6 20
Il n’est pas donné à tout le monde de s’aventurer au plus profond de la Sibérie, terre maudite, lieu glacé d’exil et de souffrance. Du courage et de la volonté, une belle abnégation, une résistance physique à toute épreuve, la liste des qualités nécessaires est longue. Il vous faudra tout ceci, est une belle dose d’inconscience, pour vous lancer à la conquête de Syberia sur DS. L’intrigante aventure imaginée il y a six ans par Benoît Sokal rate totalement son passage en petit format. Illisible, abrutissant, mou et injouable, le point & click désert ne mérite pas de passer l’hiver.
- Originalité et cohérence de l'univers
- Prise en main douloureuse
- Bande-son ultra-répétitive
- Allers-retours pénibles
- Manque de lisibilité
Considéré par certains comme le chef d’œuvre virtuel de Benoît Sokal, Syberia installe finalement son esthétique Art-Déco et ses paysages glacés sur DS, plus de six ans après sa première apparition sur PC. La conversion est tardive, mais le nombre de point & click disponibles sur la portable de Nintendo reste suffisamment faible pour justifier cette adaptation. Un double-écran de poche ne vaut hélas pas un bon 17 pouces, le stylet n’est pas une souris, et cette version là ne fait vraiment pas honneur à l’original.
C’est une histoire glacée mais tendre que nous conte aujourd’hui le père de l’Inspecteur Canardo. Débarquée dans les Alpes pour régler une simple affaire de succession industrielle, Kate Walker, jeune avocate dans un grand cabinet new-yorkais, se retrouve lancée, bien malgré elle, sur les traces du faux défunt Hans Voralberg, un héritier aussi âgé que fantasque. Du moribond village de Valadilène, dans lequel trône la singulière usine d’automates convoitée par Kate, jusqu’à de lointains paysages enneigés, le voyage est somptueux, mais quelque peu oppressant. Les rares personnages qu’elle va croiser sont tous attachants, mais également usés, malades, certains physiquement, d’autres simplement sérieusement dérangés mentalement. Aucun d’entre eux ne se montrera d’un grand secours. Quant à Oscar, fidèle conducteur-contrôleur-majordome de notre héroïne, si ses manières sont bien humaines, il n’en demeure pas moins un être de rouages et d’acier, un automate parmi les plus élaborés jamais conçus par la famille Voralberg. La solitude sera finalement votre meilleure compagne durant les quelques heures de cette aventure en point’n’click, basée sur l’exploration de décors statiques et l’activation de quelques mécanismes peu complexes.
Cadavérique
La conversion du jeu original sur DS s’est effectivement accompagnée d’une large simplification. Les énigmes retorses sont passées à la trappe, certaines séquences de recherche trop laborieuses ont disparu. Ainsi allégé, le jeu est plus court, et plus facile. Hélas, en concentrant ses efforts sur ce point, Tetraedge Games a négligé des aspects autrement plus importants du travail d’adaptation. En effet, et aussi surprenant que cela puisse paraître, un écran de console portable, même double, n’a pas tout à fait la même résolution qu’une bonne dalle de PC, et il est de bon ton de se débarrasser de quelques artifices esthétiques lorsque l’on passe de la seconde au premier. Ici, les décors ont juste été réduits et deviennent donc partiellement illisibles. Les éléments interactifs ne se détachent absolument pas de leur environnement, à tel point que sur une DS de première génération, il vous faudra plisser les yeux pour repérer certains objets et interrupteurs ! Les zones de clic qui permettent de passer d’un écran à l’autre sont tout aussi petites, et vous devrez souvent vous y reprendre à trois fois pour que Kate, qui souffre en prime de violents troubles du pathfinding, rejoigne enfin le point que vous avez désigné. Le déroulement des opérations est évidemment d’une insupportable lenteur, puisque la douce demoiselle, raide comme la mort, est incapable de courir. Et pour achever les plus courageux, la progression est joyeusement rythmée par des thèmes musicaux totalement abrutissants. La compression décente des vidéos, et la cohérence du superbe univers créé par le dessinateur belge ne relèvent même pas l’intérêt de cette transposition bâclée. Allez hop, au goulag !