Test Devil May Cry 5 : la consécration de la série au prix de quelques larmes sur PS4
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Cela faisait plus d’une décennie que les fans priaient jour et nuit pour un cinquième opus et, après toutes ces années d’attente, Capcom s’est enfin décidé à sustenter sa communauté. Devil May Cry 5 est désormais une réalité et tous les regards sont indéniablement tournés vers lui. Pourtant, force est de constater que le nouveau jeu d’Hideaki Itsuno souffre de fragilités évidentes qui viennent ternir une aventure sur laquelle resposaient de nombreux espoirs : la direction artistique, en dent de scie, se répète trop souvent, les questions sont toujours laissées sans réponse et sa fin a largement de quoi diviser. Pourtant, difficile de vraiment cracher dans la soupe tant le titre s’appuie sur d’autres bases infiniment plus solides. C’est bien simple : il s’agit à ce jour de l’un des beat'em all les plus aboutis qui soient, étalant d’incroyables systèmes de gameplay variés, profonds et audacieux. Également chanceuse de profiter d’un moteur ultra-performant et donc de s’imposer comme une vitrine technologique, cette nouvelle aventure peut se targuer de sensations d’action jubilatoires qui sauvent la mise sur bien d’autres points. De plus, Devil May Cry 5 est un hommage flamboyant à la série, multipliant les références et le fan-service pour un résultat ultra-respectueux de l’univers. Le jeu manque encore un peu de pertinence dans sa globalité pour s’imposer comme une perle absolue, mais bon dieu, que ce nouveau périple fut savoureux malgré tout. Vivement Devil May Cry 6.
- Le jeu est un génial hommage à la saga
- Des références dans tous les sens, un bonheur
- Difficile de trouver un gameplay plus abouti pour le moment
- Des sensations de jeu franchement exquises
- C'est quand-même superbe techniquement
- Un gameplay plus accessible tout en gardant une profondeur de dingue
- Quelques musiques bien trouvées
- Une direction artistique parfois excellente, notamment dans les ennemis
- Le mode Entrainement, bien conçu et sacrément utile
- Une apogée scénaristique savoureuse...
- ...mais qui débouche sur une fin précipitée et ridicule
- Le choix de morceaux pas toujours bien adaptés
- Des questions toujours laissées sans réponse
- Une répétitivité dans les lieux , dont certains ne collent pas à l'esprit Devil May Cry, et certains boss
- Trop peu de costumes et bonus à débloquer, on ne se sent pas vraiment récompensés
- La feature coopérative ne sert clairement pas à grand chose
- Plus d'ennemis différents n'auraient pas été de refus
Figurant clairement parmi les plus grandes icones du jeu vidéo, Dante exhibe depuis maintenant 19 ans son style inimitable à travers toute l’industrie culturelle. Lors de la sortie de sa première aventure en 2001, l’illustre réalisateur Hideki Kamiya ne pensait certainement pas influer le jeu d’action à un point tel que la licence deviendrait une référence évidente du beat'em all. Avec un sens du style ultra-accentué et exploitant pleinement et intelligemment les ressources de la 3D, Devil May Cry fut une gifle incandescente qu’aucune suite n’a vraiment su égaler. Pourtant, le flambeau fut dignement repris par une performante main d’œuvre, dirigée par Hideaki Itsuno, qui s’est alors attelée à faire de la franchise le paroxysme de l’action débridée et du gameplay pointilleux. Onze après la sortie du dernier épisode, cinq après le passage d’un reboot étonnant mais souvent décrié par Ninja Theory, Capcom livre enfin le nouveau chapitre du célèbre fils de Sparda et de son acolyte Nero, bien décidés à poursuivre leur chasse aux démons sur PC et consoles de huitième génération. Un pari risqué pour la firme japonaise qui vient alors renouer avec les racines de sa marque… non pas sans le poids du passé, considérable, à tenir infailliblement sur ses épaules. Pour beaucoup, il s’agit d’une véritable étape, matérialisée par la fin de plus d’une décennie d’attente, ponctuée par le doute et l’incertitude d’avoir réellement un nouveau jeu en bonne et due forme. La consécration tant espérée est-elle enfin à portée de main ?
