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Après de longues années de développement, Human Head Studio est parvenu à offrir aux amateurs de FPS un titre original, bourré d’innovations et intéressant de part en part. Au-delà d’une réalisation graphique exemplaire, Prey s’en sort avec les honneurs grâce notamment à un level-design réfléchi, géré par les lois de la gravité et ponctué ici ou là de portes dimensionnelles, qui permettent des séquences de jeu inédites et quelques énigmes tordues. Cependant, la facilité de jeu, la progression linéaire et le peu de chapitres disponibles en font un jeu très court auquel le mode multijoueur n’apporte pas grand-chose, pour ne pas dire rien. Prey est avant tout une aventure qui se consomme en solo et il serait vraiment dommage de passer à côté surtout en cette période de l’année.
- Réalisation au top
- Un level-design travaillé
- Les lois de la gravité
- Des armes originales
- Les séquences de shoot spatial amusantes
- Les musiques signées Jeremy Soule
- Bien trop court
- Très linéaire
- Un peu trop facile
- Un arsenal et un bestiaire limité
- Un mode multijoueur décevant
Faut-il, pour faire un FPS incontournable, des années et des années de développement ? Si la théorie s’est vérifiée avec Half-Life 2 ou Doom III, on est encore dans l’expectative concernant Duke Nukem Forever. Mais à travers ces trois exemples, force est de constater qu’il s’agit de suites et que donc la réputation des séries n’est plus à démontrer dans leur succès respectif. Alors quand un jeu original suit la même logique que ces mastodontes des jeux de shoot à la première personne, on ne peut qu’être sur le qui-vive, en espérant avoir entre les mains une perle rare. Et même s’il ne parvient pas à effacer ses concurrents, Prey réussit à marquer les esprits à la manière d’un Riddick à son époque.
La gestation de Prey aura nécessité au final cinq longues années à Human Head Studios pour porter le jeu sur PC. Et parallèlement à ce développement, Venom Games avait la lourde tâche d’adapter le First Person Shooter sur Xbox 360. Autant dire qu’une production telle que celle-ci supervisée par 3D Realms et 2K Games n’est pas une mince affaire surtout qu’actuellement le marché sature en FPS et il est bien difficile de se faire remarquer aux yeux des gamers. Et pourtant ! Prey réussit le tour de force de s’imposer comme un inédit non pas par son ambiance, ni même pas son intelligence artificielle digne d’un F.E.A.R. mais grâce à un level-design soigné aux petits oignons et bourrés d’originalités inattendues que seule la nouvelle génération de graphismes pouvait mettre sur pied. Mais avant de découvrir ces particularités structurales, il faut laisser le temps au scénario, bien que basique à ses débuts, de se mettre en place.
Un indien dans la ville
Tout commence dans les toilettes crasseuses d’un troquet perdu au fin fond de l’Amérique profonde. C’est là-bas que sont parqués les Amérindiens, le terme politiquement "correct" donné aux natifs du continent américain par les colons venus en masse. Mais on n’est pas là pour refaire le passé, bien au contraire. Il est temps pour Tommy d’écrire son histoire, l’histoire de son peuple, l’histoire de l’humanité. Voilà qui peut-être surprenant pour un homme qui se fout de la culture indienne et cherokee que tente de lui inculquer son grand-père, qui veut à tout prix quitter cette réserve avec à son bras sa douce et tendre Jen. S’il lui est impossible de dire à sa bien-aimée ses sentiments, il a bien l’intention de l’emmener loin de cette civilisation décadente, peu importe ses revendications. Il est temps de partir. Mais Tommy n’aurait jamais imaginé quitter le bar de Jen par le toit, absorbé par une énergie inconnue. Après quelques échauffourées avec les pochtrons habituels et les pressentiments d’Enisi, le grand-père de Tommy, l’impensable se produit ! Il ne faut pas être né de la dernière pluie pour comprendre que quelque chose venu du ciel n’a pas débarqué sur Terre pour trinquer un coup et jouer à la belote. Une bagnole qui s’enfonce avec fracas dans les portes battantes du café, les bornes d’arcade qui lévitent, la télévision annonçant une alerte nationale, la belle Jen suspendue par les pieds et une lueur verte vous embarquant vers l’inconnu. En moins de deux, le bar ressemble à un champ de ruine envahi par des créatures qui n’ont franchement rien d’humains et vous voilà ligoté on ne sait comment à une paroi mobile.
