Tennis World Tour : on y a joué sur PS4 Pro, et c'est la grosse désillusion...
Considéré comme la meilleure simulation de tennis de tous les temps, Top Spin 4 n’a pas (encore ?) eu droit à une suite sur les consoles actuelles. La fermeture de 2K Czech (le développeur du jeu) y est pour quelque chose, c’est vrai, mais il faut bien admettre aussi que la petite balle jaune est moins lucrative que le ballon rond. Ce n’est donc pas un hasard si, depuis le très moyen Grand Chelem Tennis 2 sorti en 2012, personne n’a osé s’aventurer sur un court, excepté Mario et ses potes. Voilà pourquoi on était overhypé quand Bigben a annoncé Tennis World Tour, "le nouveau jeu des créateurs de Top Spin 4". On y a cru, on y a joué, et on est reparti déçu. Explications.
Le constat peut sembler sévère, mais à moins d’un miracle, Tennis World Tour va se prendre un passing d’une rare violence. Pour comprendre une telle déconvenue, il faut savoir qu’en réalité, c’est Breakpoint – un studio français fondé il y a un an et demi – qui est aux commandes du projet. Tout de suite, on est loin du "nouveau jeu des créateurs de Top Spin 4" dégainé pour soigner la comm’. OK, Pierre André – que nous avions pu interviewer à l’E3 2017 – a bossé sur le jeu quand il était chez 2K Czech, mais essentiellement en tant que producteur. Consultant externe sur Tennis World Tour, il ne fait plus partie de l’équipe aujourd’hui ; et même s’il avait emmené dans ses valises le responsable des animations de Top Spin 4 pour épauler Breakpoint (lui aussi en tant que consultant externe), ce n’était pas le plus doué de la bande manifestement. Pourtant, Tennis World Tour est rempli de bonnes idées, et la présentation qui a précédé la session de hands-on a permis à Etienne Jacquemin (directeur créatif) et à Romain Ginocchio (producteur) de détailler la philosophie du jeu. Ce que l’on a retenu en priorité, c’est cette volonté de créer un jeu de tennis qui soit moins prévisible. Pour résumer le gameplay de Top Sin 4, 2K Czech avait pour habitude de le comparer à un jeu de combat avec un mix de coups slicés, à plat ou liftés qui permettait de varier son jeu et de surprendre l’adversaire. Le souci avec cette approche, c’est que l’on s’est aperçu au fil des matchs que chaque type de frappe pouvait être contré par un autre, et qu’il arrivait un moment où, inévitablement, l’un des jeux joueurs était au bord de la rupture. C’était quasi mathématique, et exploiter cette faiblesse permettait de claquer un court croisé cheaté mais ultra jouissif.
Le constat peut sembler sévère, mais à moins d’un miracle, Tennis World Tour va se prendre un passing d’une rare violence.
Dans Tennis World Tour, Breakpoint a fait en sorte que les rencontres soient plus organiques grâce à des capacités spéciales qui se déclencheront en fonction du déroulement des événements. Ainsi, certains persos seront plus à l’aise au moment de servir pour le match, d’autres seront particulièrement doués dans les jeux décisifs, d’autres encore seront intestables dans les balles de break. "Les compétences sont de plus en plus fortes à mesure que les conditions sont plus pointues, nous a expliqué Etienne Jacquemin. Par exemple, une carte du type 'Je récupère un peu de stamina après chaque coup' s’active la moitié du temps. Du coup, si l’on met une capacité très puissante sur une condition qui se vérifie aussi souvent, ça va totalement déséquilibrer le jeu. Après, même si des cartes peu puissantes se déclenchent régulièrement, elles peuvent avoir un impact important. Dans le cas d’un tie-break, la condition est plus rare mais la carte sera plus puissante." Ce deck que l’on pourra se constituer avec notre joueur customisé sera, en revanche, figé pour les stars de la discipline, Breakpoint estimant que ça n’aurait eu aucun sens de pouvoir modifier leurs stats. Quoi qu’il en soit, les développeurs sont convaincus que ce système de cartes permettra de recréer les plus grands moments de l’histoire du tennis. Le jeu nourrit également de grandes ambitions pour son mode "Carrière" qui s’annonce moins répétitif que celui de Top Spin 4. En effet, tout ce qui caractérise la vie d’un joueur professionnel sera pris en compte, aussi bien sur le court qu’en dehors. Dans un souci de réalisme qui frôle parfois l’obsession, Breakpoint n’a pas hésité à collaborer avec des coachs afin de ne passer à côté d’aucun détail.
