Test The Last of Us 2 : d'une violence et d'une noirceur inouïes, c’est aussi le meilleur jeu de Naughty Dog !
20 20
Il y a 7 ans, quasiment jour pour jour, Naughty Dog entrait dans l’Histoire avec The Last of Us, une nouvelle IP qui non seulement redéfinissait les codes du survival horror, mais se permettait en prime de nous offrir l’une des histoires les plus poignantes du jeu vidéo. S’il se suffisait amplement à lui-même, The Last of Us a néanmoins cédé à l’appel de la suite, celle qu’on attend avec encore plus d’enthousiasme, surtout quand on sait qu’il a été hissé au rang de meilleur jeu de la gen PS3 / Xbox 360 aux côtés du premier Red Dead Redemption. Désormais seul à la barre depuis que son acolyte Bruce Straley est parti voguer vers de nouveaux horizons, Neil Druckmann n'a pas failli à la tâche et déroule tout son talent avec une maîtrise certaine. En s’appuyant sur les bases déjà solides du gameplay de son aîné, The Last of Us Part 2 améliore grandement la formule en gommant les défauts d’antan et en y ajoutant des nouveautés qui en font un jeu résolument modernes. L’un des exemples les plus concrets étant son système de close combat qui a pris une sacrée envergure grâce à ces esquives rendant les affrontements plus souples et ultra nerveux.
Mais cette suite a aussi fait des progrès considérables en termes de level-design, dus en partie à cette verticalité qui donne de l’ampleur à chacun des niveaux que l’on traverse. Une verticalité qui n’est par ailleurs pas uniquement esthétique, puisqu’elle a un impact direct sur le gameplay. Il y a même des zones de jeu plus ouvertes, symbole de l’héritage Uncharted 4 et de son DLC "The Lost Legacy", et qui offrent une certaine liberté bienvenue, même si on aurait aimé qu’elles soient plus nombreuses. Une légère déception balayée aussi sec par ce sens du rythme impeccable et cette durée de vie de 30h (soit le double de celle de The Last of Us et d’Uncharted 4) qui en fait le jeu le plus long de Naughty Dog. En doublant à ce point le temps de jeu, Neil Drukmann et Haley Gross (avec laquelle il a signé le scénario, je vous le rappelle) prennent le temps de nous raconter la spirale infernale dans laquelle s’est enfermée Ellie. La petite fille frêle et quasi innocente qu’on avait quitté en 2013 n’est plus ; elle a laissé place à cette jeune femme désormais habitée par la haine, la souffrance et le désir d’aller jusqu’au bout de ses convictions, quitte à y laisser des plumes.
The Last of Us Part 2 est un jeu qui ne fait d’ailleurs pas dans la demi-mesure et exprime une forme de violence assez inouïe pour un jeu vidéo. C’est cru, c’est même souvent sauvage et il se dégage parfois du jeu une certaine gêne, comme un mal-être, celui de devoir assassiner des gens qui ne méritent pas nécessairement la mort instant. Cette haine qui mène à la violence sans limite est d’ailleurs le fil rouge du récit de ce The Last of Us Part 2, qui souhaite nous faire prendre conscience de la réalité de certaines choses. Malgré toute cette noirceur assumée, des éclaircies viennent atténuer le propos, et nous rappeler que de ces drames peuvent aussi naître des moments de grâce et de poésie. Par la finesse de leur écriture, Neil Druckmann et Harley Gross parviennent à faire de leur œuvre un sabayon d’émotions où se mélangent des sentiments contraires, atténuant ainsi la frontière entre ce qui est censé être bien et ce qui représente le Mal. C’est en cela que The Last of Us 2 est un jeu remarquable : en assumant ses choix et ses propos, quitte à ne pas plaire à tout le monde. Ceci étant dit, même si vous n’adhérez pas à la vision de Naughty Dog dans le récit, il sera en revanche difficile de nier les qualités intrinsèques du pur produit jeu vidéo en tant que tel.
- Un gameplay qui s’est vraiment enrichi
- Le close-combat : jouissif comme jaja !
- Chaque niveau est un bijou de level-design
- On a gagné en verticalité
- Des zones de jeu plus ouvertes, qui invitent à l’exploration
- Le rythme du jeu est parfaitement maîtrisé
- Visuellement, c’est une gifle de tous les instants !
- Une ambiance globale de dingue
- Abasourdi par la qualité des expressions faciales
- Un jeu d’acteurs incroyable
- Des séquences mémorables (surtout sous la pluie)
- Les décors qui fourmillent de détails
- D’une noirceur implacable (car oui j’aime ça)…
- …mais des moments de grâce et de poésie dans cet océan de haine
- Un récit qui prend aux tripes !
- Ce jeu est un ascenseur émotionnel
- Gros travail sur le sound design
- La B.O. qui tape juste
- Se finit en 30h en ligne droite
- Un jeu qui déborde d’options d’accessibilité
- Une I.A. réactive, smart, humanisée...
