudrait aussi qu'Ubisoft règle une bonne fois pour toutes les expressions faciales figées de ses personnages, de se lancer dans la création de PNJ plus crédibles, avec de vraies boucles d'animation et surtout, d'améliorer leur quest design et de ne plus trop gonfler la durée de vie artificiellement. Le temps passe, la concurrence ne cesse de faire mieux, il est temps d'être up-to-date. Cela dit, félicitons Ubisoft Québec pour le travail effectué sur l'IA, plutôt bien équilibrée, pas trop teubé, pas trop frustrante non plus, car vu le résultat dans les précédentes productions maison (Assassin's Creed Mirage, Star Wars Outlaws, Avatar), c'était pas gagné.
Une fois tous ces écueils réglés, Ubisoft pourra enfin bomber le torse comme avant, parce que visuellement, Assassin's Creed Shadows est d'une beauté absolue. En intégrant ce système de saisons et sa météo dynamique, rarement on aura pris une claque graphique pareille, depuis sans doute Red Dead Redemption 2. Entre la richesse visuelle, les textures ultra détaillées, l’éclairage au global, le vent qui souffle et fait bouger les arbres et les plantes au sol, les bourrasques qui font soulever la poussière, la neige et même les feuilles mortes, le spectacle est tout simplement saisissant. Techniquement aussi, c'est archi solide et sur PS5 Pro, jamais le jeu n'a vacillé une seule fois, les 6 mois de dév supplémentaires ont permis de peaufiner le jeu comme jamais, et c'est bien la première fois qu'on a joué à un jeu Ubi aussi bien fini, très peu de bugs en 150 heures de jeu, ça mérite d'être souligné.
- Visuellement, c’est une giga claque !
- Les Saisons qui renouvellent constamment l’immersion
- Rarement vu une météo aussi dingue dans un jeu vidéo
- Un open world qui appelle à l’exploration
- Deux personnages vraiment différents à jouer
- Le retour de la grande infiltration avec Naoe
- Yasuke, super jouissif à manier
- Un système de combat archi solide et évolutif
- Des ennemis bien costauds et qui évoluent avec l’XP du joueur
- Enfin une IA bien équilibrée !
- L’histoire de Naoe est réussie
- Contenu dense, ultra généreux
- Bande-son hypnotisante
- Doublage VF de belle facture
- Doublage japonais immersif (avec le portugais) autoritaire
- Les costumes à débloquer sont tous magnifiques
- Enfin un jeu Ubi bien fini (très peu de bugs pendant le test)
- Quest design à moderniser (c’est fini les années 2010)
- Il va falloir penser à la narration environnementale aussi
- Certaines animations encore rigides
- Des PNJ avec des comportements mécaniques
- Expressions faciales toujours pas up-to-date
- Ça manque d’ambiance sonore dans les villages
- Histoire de Yasuke pas assez assumée (hormis le twist de fin)
Première chose qu’on doit aborder avec cet Assassin’s Creed Shadows, c’est sa plastique, son rendu visuel. On a souvent reproché aux derniers épisodes de ne pas être à la hauteur des standards du genre, surtout depuis l’arrivée des consoles PS5 et Xbox Series, et que la série ne faisait que s’appuyer sur sa direction artistique pour masquer ses errances techniques, notamment certaines animations encore bien rigides et des modélisations de PNJ pas vraiment up to date. Tout n’est pas encore parfaitement réglé avec Assassin’s Creed Shadows, mais clairement, on est passé à l’étape supérieure en termes de graphismes. On s’en doutait déjà avec les previews il y a 2 mois et les différentes séquences de gameplay partagées par Ubisoft ces derniers temps, je peux vous le confirmer aujourd’hui, Assassin’s Creed Shadows est le plus bel Assassin’s Creed jamais créé à ce jour. Alors c’est sûr que le setting dans ce Japon féodal des années 1500 aide beaucoup à en prendre plein la gueule, mais je vous laisse admirer mes séquences de gameplay que j’ai capturées sur PS5 Pro pour constater à quel point le jeu est SOMP-TU-EUX. Entre la richesse visuelle, les textures ultra détaillées, l’éclairage au global, le vent qui souffle et fait bouger les arbres et les plantes au sol, les bourrasques qui font soulever la poussière, la neige et même les feuilles mortes, le spectacle est tout simplement saisissant. Et puis je ne vous parle même pas de ces particules dans l’air qui rajoutent encore plus d’immersion visuelle, avec des centaines d’insectes qui se baladent, ou carrément qui s’envolent quand on traverse les bois, les forêts ou les champs, c’est du jamais vu et ça donne encore plus de consistance à cette faune tellement réaliste. Je ne sais plus combien de fois je me suis arrêté devant le jeu, devant ses panoramas absolument prodigieux, pour juste contempler ce que Ubisoft Québec nous a concocté, j’ai pris une claque monumentale, je vous le dis sans détour.
