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Prenez une louche de System Shock, une cuillère à soupe de BioShock, une cuillère à dessert de Half-life, une cuillère à café de Deus Ex et une pincée de Dishonored. Mélangez soigneusement le tout, puis laissez refroidir le temps de regarder Alien et Gravity. Démoulez avec précaution et vous obtiendrez un PREY tout chaud ! Une telle description du jeu pourrait sembler sarcastique mais il n'en est rien. PREY digère parfaitement toutes ces influences et apporte son lot de trouvailles originales. Il ne lui manque en gros qu'un aspect technique plus poussé pour s'imposer définitivement comme un incontournable. Rendez-vous dans quelques temps pour un PREY 2 ?
- Une intro mémorable
- Des armes et pouvoirs originaux
- L'attention apportée aux détails
- La direction artistique, l'ambiance, la musique…
- Une fluidité sans faille
- Gameplay haché par les menus
- Mini-jeu de piratage pas génial
- Graphismes techniquement datés
- Bug de textures
- Vrais-faux miroirs...
Aperçu pour la première fois en 1997 à l'E3, PREY est un FPS qui a longtemps fait figure d'arlésienne. On pourra d'ailleurs remarquer que, tout comme Duke Nukem Forever, c'est le studio 3D Realms qui était initialement aux commandes. Finalement, le jeu sera développé par Human Head Studios et sortira en 2006, pour un résultat très honorable, même si le succès n'a pas vraiment été au rendez-vous. Voilà, vous pouvez maintenant oublier tout ce que vous venez de lire...
Car le PREY qui nous intéresse aujourd'hui n'a en réalité rien à voir avec le projet de 1997 ni même le titre de 2006. Autre éditeur, autre développeur, autre univers : il ne s'agit même pas d'un reboot de la licence, mais tout simplement de l'utilisation d'un nom qui a eu son heure de gloire avant de tomber en désuétude. Cependant, l'utilisation du terme "prey" reste malgré tout très pertinente car le jeu vous place clairement plus dans la peau de la proie que celle du chasseur. Après tout, vous incarnez un(e) scientifique féru(e) de modifications neuronales, et pas un soldat spécialiste des armes à feu et du combat rapproché. Votre nom est Morgan Yu (homme ou femme, le choix vous est donné en début de partie) et vous vous réveillez le 15 mars 1932 dans votre appartement. Le temps d'enfiler votre combinaison de travail, de lire un ou deux mails et d'interagir avec quelques objets, et vous voilà prêt à passer une dernière série de tests qui vous permettront d'accéder à la station spatiale de recherches Talos 1. Cette introduction sert naturellement de didacticiel basique, et pourtant elle fera date dans l'histoire du jeu vidéo. Elle vous réserve de très belles surprises, que ce soit en termes de mise en scène, de level design ou de scénario. Dès le début de l'aventure, les développeurs d'Arkane Studios frappent donc très fort. Gageons que cette scène rejoindra très rapidement Half-Life au panthéon des meilleures introductions !
Dès le début de l'aventure, les développeurs d'Arkane Studios frappent donc très fort. Gageons que cette scène rejoindra très rapidement Half-Life au panthéon des meilleures introductions !
D'ailleurs, vos premiers combats dans Talos 1 se dérouleront avec une clé à griffe, qui n'est pas sans rappeler le pied-de-biche de Gordon Freeman ou encore la clé à mollette de BioShock. Puisque nous sommes dans une station spatiale, la menace est naturellement extra-terrestre. Elle prend la forme de créatures noires et filandreuses appelées Typhons. Vous en croiserez des tous petits explosifs, des gros costauds, et même des vicieux capables de se transformer en n'importe quel objet environnant pour mieux vous surprendre. Une très bonne idée de gameplay, qui vous laisse dans un état de tension permanent. Quand la moindre poubelle, chaise ou tasse à café est susceptible de vous sauter à la gorge, il est difficile de ne pas sombrer dans la paranoïa. Mais quel plaisir quand on a le nez creux et qu'on tire à l'avance sur un "Mimic" qui se croyait bien à l'abri dans son déguisement !
