Test Ghost Recon Breakpoint : un fourre-tout sans âme ni personnalité sur PS4
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A la manière d'un gloubi-boulga, Ghost Recon Breakpoint pioche allègrement dans différentes recettes, et intègre des tas d'ingrédients sans jamais se soucier de leur cohérence. On se retrouve donc avec un hybride de Far Cry, Assassin's Creed, The Division, Metal Gear Solid V et Destiny 2, qui nous propose/impose un monde ouvert, l'obligation de jouer en ligne, des microtransactions, du jeu en tant que service, du loot, un niveau d'équipement, et quelques vagues mécaniques de survie et de craft car c'est la mode du moment. Tout cela n'est pas très digeste et on a parfois bien du mal à reconnaître l'héritage Ghost Recon. Même ceux qui n'auraient connu la série qu'avec l'épisode Wildlands risquent d'avoir une mauvaise surprise, puisqu'il n'est plus possible de jouer avec des coéquipiers dirigés par l'IA. Vous allez donc devoir crapahuter en solo (alors que le jeu n'est pas vraiment fait pour), avec JeanKevindu93 (tant pis pour l'immersion…) ou avec des amis solides, à condition qu'ils aient également acheté ce décevant Breakpoint. Dommage, les graphismes fort plaisants, la présence de John Bernthal et la possibilité de se camoufler dans la boue auguraient pourtant du meilleur.
- Le mode exploration, une bonne idée
- Les sensations de tir, agréables
- Les headshots fatalement fatals
- Le camouflage au sol
- La présence de Jon Bernthal
- Le jeu est pensé pour la coop
- Le manque d'originalité général
- La formule Ubisoft en mode gloubi-boulga
- L'interface qui part dans tous les sens
- Visuellement, c'est vraiment pas fou
- L'obligation de jouer en ligne
- L'absence de coéquipiers IA
- Les micro-transactions
- L'aspect Game as a service
- La VF, inférieure à la VO
- Les quelques bugs encore présents
Née en 2001, la saga "Tom Clancy's Ghost Recon" a connu de nombreuses itérations. Il y a un peu plus de deux ans elle passait au monde ouvert avec Ghost Recon Wildlands, qui nous avait d'ailleurs plutôt convaincus. C'est donc confiants que nous avons abordé le test de Ghost Recon Breakpoint, qui se présentait à nous avec plusieurs atouts dans sa poche, dont un acteur relativement célèbre. Mais nous allons voir qu'Ubisoft, capable du meilleur comme du pire, n'a pas renoncé à son sport préféré, qui consiste à se tirer plusieurs balles dans le pied...
Le logo Ubisoft, un crash d'hélicoptère dans la nuit, un plan de caméra qui nous montre un personnage la tête à l'envers… Non, non, vous n'êtes pas dans le test de Far Cry 5, mais bien dans celui de Ghost Recon Breakpoint. La séquence d'introduction donne le ton : le jeu ne va pas vraiment faire dans l'originalité. Mais avant d'aborder les (nombreux) points qui fâchent, commençons par préciser le contexte. Nous sommes en 2025 et l'USS Seay a mystérieusement sombré près de l'archipel d'Auroa, siège de la société Skell Tech, alors même que toute communication vers l'île semble bloquée. Et dans un cas pareil, qui c'est qu'on appelle ? Les Ghostbusters ? Non, les Ghosts tout court. Vous voilà donc partis pour accomplir l'opération Greenstone et incarner le soldat Nomad, dont vous devrez d'abord choisir le sexe et l'apparence. A noter que cette personnalisation ne signifie pas que nous avons affaire à un héros muet, comme cela devient un peu trop souvent le cas. Il est d'ailleurs possible de régler séparément la langue des menus, celle des sous-titres et celle des voix. Sur ce point et quelques autres (taille des sous-titres réglable, options pour les daltoniens, interface masquable à tout moment…), Ubisoft a clairement soigné la "qualité de vie" selon le terme consacré. En revanche, cela simplifie le travail pour se rendre compte que les voix françaises ne sont pas toujours au niveau de leurs homologues anglaises... Mais revenons à l'objectif de Nomad, qui consiste à rétablir les communications sur Auroa. Comme chacun peut s'en douter, cela se fera essentiellement en mitraillant des centaines de personnes. Il faut dire que les Ghosts trouvent sur leur chemin un ancien membre de leur groupe, définitivement passé du côté obscur de la force. Ce grand méchant nommé Walker est incarné par Jon Bernthal, que les amateurs de série connaissent notamment pour ses rôles dans The Punisher et The Walking Dead. Son visage familier et son jeu d'acteur de qualité font incontestablement partie des points positifs de ce Ghost Recon, dont la narration ne brille pas particulièrement par ailleurs.
LES FANTÔMES DE L'OPÉ RATENT
Le gameplay, lui, est déjà nettement plus solide. Il se base sur celui de Wildlands et ne souffre donc d'aucun défaut rédhibitoire. La présence et l'importance des drones sont une nouvelle fois les bienvenues, les sensations de tir sont bonnes, et si la conduite des véhicules ne casse pas trois pattes à un canard, le monde ouvert offre tout de même un fort sentiment de liberté. On apprécie également le fait qu'un tir à la tête sur un ennemi dénué de casque soit synonyme de mort instantanée. Le jeu se pare même de quelques nouveautés intéressantes, comme la possibilité de se recouvrir de boue ou de neige une fois qu'on est allongé au sol. On devient alors quasiment indétectable par les ennemis tant qu'on reste immobile. Cela tient plus du gimmick que de la révolution de gameplay, mais c'est un gimmick sympathique. Orientation coop oblige, il est possible de choisir sa classe parmi quatre différentes : un médecin équipé d'un drone de soin, un "assaut" qui regagne de la santé au fil des éliminations, une "panthère" qui peut disparaître dans un écran de fumée, et un sniper adepte des munitions à haute pénétration. Un arbre de compétences est également de la partie car, évidemment, Ubisoft n'a pas pu s'empêcher d'introduire quelques mécaniques dites "RPG".
