
Vincent, 32 ans, est un peu paumé. Dans une société qui ne lui convient pas, il exerce un travail pas vraiment épanouissant et se retrouve empêtré dans sa relation avec Katherine. Autoritaire, mais gentille, elle le laissait vivre sa vie, jusqu'à cette annonce de mariage. A partir de là tout s'est enchaîné, un peu de dépression, un enfant qui arrive et cette fille,
Catherine, rencontrée un soir où les verres se vidaient un peu trop vite. Un schéma de dérive passagère très classique qui aboutit à une dimension fantastique qui l'est beaucoup moins. Depuis peu, Vincent fait des cauchemars dans lesquels il se retrouve sous la forme d'une sorte d'homme-mouton face à un gigantesque mur. Un lieu glauque, inquiétant, qui change de thème chaque nuit. Il y est confronté non seulement à des personnes dans la même situation que lui mais aussi aux pièges que renferme cette grande structure à escalader. Un ennemi vertical qui va être la source de vos cauchemars, cette fois dans la vie de tous les jours. La
Persona Team d'
Atlus a décidé de mettre la dose et le difficulté de
Catherine est une véritable plaie. Les joueurs désireux de simplement courtiser paisiblement la jolie jeune fille vont se heurter violemment à un revers de main sec et sans appel. Puzzle-Game narratif malin mais frustrant, le jeu répond à un principe très simple ; la manipulation de blocs. La seule manière offerte à Vincent de se hisser jusque au sommet de chaque paroi est de bouger différents éléments pour se construire des escaliers. De base, ce dernier ne peut grimper que la hauteur d'un bloc et ne peut pas en placer un sur l'espace où il se trouve. Il est donc impératif pour le,joueur de se laisser une marge de manoeuvre, le cul-de-sac ludique arrivant bien plus vite que prévu. D'autant que, petite subtilité, la structure s'écroule sans cesse à un rythme précis. Et ce n'est que le début.
Cathy Party

Pour pimenter la relation déjà conflictuelle avec cette immense muraille, de nombreux types de blocs apparaissent au fur et à mesure de l'avancée du joueur dans les différentes nuits, équivalentes aux chapitres. Si les 5 premières fonctionnent plus comme des présentations successives de pierres spéciales, tout en restant coriaces, la sixième commence à mélanger l'ensemble ces blocs dans une sorte de frénésie effrayante. Chaque pas doit être réfléchi afin d'éviter de glisser jusque dans le vide sur une pierre gelée, de passer au travers d'une autre craquelée, ou plus simplement de finir embroché sur une troisième piégée. La difficulté de
Catherine réside dans l'obligation de se focaliser sur de très nombreux points simultanément, sans délaisser l'aspect réflexe, très arcade, aussi important que la logique. Il faut enregistrer les forces/faiblesses de chaque blocs dans l'intérêt de l'ascension, imaginer un cheminement avant de bouger tout et n'importe quoi et qui plus est surveiller les changements réguliers de la zone de jeu. Par exemple, les blocs explosifs, peuvent aussi bien libérer un accès que faire s'écrouler la seule voie envisageable. Une dualité réflexion/réflexe épuisante, qui pousse à se créer des automatismes et à développer de véritables techniques, source de discussion des autres moutons croisés à chaque palier. Ces sas de décompression permettent de sauvegarder, d'acheter des objets, très chers et pas vraiment utiles dans l'absolu et d'apprendre des petites astuces de grimpettes, elles plus pratiques contre les boss. Torture faite numérique, ces épreuves de fin de chapitre subliment les défauts et les qualités du gameplay de
Catherine. Rajoutant des attaques spéciales en plus des embûches déjà présentes sur le mur, ces êtres issus des appréhensions les plus profondes de Vincent n'offrent pas d'autre choix que de puiser au fond du concept pour s'en sortir. Des situations souvent à la limite de l'inextricable qui mettent en lumière la méticulosité de la conception des niveaux laissant quand même la place à l'improvisation. Un travail étonnant pour une équipe habituée aux RPG et qui fonctionne très, voire même trop bien. Le degré de perversité du level-design est tel, que la frustration peut vite prendre le dessus sur l'esprit de compétition et forcer les joueurs les moins endurants à simplement arrêter les frais. Et ce même dans le niveau Easy rajouté sous forme de DLC au
Japon mais présent directement dans la version européenne. Passant d'aguicheuse à petite pimbêche,
Catherine souffre également d'imprécision dans sa maniabilité, très pénalisants dans un contexte où, justement, le run sans faute est imposé. Nerveux, les déplacement de Vincent vont parfois plus loin que désiré et il est quasi impossible de savoir où se diriger dès que le joueur tente une escalade par l'arrière du décor. La faute à une caméra qui souffre d'un torticoli et refuse une rotation à plus de 90 degrés. Malgré ces défauts pénibles, la force de ce jeu/concept découle de son côté addictif, de cette impression que même devant une impasse, après 80 jets de manette successifs, il est possible d'y arriver. La philosophie du jeu d'arcade 90's. Un espoir diffus, qui se raccroche à celui de Vincent, qui se bat lui avec sa propre vie. Car
Catherine, comme ses puzzles diaboliques, a bien plus d'une dimension.
