Test Frostpunk : ambiance glaciale pour un jeu qui réchauffe le coeur
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Jeu de gestion qui conviendra autant aux adeptes du genre qu'aux novices qui voudraient le découvrir sous les meilleurs auspices, Frostpunk multiplie les bonnes idées et les réussites. L'univers "Steampunk gelé" est original, intéressant et impressionnant. Les différentes mécaniques de jeu sont à la fois riches et faciles à appréhender. Et les graphismes en mettent plein les yeux malgré leur apparente simplicité (de la neige et quelques bâtiments). Il n'y a rien à jeter dans Frostpunk, qui réussit tout ce qu'il entreprend. Le seul bémol concerne l'absence d'un mode bac à sable, qui permettrait de proposer une durée de vie virtuellement infinie, comme le font de nombreux autres jeux de gestion. Mais on vous conseille fortement de passer outre cette lacune, et de vous plonger à corps perdu dans cette aventure glaciale.
- Le Steampunk gelé, ça le fait !
- Une vraie beauté froide
- Gameplay limpide
- Interface sans faille
- Pas de mode bac à sable
- Durée de vie relativement limitée
- Zoom un peu trop faible
Avec ses graphismes en noir et blanc, sa musique dépressive, sa survie réaliste inspirée du siège de Sarajevo et ses personnages rongés par la culpabilité, This War of Mine nous avait, assez paradoxalement, fait passer de très bons moments. Du coup, on ne pouvait qu'être enthousiasmés par le nouveau projet des polonais de 11 bit studios (à ne pas confondre avec onebitbeyond, qui vient de nous offrir The Swords of Ditto). Et la bonne nouvelle, c'est que le jeu résiste parfaitement à l'épreuve du test et ne déçoit nullement !
On a beau évoquer de l'enthousiasme et des bons moments, 11 bit studios semble tout de même se spécialiser dans les atmosphères dystopiques. Cette fois, on se retrouve plongés en pleine apocalypse. Mais vous pouvez directement mettre au placard tous les clichés de type "terres désolées arides et ensoleillées" (coucou Fallout, Rage, Mad Max..) car vos principaux ennemis sont ici le gel et la neige. En effet, sans qu'on sache vraiment trop pourquoi, une immense vague de froid s'est abattue subitement sur toute la planète. Ensevelies sous la neige, les grandes villes sont devenues quasiment invivables. C'est pourquoi certains habitants de Londres décident de partir vers le grand Nord, à la recherche d'un ancien générateur de chaleur qui pourrait bien permettre la reconstruction d'une cité digne de ce nom. Déjà forts sympathiques jusqu'ici, ce scénario et cet univers sont d'autant plus agréables qu'ils prennent pied à l'époque de la révolution industrielle. Le jeu, qui ne s'appelle pas Frostpunk pour rien, nous offre donc une déclinaison gelée du genre Steampunk. Voilà une très bonne idée, qui permet aux développeurs d'afficher une direction artistique qui a sacrément de la gueule. Entre l'aspect rétro-futuriste et les conditions météorologiques extrêmes, il y a de quoi prendre beaucoup de plaisir visuellement. On a beau avoir affaire à un "simple" jeu de gestion, les graphismes font leur petit effet. Flocons portés par le vent, neige creusée sous les pas des travailleurs, manteau blanc qui fond au fur et à mesure que la ville se développe ou encore effets de gel qui vont jusqu'à envahir l'écran, tout plein de détails viennent à la fois flatter la rétine et renforcer la crédibilité de l'univers représenté. D'un point de vue purement technique, on ne regrettera qu'une seule petite chose : le manque de puissance de la fonction de zoom. On aurait vraiment aimé pouvoir observer d'encore plus près les rouages des bâtiments et les animations des habitants.