Mieux que le Grand Huit, vous êtes parti pour explorer les tréfonds d’un vaisseau extraterrestre. Heureusement pour vous et malheureusement pour eux, Jen et Enisi, ainsi que les deux tordus que vous avez tabassés joyeusement avec votre clef à molette façon Condemned, vous précédent dans ce voyage forcé. Dans ce brouhaha de cris stridents, de chocs métalliques, de prières indiennes et de soufflerie, vous parvenez à vous libérer grâce à l’intervention terroriste d’un illustre inconnu. A entendre les hurlements de douleur qui résonnent dans le vaisseau, le temps est compté pour votre famille. Et c’est toujours la clef à molette à la main que vous parcourez les lugubres couloirs tapissés de chair et aux portes qui ressemblent à des trous de balles (devinez lesquels !) à la recherche de vos proches. Hélas, le destin est cruel et vous devez contempler avec horreur la torture infligée à votre grand-père qui ne résistera pas bien longtemps dans ces conditions. Papi est parti pour un long voyage, reste à sauver Jen et à découvrir le comment du pourquoi de ce rapt extraterrestre.
Body Harvest
Bien entendu, le destin du monde ne réside pas que dans la simple utilisation d’un outil de travail maculé de sang. Si votre clef à molette permet de trucider quelques fodders, sorte de gros poulets dépecés, il vous faudra du courage et de la patience pour terrasser la dizaine d’ennemis qui vous barrera la route. Dès le premier Chasseur rencontré, vous récupérerez une arme alien, organique et vivante. Ah ça, on peut dire que Human Head Studios s’est creusé le cerveau pour nous mettre entre les mains un arsenal jamais vu auparavant ! Le fusil récupéré sur le cadavre du chasseur à qui vous avez la fête et on ne peut plus conventionnel. Il permet aussi bien de tirer en rafale que de sniper les adversaires. En mode zoom, le flingue s’avère beaucoup plus efficace mais est aussi plus lent. Fort heureusement passer en mode tireur d’élite avec cette arme est tout aussi rapide qu’un Call of Duty 2 ce qui évite certains temps mort. De plus, vous ne tombez jamais en rade de munitions car elles se régénèrent toutes seules. On retrouve ensuite les grenades-rampants. Il s’agit de bestioles auxquelles on décortique une patte et qu’on balance dans le tas pour faire tout péter. Elles aussi ont deux fonctions. La première ressemble à une grenade à fragmentation tandis que la seconde pourrait s’apparenter à une mine de proximité, attendant qu’un ennemi passe dans les environs pour exploser. Vient ensuite, le canon-sangsue qui peut se charger en munitions enflammées, glacées ou électriques. Vous trouverez plusieurs containers de munitions durant le jeu jusqu’à dégoter le rayon plasma destructeur qui vous fait reculer de plusieurs mètres en arrière.
On enchaîne ensuite sur le fusil mitrailleur qui fait également office de lance-grenades. Le récupérer n’est pas une mince affaire puisqu’il faut se coltiner une altercation avec un boss démesurément grand. L’acidifieur ressemble étrangement à un fusil à pompe mis à part ses munitions qui dégoulinent d’une substance corrosive. Enfin, l’arme la plus destructrice du jeu et le lanceur de rampants et s’emploie soit comme lance-roquettes, soit comme bouclier pare-balles. Malgré leur design original, les armes s’utilisent de façon traditionnelle. Et si vous avez fait un rapide calcul dans votre tête, vous pouvez remarquer que seules 7 armes sont disponibles. C’est vrai qu’on aurait aimé en voir plus d’une dizaine mais l’arsenal est à l’image des ennemis : limité. Je ne veux pas dire par là que l’I.A. des adversaires est ridicule mais qu’ici aussi il n’y a pas 107 créatures différentes à liquider. On retrouve souvent les mêmes personnages, qu’ils soient petits et trapus, volants et rapides ou immenses et invulnérables comme les Centurions qui à eux seuls font le spectacle. Selon les adversaires rencontrés, vous devrez bien choisir votre arsenal au risque de tomber à court de munitions. Et avec le Centurion ne pensez même pas vous planquer derrière un pilonne, il n’en fera qu’une bouchée. Lui, comme les autres, n’établissent pas de plans d’attaque réfléchis. A la manière de Quake ou de Doom, c’est du "je fonce dans le tasé. C’est sûr que ce système de jeu court à sa perte mais le level-design permet une toute autre approche.