Adultère à terre

Faisant partie des rares studios à s'intéresser à des thèmes actuels, la
Persona Team sait saisir les problèmes générationnels avec un réel talent. Une recherche du ton juste qui passe souvent par le prisme de la légende urbaine afin de créer à chaque fois une atmosphère propre à faire naître facilement le fantastique. Le scénario se focalise cette fois sur une certaine malédiction, délivrée par une soit-disant sorcière qui punirait les hommes infidèles. Si personne ne semble y croire, les cadavres se multiplient sans que les autorités ne trouvent de coupable. Des morts violentes, toujours situées dans le
lit de la victime, visiblement après un rêve fatal. Au fil des cauchemars de Vincent, plus que l'infidé
lité, c'est surtout la fuite du monde réel et de ses impératifs qui le hantent. Une course en avant qui est symptomatique de l'immaturité, d'une crainte profonde de passer à cet âge adulte qui implique de faire des compromis, de s'ouvrir et d'assumer ses choix de vie. Enfermé dans un train-train débilitant, Vincent se perd dans l'alcool et en un sens la rencontre de
Catherine le réveille, le met face à sa Katherine et à l'homme adulte qu'elle attend qu'il soit. Un thème très intéressant, qui va un peu dans le sens de l'acceptation de soi qui était très présent dans
Persona 4. Le sexe est aussi un élément abordé, mais sur un ton neutre, jamais vulgaire, un ton humain. Comme un élément du quotidien, indissociable d'une certaine vision de la vie. Un propos d'une
rare intelligence qui ne doit surtout pas être réduit à ce que véhicule la comm autour du jeu. Des interrogations qui fleurissent d'ailleurs le plus souvent lors de phases sociales, encore une fois similaires à celle présentes dans
Persona 3 et 4, ici limitées au bar le Stray
Sheep. Au fil des conversations avec les amis et connaissances de Vincent, il est ainsi possible d'influer sur le cours de l'histoire et d'obtenir l'une des 8 fins différentes. L'orientation prise dépend de la justesse de vos actes face à une jauge de « vertu » qui oscille suivant votre comportement dans certaines situations, notamment dans les cutscnes ou les réponses aux sms des deux C(K)atherine. Un aspect jeu d'aventure ouvert à la fois intriguant et passionnant, qui tient par la finesse d'écriture des dialogues et les situations originales auxquelles doit faire face Vincent. Ces tranches de vie apportent un calme sain entre les phases d'escalade intenses et fonctionnent ensemble avec une cohérence épatante. Sorte de deux-en-un bancal sur le papier,
Catherine n'est pas qu'un ovni à la prise de risque un peu suicidaire, c'est avant-tout un bon jeu, très frustrant, voire bien méchant, mais qui prouve une fois de plus que la Team
Persona est l'une des équipes les plus douées du paysage vidéoludique japonais.