MÉTÉO & SAISON
Il y a d’ailleurs deux éléments en particulier qui permettent à Assassin’s Creed Shadows de nous mettre gifle sur gifle, c’est son système de météo dynamique et l’introduction des saisons qui changent au gré de l’aventure selon un cycle qui est timé dans le jeu. La météo tout d’abord, sachez qu’elle évolue elle aussi en temps réel et il y a une évolution logique et naturelle dans ce qui se passe. Par exemple, avant qu'une grosse pluie ne s’abatte, il y a déjà les gros nuages qui font leur apparition, le vent qui se lève aussi, au fur et à mesure en plus ; on peut aussi distinguer des éclairs au loin et puis boum, la pluie qui tombe. Une pluie qui peut être légère comme diluvienne et avec des gouttes qui déferlent selon la position du vent, c’est assez ouf. Si on jette un œil aux différentes bâtisses, on peut aussi y voir l’eau qui ruisselle le long des toitures en fonction du sens du vent, je crois bien que c’est du jamais vu. Et en parlant de jamais vu, je vous invite à jeter un coup d’oeil au sol après une pluie battante, c’est rempli de flaques d’eau, de boue et ce genre de détails rappellent ce que Rockstar Games avait fait avec Red Dead Redemption 2, notamment dans la ville de Valentine. Et bien sûr, votre personnage laissera des traces à chacun de ses passages, histoire de faire les choses bien. Même chose pour la neige qui va d’ailleurs obstruer la visibilité et rendre les déplacements plus compliqués lorsque les flocons vont se mettre à tomber en masse, c’est assez magique comme spectacle vraiment. Et puis si jamais vous êtes motivé, allez donc au haut des montagnes pour contempler le lever du soleil, là aussi, vous allez en prendre plein les yeux.
Et puis, il y a ce système de météo, lui aussi en temps réel, selon évidemment un timing précis du jeu et qu’on peut surveiller à travers une icône qui nous donne le déroulé du temps et à quel moment on va changer de saison. Chacune d’entre elle est coupée et introduite par une légère cinématique qui nous annonce l’arrivée soit du Printemps et de sa floraison, de l’Eté et ses longues journées ensoleillées, l’Automne et l’explosion de ses couleurs chatoyantes et enfin l’Hiver avec son froid glacial et son épais manteau de neige, qui oblige d’ailleurs les gens à s’habiller plus chaudement, d’autant qu’Ubisoft n’a pas oublié de rajouter la buée, la vapeur qui sort de la bouche de Yasuke et Naoe et de tous les PNJ aussi. Les saisons changent après la fin d'un cycle prédéfini, et la transition se déclenche par un voyage rapide ou un changement de personnage uniquement lorsque le cycle est terminé. On peut aussi forcer le changement de saison, si et seulement si la nouvelle saison est prête, vous ne pourrez pas le faire à l’envi, à tout bout de champ. L’idée est évidemment géniale et rend l’immersion encore plus folle, mais ça permet surtout de renouveler l’open world. On redécouvre chaque région en fonction des saisons, comme si c’était la première fois, c’est assez dingue. Pour Ubisoft, l’objectif de ces saisons était d’offrir au joueur de nouvelles perspectives d’approche face aux ennemis. On a vu par exemple que l’hiver, les stalactites qu’on faisait tomber pouvaient alerter les ennemis, et que les points d’eau gelées réduisaient les mouvements de Yasuke et de Naoe qui pouvaient glisser dessus. C’est beau sur le papier ce genre d’idées, mais en jeu, ça ne change absolument rien, ou du moins, Ubisoft Québec s’est raté dessus. En 155h de jeu, jamais un stalactite tombé n’a alerté un garde et jamais Naoe ou Yasuke n’a perdu l’équilibre en se déplaçant sur de la glace. Bug ou mytho ? Toujours est-il que ça ne fonctionnait pas chez moi. En revanche, ce qui était plus probant, c’est le cycle jour-nuit qui a un véritable impact sur le déroulé de certaines missions. La nuit, pour jouer les discrets, c’est bien plus simple, puisque le jeu prend en compte la gestion des ombres façon Splinter Cell. Si on reste dans l’obscurité, les ennemis ne nous repèrent pas, ou du moins, ont beaucoup plus de mal. Ça, pour le coup, c’est archi validé.