Tommy in the sky with demons
Mais avant d’entamer la dissection des niveaux, sachez que Prey fait également quelques soubresauts du côté des jeux de shoot spatial grâce à l’utilisation de navettes extraterrestres. C’est ainsi que lâcher en plein espace, vous découvrirez que vous êtes bien loin de votre terre natale et que les avions kidnappés par les aliens pleuvent au-dessus de votre tête. A bord de votre navire de compet’, le gameplay se rapproche des séquences FPS à ceci Prey… euh près, que vous perdez rapidement le sens de l’orientation. Pour ce qui est des armes, seules deux options vous sont proposées : les tirs en rafale ou le rayon tracteur qui permet de balancer les adversaires à pied dans le vide ou d’agripper une navette ennemie pour la canarder de plus près. Ces phases de jeu ne sont pas forcément aussi excitantes que certains jeux du genre mais ont le mérite de couper court à la monotonie et d’être relativement intéressantes. Surtout que de partir en vadrouille aux abords du vaisseau mère nous en met plein la vue avec un fourmillement de détails, tous plus aguichants les uns que les autres. Des météorites qui s’écrasent, aux planètes voisines en passant par la structure détaillée de la cité extraterrestre en orbite, tout est réuni pour nous titiller la rétine. Idem pour les décors en intérieur.
Si l’on regrette au level-design de Doom III d’être ultra répétitif, Prey bien que proche du jeu d’Id Software de par son moteur graphique évite de tomber dans la facilité. Bien évidemment, le changement de décor s’effectue essentiellement entre chaque chapitre et c’est ainsi qu’on peut tout a fait se retrouver dans un dédale de couloirs lugubres, puis dans une reproduction du bar de Jen ou encore en pleine nature lorsque l’esprit de votre grand-père vous appelle. Mais la particularité de Prey se concentre avant tout dans le changement de gravité que l’on peut découvrir en parcourant le jeu. Pourquoi se battre les pieds à terre alors qu’attaquer la tête en bas est tout aussi redoutable. Grâce à un cheminement de passerelles gravitationnelles, vous pouvez aussi bien grimper aux murs, marcher sur les plafonds ou être suspendu par les pieds au-dessus du vide. Cette innovation a évidemment une contrepartie : celle de vous donner le mal au cœur. Mieux vaut avoir le palpitant qui tient la route mais après quelques péripéties acrobatiques, on ne perd plus le Nord. D’ailleurs, l’affichage d’une petite map n’aurait pas été un luxe dans ce cas-là mais aussi pour repérer les ennemis qui se fondent un peu trop facilement dans les décors du fait de graphismes sombres et chargés. La deuxième grosse révolution imaginée par Human Head Studios est les portes interdimensionnelles qui permettent en une fraction de secondes de changer radicalement d’univers. Sans le moindre temps de chargement, et j’insiste bien sur ce fait-là, vous pouvez changer de zones de jeu mais aussi recevoir la visite surprise d’ennemis. Ces warpzones ne peuvent être pris que dans un sens, celui ou vous voyez les décors à travers. Et c’est avec un plaisir non dissimulé qu’on fait tourne autour, qu’on sort, qu’on y rentre afin d’être émerveillé à chaque fois par le changement visuel imposé par ces sphères ou ses portes.