JEU BLANC
Pour déloger Roger Federer de sa place de n°1 mondial, il faudra miser sur la récupération, quitte à faire l’impasse sur certains tournois où l’on n’aura pas énormément de points à défendre. Il sera tout à fait envisageable de jouer avec le cinquième métatarsien fissuré, mais le risque d’aggraver la blessure sera plus grand. Bien évidemment, chaque match sera l’occasion d’engranger de l’XP, et donc de parfaire le style de jeu de notre poulain. "Au fil des parties, on gagne des points que l’on va pouvoir répartir dans les différents archétypes, nous a indiqué le directeur créatif. On pourra choisir quel type de gameplay on souhaite privilégier. Il n’est pas question de faire du micro-management en attribuant des points paramètre par paramètre, parce que l’on veut maintenir une certaine forme d’équilibre dans le jeu. En fait, il s’agira plutôt d’orienter son perso vers un style de jeu ou un autre, sachant que l’on pourra aussi débloquer des équipements qui auront un impact sur les stats." Ceux qui ont limé Top Spin 4 jour et nuit savent que l’on pouvait tomber sur des adversaires faiblards en revers, mais dotés d’un coup droit nucléaire. C’est justement cette incohérence-là que le studio français souhaite éviter avec une répartition de l’XP plus encadrée. Par ailleurs, toute une sélection d’entraîneurs sera disponible pour s’améliorer dans tel ou tel compartiment de jeu, chacun d’eux évoluant également tout au long de la carrière. En termes de contenu, on nous a assuré la présence d’une école de tennis pour apprendre les bases du jeu, sans oublier l’inévitable mode en ligne avec ses matchs amicaux et classés, ses tournois et ses différents classements.
Avec des arguments aussi séduisants sur le papier, on pensait passer un agréable moment manette en main. Finalement, ce fut extrêmement laborieux.
S’il y aura moyen de jouer en simple dès la sortie de Tennis World Tour, il faudra par contre faire preuve d’un peu plus de patience avant de régler ses comptes en double. En effet, une mise à jour gratuite sera déployée ultérieurement, toutes les mécaniques pour un match à quatre n’étant pas suffisamment huilées à l’heure actuelle. Avec des arguments aussi séduisants sur le papier, on pensait passer un agréable moment manette en main. Finalement, ce fut extrêmement laborieux. De l’aveu même des développeurs, le paquet a été mis sur l’animation des joueurs afin que les gestes soient les plus réalistes possibles. D’ailleurs, ils ont fait appel aux services de Maxime Texera et de Guillaume Rufin qui ont enchaîné les séances de motion capture sur un véritable court de tennis. "Nous ne sommes pas partis d’une page blanche, parce que nous avons quand même bénéficié de cette expérience [Top Spin 4, ndlr], nous a confié Etienne Jacquemin. Mais pour la partie animation par exemple, nous avons travaillé de manière très différente. Sur ce point-là, nous avons presque dû reprendre les choses à zéro." Eh bien, pour être honnête les amis, même sept ans plus tard, les animations de Top Spin 4 restent largement meilleures que celles de Tennis World Tour ; et c’est encore plus flagrant lorsque l’on met deux vidéos de gameplay côte à côte. Alors oui, en plissant les yeux, on parvient à déceler le revers à une main de Federer, ou encore le service pieds serrés de Monfils, mais ça manque encore de fluidité, de dynamisme, de punch.
I’LL LET THE RACKET DO THE TALKING
Là où c’est encore plus cruel pour Breakpoint, c’est que le studio estime que les mouvements dans Top Spin 4 n’étaient pas assez naturels. Pardon ? La façon dont les joueurs se positionnent avant d’amorcer un coup droit ou un revers dans TWT est risible, et le fait qu’ils soient capable de décocher une frappe de mammouth alors qu’ils ne rentrent pas dans la balle en a étonné plus d’un. Sur terre battue, les glissades ont été laissées au placard, et on ne parle pas des innombrables petits pas qu’il faut se coltiner lorsque le personnage arrive en bout de course. Au-delà de l’animation, c’est surtout la qualité graphique du jeu qui fait mal à la tête. Rien à dire sur les courts (il y en aura 18 dans la version finale) qui sont plutôt propres, mais on a halluciné en voyant la gueule du public. Quand on se remémore le soin apporté par 2K Sports (NBA 2K) et Electronic Arts (FIFA), on se demande qui a bien pu valider ce retour en arrière. C’est simple, les développeurs ne se sont pas emmerdés : ils ont créé trois-quatre PNJ et les ont copiés-collés dans les tribunes. Chaud. Du côté de la modélisation des joueurs, c’est assez inégal dans le sens où ils ne sont pas tous logés à la même enseigne. En bonnes têtes d’affiche, Wawrinka et "Rodgeur" font partie des mieux lotis, alors que d’autres doivent se contenter des miettes. Visuellement décevant (les yeux révulsés de Gasquet et la queue de cheval de Wozniacki qui reste droit comme un I entre autres, c’est cadeau) malgré l'usage de la photogrammétrie, Tennis World Tour est en plus difficilement accessible.