LE PLUS BEL OPEN WORLD DU MOMENT ?
Malgré ces quelques écueils, je crois bien qu’aucun autre open world ne m’avait autant impressionné depuis Red Dead Redemption 2 en 2018. Le nombre de fois où j’ai lâché : “Mais bordel, qu’est-ce que c’est beau !”, ou bien que j’ai demandé à madame de venir contempler le jeu avec moi pour être témoin d’un tel rendu visuel, vous l’avez compris, j’ai été subjugué par ce que Ubisoft Québec à réussi à faire, sachant que c’est toujours le même moteur Anvil qui a été utilisé, mais ils l’ont bien upgradé. Mais attention, parce qu’il y a un “mais”, je parle uniquement en termes de rendu visuel, parce qu’il y a des choses qui fâchent ou qui n’ont pas encore évolué. Et de ce point de vue-là, Red Dead 2 reste encore intouchable sur bien d’autres aspects, notamment sur ses PNJ, sa faune qui vit de manière autonome, ses animations et bien d’autres choses encore bien évidemment ; des éléments qu’on ne retrouve malheureusement pas dans Assassin’s Creed Shadows.
Par exemple, les développeurs ont pris la décision de rendre les animaux intouchables, dans le sens où il est impossible de les tuer. C’est pourtant quelque chose qu’on pouvait faire dans les précédents Assassin’s Creed, notamment Valhalla, mais pour une raison qui n’a pas été donnée, les animaux ne pourront ni être chassés ni être tués. Pourquoi ? Peut-être parce qu’on est au Japon et que les animaux sont sacrés là-bas ? Je ne saurai vous dire, et ce serait intéressant de poser la question à Ubisoft… Autre élément qui manque à l’open world d’Assassin’s Creed Shadows pour faire partie des plus dingos jamais réalisés, ce sont les PNJ. Ils sont extrêmement nombreux, variés, plutôt bien modélisés dans l’ensemble et semblent vaquer à leurs occupations, mais en réalité, ce n’est que de la façade. Parce que si on regarde de près, si on s’attarde sur les détails, ou si on s’amuse juste à les suivre, on constate que leur boucle d’animation est archi limitée. Certains sont même encore bien figés, et peuvent ruiner une immersion qui était pourtant bien cool jusqu’à présent. Je ne parle pas encore de l’IA, et bien sûr, on va y venir, mais je parle de ces PNJ inertes qui auraient pu être mieux travaillés. Pire, lors de certains dialogues, on constate un déséquilibre visuel entre les PNJ. Certains peuvent être archi bien travaillés, modélisés, alors que d’autres paraissent ultra simplistes dans leur rendu. Il y a en effet de gros écarts entre les cinématiques et les interactions que l’on retrouve lors des phases de jeu. Généralement, ce sont les PNJ un peu osef, type marchand ou des personnages random qui vont nous donner des infos ou qu’on va sauver à l’improviste qui vont donner ce sentiment de déséquilibre graphique.
Même chose pour les animations faciales qui manquent encore de détails, et qui donnent toujours le sentiment d’avoir en face de nous des marionnettes figées. Et là pour le coup, c’est valable aussi bien pour les PNJ osef que les personnages principaux. Je sais que c’est un truc qui est lié au moteur Anvil justement, et je pense que Ubisoft devrait s’en occuper rapidement. Cela fait plusieurs années que ça commence à jurer bien fort et que la concurrence a déjà pris non pas un train d’avance, mais au moins dix. Il est temps de réagir Ubisoft, parce que c’est dommage d’avoir d’un côté un open world aussi vivant, aussi immersif et de l’autre se taper des personnages qui ont le faciès figé d’une vedette de Hollywood qui sort d’une séance de lifting chez un pseudo chirurgien plastique. Et histoire de rajouter un grief en plus, les cinématiques mériteraient elles aussi une mise en scène plus poussée. C’est un petit peu mieux qu’avant, on sort du champ / contre-champ tout bête, mais ça reste encore bien faible par rapport à ce qui se fait aujourd’hui chez les AAA. Surtout que chez vous, on parle de quadruple A, donc il est temps d’engager les bonnes personnes pour faire évoluer ces points qui font partie d’un autre temps.