- …qui reste trop facile à surprendre de dos
- Pas assez de zones ouvertes
- Les énigmes, beaucoup trop simplistes
- Un manque de variété dans les modèles 3D des ennemis (WLF, Scars / Seraphites)
Souvent cité comme étant le meilleur jeu de la génération PS3 / Xbox 360 aux côtés de Red Dead Redemption, The Last of Us a surtout prouvé que Naughty Dog était capable de sortir de sa zone de confort. En nous proposant un récit résolument plus mature et une narration parfaitement maîtrisée, le studio s’est également détaché de l’ambiance décontractée et très pop-corn des trois premiers Uncharted pour lorgner du côté du survival-horror, un genre qui, à l’époque, avait besoin d’un petit coup de Swiffer. Ce jeu fut aussi l’occasion pour Neil Druckmann de s’imposer au sein de Naughty Dog (il a commencé en tant que stagiaire en programmation en 2004), puisqu’il a co-réalisé le jeu avec Bruce Straley, qui démissionnera l’année suivant la sortie d’Uncharted 4, l’autre chef d’oeuvre que les deux hommes ont signé ensemble. Sept ans après la sortie de The Last of Us, que reste-il du jeu ? Un héritage fort en termes de storytelling et d’émotions assurément ; peut-être moins en termes de gameplay, jugé parfois trop rigide dans certains de ses mécanismes. Chez Naughty Dog, c’est quelque chose d’avéré, et avec The Last of Us Part 2, l’un des défis du studio a été justement de prouver qu’ils étaient capables d’améliorer leur formule, mais aussi d’introduire de nouvelles features, résolument modernes. Mais si cette suite a su se réinventer dans ses mécaniques de gameplay, c’est surtout dans son récit qu’elle risque de marquer les joueurs au fer rouge. C’est en effet une histoire sombre, violente, limite traumatisante qui nous est proposée ici ; un récit qui sort des tripes, mais surtout du cœur. Plus qu’un jeu, une expérience dont on ne sort littéralement pas indemne. On savait Neil Druckmann doué pour nous faire voyager, on sait désormais qu’il possède un talent certain pour nous retourner le cerveau. En vrai, chapeau !
Troy Baker avait raison : « You might think you know. But you don’t ». Cette phrase tweetée le 5 mai dernier par l’acteur qui tient le rôle de Joel Miller dans le jeu était tout sauf dénuée de sens. Non seulement il tordait le cou aux différents spoils qui circulaient sur Internet (on y revient juste après), mais en plus il affichait clairement ses couleurs en prenant part à la polémique qui embrasait le jeu et les conditions de travail dénoncées au sein de Naughty Dog. Si nous n’allons nullement rentrer dans le débat de la culture de crunch dans ce test (ce n’est ni le moment, et surtout pas le lieu en fait), nous tenons surtout à rassurer les joueurs (et les joueuses, excusez-nous par avance si on n'utilise pas l'écriture inclusive) qui se seraient malheureusement fait divulgâcher certains éléments clefs de l’histoire de The Last of Us Part II. Vous rassurer donc, puisque certains de ces spoils étaient soit erronés (le bullet point de 4Chan qui avait faux sur la moitié des choses), soit incomplets (les vidéos qui ont fuité avec le piratage balancées hors contexte). Quant au reste, on espère que vous avez été préservé au maximum car l’intrigue préparée par Neil Druckmann et Haley Gross a fait l’objet d’un travail particulièrement soigné, documenté (ils se sont plongés dans de nombreux livres et témoignages à propos du thème de la haine et de la vengeance, et de tout ce qui en découle) mais aussi nuancé, permettant de transcender l’expérience par la nature des événements qui vous attendent. Si nous reviendrons sur les choix scénaristiques décidés par Neil Druckmann en fin de test – et on n’oubliera pas de mentionner les balises spoilers, soyez rassurés –, il est de bon ton de rentrer dans le vif du sujet et de parler des améliorations apportées dans le gameplay. Sans doute l’un des aspects que Naughty Dog a réussi à transfigurer considérablement.
SOUPLESSE TENDRESSE
Mais que les choses soient claires : le gameplay de The Last of Us Part 2 n’a pas été refaçonné from scratch comme diraient nos kheys anglo-saxons. Il s’appuie en effet sur les bases déjà solides du premier épisode qui étaient, il faut bien l’admettre, un jeu d’infiltration avant tout. Oui, il était possible d’appréhender les situations de manière plus brutales et rentre-dedans, mais foncer tête baissée était plus compliqué et surtout punitif, les ennemis ne laissant que peu de cadeau, d’autant que l’armement mis à disposition n’était pas forcément prévu pour jouer les gros bras. Dans The Last of Us Part II, les munitions restent toujours une denrée rare, l’idée étant de conserver ce côté stealth et survie du gameplay, mais il est dorénavant plus facile de s’en sortir à mains nues. La différence avec le premier opus, c’est que cette suite a donné une autre dimension aux affrontements rapprochés, peut-être un brin trop limités en 2013. Clairement, Ellie n’est pas Joel puisqu’à l’inverse, elle se révèle être beaucoup plus réactive et agile que son paternel adoptif, et cela est dû grâce à un subterfuge de gameplay astucieux. Grâce à la touche L1, il est désormais possible d’esquiver les attaques des ennemis, quels qu’ils soient, infectés comme adversaires humains. Parfaitement exécutées, ces esquives permettent de contre-attaquer (touche Carré de la manette) dans la foulée en frappant l’ennemi de plusieurs façons : avec ses poings, à l’aide du Balisong (le couteau-papillon quoi), via une arme de fortune (hache, machette, batte de base-ball, pied de biche, etc.), mais aussi en dégainant une arme à feu si le besoin se fait sentir. A l’écran, cela se traduit par un rendu absolument viscéral, grâce notamment à la cruauté des actions (qui finissent souvent par une exécution sale d’ailleurs), mais aussi par le choix d’une caméra dynamique, en mouvement perpétuel et proposant un angle de vue rapproché.
