Test Judgment : parce qu'il faut toujours laisser la justice faire son travail
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- Le Dragon Engine toujours au top
- Les sous-titres en français, enfin !
- Des actions EX qui pètent toujours
- La qualité de la B.O.
- Takayuki Yagami, un héros qui ne fait pas tâche
- Cette mise en scène dont Yakuza Studio a le secret
- La richesse du contenu
- Des boss fights et des gueules mémorables
- Un casting solide
- Un vrai polar dont on ne décroche jamais...
- ...malgré quelques longueurs, évidemment
- Les mécaniques d'enquête perfectibles
- Les courses de drone anecdotiques
- L'histoire se limite à Kamurochô
- Certains archaïsmes qui perdurent
Alors que les fans de Yakuza pleurent encore Kazuma Kiryû, le studio de Toshihiro Nagoshi a décidé de passer de l’autre côté de la barrière avec Judgment, un spin-off où le joueur va devoir appliquer la justice selon le droit nippon. Si la pègre locale est toujours là, si le quartier n’a pas changé, on incarne en revanche un nouveau héros qui, il faut bien le dire, nous avait laissés sur notre faim lors des deux premières démos récupérées sur le PlayStation Network japonais. Mais au terme d’une aventure qui aura duré 22 heures et des poussières, on peut vous le dire : ça claque du début à la fin. Voilà pourquoi.
S’il y a bien un dénominateur commun entre Kazuma Kiryû et Takayuki Yagami, c’est le style. Que ce soit au tribunal ou dans les ruelles sombres de Kamurochô, Yagami-san ne plaisante jamais avec la sape. L’une des rares fois où il se permet un écart, c’est lorsqu’il se déguise en sans-abris pour prendre en filature un ex-enquêteur, après avoir mis un terme à sa carrière d’avocat. Trois ans plus tôt, Takayuki Yagami était pourtant promis à avenir brillant, jusqu’à ce qu’il soit désigné pour défendre Shinpei Okubo que tout le monde accusait de meurtre. Après avoir obtenu miraculeusement son acquittement, un coup de fil de la police va précipiter sa chute : son client venait de tuer sa propre petite amie avant de mettre le feu à leur domicile. Pas de doute cette fois-ci, Okuba-san était bel et bien le coupable. Voilà comment le disciple du barreau s’est retrouvé à écumer les allées de Kamurochô dans la peau d’un détective privé. Il n’est pas seul à faire tourner l’agence, puisqu’il peut compter sur le soutien indéfectible de son pote Masaharu Kaito qui ne prend pas le temps de réfléchir avant de faire parler ses poings. Pris à la gorge financièrement, les deux compères vont tomber sur l’affaire du siècle : un serial killer qui élimine les yakuzas du quartier les uns après les autres. On vous laisse découvrir la suite, même si vous aurez sans doute déjà deviné qu’il existe un lien entre cette série de crimes et le dossier qui a poussé notre personnage à ranger définitivement son costume d’avocat.
Alors que Takayuki Yagami aurait pu se faire écraser par le poids d’un Kamurochô longtemps indissociable de Kazuma Kiryû, il réussit à s’approprier le quartier tout en imposant son style.
On peut troller pendant des heures sur certains aspects archaïques de Judgment, le script et la narration sont difficilement attaquables. OK, il y a quelques longueurs qui nous ont fait bailler, mais comme tout bon polar qui se respecte, le jeu nous happe avec une maîtrise du suspense à laquelle Yakuza Studio ne nous avait pas habitués ; et c’était loin d’être gagné tant les écueils inhérents au genre sont nombreux. Bien sûr, les développeurs ne pouvaient pas renier leurs origines, d’où les différentes connexions avec l’univers Yakuza. Par exemple, on s’aperçoit que la famille Matsugane est l’une des branches du clan Tojo bien connu des inconditionnels de la série. Pareil pour les Kyorei installés au Kansai, une région évoquée à maintes reprises dans Yakuza. Bref, Toshihiro Nagoshi et ses équipes ont fait du fan service en se limitant, toutefois, à l’écriture : sauf erreur de notre part, à aucun moment on ne croise un visage familier dans Judgment. On a un doute sur Akira Murase, mais comme il a été certifié qu’il n’y aurait aucun caméo, c’est certainement notre mémoire qui nous joue des tours. Ce qui est sûr en revanche, c’est que l’on a droit au même Kamurochô que Yakuza 6. Qu’il s’agisse des boutiques, des enseignes lumineuses, des bars, des night clubs (mention spéciale au Stardust), ou encore des salles d’arcade, rien n’a bougé. Si ça peut être perçu comme de la fainéantise de la part des développeurs, évoluer dans un arrondissement où l’on a déjà ses repères n’est pas plus dérangeant que ça. On regrette juste que le jeu se confine à un Kabukichô reproduit à l’identique, alors que Kazuma Kiryû avait pu se balader à Hiroshima avant de tirer sa révérence.