DOUBLE IMPACT
Fort heureusement, il y a un point sur lequel Assassin’s Creed Shadows s’en sort avec les honneurs, c’est son système de combat. Certains vont avoir du mal à me croire s’ils se contentent de quelques extraits trouvés sur Internet avant la sortie du jeu, mais je peux vous garantir que les combats dans le jeu sont super satisfaisants, avec en plus une courbe de progression vraiment intéressante. Et tout cela est évidemment doublé par le fait qu’on puisse incarner deux personnages radicalement différents. On le sait depuis le début, Yasuke, c’est le bourrin de service, le géant qui encaisse les coups comme personne, qui est capable de défoncer des portes avec son épaule, et qui manie des armes lourdes comme le Kanabo, cette masse géante avec des pics au bout. Imaginez prendre ça en pleine poire avec la force d’un Africain de 2m de haut, il ne reste plus grand-chose de vous après. Alors, forcément, quand on a une quantité d’ennemis à abattre et qu’il y a en plus de généraux bien costauds dans la mêlée, il est préférable de jouer avec Yasuke. Cela dit, Yasuke dispose d’autres armes pour avoir une approche différente avec lui. Il y a le Nagitana, qui est une sorte de lance bien aiguisée, et qui lui permet d’avoir une bien grande allonge, et qui est pratique pour taper plusieurs adversaires à la fois. Il y a aussi l’arc qui permet de tuer en silence et de loin, mais aussi le Teppo, ce fusil venu du Portugal et que les Japonais ont su améliorer, et qui offre là aussi une autre façon de combattre. Attention tout de même, car si la force de frappe de Yasuke est inégalable, ses mouvements sont lents et il ne peut que faire des pas de côtés pour éviter les attaques. Mais encore une fois, ce n’est qu’un problème de début d’aventure, car plus on va avancer dans le jeu, plus on va débloquer d’autres capacités et plus on va maîtriser les mécaniques d’esquive et de parades parfaites pour contrer les ennemis qui sont d’ailleurs sacrément velus. Ils ne sont pas tous super intelligents notamment dans les phases d’infiltration, mais en combat pur, ils sont coriaces et ne vous laissent aucun temps mort. et plus on avance dans le jeu et plus la difficulté monte crescendo, en parallèle de vos aptitudes qui augmentent aussi. Ça, c’est très cool.
Quant à Naoe, c’est le personnage qui va réconcilier les vétérans de la série qui n’avaient pas super apprécié le virage light-RPG apparu avec Assassin’s Creed Origins en 2017. Ubisoft a en effet trouvé le moyen pour faire revenir l’infiltration au centre du gameplay, avec un vrai level design adapté pour ces circonstances de jeu ! Il y a non seulement de la verticalité, mais aussi beaucoup de zones pour se cacher. Il y a les bosquets, les hautes herbes, des éléments de décor pour se mettre hors de vue des ennemis, mais surtout il est possible de jouer avec l’obscurité pour ne pas se faire repérer par les ennemis. Une mécanique empruntée à Splinter Cell et qui offre plein de nouvelles possibilités pour se la jouer bien stealth comme il faut. Et bien sûr, Naoe signe aussi le retour des assassinats one-shot avec la lame, que ce soit en se jetant d’un toit ou en se ruant vers l’ennemi, il y a plusieurs configurations possibles. Mieux, en faisant évoluer l’arbre de compétences, on peut même débloquer une mécanique qui permet d’abattre deux ennemis avec la lame en une seule fois. Non vraiment, les possibilités sont monstres dans Assassin’s Creed Shadows, surtout que Naoe a bénéficié d’un soin tout particulier en termes d’animations. Ses déplacements sont fluides, très stylisées, très Shinobi dans l’âme et faire du Parkour avec elle est un plaisir de tous les instants.