L’histoire de Devil May Cry est assez atypique. En 1998, suite au succès indéniable de Resident Evil 2, Capcom s’emploie à la création d’un troisième titre avec, aux commandes d’une équipe de développeurs nommée « Team Little Devil », un certain Hideki Kamiya. Ce concepteur talentueux a brillamment œuvré sur le mythique jeu d’horreur et obtient la pleine confiance des hautes sphères de la firme : pour Resident Evil 3, l’homme fourmille d’idées et, après de nombreux passages en Espagne et dans ses cathédrales, décide de s’en inspirer pleinement. Pour le Japonais, c’est également l’heure du changement avec une tournure vers l’action prononcée. Son héros, Tony Redgrave, n’est plus aussi fragile que pouvaient l’être Leon S.Kennedy et Claire Redfield : c’est un homme déterminé, à l’aise avec tout type d’ustensiles et en pleine possession de ses facultés physiques. Aussi bien que la Team Little Devil lui attribue une énorme épée et une paire de pistolets, couplant le tout aux mécaniques de beat them all 2D… en 3D. Le concept, trop débridé, trop aérien, ne correspond finalement pas aux standards de Resident Evil mais dispose pour autant d’un potentiel largement reconnu par la direction, qui donne son accord pour la création d’une nouvelle licence. Tony Redgrave cède place à Dante, les zombies à des démons mais la direction artistique, inspirée par un sombre art gothique, garde ses directives principales dont découle une atmosphère oppressante tout droit sortie de la Divine Comédie de Dante Alighieri. Lors de sa sortie en août 2001, Devil May Cry est un carton absolu. Avec son gameplay révolutionnaire, son sens de la mise en scène éblouissant et un aspect technique solide, il devient le deuxième jeu de la PlayStation 2 à dépasser le million de ventes, quelques mois après un certain Onimusha.
Toutefois, Devil May Cry 5 dispose d’une tare de taille qui vient desservir grandement sa campagne solo, et même désacraliser quelques figures : sa fin n’est clairement pas celle que l’on attendait, ni celle que l’on méritait.
La décision de prolonger ce succès mondial est donc particulièrement légitime et, les temps suivants, un deuxième opus est mis en chantier. Cette fois-ci, ce n’est pas Kamiya qui chapeaute le projet mais un autre réalisateur, inconnu au bataillon, et d’ailleurs évincé seulement une poignée de mois avant la sortie du jeu pour un certain Hideaki Istuno. L’homme essaie en tant bien que mal de mener le développement avec fierté mais, malheureusement, il n’y a rien à faire : Devil May Cry 2 est un échec presque de bout en bout. La déception est on ne peut plus amère, surtout après la divine surprise de son prédécesseur. Ce n’est que deux ans plus tard, en 2005, qu’Itsuno se rattrapera largement en signant un troisième volet monstrueux, unanimement reconnu comme l’un des meilleurs BTA de la génération. Dans ce prequel de l’histoire de Dante est introduit son frère Vergil, autre figure du Jeu Vidéo, mais aussi un gameplay ultra-profond et merveilleusement abouti. En extrapolant le caractère chien fou du héros et en revenant aux sources du gothisme, Capcom réussit pleinement à renouveler sa franchise en s’éloigne définitivement de l’horreur pour s’installer plus confortablement dans l’art du combat. Cette voie sera empruntée à nouveau pour Devil May Cry 4 qui, malgré ses défauts évidents de narration et de structure en aller-retour négligé, brille par un gameplay d’une profondeur magistrale. C’est aussi là que Nero, personnage énigmatique à la jouabilité quelque peu casualisée, sera présenté pour la première fois. Puis… plus rien. Pendant une décennie entière.
À la place, Capcom aura commandé un reboot totalement insoupçonné conçu par les Anglais de Ninja Theory. Le choc des cultures entre le Pays du Soleil Levant et la Grande-Bretagne est grand, peut-être même un peu trop : rarement un titre n’aura été aussi décrié par les foules, et ce dès lors son annonce. Il faut dire que Tameem Antionades s’est tenu rigoureusement aux ordres du Japon – « opérer pour un profond changement » - en rebâtissant la mythologie, le héros et le gameplay. Pas de doute, Devil May Cry avait été remodelé de fond en comble, au grand dam d’une très large communauté profondément soudée à la série originelle et en quête de réponses sur tout un scénario établi depuis 2001. Pourtant, impossible de nier l’excellent travail effectué par les auteurs de Hellblade et Heavenly Sword, aussi bien dans l’univers, la jouabilité ou la prise de risque générale. DmC Devil May Cry fut un tremblement de terre, certes, mais sans doute un tremblement de terre nécessaire à l’évolution de la saga et sa prise de maturité. Finalement, Capcom aura choisi de faire un cinquième opus canonique, suite directe du quatrième sorti en 2008, en laissant l’univers de Ninja Theory de côté : c’est ce que les fans souhaitaient de tout cœur et, maintenant, vous-même qui lisez ces lignes comprenez peut-être mieux les enjeux de ce Devil May Cry 5 souvent considéré comme le messie. L’heure est enfin venue de retrouver cette franchise longtemps mise à l’écart avec ses personnages, ses lieux, ses armes et toutes ses idées flamboyantes.