Au-delà de l’animation, c’est surtout la qualité graphique du jeu qui fait mal à la tête. Rien à dire sur les courts (il y en aura 18 dans la version finale) qui sont plutôt propres, mais on a halluciné en voyant la gueule du public.
En faisant bizarrement passer le timing au second plan, les développeurs ont privé le jeu d’un socle sur lequel ils auraient pu s’appuyer pour apporter de la profondeur au gameplay. "C’est plus facile de ne pas se reposer sur le timing, parce qu’il était très difficile à trouver dans les autres jeux, a estimé Etienne Jacquemin. Il n’était pas évident de comprendre pourquoi le timing était différent dans tel ou tel contexte, de savoir si l’on devait frapper la balle plus tôt ou plus tard. C’est un processus d’apprentissage qui peut être assez long, et ce n’est donc pas forcément une facilité pour le joueur. Avec Tennis World Tour, l’idée était non pas de se reposer complètement sur la maîtrise du pad, mais de donner de la profondeur sur le long terme. C’est facile de renvoyer la balle, mais on ne fait pas des coups super puissants. Il y a donc cette prise de risque qu’il faut jauger, et ça se travaille au fil des matchs ; c’est justement ça qui est intéressant. Dans certains contextes, on va pouvoir plus charger la frappe que dans d’autres. Il y a des moments où l’on va être très bien placé pour balancer une patate d’enfer, et d’autres où l’on sera en bout de course et où l’on sera juste content de renvoyer la balle. C’est que se trouve toute la richesse du jeu." D’accord, mais dans les faits, même quand on est hyper bien positionné, on éprouve toutes les difficultés du monde à conclure le point ; c’est comme s’il manquait un élément (le timing par hasard ?) qui, couplé à une parfaite inclinaison du stick, à la jauge de puissance dosée avec justesse, et à un positionnement au poil, permettrait de faire la différence entre un gros coup droit et un gros coup droit long de ligne. En l’état actuel des choses, le système est beaucoup trop hasardeux : dans une situation de frappe identique et avec les mêmes paramètres, on n’obtiendra pas le même résultat. Frustrant. Heureusement, la position de Breakpoint n’est pas figée. "Le timing est quelque chose que l’on ne veut pas oublier non plus, a prévenu notre interlocuteur. Nous allons continuer à travailler sur cet aspect-là, parce que ça donne de la percussion aux coups. En fait, c’est un élément que nous avions envisagé durant le développement du jeu, mais pour le moment, nous ne disposons pas encore de suffisamment de retours là-dessus." Ouf.
TENNIS ELBOW
On ne va pas vous le cacher, on a pris très peu de plaisir avec Tennis World Tour qui va certainement faire l’objet de plusieurs patchs après sa sortie, ne serait-ce que pour gommer certaines failles surlignées en jaune fluo. Par exemple, dans la version que nous avons pu essayer, il était quasi impossible de contrer un amorti. Dès que le joueur se trouvait entre le filet et la ligne de service, c’était cuit. Même chose pour les hitboxes qui nous faisaient péter un plomb. Bref, le studio français a encore beaucoup de boulot devant lui ne serait-ce que pour rendre une copie tout juste correcte. Le problème, c’est que l’objectif est de sortir le jeu lors du prochain Roland-Garros qui aura lieu du 27 mai au 10 juin. Enfin, on ne peut pas terminer ce premier tour d’horizon sans évoquer le casting qui ne sera pas composé de toutes les stars actuelles du tennis. "Les négociations sont plus difficiles dans le tennis que dans d’autres sports, puisque ce ne sont pas des droits globaux ; on est obligé d’aller voir chaque personne, a expliqué Etienne Jacquemin. Il y a des joueurs qui ne sont pas intéressés, d’autres qui sont beaucoup trop chers, ce qui nous oblige à faire des choix. Après, certaines décisions ont été prises pour que l’on puisse avoir un casting équilibré. Par exemple, on ne voulait pas avoir que des attaquants de fond court, mais différents styles de jeu. Et puis, on tenait aussi à ce que plusieurs nationalités soient représentées. C’est donc une réflexion forcément complexe qui continuera d’évoluer d’ailleurs, puisque l’on a l’intention de proposer d’autres joueurs et joueuses après la sortie de Tennis World Tour." Si notre enthousiasme a clairement été douché, on garde quand même un œil sur le jeu qui débarquera au mois de mai sur Xbox One, PC et PS4.