Mieux, à l’instar du premier The Last of Us et du dernier Uncharted 4, Naughty Dog a également mis en place un système de repérage de l’espace lors de ces combats rapprochés, en améliorant encore plus la finition. Cela signifie que les personnages sont capables de prendre en compte les environnements et d’interagir avec. Il ne sera pas rare par exemple de voir Ellie utiliser un élément du décor pour faire pencher la rixe à son avantage, comme plaquer un ennemi contre un mur, lui faire perdre l’équilibre sur le rebord d’une fenêtre. Ces possibilités d’action dans l’usage des décors participent encore plus au côté sensationnel et surtout très réaliste de ce qui se passe à l’écran. The Last of Us 2 est un jeu violent, on le savait déjà, mais peut-être pas à un degré aussi élevé ; ce qui a le chic de nous glacer le sang à de nombreux moments. En vrai, Naughty Dog a rendu ces close-combats tellement jouissifs qu’on se surprend souvent à préférer le corps-à-corps que le steath kill classique, en se ruant sur l’ennemi instinctivement, limite par pur plaisir sadique. Mais attention à ne pas trop jouer les cadors, Ellie est loin d’être invincible malgré tout le skill qu’elle a su engendrer depuis ses dernières aventures, d’autant que l’I.A. des ennemis a été grandement améliorée depuis le premier volet. Un aspect du jeu qu’on vous détaille quelques paragraphes plus loin, histoire d’éviter de disperser nos arguments. En revanche, pour finir, on précise que les esquives deviennent plus compliquées face à certains ennemis tels que les Clickers, puisque leur morsure est toujours aussi fatale et débouche sur un Game Over immédiat. Un classique.
VERTICAL LIMIT
Autre aspect qui permet à The Last of Us 2 de gagner en envergure, c’est l’introduction du saut. Désormais, Ellie (et tous les autres personnages que l’on va contrôler dans le jeu également) peuvent en effet sautiller. Le choix du terme est important, car contrairement à une Lara Croft ou à un Nathan Drake pour citer un exemple maison de chez Naughty Dog, les sauts restent au final assez légers. Comme l’a souligné Neil Druckmann lors de différentes interventions, en interview ou dans des vidéos promotionnelles du jeu, ce saut n’a pas pour velléité de faire des bonds de crapaud afin d’esquiver des tirs ennemis par exemple : ils sont là pour permettre à Ellie d’atteindre des hauteurs qui n’étaient jusqu’alors pas permis. On ne vous apprend rien, mais The Last of Us Part 2 a gagné en verticalité, offrant ainsi des possibilités de jeu décuplées. Prenons par exemple la séquence dévoilée lors de l’E3 2018 où Ellie avait affaire à des Scars / Seraphites dans un parking à peine éclairé. Grâce à la possibilité de passer d’un étage à un autre du bâtiment, il est plus aisé de semer les ennemis afin de mieux les prendre à revers. En fait, tout le gameplay du jeu a été pensé de la sorte, dans l’objectif de rendre les actions plus naturelles, plus crédibles aussi, et surtout offrir un champ des possibles nettement plus vaste. Parce que l’une des forces du jeu, c’est aussi de laisser au joueur la liberté de disposer des environnements alentours pour appréhender une situation comme on l’entend. Rien n’est imposé ni calculer, bien au contraire, tout a été façonné pour que l’on puisse passer de l’infiltration à du combat rapproché, ou enchaîner sur du gunfight nerveux de manière totalement seamless, limite organique. Sachez par ailleurs qu’il est tout à fait possible de changer d’approche à n’importe quel moment, à condition de semer le trouble parmi les ennemis qui resteront alertes quoi qu’il arrive, puisqu’ils ont désormais conscience de votre présence. Il n’y a donc pas vraiment de boucle de pathfinding répétée dans le jeu ; du moins pas de la manière habituellement grossière que l’on connaît dans les jeux du même genre.