CONNAISSEZ-VOUS LA LÉGENDE DE SPARDA ?
Si l’on retient Devil May Cry pour ses mécaniques de beat'em all particulièrement bien exploitées, c’est aussi et avant tout un univers unique, sombre et au background intéressant. Le pitch, que l’on nous répète inlassablement depuis le premier jeu, n’a bien sûr pas bougé d’un poil : il y a 2000 ans, Mundus, Roi du Monde Inférieur, décida d’attaquer les humains avec toute la cruauté qui le caractérise. Mais son bras droit, un démon nommé Sparda et pris d’empathie, décida de se rebeller contre son supérieur et l’enferma au plus profond des enfers, dont il coupa également tous les accès. Au passage, il scella une partie de ses pouvoirs à droite et à gauche, tomba amoureux d’une humaine, Eva, avec qui il obtint deux jumeaux, et veilla sur nous autres jusqu’à sa disparition. Dante et Vergil, ses fils, ont hérité à la fois des forces humaines et démoniaques de leurs parents : seulement, Mundus, bien vénère de n’avoir pu mettre son plan de conquête à exécution et de la trahison de Sparda, décide de se venger en assassinant Eva. De là, tout vrille. Dante et Vergil sont traumatisés et optent chacun pour des chemins très différents afin de se préserver chacun et à leurs manières des possibles tragédies futures. En naît alors une profonde divergence d’opinion et une rivalité fratricide inébranlable qui mènera aux événements de Devil May Cry 3, puis de Devil May Cry 1.
Sans jamais arriver à construire une narration vraiment fine, Capcom a tout de même réussi à établir une mythologie et un contexte très envoûtants à sa saga, fourmillant de détails empruntés aux religions avec de nombreux mystères toutefois non résolus.
Les bases de la saga sont donc tout à fait tragiques. Le thème de la fragilité familiale, de la vengeance et de la justice sont ceux qui reviennent de manière récurrente en motivant chacun des protagonistes et antagonistes à agir : la série a d’ailleurs pris une dimension encore autre avec l’arrivée de Nero, un jeune homme orphelin avec des pouvoirs similaires à deux de Dante et Vergil, présumant un lien de parenté direct avec le légendaire Sparda. Sans jamais arriver à construire une narration vraiment fine, Capcom a tout de même réussi à établir une mythologie et un contexte très envoûtants à sa saga, fourmillant de détails empruntés aux religions avec de nombreux mystères toutefois non résolus. Avec Devil May Cry 5, l’occasion est enfin toute donnée pour fournir les réponses désirées tout en installant un nouveau cadre.
FOR TONY REDGRAVE BY .45 ART WORKS
L’histoire prend place dans Red Grave City (vous avez saisi la référence à la genèse de la série, n’est-ce pas ?), une ville empruntant clairement tous ses traits à Londres. Depuis l’aventure de Devil May Cry 4, Nero a bien grandi : déjà, il s’est coupé les cheveux, puis a rejoint Dante dans sa quête professionnelle de chasse aux démons. Si ce dernier loge toujours à sa mythique agence, le Devil May Cry, Nero s’occupe lui de la branche mobile, opérant dans un van d’ailleurs largement vanté dans la campagne marketing du jeu. Des années s’écoulent tranquillement, jusqu’à ce qu’un incident majeur vienne bousculer la vie de notre jeune héros : Nero se fait arracher son bras démoniaque – élément de gameplay principal dans le titre précédent – par un mystérieux homme encapuchonné. Presque au même moment, un gigantesque arbre maléfique, le Qliphoth, jaillit du sol en se nourrissant du sang des humains, impuissants face aux centaines de démons qui en émergent soudainement. À sa tête se tient Urizen, un Roi des Démons tout fraîchement couronné on ne sait trop comment, qui semble bien décidé à ébranler le globe terrestre. C’est alors là qu’intervient V, un nouveau venu dans la saga à l’attitude très mystérieuse, qui confie à Dante le job de défaire ce grand méchant. Ainsi, le fils de Sparda, Nero et V, ici tous les trois jouables, se lancent à bras le corps cette énième lutte contre les forces du mal.
Pour Devil May Cry 5, Capcom a opté pour une structure en allers-retours temporels. Composée en vingt missions distinctes, l’histoire fait venir le joueur sur de nombreux points différents d’une même timeline...