Listen to your heart
Donc avec les portes interdimensionnelles et la gravité, les développeurs ont pensé à intégrer quelques énigmes histoire de corser l’affaire. C’est ainsi que dans certaines, pièces, il faudra tirer sur des interrupteurs pour modifier les lois de l’attraction (extra)terrestre et se retrouver sur un autre pan de mur afin de trouver la sortie au risque de faire dégoupiller notre jeune Cherokee. Ce n’est pas tout car un autre aspect du jeu vient s’immiscer dans ces puzzles et ces séquences FPS : le monde spirituel. Le fait que Tommy soit un indien réfutant les légendes cherokees n’est pas un simple hasard. Plus il avance vers le dénouement du jeu, plus il découvre le pouvoir de son esprit. Après une chute mortelle, il se retrouve nez à nez avec son défunt grand-père qui lui explique comment il est facile de séparer l’âme du corps dans le but de traverser des obstacles insurmontables. Sous la forme spirituelle, Tommy peut ainsi activer des interrupteurs inaccessibles, traverser des champs de force, franchir des ravins sans pour autant bénéficier des lois de la gravité. Autrement dit, si le corps est suspendu par les pieds, l’âme se balade tranquillement sur le sol. Et autant dire que toutes ces particularités offrent de nouvelles énigmes à résoudre. Toujours sur la forme d’esprit, Tommy peut utiliser un arc magique puissant et détruire sans se faire voir les ennemis. Chaque flèche réduit la jauge spirituelle du héros et ce n’est qu’en récupérant l’âme des trépassés que Tommy peut poursuivre ainsi son chemin.
La structure spirituelle est également utile pour découvrir des zones secrètes et ramasser tout un tas de munitions. Cela dit, le jeu nous facilite grandement la tâche dans ce cas de figure, comme pour les énigmes, puisqu’une marque au sol vous indique quand utiliser cette option cherokee. Puisqu’on est à parler de facilité de jeu, sachez qu’il est impossible de mourir dans Prey pour la simple et bonne raison que lorsque vous santé tombe à zéro, vous passez dans le monde des morts et avec votre esprit vous devez toucher un maximum de bestioles pour recouvrir énergie vitale et énergie spirituelle. Une fois la petite affaire rondement menée, vous reviendrez dans le monde métallique finir le sale boulot. Qu’il s’agisse d’une chute inopinée ou d’un boss, le game over ne fait pas partie du jeu. C’est pourquoi la progression se fait assez facilement et de façon très linéaire et qu’il ne faut pas plus de 8 heures de jeu pour en voir la fin. Le jeu est court, trop court peut-être, mais à la manière de The Chronicles of Riddick : Escape From Butcher Bay, le scénario nous tient en haleine et devient beaucoup intéressant dès lors qu’on s’aperçoit que l’être humain sert de victuailles aux méchants aliens et que l’avenir de l’Homme ne dépend que de Tommy. Miam, Miam ! Et quand on lit "l’aventure Prey n’est pas terminée", moi je dis re "miam, miam !".
Le multi tâche
Une suite à Prey sera peut-être l’occasion pour les développeurs de Human Head Studios d’améliorer grandement le mode multijoueur du jeu. En effet, au premier coup d’œil, le mode online ressemble à s’y méprendre à Quake avec des frags rapides, une chiée de munitions sans oublier les originalités de la campagne solo. Changement de gravités, warpzones, jauge spirituelle, tout est là pour ressentir le plaisir du mode "Histoire". Mais la réalisation laisse franchement à désirer. Je ne parle pas de réalisation graphique car le jeu conserve sa beauté visuelle, son moteur de Doom 3 amélioré, riche en effets de lumières et d’ombres. Non, le souci est d’autant plus gênant qu’il concerne les déplacements des avatars. Quand le lag ne fait pas de caprice, ce sont les mouvements des personnages qui sont imprévisibles tant et si bien qu’on tire partout et nulle part à la fois en espérant faire mouche avec les mêmes armes que le mode solo. Donc on retrouve un arsenal toujours aussi limité qui joue des coudes avec le peu de maps disponibles (7 au total) et la pauvreté de ses modes de jeu : Deathmatch et Team Deathmatch jouable grand maximum jusqu’à 8. Même pas un petit mode Coopération, Capture du Drapeau ou Conquête ! Ce n’est vraiment pas ce que l’on retiendra de Prey !
NB : pour ne pas vous gâcher le plaisir de finir le jeu, sachez que les images maison associées à ce test contiennent la fin du jeu.