IL NE FAUT PAS LÂCHER LA PROIE POUR L'OMBRE
Pas avare en bonnes idées, Prey, propose un gameplay protéiforme, qui laisse énormément de choix aux joueurs. Certes, on fera toujours mieux de choisir la discrétion plutôt que l'affrontement direct, notamment en début de partie. Mais les masochistes pourront tout de même tenter d'abattre les créatures extra-terrestres "d'homme à homme". En faisant preuve de malice et en combinant les différentes armes, pouvoirs et objets environnants, il est possible de s'en sortir. Cependant, la discrétion reste une voie plus sûre. Ici on empruntera un conduit d'aération pour éviter un groupe d'ennemis et là on utilisera un passe électronique pour ouvrir un nouveau passage (ou on déplacera un objet lourd qui bloquait le passage si on a suffisamment de force, ou on réparera un dispositif si on en a la compétence, etc.). Recherche de mots de passes, piratages de postes de travail et lectures de nombreux emails sont également au rendez-vous, à la Deus Ex. Plus orienté sur l'habilité et la vitesse que la réflexion, le mini-jeu de piratage manque un peu de profondeur par rapport à celui du concurrent signé Eidos, mais ce n'est pas bien grave car PREY a bien d'autres atouts dans sa manche. L'environnement spatial donne par exemple l'occasion de quelques passages en apesanteur bien sympathiques. Et le jeu se dote d'un système d'artisanat bien pensé, via la présence récurrente de recycleurs (qui permettent de décomposer les différents objets que l'on a ramassés en matériaux organiques, minéraux, synthétique et exotiques) et de fabricateurs qui utilisent ces mêmes matériaux pour créer de nouveaux objets, pour peu qu'on ait trouvé précédemment leurs plans de fabrication.
On se retrouve alors capable de ralentir le temps quelques secondes, de créer des extra-terrestres alliés à partir des cadavre humains ou encore, et c'est le clou du spectacle, de se transformer en objet comme le font les Mimic. C'est du jamais-vu dans un jeu AAA, c'est amusant et cela sert également le gameplay puisqu'il reste possible de se déplacer.
Les ressources étant rares, il ne faut pas hésiter à utiliser ces machines, afin d'obtenir des neuromods (qui permettent d'augmenter le nombre et la puissance de nos pouvoirs), des munitions ou des armes supplémentaires. Certaines armes sont d'ailleurs plutôt originales, à commencer par le canon GLUE (Gelée Liquide Ultra Entravante) qui projette une sorte de mousse isolante, grâce à laquelle on pourra se protéger d'un arc électrique, éteindre une flamme ou même immobiliser temporairement un ennemi. Assez rapidement, et par une subtile mise en scène, le jeu nous montre même qu'il est possible de créer des escaliers à l'aide des blocs de mousse, afin de progresser autrement dans les niveaux. La présence d'une arbalète en plastique qui tire des fléchettes en mousse a également de quoi étonner, mais avec un peu de jugeote elle peut se révéler très utile (pour détourner l'attention d'un ennemi ou activer un interrupteur à distance par exemple). Le prix de l'originalité est également décerné à la charge recyclante, une grenade qui absorbe tous les objets et ennemis situés dans son rayon d'action et les transforme aussitôt en matériaux de recyclage. Répartis dans différentes sections (scientifique, ingénieur, sécurité, énergie, transformation, télépathie…), les pouvoirs ne sont pas en reste. Au prime abord assez terre à terre (réparation, force, piratage, furtivité, endurance, recyclage…), ils prennent un tout autre tournant dès lors qu'on commence à pouvoir absorber les aptitudes des Typhons. On se retrouve alors capable de ralentir le temps quelques secondes, de créer des extra-terrestres alliés à partir des cadavre humains ou encore, et c'est le clou du spectacle, de se transformer en objet comme le font les Mimic. C'est du jamais-vu dans un jeu AAA, c'est amusant et cela sert également le gameplay puisqu'il reste possible de se déplacer ! Transformez-vous en petit objet et vous pourrez vous faufiler dans des endroits autrement inaccessibles. Griotte sur le gâteau : une fois transformé en objet, les créatures extra-terrestres ne vous considèrent plus comme un humain et vous laissent donc tranquilles.
MÉLANGE DES GENRES
Vous l'aurez compris, PREY est riche de mille possibilités et propose un gameplay qu'on pourrait quasiment qualifier d'émergent tellement il laisse de liberté au joueur. La nouvelle création d'Arkane récompense en permanence l'exploration et l'imagination. La contrepartie de cette richesse réside dans un nombre un peu trop important de menus. Les va-et-vient incessants dans l'interface brisent la fluidité du gameplay et hachent un peu trop l'action. Pourtant, les développeurs ont clairement tenté de minimiser ce problème, comme le prouve le soin accordé aux opérations de fouille. Lorsque vous ouvrez un placard ou pillez un cadavre, les objets ramassables s'affichent en surimpression dans une petite fenêtre discrète qui n'interrompt pas vos déplacements et autres actions. Et il reste possible d'agrandir cette fenêtre afin de disposer d'une interface plus classique, qui offre notamment une description textuelle des objets. Ce souci du détail se retrouve également dans le level design, qui nous présente des bureaux et des installations techniques crédibles. Les environnements sont d'ailleurs sublimés par une direction artistique art déco futuriste des plus séduisantes. En revanche, les graphismes n'ont vraiment rien d'extraordinaire d'un point de vue purement technique. La fluidité est parfaite mais entre les vrais-faux miroirs qui ne reflètent rien, certaines modélisations un peu trop sommaires, et surtout un affreux bug de textures qui rend de nombreux éléments flous, on ne peut vraiment pas parler de claque graphique. Mais qu'importe le flacon, pourvu qu'on ait l'ivresse !