Pour Devil May Cry 5, Capcom a opté pour une structure en allers-retours temporels. Composée en vingt missions distinctes, l’histoire fait venir le joueur sur de nombreux points différents d’une même timeline : de cette manière, on est amené régulièrement à revenir en arrière, parfois même un mois auparavant, de façon à combler certaines ellipses et répondre à de nombreux cliffhangers. Cette architecture est assez audacieuse mais, à vrai dire, pas toujours convaincante puisqu’elle vient hacher de façon prononcée l’ensemble du récit. Pour autant, Devil May Cry 5 témoigne d’une sincère volonté à élever d’un cran la narration par rapport à ce qu’avaient pu nous proposer les développeurs les fois précédentes. Cela passe, tout d’abord, par un respect de l’univers impressionnant et un détail du background sensationnel. C’est bien simple, jamais Capcom n’a encore exploré la mythologie à ce point et, ne nous le cachons pas, c’est un bonheur sans nom, surtout quand on est fan. Avec d’avantage de notes écrites, de références, de clins d’œil dans tous les sens, nous disposons enfin d’un Devil May Cry qui assume entièrement son lore et tous les événements des anciens jeux. Bien sûr, il n’est pas nécessaire d’avoir fait la saga juste avant pour comprendre le scénario mais ce dernier n’en paraît qu’enjolivé si l’on peut en saisir toutes les innombrables connexions. Un régal et un réel level up dans la façon de faire.
FOOLISHNESS DANTE, FOOLISHNESS
Quant à la trame elle-même, force est de constater qu’elle dispose d’une bonne volonté évidente avec quelques twists très intéressants, débouchant sur un point d’apothéose délicieux à faire hurler de nombreuses personnes. Après toutes ces années d’attente, certains dénouements – cependant prévisibles – s’avèrent particulièrement jouissifs et viennent consolider l’aura de certains personnages. Toutefois, Devil May Cry 5 dispose d’une tare de taille qui vient desservir grandement sa campagne solo, et même désacraliser quelques figures : sa fin n’est clairement pas celle que l’on attendait, ni celle que l’on méritait. Pour être honnête, on ne peut sentir qu’une précipitation de la part de Capcom dans les trois dernières missions de l’aventure, qui viennent non seulement bâcler l’histoire, mais aussi lui apporter une touche de naïveté sans précédent. Un caractère assez manichéen, très typique des shonens, se dégageait certes déjà de l’ensemble du jeu mais force est de constater que son générique de fin arrive clairement comme un cheveu sur la soupe. Pire, il s’agit là d’un véritable recyclage dans son boss final, sur tous les points (que l’on ne pourra expliciter pour éviter les spoils), qui malgré son fan service évident laisse un terrible sentiment d’inachevé. Au final, on serait presque pour dire que le titre passe un peu à côté du propos scénaristique que l’on en attendait réellement, en s’attardant sur des enjeux qui ne sont pas forcément les plus pertinents.
Chaque coup de feu et d’épée, chaque transformation en démon et chaque élément entrechoqué aboutissent sur un déluge d’effets visuels et de particules merveilleusement bien maîtrisés.
De même, de nombreuses zones d’ombres ne sont aucunement éclairées, laissant une nouvelle fois des questions sans réponse et suscitant, forcément, une sincère déception. Sachant qu’aucun DLC n’est prévu pour le jeu et qu’Hideaki Itsuno risque bien de se mettre sur un Dragon’s Dogma 2, si l’on doit encore attendre six ou sept ans minimum pour éclairer nos lanternes… on ne peut qu’être considérablement énervé. Quant à ceux qui souhaitent mettre en avant la non-importance assumée d’un scénario pour un beat them all du genre, l’argument aurait été pleinement valable si Capcom ne s’était pas cassé la tête à faire plus de deux heures de cinématiques, pondre des documents écrits à ras-bord et axer une grosse partie de sa communication dessus. De ce fait, on se doit de réceptionner l’histoire à sa juste valeur. Il aurait été nécessaire, à notre sens, de rajouter cinq missions supplémentaires afin de se concentrer sur plus de tragédie et, surtout, sur la vraie base antagoniste vers laquelle de nombreux indices semblaient pourtant pointer. Peut-être pour Devil May Cry 6…
WITHOUT STRENGH, YOU CAN NOT PROTECT ANYTHING
De même, l’aventure de ce nouvel épisode dispose de quelques fragilités évidentes. Pour Devil May Cry 4, faute de budget, les développeurs avaient dû opter pour un aller-retour qui leur avait été beaucoup reproché : ici, il n’en est plus question et c’est bien évidemment un très bon point. Ceci dit, il reste une nouvelle fois malheureux de constater les nombreuses répétitions effectuées pour l’ensemble de la direction artistique. Majoritairement, la ville de Red Grave City ne se résume qu’à une cité totalement détruite aux forts échos post-apocalyptiques. Les décors que l’on se doit de traverser sont généralement peu inspirés et bien loin du gothisme tant chéri du premier et troisième opus : des toits d’immeubles, des ruines, des ports, des cargos… sans oublier les traditionnels égouts dont on soupçonne les assets directement issus du remake de Resident Evil 2. Le Qliphoth, l’arbre démoniaque, servira quant à lui de cadre beaucoup plus démoniaque, plus charnel et plus représentatif de l’aspect diabolique de Devil May Cry, avec certains passages très intéressants faisant fortement penser au travail d’Hans Ruedi Giger (à qui l’on doit les peintures organiques fossilisées si particulières de la saga Alien).