CHIENNE DE VIE
Offrir un monde crédible et des situations réalistes fut l’un des leitmotiv de Naughty Dog qui s’est donné les moyens pour réaliser un travail assez exemplaire en matière de level-design. En apportant de la verticalité aux environnements, les développeurs ont pu s’amuser à créer des terrains de jeu qui favorisent l’infiltration. Il y a de la verticalité comme on vient de le souligner, mais il y a désormais des passages étroits dans lesquels Ellie est capable de se faufiler. Si de manière générale, ces petites brèches où le plan de caméra se resserre sur le personnage est une astuce de game design pour masquer un temps de chargement, ce n’est absolument pas le cas dans The Last of Us 2. Ici, il s’agit d’un élément de level design qui a pour but de permettre à Ellie de semer ses ennemis, de leur faire perdre la boussole en quelque sorte. D’ailleurs, pour que l’expérience de jeu soit la plus fluide possible, Ellie se glisse dans ces ouvertures de manière totalement seamless, sans aucune interruption, rendant ses déplacements encore plus naturels et organiques. De toutes les façons, quels que soient les niveaux que l’on parcourt, Ellie trouvera toujours un endroit pour se cacher afin d’éviter la confrontation directe avec un ennemi, quel qu’il soit : soldat de la WLF, membre des Seraphites, infectés vénères ou bien encore, et c’est une première, les chiens de garde. Ces derniers sont d’ailleurs capables de pister Ellie par l’odeur qu’elle laisse derrière elle, visible d’ailleurs via le mode Silence (R1). Ces animaux, très alertes et qui ne lâchent jamais vraiment leur proie, sont particulièrement emmerdants. D’une part, parce qu’ils se déplacent très vite, et d’autre part parce que leur morsure peuvent devenir létales si on ne parvient pas à les intercepter rapidement. Alors bien sûr, il existe différentes méthodes pour s’en débarrasser, même si évidemment, ça nous fend le cœur d’abattre ces pauvres bêtes (l’histoire nous le fait d’ailleurs bien culpabiliser à un moment précis du scénario). On préconise évidemment l’usage de l’arc – ou d’une arme silencieuse – pour éviter d’alerter la cavalerie, mais il faut alors être précis et s’assurer d’un one-shot le cas échéant. Si jamais on est pris en filature discrète, il suffit de lancer une bouteille (ou une brique), dans une direction opposée pour casser la routine du chien. En revanche, si confrontation il y a, sachez que le canidé a de fortes chances de prendre l’avantage en mordant le bras d’Ellie, la faisant alors parfois chuter au sol, ce qui la rend encore plus vulnérable. Il existe pour le coup une technique imparable, mais pas forcément dénuée de risques : se jeter sur le chien pour lui asséner des coups de couteau et le tuer sur le champ. Particulièrement hardcore, surtout quand on entend l’animal souffrir et gémir avant de rendre son dernier souffle. Enfin, n’oubliez jamais qu’un chien de garde ne se promène jamais seul, il fait partie d’une patrouille, ce qui signifie qu’il accompagne systématiquement son maître, lui aussi aux aguets. On vous laisse un peu imaginer quand ils sont plusieurs à partir en reconnaissance, épaulés par d’autres sentinelles et qu’en sus, des infectés viennent se mêler au business… Le challenge devient clairement corsé et on ne vous le cachera pas, particulièrement excitant.
Offrir un monde crédible et des situations réalistes fut l’un des leitmotiv de Naughty Dog qui s’est donné les moyens pour réaliser un travail assez exemplaire en matière de level-design.
Si le gameplay de The Last of Us 2 a clairement musclé son jeu, il n’en demeure pas moins que c’est dans l’ombre que notre Ellie va révéler tout son potentiel destructeur. Il faut dire que notre jeune femme dispose d’un arsenal de guerre assez conséquent, qu’elle va évidemment faire évoluer à travers le même système de craft qui régissait le premier épisode. Si la création de bandages, cocktails Molotov, grenades fumigènes, munitions spéciales se fait toujours directement en ouvrant le sac à dos d’Ellie (en appuyant sur la touche Haut de la croix directionnelle), les développeurs ont disposé tout au long du parcours d’Ellie (et des autres perso hein) des ateliers de fabrication où il est possible d’améliorer l’arsenal qu’on transporte. Fusil à verrou, fusil à pompe, révolver, magnum, arbalète, etc., il est possible de faire évoluer les capacités de chacune de ces armes, qu’il s’agisse de la cadence de tir, la stabilité, le recul, le nombre de munitions en magasin, à condition bien sûr d’avoir suffisamment d’écrous dans sa besace. En cela, The Last of Us Part II exige de la part du joueur d’explorer un minimum les environnements pour éviter de se retrouver dépassé par les événements, même si l’on n’est jamais pris à défaut non plus. Sachez autrement que ces ateliers de fabrication sont aussi un excellent moyen de reluquer les armes sous tous les angles, et constater à quel point les artistes chez Naughty Dog ont abattu un travail d’orfèvre. Tout est en effet parfaitement modélisé, au point qu’on a pu voir des membres de la NRA s’exciter sur des forums à propos du réalisme apporté à ces armes, qui avaient été présentées lors d’une séquence de gameplay en septembre 2019. Vu la qualité du rendu, on peut parfaitement comprendre l’hystérie de ces passionnés d’armes à feu.