Et c'est là que le bât commence à blesser, car en réalité Ghost Recon Breakpoint vire au fourre-tout et se retrouve avec le séant entre quatre ou cinq chaises.
Et c'est là que le bât commence à blesser, car en réalité Ghost Recon Breakpoint vire au fourre-tout et se retrouve avec le séant entre quatre ou cinq chaises. Il lorgne ainsi du côté des looters shooters à la The Division et se dote d'un système d'équipement proche de celui de Destiny 2. Le niveau des armes, des bottes et autres casquettes contribue ainsi à former un niveau global de personnage, qui sera alors recommandé pour certaines quêtes. D'ailleurs, le jeu n'hésite pas à nous balancer dans les cinq premières secondes de l'aventure deux quêtes secondaires de niveau 150+ alors qu'on n'en est encore forcément qu'au niveau 1. Bug ou maladresse, à vous de choisir ! Il faut dire que le jeu passe son temps à se saborder lui-même. Par exemple, il est possible de choisir entre un mode guidé et un mode exploration. Dans le premier cas, les objectifs sont automatiquement indiqués sur la carte de l'île, tandis que dans le second il faut étudier les indices que l'on nous donne ("au nord-est de telle région, près de la côte, on y trouve un phare visible de loin"). On aurait applaudi cette mécanique dans le cadre d'un jeu solo et/ou si elle avait été obligatoire. Mais sa présence a ici a beaucoup moins de pertinence, puisqu'il y aura toujours un de nos coéquipiers pour activer le mode guidé et foncer directement sur l'objectif.
LE JEU QUI SE ROULE DANS LA BOUE
La mode étant aux jeux de survie, on a également droit à quelques mécaniques issues de cette tendance. Rien de bien folichon, mais il faudra par exemple remplir régulièrement sa gourde d'eau potable, ce qui permet de retrouver de l'endurance. Des bivouacs font également leur apparition. Ils permettent de choisir un bonus temporaire en prévision de la prochaine mission (plus de résistance aux blessures, plus d'endurance, bonus d'XP...), de commander des véhicules, ou encore de fabriquer des objets. Hé oui, il fallait bien cocher la case "système de craft" ! Et tant pis si notre Ghost surarmé se retrouve à ramasser automatiquement des fleurs, des bananes, des pastèques et des graines de nénuphar lorsqu'il se déplace dans les décors. Vous n'étiez pas venus pour l'immersion au moins ? On n'échappe pas également au désormais incontournable "game as a service", avec son lot de missions de faction quotidiennes régulièrement réinitialisées (là encore, vous pouvez dire adieu à l'immersion), de saisons proposant du nouveau contenu, et des microtransactions. Ces dernières ayant déjà fait beaucoup parler d'elles, inutile de trop s'attarder. Sachez juste qu'avec votre véritable argent, vous pourrez acheter des Ghost Coins, qui vous permettront eux-mêmes d'acheter des crédits Skell, qui serviront enfin à acheter des armes. Tout est fait pour noyer le pigeon. Pardon, le poisson !
Mais ce n'est pas tout. Ubisoft a également choisi d'abattre la carte "connexion permanente obligatoire", quitte à imposer des messages d'erreur SILENT-1000B et autres SILENT-50001 aux joueurs lorsque les serveurs ne répondent pas... et les empêcher ainsi d'accéder à leur partie, même s'ils avaient prévu de jouer en solo. A propos de solo, n'espérez pas parcourir l'aventure avec des coéquipiers IA comme vous pouviez le faire dans Wildlands. Pour le moment vous êtes condamnés à jouer sans aucun partenaire, ou à faire équipe avec de vrais amis (c'est bien) ou des inconnus trouvés sur place (c'est moins bien). Le jeu prend alors des faux-airs de MMO du pauvre, avec un camp instancié où l'on peut croiser et enrôler les autres joueurs présents sur le serveur. Ghost Recon Breakpoint veut clairement manger à tous les râteliers et se perd en route. Non seulement le résultat manque d'originalité à force de repomper à droite, à gauche (les ennemis lourds semblent par exemple sortir tout droit de The Division), mais en plus l'interface ne sait plus où donner de la tête. Des informations s'affichent de toute part, les mêmes messages de didacticiels nous sont répétés en boucle même après plusieurs heures de jeu, le "tableau d'objectifs" est confus, et les menus sont tellement peu ergonomiques qu'il faut parfois cliquer normalement et parfois "cliquer long" pour valider une option. On pourrait également ajouter au cahier de doléances la présence de différents bugs, notamment graphiques (ennemi qui se téléporte, eau et herbe qui passent à travers le fond d'un bateau, personnages aux cheveux systématiquement gris…). Bref, les joueurs les plus bienveillants pourront toujours compter sur l'aspect "game as a service" pour arranger les choses. Mais en attendant des jours meilleurs, ce Ghost Recon Breakpoint qu'on aurait tant voulu aimer nous assène plutôt une douche froide.