Test Paper Beast : nouvelle pépite pour la VR, ou simple jeu en papier mâché ?
14 20
- Onirique au possible
- Cette liberté d'action et d'interprétation
- Le comportement réaliste des entités
- La B.O. d'une grande justesse
- Certaines énigmes bien pensées...
- ...d'autres beaucoup moins
- La campagne principale trop courte
- On fait rapidement le tour du mode "Sandbox"
- Quelques soucis de précision
- Des redondances
Dès les premiers instants, Paper Beast déroute. Une interface informatique suivie d’une application musicale « SwirlyBeat », avant de procéder soi-même au lever de rideau à l’aide de la DualShock 4 ou des PlayStation Move : comme entrée en matière, c’est tout sauf classique. En levant les yeux, on s’aperçoit qu’une immense créature (pardon, entité) nous observe avec une curiosité palpable. Pas un indicateur, pas une map, pas une consigne, pas un bruit – sauf celui du vent qui balaye le sable de la grande étendue désertique où l’on se trouve. On est perdu au milieu de nulle part, et c’est justement l’effet recherché par Pixel Reef qui, à aucun moment de la partie, ne nous prendra la main. Observer le monde qui nous entoure et comprendre son écosystème seront les clés pour progresser à travers les sept chapitres (chacun divisé en trois niveaux) que contient Paper Beast. D’ailleurs, pendant que la première entité s’éloigne, une seconde de taille minuscule passe sous nos yeux ; on se rend compte alors que l’on peut la saisir pour mieux la scruter sous tous les angles. Le code couleur de notre pointeur est assez simple à assimiler : jaune pour les éléments que l’on peut déplacer, rouge pour ceux inamovibles, et bleu pour ceux associables à d’autres. Passé l’effet de la découverte, on ose s’aventurer un peu plus loin, les développeurs ayant opté pour la téléportation afin (vraisemblablement) de limiter les effets désagréables du motion sickness. Ca fonctionne parfaitement, et même lorsque l’on presse le pas, le cerveau et l’estomac tiennent le choc.
Loin d’être une killer app, loin d'être parfait, Paper Beast offre en revanche un monde onirique à nul autre pareil, et laisse au joueur une liberté d’action et de déduction jusqu’à bouleverser ses repères.
Si l’on a parlé d’écosystème un peu plus haut, c’est tout simplement parce que différents organismes cohabitent dans le jeu. Il suffit de regarder comment agissent les Papyvorus quand on leur tend une boulette de papier, pour comprendre que la faune et la flore sont intimement liés. En scrutant les autres entités, on remarque qu’elles ont toutes un comportement qui leur est propre. Par exemple, les Pousseurs construisent leur nid en accumulant des boules de sable, tandis que les Arracheurs déracinent les plantes. Il y a aussi les Ensableurs qui forment des tas de sable sur l’eau, sans oublier les Prédateurs et la Voraxo prêts à dévorer tout ce qui bouge. Les animaux ne sont pas les seuls à avoir fait l’objet d’un soin tout particulier (pour ne pas dire obsessionnel), Pixel Reef s’étant aussi attaché à respecter certains phénomènes naturels. Ainsi, la Radiante fera fondre un bloc de glace, contrairement au Freeze qui gèlera l’eau. Comme dans From Dust, l’érosion a également son mot à dire, et vu que l’eau est par moments capricieuse, il est préférable de manipuler le sable avec justesse pour ne pas être pris de court par le courant. En parlant de l’eau, deux énigmes nous ont bluffés dans leur façon de gérer sa physique ; on vous laisse la surprise. Enfin, on peut aussi évoquer le vent qui a droit à son quart d’heure de gloire : avec des origamis en guise de stars, l’occasion était trop belle. Quelconque dans d’autres productions, ces interactions deviennent grisantes ici, puisque chacune de nos trouvailles est une solution potentielle aux équations soumises par Paper Beast.
FEUILLE DE PAPIER
Que les moins débrouillards se rassurent : aucune n’est insoluble. La plupart des éléments, dont nous avons besoin pour mener notre réflexion, sont souvent placés sous notre nez ; et au cas où, des téléporteurs situés en hauteur permet d'avoir une meilleure vue d'ensemble. En contrepartie de cette facilité qui dessert parfois le jeu, les développeurs n’ont intégré aucune aide, aucun indice susceptible de mettre sur la voie. D’un autre côté, ça aurait été en totale contradiction avec cette volonté de sortir le joueur de sa zone de confort. Malgré tout, on peut reprocher à Paper Beast un manque de régularité dans ses casse-têtes alors qu’il s’agit tout de même d’une des principales composantes du titre. Plus concrètement, entre deux puzzles bien pensés, on tombe sur quelques devinettes que l’on torche rapidement. Cette absence d’inspiration renforce non seulement le caractère redondant du jeu, mais donne également l’impression que les développeurs ont cédé au remplissage. Sincèrement, il y a des énigmes qui ne servent strictement à rien, et il aurait été sans doute plus judicieux de les zapper au profit de passages uniquement dédiés à la contemplation. Car en dépit des limites graphiques inhérentes à la réalité virtuelle, Paper Beast est un tableau que l’on ne se lasse pas de regarder. Nous pourrions le comparer à ces mondes imaginaires dont on rêve et que l’on espère retrouver la nuit suivante. Si le charme opère déjà quand le ciel est dégagé et que le soleil tape fort, la direction artistique épurée prend une tout autre dimension dès que le temps s’obscurcit.
Plus concrètement, entre deux puzzles bien pensés, on tombe sur quelques devinettes que l’on torche rapidement. Cette absence d’inspiration renforce non seulement le caractère redondant du jeu, mais donne également l’impression que les développeurs ont cédé au remplissage.
On ne pense pas forcément aux bourrasques de vent où aux chiffres qui se prennent pour des nuages, on fait plutôt référence au crépuscule et à ses couleurs empreintes de lyrisme. Bien que l’on en ait un aperçu en traversant les cavernes, ce n’est qu’à l’air libre que tout explose en plein visage. Cerise sur le gâteau : la B.O. sublime qui sait se faire discrète quand il le faut, comme pour ne pas prendre le risque d’interrompre l’immersion chère à Eric Chahi. Paper Beast, c’est aussi un mode « Sandbox » où le joueur à la possibilité de créer ses propres niveaux à l’aide de différents outils, sachant que certains (animaux, objets, plantes entres autres) devront être débloqués via la campagne principale. Le moment idéal pour mieux cerner certains comportements qui ne nous auraient pas sauté aux yeux - même si on en fait rapidement le tour - à l’image de la reproduction ou de l’impact de la météo sur les entités. A noter qu’une jauge conditionne le nombre d’éléments que peut contenir une map, et qu’il y a moyen de sauvegarder jusqu’à huit créations. Côté ergonomie, ce n’est pas dingue, ce qui permet d’ailleurs de souligner les soucis de précision quand les animaux se superposent devant un objet que l’on souhaite déplacer. Rien de bien rédhibitoire, cela dit.