HIDEO COACH DINA
Mais revenons à nos moutons, notamment concernant les mécaniques de stealth reprises du premier épisode. S’il est toujours possible de prendre un ennemi dans le dos, de l’éliminer de manière furtive, ou le tenir en otage pour se protéger de ses camarades, sachez qu’Ellie n’a plus systématiquement besoin d’un élément du décor pour rester à l’abri des regards. Cette fois-ci, elle peut se fondre dans la nature, notamment dans les hautes herbes qui sont par ailleurs le reflet d’une flore qui continue de reprendre ses droits. Si l’on garde une certaine discrétion en restant accroupi, c’est en se couchant littéralement au sol que notre bout de femme ultra vénère devient le plus invisible face aux patrouilles ennemies. Alors certes, on perd un peu en visibilité (logique), mais on est moins à la merci d’une balle perdue. Mais ce n’est pas pour autant qu’on reste indétectable, les ennemis pouvant nous repérer si jamais ils s’approchent suffisamment. Ce qui est pratique, c’est qu’il est possible de dégainer son arme en restant couché, et donc d’anticiper une situation qui peut dégénérer à tout moment. Le cas échéant, l’arc ou le pistolet silencieux sont nos meilleurs alliés. Mais là où Naughty Dog fait fort, c’est qu’on ressent parfaitement l’inconfort de cette position : le champ de vision est réduit, la visée est plus difficile à stabiliser, et surtout on se retrouve bien plus vulnérable à un tir ennemi ou à l’assaut d’un chien. Au-delà du choix purement esthétique, Naughty Dog a eu l’excellente idée de faire de cette position crouch un élément de gameplay qui participe à cette immersion plus réaliste que jamais. Grâce à cette nouvelle stance, Ellie est parfaitement capable de ramper et d’aller se glisser sous le châssis de certains véhicules (des camions pour la plupart du temps), qui place ainsi notre perso dans une zone de sécurité non négligeable. Cela dit, on n’est pas à l’abri qu’un zigoto nous repère, alerte la cavalerie et vienne nous tirer par les pieds pour nous faire sortir de la planque. S’ensuit alors une scène de lutte, toujours très violente, qui se traduit à l’écran par une séquence de QTE. Au joueur d’être le plus réactif possible pour ne pas finir le crâne fendu, ou avec une balle entre les deux yeux.
Ce qui est pratique, c’est qu’il est possible de dégainer son arme en restant couché, et donc d’anticiper une situation qui peut dégénérer à tout moment. Le cas échéant, l’arc ou le pistolet silencieux sont nos meilleurs alliés. Mais là où Naughty Dog fait fort, c’est qu’on ressent parfaitement l’inconfort de cette position : le champ de vision est réduit, la visée est plus difficile à stabiliser, et surtout on se retrouve bien plus vulnérable à un tir ennemi ou à l’assaut d’un chien.
Justement, parce que The Last of Us 2 reste un jeu où la stratégie de l’infiltration est plus payante que celle de l’affrontement direct, les développeurs de Naughty Dog ont également instauré un système d’alerte sonore pour avertir le joueur de manière subtile (et particulièrement bien pensé, il faut l’admettre). Grosso merdo, lorsqu’Ellie se retrouve à découvert, un bruitage sourd se déclenche et s’accentue à mesure où elle s’expose, ce qui lui fait prendre des risques importants. À l’inverse, si elle prend le soin de se cacher, ce son anxiogène disparaîtra. Ça n’a l’air de rien dit comme ça, mais cette astuce de gameplay est une véritable trouvaille qui participe grandement à notre façon d’appréhender une situation et à l’ambiance de manière globale. De toutes les façons, toute la partie sonore de The Last of Us 2 a bénéficié d’un travail de qualité, à l’instar du premier opus. On le sait, Neil Druckmann a encore fait appel à Gustavo Santaolalla qui nous enchante avec ses musiques pleines de mélancolie, apportant un peu de douceur et de répit dans ce monde d’une noirceur et d’une violence inouïes. Très attaché à la guitare sèche, le compositeur argentin est d’ailleurs subtilement représenté dans le jeu à travers la guitare de Joel, qui va transmettre sa passion pour la musique à la jeune Ellie. Sans vous spoiler, sachez que certains passages où elle se met à jouer – et à chanter – a de fortes chances de vous éblouir, au point peut-être de vous faire dresser les poils. Ce fut le cas pour nous, surtout cette cover incroyable de Take on Me du groupe A-ha. Un moment de grâce assurément, une séquence déjà culte sans l’ombre d’un doute. Rien que d’en parler, on est déjà en train de vibrer. Mais il n’y pas que les passages chantés ou la musique de Gustavo Santaolalla qu’il faut saluer, toute la bande-son jouit de la même qualité. Alors évidemment, afin d’accompagner la noirceur et la violence du propos, la B.O. de cette suite n’est clairement pas celle qu’on balance le week-end au petit matin, sauf si on a des idées noires dès le réveil. « All I have are negative thoughts » nous confiait Arthur Fleck il y a quelques mois, et un peu à l’instar de la musique sombre de Hildur Ingveldardóttir dans le Joker avec Joaquin Phoenix, celle de The Last of Us 2 sait nous plonger dans cette ambiance pesante, cette atmosphère anxiogène, limite suffocante en jouant sur des sons lourds, des tonalités métalliques, mais aussi des notes stridentes qui souvent savent s’effacer pour laisser place au silence pesant, ou aux cris et autres hurlements des infectés, mais aussi des ennemis en souffrance. Tout cela participe d’ailleurs à installer un climat de tension permanent, de mal-être et quelques part une forme de culpabilité évidente.
SÉSAME, OUVRE-TOI !