Mais même là, les missions ne varient pas suffisamment pour nous apporter une véritable bouffée d’air frais et si quelques notes colorimétriques varient vers la fin, difficile d’y trouver complètement son compte. D’ailleurs, on sent l’influence urbaine de DmC Devil May Cry sur ce nouveau projet mais, indéniablement, Ninja Theory s’en sortait mieux. L’aventure dispose néanmoins de quelques biens chouettes idées et des cadres sortent vraiment du lot, en dépit d’une structure linéaire un peu trop dirigiste. Si les anciens jeux se plaisaient à garder quelques mécaniques de Resident Evil, avec des items à dénicher pour progresser dans une zone, Devil May Cry 5 s’en éloigne beaucoup plus avec des couloirs un peu trop insistants et accentuant le dirigisme. Sans compter une véritable répétition de plusieurs boss, toujours dommageable. Rien de dramatique néanmoins puisque le périple de Dante, Nero et V s’avère globalement très plaisant à parcourir grâce à de nombreux atouts imparables… et fort heureusement.
JACKPOT
Comme l’on avait déjà pu voir lors de nos previews, le jeu peut se targuer de s’appuyer sur un moteur sacrément performant et, par là-même, un aspect technique beau à en pleurer. Le RE Engine, initié avec Resident Evil 7 puis réutilisé dans Resident Evil 2, fait toujours des merveilles et le rendu en temps réel est clairement l’un des plus impressionnants de cette génération. La pureté des environnements est plus qu’appréciable, tout comme la modélisation absolument exemplaire de tous les personnages que l’on sera amené à contrôler ou rencontrer. Sur ce point, Capcom fait très fort et il est en de même pour l’ensemble des animations, tellement plus réalistes, plus fluides qu’à l’accoutumée. Le travail effectué sur les sensations de jeu en sortent également sublimées : avec cet aspect photoréaliste, les protagonistes s’inscrivent dans plus d’inertie, de lourdeur et, donc, d’impact. Si l’on pouvait craindre que le gameplay n’en pâtisse sévèrement, c’est finalement tout le contraire puisque la saga gagne alors grandement en brutalité. Chaque coup de feu et d’épée, chaque transformation en démon et chaque élément entrechoqué aboutissent sur un déluge d’effets visuels et de particules merveilleusement bien maîtrisés. Le RE Engine peut en plus se vanter d’assurer un framerate stable à 60 images par seconde, avec seulement quelques très rares chutes sur PS4 standard (pour ne citer qu’un exemple de console). Dommage seulement que les problèmes de caméra subsistent toujours autant, l’étroitesse de certaines arènes ne prêtant pas main forte à la visibilité.
SHALL NEVER SURRENDER
Très réputée pour sa bande-son électro-métal, la franchise prend ici un virage relativement surprenant, à commencer par les thèmes de combat de chacun des personnages. Par exemple, on a toujours du mal à comprendre la pertinence d’une musique comme Devil Trigger, pourtant la chanson phare du jeu, qui à notre sens ne colle certainement pas au traditionnel esprit sombre et liturgique. Cette directive très Pop-EDM se ressent aussi par la suite, lors de quelques affrontements définis : mention spéciale à la tragique musique du boss de fin, qui n’a vraiment rien à faire là et qui décrédibilise tous les enjeux du duel. Heureusement, l’OST se rattrape avec de nombreux autres morceaux de qualités, notamment ceux des magasins ou de la galerie, qui témoignent d’une ambiance cosy assez délicieuse. De plus, certaines phases s’appuient sur des morceaux franchement intéressants, qui laisseraient presque penser que Capcom a failli s’essayer à des séquences plus narratives. Bien sûr, les goûts et les couleurs sont difficilement discutables et, même si l’on ne peut pas apprécier certaines tracks, impossible de ne pas mentionner la bonne exploitation de ceux-ci par les développeurs. Dommage, en revanche, que la bande-son dynamique – les musiques évoluent et prennent de l’ampleur en fonction de la note de style – ne se ressentent pas plus que ça. Il est bon de savoir qu’il est possible de troquer une partie de l’OST contre certaines pistes iconiques des anciens jeux, du moins si vous êtes prêts à sortir la carte bleue ou possédez l’Édition Deluxe.
