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- Univers, personnages, missions
- Ambiance sonore géniale, musiques et voix comprises
- Un gameplay par camp
- Localisation buggée
- Combats douteux
- Havoc sous exploité
Tel un vampire, Bloodlines possède une double personnalité, une face très séduisante, accrocheuse et une autre bien moins reluisante. On aurait pu s’attendre à des prouesses techniques somptueuses grâce à l’utilisation du moteur Havoc – utilisé dans Half-Life², est-il besoin de le rappeler – nous sommes très, très loin du hit de Valve. Mais vous le savez, la technique ne fait pas tout, heureusement, et Bloodlines apparaît comme un des jeux de rôle à l’univers le plus étudié.
S’il fallait citer un domaine fantastique dans lequel les auteurs de jeux vidéo ont largement pioché, celui des vampires apparaîtrait en bonne position. A chaque fois cependant, la déception figurait également au palmarès des "jeux à éviter" du mois de la presse spécialisée. Bloodlines, avant de s’inspirer directement des histoires transylvaniennes, s’inspire d’un jeu de rôle, un vrai jeu de rôle, avec des feuilles de personnages, des dés, tout le tralala. Derrière ce génial jeu de White Wolf, la mythologie la plus importante des créatures aux dents longues ; je ne parle évidemment pas des génies méconnus sortant des chez HEC.
Cet univers, loin d’être manichéen, présente des créatures suceuses de sang appartenant à de nombreuses factions. En aucun cas, il ne s’agit d’un affrontement humains – vampires. Bien au contraire. On trouve parfois des rivalités énormes entre certains de ces monstres. Les humains, finalement ne sont que la nourriture. Comment en vouloir à la nourriture ? En revanche, la façon de la préparer peut créer des litiges. Dans le jeu qui nous intéresse, trois sectes vampiriques sont en présence. La Camarilla, le Sabbat et les Anarchs. La principale notion les opposant s’appelle la Mascarade. Elle constitue une table de loi en un commandement : rester discret aux yeux des humains. En effet, les vampires constituent 1/100.000ème de la population mondiale. Comment ne pas imaginer qu’ils seraient chassés par les humains si la preuve de leur existence était avérée ? De nombreux clans suivent cette règle élémentaire, consistant à suivre ses instincts sans pour autant les afficher à la vue de tous. Pour la survie de l’espèce. Le Sabbat représente la secte qui s’oppose radicalement à la Mascarade. Ses membres méprisent les humains, ils veulent affirmer leur supériorité au monde entier et surtout, le moins discrètement possible. Reste les Anarchs. Pour résumer, ils considèrent les partisans du Sabbat comme des abrutis mais méprisent cependant les défenseurs de la Camarilla, ces bourgeois has been, fidèles à des lois dictées par des anciens ne vivant pas dans cette époque. Ils respectent plus ou moins la Mascarade. De par le monde, il existe bien d’autres sectes mais ce sont les trois présentes dans Bloodlines.
Pour vivre heureux, vivons cachés
Dans ce jeu, vous démarrez votre partie en faisant partie de la Camarilla, avec quelques sympathies pour les Anarchs. A la création de votre personnage, vous devez choisir un clan parmi sept. Cette étape constitue la phase la plus importante du jeu. De là découlera votre façon de jouer. Vous pouvez devenir quelqu’un de raffiné ou un monstre hideux. Vivre caché ou vous engager dans la faction des leaders. En choisissant un clan, vous obtiendrez également des compétences spéciales, elles vont orienter votre gameplay. Allez-vous mettre tous vos points dans la discrétion pour revivre quelque chose de similaire à Deadly Shadows ? Ou jouer une brute épaisse, très douée dans les combats rapprochés ? Après avoir bien étudié les différents clans, on s’aperçoit très vite que tous ne s’avèrent pas aussi simples à jouer. La meilleure méthode consiste à la jouer fine. Il suffit de lire la loi de la Mascarade pour comprendre que le butor de base n’est pas le bienvenu dans les mécanismes du jeu. Dans tout autre jeu de rôle, le fait de combattre vous apporte de l’expérience. En vous pliant à la Mascarade, vous ne pouvez pas faire ce que vous voulez (laisser un cadavre dans la rue par exemple vous fait perdre des points, voler des fonds caritatifs également). Si vous remplissez des missions, aussi bien pour des vampires que pour des humains, d’une façon très morale, vous serez parfaitement intégré dans l’univers, vous obtiendrez des objets que vous n’auriez pas eus par la force. Et en pratiquant le jeu, on s’aperçoit que certaines choses compensent votre carence en force, ou en défense. Bref, opter pour le clan Toréador (le plus humain des clans) simplifie grandement la vie. Les aptitudes qui en découlent sont l’Augure (permet de comprendre les intentions des personnages qui vous entourent grâce à une aura autour d’eux ; il n’y a pas de violation de la Mascarade), la Célérité (permet de se déplacer de quelques centaines de mètres en quelques secondes ; à un niveau élevé, il y a violation de la Mascarade) et la Présence (permet de faire peur aux personnages se trouvant autour de lui, pas de violation de la Mascarade). Pour chaque clan, trois aptitudes spécifiques. Inutile de dire que la Replay Value, le fait de pouvoir rejouer plusieurs fois à Bloodlines demeure un des points forts du jeu, même si après une partie de 40 heures (estimation en accomplissant toutes les quêtes), on a peut-être envie de passer à autre chose.