Vous l’avez compris, The Last of Us Part II est surprenant à bien des égards. Certes, il ne révolutionne en rien le genre, et se permet même de reprendre la formule de son prédécesseur en poussant les curseurs encore plus loin, mais sachez que tout ce qu’il entreprend, il le faut avec brio et une certaine maîtrise même. Si certains lui reprocheront les mêmes tiques de game design (la structure, le rythme, ces duos de personnages aux histoires qui se télescopent par exemple) des précédentes productions de Naughty Dog, d’autres y verront avant tout la signature d’un studio qui ne laisse rien au hasard. En termes de procédé, The Last of Us 2 a par ailleurs repris quelques codes issus d’Uncharted 4 et de son DLC spin off The Lost Legacy (qui mettait en scène Chloé Frazer et Nadine Ross) avec des zones plus ouvertes. En effet, certaines portions de l’aventure offrent un terrain de jeu beaucoup plus vaste, laissant au joueur le champ libre dans sa manière de suivre les événements. On ne peut évidemment pas parler d’open world, ni même de semi open world à la GOD OF WAR, mais sachez que ces ouvertures sont franchement les bienvenues et permettent au jeu de faire transparaître une certaine grandeur, au point qu’il était nécessaire de proposer un map que Ellie peut consulter à tout moment pour retrouver son chemin. Ces contrées étendues, malheureusement trop peu nombreuses, se distinguent de manière assez évidente, puisqu’Ellie dispose le moment venu de moyens de transport pour naviguer plus rapidement qu’à pied. Il y a le cheval bien entendu, mais aussi ce Zodiac qui permet de pénétrer dans des recoins reculés de Seattle. En parlant d’idées déjà exploitées dans Uncharted 4, on retrouve l’utilisation de cordes et de câbles à faire swinger ou balancer pour essayer d’atteindre des zones à première vue inaccessibles, pour justement rendre justice à ce level design très vertical. Il y a également toutes les énigmes environnementales qui font écho aux précédents jeux de Naughty Dog, mais curieusement, on les a trouvés nettement moins inspirés ici, dans The Last of Us 2, que les deux précédents Uncharted. Sans doute parce que l’univers s’y prête moins et qu’il est davantage question d’atmosphère pesante que de se prendre la tête sur un puzzle où l’on pourrait bloquer pendant 2h sans trouver la solution. C’est même plutôt logique en fait.
BEAUTÉS INTÉRIEURES COMME EXTÉRIEURES
Avec toute cette liste d’améliorations et de nouvelles features résolument modernes, le gameplay de The Last of Us 2 en est sorti grandi, au point même qu’on espère que d’autres studios lui piqueront certaines de ses idées tant elles sont magistralement exécutées. On pense bien évidemment au système de combat melee, l’une des grandes révélations de cette suite. D’aucuns diront qu’on en fait trop – peut-être bien – mais quand on prend un pied pareil, difficile parfois de contenir sa joie. Par contre, s’il y a bien un aspect sur lequel le titre de Naughty Dog fera indéniablement l’unanimité, c’est bien sa réalisation, au sens le plus large. C’est assez drôle car la gifle graphique n’arrive pas tout de suite, pas au lancement du jeu en tout cas. Non pas que le titre se métamorphose soudainement, mais certains passages sont indéniablement plus marquants que d’autres. Tous les passages à Seattle sous la pluie, surtout quand ils sont de nuit, ont affolé nos pupilles. On savait le Naughty Dog Engine particulièrement redoutable, mais avec The Last of Us 2, les développeurs nous prouvent surtout qu’ils maîtrisent leur sujet sur le bout des doigts. L’ensemble des graphismes jouit d’une finesse assez rare, grâce notamment à des environnements qui brillent par leur richesse, donnant l’impression de déambuler dans un univers parfaitement crédible et authentique. Il s’agit peut-être d’un monde post-apo, mais Seattle n’a jamais été aussi beau à contempler, grâce bien sûr à cette nature luxuriante qui reprend le dessus face aux Humains en voie d’extinction. Les éclairages et autres jeux de lumière dynamiques viennent renforcer la beauté de ces décors, mais le clou du spectacle, celui qui décroche la gueule, c’est ni plus ni moins que la modélisation des personnages et le degré de finition des animations faciales. C’est simple, un tel niveau de réalisme, c’est du jamais vu. Le premier Hellblade de Ninja Theory, survenu un an après Uncharted 4 (en 2017 si vous avez la mémoire courte), avait réussi à nous secouer, mais là, difficile de ne pas tirer son chapeau aux artisans de Naughty Dog. Au-delà de voir des modèles 3D qui dégagent une forme d’humanité sidérante, c’est le degré de détail que les développeurs sont parvenus à intégrer dans le jeu qui fascine. Veines apparentes et qui évoluent selon l’humeur du personnage, rougeurs et aspérités sur la peau selon la zone du corps (le coude qui apparaît plus marqué que le reste du bras par exemple), muscles en mouvement, traces de sang qui popent après un affrontement, tout a été fait pour que l’immersion soit la plus intense possible. Justement, en parlant de la gestion des muscles sur les personnages du jeu, sachez qu’il s’agit de l’une des nouvelles features technologiques de The Last of Us Part 2. Grâce aux outils que Naughty Dog semble maîtriser désormais, c'est la déformation des muscles, qu’on peut voir sur les bras des personnages, sur les chevaux, mais aussi les chiens. Lorsque le cheval bouge, on peut voir les muscles onduler sous sa peau. Leur volume va donc grossir ou se réduire selon le mouvement de l’animal, c’est assez insane à contempler. Histoire d’ailleurs d’aller encore plus loin dans le réalisme, on parvient même à distinguer la crasse sous les ongles de nos personnages quand on zoome dessus : Naughty Dog n’a clairement pas fait les choses à moitié.