En combat pur, Naoe n’a pas non plus à rougir face à Yasuke puisqu’elle dispose elle aussi d’autres armes bien létales et qui permet là aussi de démontrer des animations vraiment incroyables du personnage. En plus du katana classique, elle dispose aussi du tantô, une lame plus courte et donc plus maniable et qui lui permet d'asséner des coups à 360 degrés en tournant de son adversaire. Il y a aussi le Kusarigama, qui est cette faucille à qui on a rajouté une chaîne dont l'extrémité était ornée d'un boulet métallique avec des piques pour qu’on puisse l’utiliser comme un fléau. Ça aussi, ça offre des combos assez vénères dans le jeu. Et puis, en tant que ninja aguerrie, Naoe dispose aussi de tout l’arsenal qui va avec : kunai, shuriken, clochette, fumigène. De toutes les façons, Yasuke comme Naoe peuvent embarquer deux armes avec eux, avec lesquels on peut switcher à tout moment, et franchement, ça offre des combos assez dingues à réaliser, d’autant que Ubisoft Québec n’a pas lésiné sur la violence graphique, avec du sang qui gicle partout, repeint même les murs, et la possibilité de démembrer et de décapiter des têtes dans un bruit assourdissant.
MOINS DIRIGISTE, MAIS PAS MOINS PÉNIBLE
Avec Assassin’s Creed Shadows, Ubisoft était également très attendu sur la structure de son open world, la manière dont il va inviter le joueur à l’appréhender, à le découvrir et à le dompter. Car si Ubisoft a su apporter sa pierre à l’édifice il y a plus de 20 ans avec une formule repiquée par tout le monde par la suite, les choses ont évolué depuis près de 8 ans. Le jeu vidéo a évolué, les joueurs ont grandi, mûri, vieilli et les prendre constamment par la main tel un GPS Waze pour remplir ses missions à la queue-leu-leu, c’est fini ça, on n’en veut plus. Depuis Zelda Breath of the Wild en 2017, Red Dead Redemption 2 en 2018 et Elden Ring en 2022, les joueurs aspirent à une progression moins téléguidée et malheureusement chez Ubisoft, le temps de réaction prend un temps fou pour réagir. Pour Assassin’s Creed Shadows, on note des changements, pas forcément majeurs, mais suffisamment conséquents pour constater qu’en interne, on a enfin pris conscience qu’il fallait arrêter de recracher la même formule à chaque nouvel épisode, même si c’est loin d’être parfait. L’une des premières choses qui a été abandonnée dans Assassin’s Creed Shadows, c’est l’aigle qui accompagnait notre personnage en permanence dans tous les jeux AC et qu’on pouvait activer depuis les cieux pour qu’il puisse révéler les différents points d’intérêts sur la map. Ça, c’est terminé, on laisse enfin le joueur se débrouiller tout seul, avec une map entièrement vierge de toute information. Enfin pas tout à fait, vous allez voir, il y a un petite astuce de la part d’Ubisoft pour contourner le problème, mais pas vraiment le changer.
Dorénavant, pour localiser un lieu, une personne ou un objet précis sur la carte, on va avoir des informations un peu floues. On va nous nous donner le nom de la région, la ville avec sa position selon les points cardinaux et puis enfin, le nom de la bâtisse, s’il s’agit d’une échoppe, d’un sanctuaire, d’un point ou autre. Parfois, ça peut être autre chose, ça varie selon les missions en vrai, ce n’est pas jamais figé. Dans tous les cas, c’est toujours assez flou et c’est donc au joueur de farfouiner la map en zoomant et dézoomant pour se repérer. Histoire de faciliter un peu la tâche au joueur, il est possible de faire appel à des éclaireurs qu’on peut utiliser sur la carte. En gros, avec l’un de ces éclaireurs, on peut scanner la map pour trouver le fameux point d’intérêt, sachant qu’un éclaireur a une zone de recherche limitée à un cercle restreint. Vous pensez que vous allez taper juste à chaque fois ? Soyez sûr que vous allez galérer parce qu’Ubisoft reste toujours très vague, et que le nombre d’éclaireurs est limité à trois et pour les recharger, soit il faut lâcher 200 pièces, soit il faut attendre la nouvelle saison pour repartir avec un set de 3 éclaireurs gratos. Au début, c’est rigolo car c’est nouveau comme système, mais très rapidement, ça montre ses limites et ça en devient même pénible ; surtout parce que les va-et-vient incessants entre le jeu et la map prend un temps considérable, sachant que la navigation dans les menus n’est pas non plus instantanée.