California dreamin’
Bloodlines se déroule à Los Angeles, on y reconnaît certains quartiers ; ne vous attendez cependant pas à faire une visite guidée de la ville. La première zone, Santa Monica, ne représente que trois petites rues parallèles, quelques artères les reliant, un bout de plage, une jetée. Downtown, le centre ville est encore plus réduit. Cela ne veut pas dire qu’on en a vite fait le tour, loin de là. L’entrée dans chaque bâtiment conduit à une nouvelle zone, parfois un simple magasin, parfois à un hôpital entier. Le décor est donc posé ; mais que fait-on exactement dans Vampire Bloodlines ? Au départ, le chef de la Camarilla tue votre père, celui qui vous a mordu. Selon la loi de la Mascarade, il devrait également vous tuer. Il vous laisse cependant une chance. En contrepartie, vous devrez accomplir des missions servant ses intérêts. La quête principale de la première ville consiste à déclarer la guerre au Sabbat. Pour ce faire, il faut retrouver un type. Malheureusement, il vous explique qu’il s’est fait voler des explosifs ; ils devaient servir à détruire un entrepôt ennemi. Pour vous en emparer, vous devrez mettre hors d’état de nuire un petit gang de malfrats. Toutes ces petites actions consistent à découvrir un univers extrêmement riche. La quête principale exige la résolution de cinq ou six missions en vous faisant passer par tous les lieux.
Mais on s’aperçoit très vite que pour cette simple partie de la ville, il existe au moins deux fois plus de quêtes annexes. Pour info, il existe quatre grandes zones dans le jeu et certaines quêtes ne s’ouvrent que pour des clans précis. On découvre toutes les subtilités de l’univers, les tensions entre les personnages petit à petit, cela reste vraiment bien fichu tout au long de la partie. Certaines quêtes trouvent leurs solutions dans des zones non explorées de la ville, il n’existe pas vraiment de chapitres. Les personnages, tous très étudiés, resteront sans doute comme les plus séduisants des jeux vidéo. Je pense notamment à cette vampire très goth et à sa sœur plus stricte qui ne sont au final que la même personne, complètement schizo-hystérique. Chacune des deux personnalités veut tuer l’autre. Bien savoir les manipuler permet de gagner beaucoup d’expérience. Ou ce simple flic qui sillonne les rues de Santa Monica en fredonnant l’air du show télé « Cops ». L’humour n’est pas en reste, aussi bien dans les dialogues que les situations. Pourtant, Bloodlines, ce n’est pas que de l’humour ; parfois, ça fait peur ; vraiment peur. En accomplissant une mission pour la schizophrène, vous vous retrouvez dans une maison hantée. A ce moment là, tous les poncifs des films de fantôme sont exploités. Superbement. Vous avancez dans un couloir ; à quelques mètres de vous, un croisement. Derrière vous, une voix gutturale. Vous vous retournez. Rien. Vous replacez dans votre position initiale. La silhouette d’une gamine traverse le croisement en hurlant. Les lustres vibrent, les lumières s’éteignent. Dans la cuisine, une centaine de casseroles volent dans votre direction. Et cette silhouette hurlante à chaque couloir !... Ok, ça fait peut-être con de l’avouer mais à trois ou quatre heures du matin, vous n’auriez pas fait les fiers non plus. Le plaisir permanent d’avancer dans cette aventure se retrouve cependant entaché d’une réalisation médiocre, voire catastrophique.