LOCK AND LOAD
Il faut bien avouer que si les combats s’avèrent aussi dantesques, c’est aussi et surtout parce qu’Hideaki Itsuno sait plus que quiconque concevoir un gameplay. Pour un beat them all comme Devil May Cry 5, dont le cœur de jeu est d’affronter des ennemis avec une difficulté croissante, tout repose sur les mouvements agressifs et offensifs donnés au joueur pour se sortir d’une situation définie. La saga en ayant fait son fer de lance pendant près de vingt ans, il paraissait donc essentiel d’en repousser une nouvelle fois les limites, d’autant plus que Bayonetta 2 a mis la barre très haut et que sa suite, normalement prévue pour cette année, s’annonce redoutable. La grande force de Devil May Cry est toujours d’avoir su se renouveler avec de nouveaux personnages et, pour cette nouvelle aventure, trois sont disponibles avec des rouages très différents pour chacun. Nous vous le confirmons d’avance, mais il s’agit certainement là l’un des systèmes d’action 3D les plus aboutis jamais conçus, avec une profondeur et une variété magistrales. À commencer par Nero dont les mécanismes ont été terriblement enrichis et qui ferait passer son avatar de Devil May Cry 4 pour un véritable néophyte. Comme dit précédemment, il ne dispose plus de son Devil Bringer, le bras démoniaque qui faisait pourtant toute sa particularité. Sa nouvelle partenaire Nico, ingénieure géniale et charismatique dont les origines familiales s’avèrent croustillantes, lui a donc conçu le Devil Breaker. Il s’agit là d’une prothèse mécanique dont le but sera de remplacer le fameux Devil Bringer tout en apportant un nombre considérable de nouveautés, dont un grappin indispensable pour les combos aériens.
SHALL WE DANCE ?
Au fur et à mesure de la progression, Nero pourra donc accéder à huit modèles de Devil Breakers différents aux capacités uniques : ondes de choc, électricité, fouet métallique, ralentissement temporel… Chaque bras dispose de plusieurs actions dans les thèmes qui les concernent, dont une majeure à exécuter sagement puisqu’elle fera exploser votre membre métallique, vous obligeant ainsi à passer au suivant, si tant est que vous en disposiez. Pour la première fois dans la série, un item de gameplay consommable est ainsi inséré, demandant au joueur d’en user avec parcimonie et intelligence. Plein de petits équilibrages viennent également affiner le gameplay : par exemple, il est possible d’exploser son bras volontairement pour sortir d’une choppe ennemi ou, si Nero se fait toucher en pleine utilisation de l’accessoire, celui-ci se brisera sans faute. Le maniement des Devil Breakers est donc intelligemment pensé, même si l’on regrette l’impossibilité (difficilement justifiable) d’en changer à son bon vouloir sans passer par la case destruction. En plus de ces items, notre fougueux héros est toujours muni de son revolver Blue Rose et de son épée Red Queen, cette dernière disposant encore de la capacité Exceed. Celle-ci permet d’enflammer la lame pour plus de puissance et, en appuyant sur la touche dédiée dans un timing précis, peut s’asperger complètement d’essence pour un résultat destructeur mais éphémère. Capcom a également eu la bonne idée de rajouter à Nero quelques nouveaux mouvements qui viennent étoffer le tout : c’est, tout simplement, génial. Mieux encore, le deuxième run du jeu prend un tout autre sens avec de nouvelles capacités cachées pour un personnage ultra-complet, encore plus profond et pertinent.
I HAVE NO NAME, I AM BUT 2 YEARS OLD
Puis arrive V, cet homme mystérieux au passé louche et à l’air terriblement nonchalant. On se souvient de la Special Edition de Devil May Cry 4 pour proposer des gameplays innovants dans la série – on pense notamment à celui de Lady, entièrement basé sur les armes à feu – et, une nouvelle fois, la firme japonaise est passée à l’action avec des idées sacrément audacieuses. Contrairement à Nero et Dante, V est quelqu’un de très fragile qui ne peut pas se battre directement. Pour affronter ses ennemis, il dispose de trois compagnons démoniaques : Shadow, une panthère polymorphe spécialisée dans le corps-à-corps ; Griffon un oiseau (bavard) électrique pour les attaques à distance et Nightmare, un énorme goliath destructeur qui peut apparaître de façon occasionnelle et temporaire. Les amateurs de Devil May Cry premier du nom les auront d’ailleurs bien reconnus puisqu’il s’agissait d’adversaires que Dante y rencontrait à plusieurs reprises. V, en tant que sorte de mage noir, se contente donc d’invoquer ces créatures pour les faire combattre en temps réel, si possible à distance afin d’éviter les coups mortels. Cependant, une fois les ennemis affaiblis, V devrait impérativement les achever de sa main avec un finish move spécifique. Il faut le voir pour le croire, mais le gameplay de ce personnage, en plus d’être absolument unique dans la saga, fonctionne étrangement bien en dénotant beaucoup du reste.