CHASSER LE NATUREL, IL REVIENT AU GALOP
Au bout de 150h de jeu, je peux vous garantir que c’est assez énervant, et surtout, on se rend compte en réalité qu’il s’agit d’une solution de substitution, un truc improvisé pendant le processus de développement, et qui n’a clairement pas été pensé dès le départ. Alors que chez la concurrence, on fait appel à la déduction environnementale depuis un moment, avec des PNJ qui donnent des indications pour qu’on se géolocalise naturellement à travers des dialogues, des cinématiques et autres ‘walk and talk’, tout cela n’existe pas encore dans Assassin’s Creed Shadows. Il y a bien certains moments où l’on va tomber sur un groupe de 2 ou 3 personnes qui parlent entre elles quand notre personnage s’approchent d’elles, mais non seulement c’est extrêmement rare, mais c’est surtout pour des anecdotes, rarement pour nous donner des indices sur la géolocalisation. En 155h de jeu, j’ai dû avoir ça une quinzaine de fois, pas plus, et à chaque fois, ces conciliabules improvisés à l’arrache étaient copiés-collés de la séquence précédente. C’est très mécanique, rarement organique.
Et puis, il suffit de voir que les tours à synchroniser sont toujours d’actualité pour comprendre que l’ancienne formule est toujours bien présente, qu’en maintenant sur le bouton L2, on va révéler toujours plus de points d’intérêt, même en marchant. Alors oui, dans un open world aussi massif que celui d’Assassin’s Creed Shadows, ça aide et ça soulage, mais peut-être qu’il faudrait mettre moins de coffres à fouiller, limiter le loot à des choses moins futiles, arrêter de copier-coller les structures d’une zone à une autre et leur donner une véritable identité pour qu’on puisse se repérer naturellement in-game. Parce que même si j’ai salué l’immersion visuelle d’Assassin’s Creed Shadows, il est vrai que je suis incapable de déceler les différences entres les village des régions d’Iga, de Yamashiro ou bien encore ceux de Harima. J’exagère un peu car leur représentation est vraiment bien fichue, mais j’ai l’impression qu’on a pris les mêmes échoppes, les mêmes bâtisses, les mêmes arbres et qu’on les a disposées de manière différente pour créer un autre village dans la région voisine. Des villages qui, je trouve, manquent cruellement d’ambiance sonore aussi. Autant visuellement il y a du monde et il y a des PNJ dans tous les sens, autant c’est le silence de mort. On n’entend jamais de brouhaha ambiant, on n’entend pas les gens parler ou rire entre eux, sauf à de rares exceptions quand on s’approche d’eux, mais encore une fois, ce n'est pas toujours le cas. Il y a parfois des musiciens qui jouent de leur instrument, mais à moins d’être en face d’eux, la musique ne se propage pas. Peut-être que l’idée d’Ubisoft Québec était de retranscrire la réalité et l’austérité des villages d’autrefois, mais clairement il y a un déficit de ce côté-là.
DILUER POUR MIEUX RALLONGER ?