S’il l’on attendait The Last of Us 2 de pied ferme sur de nombreux points, sachez que la véritable surprise du jeu s’est révélée être sa durée de vie. Pour venir à bout du puissant récit concocté par Neil Druckmann et Harley Gross, il faut compter peu ou prou 30h de jeu, en quasi ligne droite ; soit le double du premier The Last of Us. Pour un jeu dit « couloir » (mais qui comporte tout de même quelques zones ouvertes, on le rappelle quand même), c’est tout simplement du délire.
Pour que les graphismes paraissent aussi crédibles, il y a un bien sûr un niveau de détails impressionnants sur la qualité des animations. Bien sûr, tout cela a été facilité par l’ensemble de la performance capture des acteurs (mention spéciale à Ashley Johnson et à Troy Baker qui ont clairement sorti le meilleur d’eux-mêmes pour donner vie à ces deux personnages forts que sont Ellie et Joel), mais la palette d’animations est telle qu’aucune transition entre deux mouvements ne semble avoir été oubliée. À l’image de Red Dead Redemption 2, on retrouve des palettes entières d’animations pour tout ce que le perso entreprend à l’écran. Se courber pour ouvrir un tiroir, s’accroupir pour récupérer un objet au sol, tendre le bras convenablement pour ramasser du loot, plier son pied lorsque celui-ci est utilisé le long d’une paroi verticale, retirer la flèche d’un cadavre ou celle qu’on vient de prendre dans l’épaule (en maintenant R1 sous peine de voir sa jauge de vie diminuer tant que la flèche reste plantée dans le corps), tout a été fait pour que l’immersion soit la plus fluide et la plus authentique possible. En fait, Naughty Dog a choisi d'utiliser la technologie de "Motion matching", qu’on a déjà pu voir à l'œuvre sur For Honor. Plutôt que d'utiliser une animation pour chaque mouvement, les développeurs ont capturé les mouvements d'un acteur en train de se déplacer de plusieurs manières différentes (vers l'avant, en arrière, en pivotant, en se retournant) et c’est l'agorithme qui se charge de sélectionner non pas une animation à jouer, mais 3 ou 4 qu'il exécute conjointement en faisant en sorte qu'elles se mélangent pour obtenir le mouvement parfait et le plus naturel possible. Comme dit plus haut, il n’y a que Red Dead 2 qui ait poussé le délire aussi loin, sauf que Naughty Dog a fait en sorte que l’exécution de ces anim’ soit le plus rapide possible afin d’éviter la redondance que certains pouvaient reprocher au titre de Rockstar.
RAGE AGAINST THE MACHINE
S’il l’on attendait The Last of Us 2 de pied ferme sur de nombreux points, sachez que la véritable surprise du jeu s’est révélée être sa durée de vie. Pour venir à bout du puissant récit concocté par Neil Druckmann et Harley Gross, il faut compter peu ou prou 30h de jeu, en quasi ligne droite ; soit le double du premier The Last of Us. Pour un jeu dit « couloir » (mais qui comporte tout de même quelques zones ouvertes, on le rappelle quand même), c’est tout simplement du délire. C’est d’autant plus exemplaire que le rythme de l’aventure est, comme souvent chez Naughty Dog, parfaitement maîtrisé. Des premiers pas dans l’aventure jusqu’à la scène finale retentissante, nos deux auteurs savent comment jouer sur nos émotions, en alternant astucieusement le récit de séquences nerveuses, de phases d’exploration, de moments chocs, de temps calmes, et de scènes pleine de mélancolie. C’est un ascenseur émotionnel qui vous attend dans ce jeu, et très sincèrement, se faire retourner les tripes autant, ça ne nous était pas arrivé depuis un certain Red Dead Redemption 2. Mais pour comprendre tout ce processus, nous sommes évidemment obligé d’aborder le sujet de l’histoire, le fameux scénario qui a fuité à plusieurs reprises, et qui a généré bon nombre de fantasmes de la part de certains joueurs, qui pensaient qu’on pouvait résumer The Last of Us 2 à une propagande LGBT. Non seulement ils sont d’une étroitesse d’esprit affligeante, mais en plus, ils se sont lourdement plantés. En fait, l’histoire d’amour naissance entre Ellie et Dina dans The Last of Us Part 2 n’est qu’un postulat de départ. Oui, il va se renforcer au fil de l’aventure, mais son orientation sexuelle était déjà connue grâce au DLC « Left Behind » où l’on avait déjà observé un rapprochement entre Ellie et Riley. Si Ellie tombe amoureuse de Dina, ce n’est que la suite logique d’événements passés. En vrai, il faut davantage voir The Last of Us Part 2 comme un jeu rendant hommage à la femme, peu importe son physique, son gabarit, ses idéaux ou son orientation sexuelle. Dans le monde post-apo du titre imaginé par Neil Druckmann et Harley Gross, la femme est l’égal de l’homme. Non seulement, on va jouer en majeure partie des femmes, mais il y a également une parité homme / femme chez l’ennemi qui est assez flagrante, qu’il s’agisse des WLF, des Scars ou des infectés. Et grâce à ces prises de positions marquées, Naughty Dog a sans nul doute fait évoluer les mentalités dans le jeu vidéo.
Une violence crue, sauvage même, ultra réaliste, parfois dérangeante, qui peut même paraître gratuite par moments, mais qui est évidemment justifiée grâce au propos et au contexte du monde post-apo dans lequel nos personnages évoluent. S’il est évidemment que Neil Druckmann est attiré par les histoires sombres et résolument adultes, il n’oublie jamais d’y apporter des raisons valables, et dans le cas de The Last of Us Part II, Ellie est drivée par son insatiable envie de se venger.