V, en tant que sorte de mage noir, se contente donc d’invoquer ces créatures pour les faire combattre en temps réel, si possible à distance afin d’éviter les coups mortels. Il faut le voir pour le croire, mais le gameplay de ce personnage, en plus d’être absolument unique dans la saga, fonctionne étrangement bien en dénotant beaucoup du reste.
Tout est à appréhender différemment et c’est d’ailleurs étonnant : on se retrouve donc à contrôler deux à trois avatars en même temps, tous pouvant attaquer en simultané, et à triturer notre pad dans tous les sens pour un bordel à l’écran sacrément chargé. À vrai dire, ce n’est pas très visuel et il est difficile de faire des combos toujours sensés et/ou spectaculaires mais force est de constater qu’une fois la manette en mains, le tout fonctionne terriblement bien. On prend vite un malin plaisir à perpétrer les attaques de ces ex-ennemis de Devil May Cry 1, toutes très bien respectées, avant de donner un coup de grâce dans une sensation de puissance singulière. De plus, impossible de nier la fraîcheur que vient apporter un tel gameplay dans un jeu où les combats à l’épée et aux flingues prédominent largement. Chapeau bas.
FLOCK OFF, FEATHERFACE
Pour ce qui est de Dante, notre valeureux fils de Sparda repousse, une nouvelle fois, les limites du genre. Sa profondeur dans Devil May Cry 4 était impressionnante mais, malheureusement, s’avérait un peu rigide pour tous ceux qui n’étaient pas prêts à s’investir considérablement. Pour Devil May Cry 5, Itsuno semble enfin avoir saisi le parfait dosage entre l’accessibilité et la difficulté d’apprentissage. Easy to play, hard to master ? Il y a clairement de cela. En plus d’afficher une classe sans nom – on ne remerciera jamais le RE Engine – le fils de Sparda offre une panoplie de coups à tomber totalement à la renverse, et ce grâce à un arsenal endiablé plus dense que jamais. Désormais, plusieurs épées s’offrent à lui dont le retour de la fameuse Sparda, qui comblera les fans, mais aussi une version améliorée du nunchaku Cerberus, qui utilise désormais les trois éléments du feu, de la glace et de l’électricité ; la Cavaliere, une moto épées-tronçonneuses bien barrée ; Balrog, des bottines et gantelets absolument monstrueux ou encore le double Kalina-Ann, deux lance-roquettes destructeurs aux capacités surprises. Et encore, plusieurs surprises à prévoir viennent élargir drastiquement les possibilités et placer Dante à l’apogée de sa puissance et de sa maturité. Un pur délire tout à fait jubilatoire, d’autant plus que les quatre styles offrent à nouveau des dizaines de possibilités en fonction des situations.
Chacun de ses styles correspond à une catégorie : Swordmaster pour les armes blanches, Gunslinger pour celles à feu, Trickster pour l’esquive et Royalguard pour le contre. Si certains ont toujours trouvé ce système austère, il est alors bon de noter que Capcom a joliment fluidifié son fonctionnement et son utilisation de façon à rentrer dans les cordes de plus de joueurs. Ainsi, le Royalguard devient beaucoup moins ardu à maîtriser, avec un timing élargi pour contre-attaquer et une réception des coups moins punitive. De façon générale, et sans perdre en complexité, au contraire, Dante devient enfin un bonhomme dont les combos défilent à la chaîne en rappelant même une certaine sorcière de chez PlatinumGames. Il est d’ailleurs bon de préciser que tous les enchaînements aériens ont été grandement facilités, un peu à la manière du reboot de Ninja Theory, et favorisant alors la technique ancestrale du jump cancelling au grand dam de certains puristes. Attention cependant, et ceci est valable également pour Nero et V : Devil May Cry 5 reste un jeu particulièrement exigeant et la pleine exploitation de ses personnages requiert toujours du temps et de la bonne volonté. Heureusement, d’ailleurs, puisque si le tout est un poil casualisé, il aurait été franchement dommage de ne pas respecter les codes de difficulté de la franchise. Il faudra bien deux runs pour commencer à véritablement assimiler le gameplay, d’autant plus que celui-ci s’élargit au fil du temps avec une tonne de capacités à acheter au magasin. Comme l’on pouvait donc s’y attendre, la rejouabilité de Devil May Cry 5 prend donc une part très importante dans l’expérience de jeu : les résultats sont heureusement jouissifs et, très clairement, il s’agit d’un aboutissement dans le domaine du gameplay qui sauve le titre de la plupart de ses défauts. Absolument salvateur.