En fait, ce qui manque à Assassin’s Creed Shadows, c’est un côté moins mécanique, plus organique, et ça vaut dans sa structure, le comportement de ses PNJ, la progression du joueur et surtout dans ses quest designs, c’est-à-dire la façon à mettre en scène une mission dans un monde ouvert gigantesque. Là encore, Ubisoft est resté dans ses vieilles méthodes, complètement dépassées en termes de mise en situation, so années 2010 en vrai. Tous les studios Pire, pour rallonger artificiellement la durée de vie du jeu, on préfère multiplier les déplacements du joueur dans l’open world avant de lui donner ce pour quoi il est venu. Vous pensez lancer une mission pour abattre un adversaire précis ? Il va falloir se farcir une recherche de documents ou d’informations dans tout le pays sur plusieurs missions avant de croiser le fer avec la cible en question. Je me rappelle d’une mission où je devais sauver un moine, ou quelque chose comme ça, en tout cas, quelqu’un qui était pris en otage. Une fois le mec sauvé, la cinématique se lance et la personne sauvée me donne rendez-vous ailleurs sur la map. Ok, on change d’endroit et arrivé sur ce nouveau lieu de discussion, il me redonne rendez-vous à un autre point d’intérêt. Et des moments aussi improbables que ça, il y en a moult dans l’open world d’Assassin’s Creed Shadows. Je sais que c’est une façon d’introduire d’autres personnages et de créer de nouvelles sidequests de manière tentaculaire, sauf que c’est en permanence, c’est systématique, et surtout, ça peut être entrecoupé par le choix du joueur de passer à autre chose et ça, pour moi, c’est une erreur. Quand on est dans un arc narratif, il faut garder le focus sur cette même mission, et quitte à la prolonger, il ne faut pas détourner l’attention du joueur en lui laissant le choix de partir dans une autre mission. Non seulement ça dilue l’intérêt, mais en plus, on perd en intensité et en émotion.
ASSASSIN DES TEMPLIERS
Et c’est clairement dommage parce que l’histoire d’Assassin’s Creed Shadows mérite d’être jouée. Je ne suis peut-être pas d’accord sur son fil conducteur et la temporalité de certains événements, mais j’ai été captivé par cette quête de vengeance pour Naoe et ses 11 samouraïs masqués à abattre. Et puis il y a aussi l’arc narratif de Yasuke qui va se mélanger à celui de Naoe, et qui est lui aussi une quête de vengeance et surtout de loyauté. Et c’est là où je suis un peu déçu du traitement de Yasuke qui est un super personnage à jouer. D’ailleurs, gros big up à Grégory Lerigab qui a fait un superbe travail pour la voix française, il lui a insufflé une véritable identité. Je sais combien Yasuke a fait l’objet de polémiques, même jusqu’au Japon où son statut de samouraï a été remis en question, mais après avoir fini le jeu, je sais que le vrai problème n’est pas son statut de samouraï qu’on a tenté d’imposer. Le vrai problème maintenant que j’ai fini le jeu, c’est de ne pas être allé au bout des idées, ou du moins de les avoir trop distillées dans l’histoire.
Etant donné que le parti-pris a été de faire de Yasuke un vrai samouraï, il aurait fallu embrasser cette idée dans sa totalité, on aurait dû le voir évoluer au fil de l’aventure, de son statut de garde du corps des Jésuistes à bras-droit d’Oda Nobunaga, avec son ascension sociétale, comment il a réussi à s’imposer dans un pays qui n’est pas le sien, comment il a lutté face au regard des Japonais face à son nouveau statut. C’est évoqué à quelques moments dans le jeu, à travers des flashbacks, et à la fin, il y a un vrai twist super intéressant que je peux pas vous révéler, sinon vous allez m’en vouloir, mais je trouve que c’est insuffisant. On sent que Yasuke est un personnage qui est venu se greffer après dans la genèse du projet, et rien que le fait qu’il faille attendre 10h à 15h de jeu avant de pouvoir le débloquer prouve que scénaristiquement, il y a un truc qui ne colle pas. Parce que oui, on démarre peut-être le jeu dans la peau de Yasuke, mais juste après, on switche sur Naoe et ce n’est que 10 à 15h après, selon votre façon de jouer, qu’on retrouve Yasuke. Et c’est à partir de là qu’on peut switcher d’un personnage à un autre. C’est très bizarre en termes de structures et de narration.
Mais voyons le verre à moitié plein plutôt qu’à moitié vide, car il y a une prise de conscience chez Ubisoft, une volonté de faire - enfin - bouger les lignes, même si pour le moment, c’est juste du bidouillage de dernière minute. Et puis, ce serait aussi vous mentir que de vous dire que je n’ai pas pris plaisir à jouer à Assassin’s Creed Shadows. J’ai eu des moments de frustration c’est vrai, des moments où j'ai pesté sur certaines décisions de game design, mais le jeu m’a procuré aussi de vrais moments de pur plaisir, mais aussi d’émerveillement et quand on n’a pas envie de lâcher la manette, même quand on teste un jeu, surtout quand on teste un jeu en vrai, c’est que c’est bon signe non ?