APOCALYPSE SNOW
Avant d'aborder les détails des mécaniques de jeu, précisons que l'interface est également digne de louanges. Elle est plutôt élégante et, surtout, extrêmement claire. Toutes les infos nécessaires sont à portée de main, on ne se perd jamais dans les menus, et on comprend instantanément l'utilité de chaque bouton. Dans de nombreux jeux de gestion, on doit parfois tâtonner avant de bien saisir le fonctionnement de telle commande ou de tel élément de gameplay. Ici, aucun problème de ce genre. Tout juste pourra-t-on bloquer quelques instants sur le traçage des rues, qui doivent être reliées au générateur central, mais même ce point très légèrement délicat ne constituera un véritable obstacle pour personne. Déjà mentionné à deux reprises, le générateur constitue littéralement le cœur de la ville. Grâce à sa consommation de charbon, il permet de dégager de la chaleur et donc de rendre supportables les conditions climatiques extrêmes. Le principe de rayonnement fait que la disposition des bâtiments adopte une forme circulaire, afin de profiter au mieux de la chaleur dégagée au centre. Dans un premier temps, il faudra construire des abris pour vos habitants, sans quoi ils risquent de mourir de froid, puis des postes médicaux, afin de soigner les malades les plus légers et d'amputer les cas les plus graves, des cabanes de chasse et des cantines afin d'obtenir de la nourriture, puis un atelier, qui donne accès à de multiples recherches, et donc à une tonne de bâtiments supplémentaires.
Toutes les constructions peuvent être améliorées (un dortoir protège mieux du froid qu'une tente, une maison de repos offre de plus grandes possibilités pour les malades qu'un simple poste médical, etc.), vous devez y répartir au mieux vos travailleurs (ouvriers, ingénieurs, enfants, automates…), veiller à optimiser les lignes d'approvisionnement en charbon, bois et acier, et surtout, surtout, prendre garde à chauffer suffisamment les bâtiments les plus importants. On a vu que leur disposition par rapport au générateur central était primordiale, mais il est également possible d'installer des relais de chaleur ponctuels ou encore des radiateurs. La fonction "surmultiplicateur" du générateur permet de palier à un problème passager en boostant la puissance de l'engin, mais il risque de rentrer en surtension au bout d'un certain temps. Mieux vaut essayer de l'améliorer définitivement, surtout que cela permet également d'augmenter son rayon d'action. Pour vérifier instantanément la température des différentes constructions il suffit d'activer la vision thermique, qui affiche alors un dégradé de couleurs allant du violet ("glacial") au rouge ("confortable"). Prenez également soin de garder un œil sur les prévisions météorologiques, afin de vous préparer au mieux aux vagues de grand froid (la température de base est de -20 degrés, mais elle peut descendre bien plus bas…). Par ailleurs, le jeu vous propose régulièrement de petites quêtes dont la réussite ou l'échec aura une influence sur deux autres paramètres très importants : l'espoir et le mécontentement. Il faut naturellement chercher à augmenter au maximum le premier et à diminuer autant que possible le second. Sans quoi, la révolte gronde !
DURA LEX, SED LEX
Très scénarisé, le jeu vous placera régulièrement face à des situations tendues, à l'image du mouvement des Londoniens, qui souhaitent abandonner le grand Nord et repartir vers la capitale britannique. Pour mater cette révolution, vous pourrez employer la manière forte en imposant l'ordre ou la manière douce en développant la religion. Ce genre de décision s'effectue à travers le Livre des lois, qui offre de multiples choix binaires. Faut-il faire travailler les enfants ou mettre à leur disposition des abris spéciaux ? Construire de véritables cimetières ou de simples fosses gelées où seront conservés les cadavres ? Diluer les rations en cuisinant de la soupe ou en ajoutant de la sciure de bois dans les repas ? Certains effets sont immédiats et prévisibles, d'autres agissent sur le long terme et peuvent se montrer plus surprenants. Extrêmement riche en paramètres, le jeu propose également un système d'éclaireurs, que l'on peut envoyer à la découverte d'autres lieux. Cela permet généralement de récolter des ressources ou des habitants supplémentaires, tout en développant le scénario de l'aventure. Comme tout bon jeu de gestion, Frostpunk est donc extrêmement riche en paramètres (on n'a fait ici qu'en explorer la surface). Mais il réussit l'exploit de ne jamais submerger le joueur. Que ce soit en début ou en fin de partie, tous les objectifs ainsi que les moyens d'y parvenir restent limpides. On tient donc là une petite perle, qui ne décevra (légèrement) que les adeptes des modes bac à sable. Frostpunk se contente en effet d'un mode scénarisé. Trois scénarios sont actuellement disponibles, et on espère que d'autres arriveront par la suite. Mais il n'est pas permis de lancer une partie libre qu'on pourrait jouer à l'infini. Pour un jeu de gestion, la durée de vie reste donc relativement modeste. Mais entre un titre qui propose des centaines d'heures de jeu potentiellement ennuyeuses (on ne visera personne par charité chrétienne), et un autre plus encadré mais disposant d'une atmosphère unique, d'une interface quasiment irréprochable et d'un gameplay aux petits oignons, notre choix est vite fait !