DANTE DOIT MOURIR
Devil May Cry 5 est donc un soft qui demande d’en terminer plusieurs fois la campagne pour en apprécier toute la saveur : le premier essai demandera une dizaine d’heures en mode Normal, ce qui est tout à fait honnête pour un jeu du genre, et s’avèrera évidemment tout particulier compte tenu de l’évolution personnelle des héros, des découvertes scénaristiques et de l’ensemble des mécanismes. Pour la suite, la durée de vie se rallonge considérablement grâce aux nouveaux modes de difficulté qui, là aussi, sont une plus-value énorme au gameplay et un réel moyen de mettre ses talents à l’épreuve. Le mode Dante Must Die, pour ne citer que lui, fait honneur à la réputation de la saga avec des dégâts impardonnables de la part des ennemis et un apprentissage obligatoire de tous leurs mouvements pour s’en sortir vivant. Si le bestiaire manque un peu de densité - seulement une vingtaine de démons (très stylisés, félicitations aux designers cependant) est instaurée – celui-ci s’avère suffisamment bien fichu pour inciter à la réflexion, à chaque combat. De plus, leurs patterns évoluent en fonction de la difficulté choisie et oblige alors une constante réadaptation stratégique. L’ensemble des rouages du gameplay est peaufiné d’une manière millimétrée par Capcom qui, encore, prouve qu’il fait vraiment partie des très grands du domaine.
SICK SMOKING STYLE
Depuis le premier épisode, la série Devil May Cry s’est toujours basée sur un énorme système de scoring in-game, à nouveau présent tout en profitant de quelques optimisations non négligeables. Pour les non-initiés, l’essentiel du combat repose sur une note de style qui évolue en fonction de vos actions. Plus vous variez les combos et vous débrouillez comme un chef, plus votre score augmentera et plus vous ramasserez de démonites rouges, la monnaie du jeu, à l’issue de chaque combat. En revanche, si vous spammez les mêmes attaques et/ou vous faîtes toucher, le jeu ne vous fera aucun cadeau. Tout ceci aura des répercussions sur la note finale attribuée à chaque fin de mission, le rang optimal étant le rang S. Rien n’est obligatoire, bien sûr, et il ne tient qu’à vous de vous atteler comme il se doit à obtenir le fameux grade sur l’ensemble des sections dans toutes les difficultés. Un challenge de taille, assurément, mais qui peut désormais mieux se relever puisqu’un debriefing complet de chaque mission permet maintenant de savoir où vous avez gagné des points et où vous vous en avez perdu. Par exemple, si le jeu se plaît à faciliter certains systèmes – on peut désormais accumuler sans limite les orbes jaunes, qui permettent la résurrection, ou dépenser des orbes rouges à l’article de la mort pour se relever – la note finale de la mission en pâtira automatiquement. A contrario, n’utiliser aucun « continue » multipliera le score par 1,20. Tout est très justement conçu pour explorer encore et toujours l’art du fighting et c’est, forcément, un grand plaisir.
DEVILS NEVER CRY
En revanche, côté contenu pur et dur, Devil May Cry 5 se montre tout de même avare. Les costumes à débloquer s’avèrent presque inexistants (après onze ans d’attente, cela aurait été sympathique de donner un peu plus de biscuit à la communauté…) et le mode "Bloody Palace" n’arrivera qu’au mois d’avril par le biais d’une mise à jour gratuite. On se demande d’ailleurs franchement pourquoi celui-ci n’est pas directement intégré sur la galette. Toutefois, Capcom a eu la très bonne idée d’intégrer Les Limbes, dont le nom est un petit clin d’œil à DmC, et qui n’est autre qu’un mode entraînement entièrement paramétrable qui manquait jusque-là cruellement. Une voie parfaite pour mieux comprendre les ennemis et s’essayer à de nouvelles techniques dans le plus grand des calmes. Enfin, on notera une douzaine de missions secrètes et quelques collectibles à droite et à gauche, mais malheureusement, on aurait vraiment souhaité plus de bonus affriolants pour nous tenir davantage en haleine. On imagine que tout cela est prévu pour une probable Special Edition, comme le veut la tradition depuis Devil May Cry 3. Il n’empêche que ce cinquième opus reste, de façon générale, un sacré bon cru et un bel hommage à ses prédécesseurs, en dépit de quelques défauts que l’on est bien obligé de constater objectivement. Tout n’est pas parfait… mais il ne manque pas grand-chose pour se rapprocher de l’idéal tant convoité depuis plus de dix ans.