FAITES ENTRER L’ACCUSÉ
Yakuza Studio a dû se poser la question car, au fil des investigations, on se rend compte que le contenu est plus riche qu’il n’y paraît. On ne parle pas uniquement des classiques de SEGA tels que Space Harrier, Puyo Puyo, Fighting Vipers et Virtua Fighter 5 Final Showdown (il y a même Kamurochô of the Dead, un hommage à peine masqué à House of the Dead), on pense également à toutes les relations que l’on peut nouer avec la population. En lui rendant service, on remplira une jauge de réputation qui permettra de s’attirer les faveurs des individus (ils n'hésiteront pas à nous porter secours, par exemple), et d’obtenir des objets uniques dans la boîte aux lettres de l’agence. On ne vous cache pas que ça donne lieu à des situations assez cocasses dont les Japonais sont friands, mais elles ont le mérite de rendre le quartier encore plus vivant. Et puis, c’est l’occasion pour les développeurs de mettre en avant la chaîne de restaurants Ikinari Steak et son patron Kunio Ichinose ; les amateurs de viande apprécieront. Ces à-côtés viennent en soutient des affaires secondaires qui, elles, sont plus raccord avec la nature policière de Judgment. On en a déjà causé lors de l’émission JEUXACTU, Yagami peut prendre une cible en filature tout en faisant attention à ne pas se faire repérer. Désuète au possible, cette mécanique est aux antipodes de ce que proposent les productions actuelles en matière d’infiltration, la personne pistée étant tout de même capable de se retourner si elle entend le moindre bruit étrange – sa jauge de prudence se mettra alors à grimper. A noter que s’il disparaît de notre champ de vision, on dispose d’une quinzaine de secondes minimum pour retrouver sa trace.
Le mode "Recherche Filature" fait partie des outils dont on peut se servir pour localiser un individu, en se basant sur ses caractéristiques physiques dont on a connaissance. Généralement, il est assez simple de différencier le suspect des fausses pistes ; l’affaire est pliée en quelques secondes. On n’a pas non plus souffert avec le mode « Recherche Active/Aérienne » qui demande de passer au peigne fin une scène de crime en vue subjective ou à l’aide du drone. En plaçant le réticule sur les zones sensibles, Takayuki Yagami parvient à récupérer des preuves grâce auxquelles il peut mettre à mal le camp adverse ; encore faut-il les dégainer au bon moment. Magnanime, Judgment ne punit jamais le joueur en cas de mauvaise décision et le remet constamment sur la bonne voie. On pourrait en dire autant des dialogues à choix multiple : de ce que l'on a constaté, ils ont zéro impact sur la suite des événements. Le seul intérêt à faire preuve de finesse dans ces moments-là, c’est la possibilité de gratter des bonus, rien de plus. Est-il vraiment nécessaire de revenir sur les courses-poursuites obsolètes ? Non, tout comme le crochetage de serrures, la nécessité de choisir la bonne clé pour ouvrir telle ou telle porte verrouillée (mouais), ou la possibilité de forcer un taquet. Il est plus intéressant de s’attarder sur le système de combat qui présente des similitudes ainsi que quelques différences par rapport à Yakuza 6. La plus notable concerne les deux styles entre lesquels on peut switcher à n’importe quel moment de la partie, ce qui pourrait être considéré comme un retour en arrière. Le style du Tigre (rouge) est recommandé lors des boss fights où l’on doit faire face à un seul adversaire, tandis que le style de la Grue (bleu) est plutôt conseillé quand on affronte plusieurs ennemis en même temps.
Au risque de se répéter, c’est surtout la nuit que l’on se prend une claque tant la reproduction de Kabukichô est sidérante de réalisme.
Dans le but d’accentuer le côté spectaculaire des affrontements, Yagami-san est aussi capable de prendre appui sur un mur afin de claquer une attaque aérienne. L’ex-avocat est incontestablement plus agile que son illustre aîné, et on regrette alors que les coups continuent de manquer d’impact, surtout avec des combos qui ont gagné en consistance. Pour le reste, c’est du Yakuza Studio pur jus, c’est-à-dire des actions EX (l’équivalent des attaques Heat) à l’efficacité redoutable, des loubards que l’on peut saisir par le col pour les tabasser sans retenue, des armes blanches précieuses pour rayer les gueules d’en face, ou encore des Points d’Aptitude qui permettent de débloquer des compétences supplémentaires. A ce sujet, on remarque que Judgment ne fait aucune différence entre les points d’XP récoltés, histoire de simplifier les choses. On note aussi les blessures mortelles susceptibles de réduire dangereusement la barre vitale de Yagami. Du coup, il est impératif d’utiliser une trousse de secours ou de rendre visite au médecin Moroboshi pour soigner nos plaies. Ah oui, si vous comptez vous lancer dans un second run en difficulté « Légende », le boost EX risque de devenir très vite votre meilleur allié, car en plus d’accroître notre vitesse d’attaque, il absorbe également n’importe quel coup reçu. En clair, on peut y aller comme un bourrin. En fait, le seul gros reproche que l’on pourrait faire – en dehors des PNJ qui prennent le temps de former une arène de laquelle on ne peut sortir, bien évidemment – c’est au niveau de l’I.A. qui a tendance à attendre de se prendre un vélo ou un cône en pleine tête pour réagir. C’est d’autant plus incompréhensible que Takayuki Yagami possède un style de combat qui, justement, lui permet de taper sur plusieurs gars à la fois.
TOKYO, POLICE JUDICIAIRE
Si c’est sans doute avec le prochain Yakuza que le Dragon Engine arrivera à maturité, le moteur graphique impressionne toujours dans Judgment. Au risque de se répéter, c’est surtout la nuit que l’on se prend une claque tant la reproduction de Kabukichô est sidérante de réalisme. Le fait que les personnages secondaires soient plus nombreux permet de masquer les PNJ à la modélisation et aux animations faciales moins travaillées ; mais même avec ces imperfections, l’ambiance du jeu est juste folle. Et que dire de cette mise en scène ciselée, de ces cut scenes pleines de classe, de ce slow motion toujours dosé avec une grande justesse ? Alors oui, certaines animations sont rigides, on aurait aimé une météo (enfin) dynamique, la foule ne se comporte pas tout le temps de manière cohérente ; mais se focaliser dessus reviendrait à passer à côté de tout le savoir-faire de Yakuza Studio. Enfin, et ça fera plaisir aux anglophobes, Judgment bénéficie de sous-titres en français en plus d'être armé d'une B.O. de feu. On s'est régalé.