En fait, là où Naughty Dog donne l’impression de marcher sur des œufs, c’est dans le choix délibéré de faire de son œuvre l’une des plus violentes qui soit à l’heure actuelle. Une violence crue, sauvage même, ultra réaliste, parfois dérangeante, qui peut même paraître gratuite par moments, mais qui est évidemment justifiée grâce au propos et au contexte du monde post-apo dans lequel nos personnages évoluent. S’il est évident que Neil Druckmann est attiré par les histoires sombres et résolument adultes, il n’oublie jamais d’y apporter des raisons valables, et dans le cas de The Last of Us Part II, Ellie est drivée par son insatiable envie de se venger. Sans vous spoiler, notre jeune femme de 19 ans va être traumatisée par un événement d’une sauvagerie rare, générant au plus profond d’elle une haine ultime qui va la transfigurer. La jeune ado innocente qu’on avait découvert il y a 7 ans n’est plus ; elle est même morte au moment des faits tragiques, et sans forcément tomber dans le côté obscur de la Force, elle va surtout nourrir une haine qui va se traduire à l’écran de plusieurs manières différentes. Dans son visage pour commencer : il suffit d’observer les nombreuses expressions et autres mimiques lorsqu’Ellie assassine ses ennemis pour comprendre à quel point la noirceur l’a envahie ; il n’y a plus l’once de la naïveté qui l’habitait auparavant. Dans ses gestes aussi, comme ce moment qu’on a pu voir dans la démo du State ou Play où elle n’hésite pas à planter son couteau dans la gorge d’une jeune femme qui montait la garde, une PS Vita dans les mains et des écouteurs aux oreilles, et qui transpirait la joie de vivre avant tout. Ellie n’a plus aucune pitié et se moque totalement des conséquences que tout cela peut entraîner. Un thème qui est d’ailleurs très bien traité dans le jeu et qui permet de se poser de grandes questions. Nos actes, quels qu’ils soient, ont des conséquences souvent irréversibles et peuvent avoir un effet boule de neige.
RED RING OF HATE
Là où The Last of Us 2 peut déranger, mais permet de nous questionner en tant que joueur, c’est la sensation inconfortable que l’on peut avoir à tuer des gens de sang-froid. Le message que Neil Druckmann veut nous faire passer, c’est que nous ne tuons pas seulement de simples PNJ, mais des êtres avant tout. Le fait que les ennemis se parlent entre eux par exemple, qu’ils se racontent des histoires ou des anecdotes pendant leur ronde, qu’ils s’appellent par leur prénom ou se mettent à exprimer des sentiments lorsqu’ils s’aperçoivent que l’un d’entre eux a été exécuté froidement : tout cela a de quoi remettre pas mal de choses en question. Bien sûr, il ne s’agit que d’un jeu vidéo et bien entendu, ce ne sont que simples personnages en 3D que l’on abat dans le jeu, toutefois, rares sont les œuvres vidéoludiques qui parviennent à générer ce sentiment de regret au moment d’éliminer un personnage virtuel. Est-ce nécessaire ? Est-ce justifié ? A-t-on besoin d’en arriver là ? La dernière fois qu’un jeu vidéo nous a fait regretter d’abattre un ennemi, c’est Shadow of the Colossus, un titre sorti en 2005 sur PS2 (remasterisé sur PS3 en 2011, puis remaké en 2018 sur PS4). Ces colosses majestueux, souvent paisibles, devaient mourir par la lame d’un jeune homme venu sauver sa bien-aimée plongée dans une sorte de coma. Parce que ces géants ne dégageaient aucun sentiment de haine, il était parfois difficile de les achever alors qu’ils menaient leur vie tranquille.
Il y a donc une vraie escalade de la violence dans The Last of Us Part 2, mais les auteurs du scénario que sont Neil Druckmann et Harley Gross ont réussi aussi à insuffler de l’empathie à des moments souvent inattendus, et ce quel que soit le camp où nous nous situons. Ellie et Joel peuvent-il vraiment être érigés comme des héros ? Leurs actes passés peuvent-ils restés impunis ? Peut-on continuer à vivre dans un cycle de violence inouïe sous prétexte que le monde – et la société – dans lesquels on vit s’écroulent ? Ce qu’on considère être le bien de notre point de vue n’est-il pas le mal selon autrui ? Qu’importe nos choix ou nos prises de décision, il est difficile d’être totalement en accord avec le récit imaginé par Naughty Dog. De toutes les façons, ni Neil Druckmann ni Harley Gross ne nous demande d’être en osmose avec le scénario qu’ils ont imaginé, façonné… Tout ce qu’ils souhaitent, c’est de nous faire comprendre à travers cette œuvre que la violence, aussi compréhensible soit-elle, est difficilement justifiable. Il faut qu’à un moment donné, toute cette violence prenne fin. En cela, The Last of Us Part 2 est un jeu à part, un titre qui marque de son empreinte indélébile, une expérience dont on ne sort finalement pas indemne. On pourrait en effet parler de jeu d’auteur avec un enrobage AAA, et qui mérite assurément une standing ovation de la part du public. Naughty Dog vient tout simplement de nous livrer sa meilleure œuvre.