Des canines élimées
Revenons quelques mois en arrière. On nous explique que Bloodlines va être formidable, qu’il utilisera le moteur physique de Half-Life² et patati, patata. En fait, ce moteur prend tout son sens avec une idée forte, comme le Gravity Gun. Si c’est pour lancer un parpaing ou une planche avec plus ou moins de difficulté, l’intérêt ne se trouve pas accru. Sous-exploité donc. Et même mal exploité. Des problèmes de collision font leur apparition, notamment quand on marche sur un objet mobile, tout vibre à l’écran, la progression ne s’avère plus aussi simple. Ca sent le « pas-fini ». Ca sent aussi le moteur - argument commercial, dont les auteurs n’ont pas su tirer la quintessence. Peut-être même qu’ils s’en seraient mieux tirés sans ces lignes de codes extérieures, ce fardeau à utiliser absolument. D’autant plus que les décors et l’environnement restent désespérément statiques. Pire, le moteur du jeu ne fait pas figure de foudre de guerre. Sur un ordinateur moyen, où HL² tourne relativement correctement en 1600/1200, Bloodlines nécessite de baisser la résolution en 800/600 pour rester jouable. Les temps de chargement demeurent moins longs mais le jeu ne possède évidemment pas la même linéarité. On rentre dans une petite zone et on ressort dans la grande quelques secondes pour entrer dans une autre, moyenne. Parfois, sur cinq minutes de jeu, on reste trois minutes à se tourner les pouces devant l’écran de chargement. Horripilant. Et si on en restait là pour les défauts, Bloodlines serait franchement un excellent titre.
Passage en revue des bugs techniques constatés. Vous n’allez pas en croire vos yeux. Les voix du jeu, en VO, s’avèrent formidables. Pas de VF mais bon, vu la qualité, on préfère. Les sous-titres permettent une bonne compréhension. Tout a été traduit. Tout ? Non, des petits bouts de phrases résistent à la localisation. Cela reste assez rare et pas vraiment perturbant. En revanche, quand vous hackez un ordinateur, tout est en français. Et là, c’est le drame. Les ordinateurs de Bloodlines ne reprennent pas une interface moderne, les lignes de commande font penser à du DOS. Il faut donc taper la ligne du menu complète pour accéder à une certaine information. Il aurait été pratique de taper des raccourcis comme 1, 2, 3 ou 4. Non, on tape les lignes de commande complètes et traduites. Le problème vient de la place limitée pour écrire, elle ne doit pas dépasser 12 ou 15 caractères. Or certaines instructions dépassent cette limite. Impossible d’obtenir certaines informations. Et parfois, ce ne sont pas quelques données qui enrichissent l’univers mais celles qui vous permettront de terminer une quête. On sent d’ici les gros investissements dans la localisation et la bonne coordination entre les services de Troika (qui n’a pas fourni l’information à l’éditeur) et d’Activision (qui n’a pas testé le jeu après traduction). Difficile d’obtenir une plus grande frustration. J’ai hacké environ une vingtaine d’ordinateurs et le problème est survenu deux fois. Jamais sur la quête principale, fort heureusement. Mais il faut mettre cela sur le compte de la chance. Après ces approximations de développement, peut-on inclure les phases de combat dans la partie des bugs. Oui et non. Oui à 100% pour les combats à distance. Que vous soyez muni d’un simple flingue ou d’un Uzi, vous ne pouvez pas vous coller juste à l’angle d’un mur et tirer discrètement sur l’ennemi sous peine de voir votre balle se loger dans le mur faisant office de protection. Il faut vous trouver parfaitement en face pour être sur. Bon, de toute façon, je préfère les combats qui n’en sont pas, en arrivant discrètement derrière un ennemi et en l’égorgeant ou en en buvant le sang afin de remonter les pouvoirs du vampire que j’incarne. Pourquoi ? Les combats sont si hasardeux, les angles de caméra tellement mal fichus qu’au final, tous les affrontements n’apportent aucun plaisir au joueur. On ne peut donc pas parler de bugs stricto senso mais de mauvais choix de gameplay. De toute façon, à l’écran, un combat est tellement incompréhensible qu’il doit bien se cacher quelques bugs là-dedans !
Rarement un jeu n’aura été aussi différent sur le fond et sur la forme. Pour l’univers bien étudié, les personnages charismatiques, les missions intéressantes, la feuille de personnage simple, efficace, fidèle à celle du jeu de rôle, l’envie de le récompenser par une autre forte note s’avère irrésistible. Mais toute la partie technique fait figure d’un énorme gâchis. On en regretterait presque la 3D isométrique d’Arcanum, autre jeu de rôle du développeur. Même si des patchs font leur apparition, je les vois en réaliser un spécifiquement pour la VF ou modifier totalement les combats ou apporter un nouveau moteur au jeu. Vous êtes prêt à découvrir le plus cohérent des univers, expliqué par des personnages sensationnels ? Vous devrez alors affronter des hordes de vampires terriblement agressifs, au même titre qu’une réalisation terriblement douteuse.