Test Batman Arkham Knight : est-ce vraiment la tuerie tant annoncée ?
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Retrouvez plus bas la suite de notre test de Batman Arkham Knight
- Techniquement et visuellement maîtrisé. Comme rarement.
- Une direction artistique encore une fois somptueuse
- Une base de gameplay qui fait encore mouche, même plusieurs années après
- Quelques nouveautés efficaces au combat
- Le challenge des combats de tanks
- La Batmobile, très réussie et facile à jouer
- Un sentiment de puissance grisant
- Dès que le jeu la joue psycho, ça déchire !
- Une histoire pas franchement emballante
- Des problèmes de rythme dans le récit…
- …renforcés par un monde ouvert un peu vide
- On ne prend plus le temps de regarder
- Trop de Batmobile partout
- Quelques casse-têtes mal fichus
- Un goût de déjà-joué quand même
- 243 énigmes de Nigma pour la vraie fin, c'est abusé
Un peu comme Mario semble condamné à sauver une princesse Peach trop teubé pour en venir à se méfier de Bowser (depuis le temps, elle aurait dû s'équiper d'une bombe lacrymo ou prendre des cours de krav-maga), Batman se traîne son sacerdoce : sauver Gotham, des milliers de fois, inexorablement. Alors qu'à force, on commence à se dire qu'il ne doit pas rester grand-chose à sauver, tant cette ville est pourrie de l'intérieur. A un moment, le type devrait tout simplement laisser couler et aller prendre un cocktail dans un coin ensoleillé. Mais bon, ce brave Bruce Wayne est trop bon. Et donc trop con. Au moment où l'Epouvantail décide d'affoler tout le monde en annonçant que Gotham a été truffée de bombes contenant son célèbre gaz de terreur, c'est encore le Chevalier Noir qui doit monter a créneau. Mais pas avant une petite évacuation de la ville ; c'est la première grosse ficelle qui fait mal. Malgré une intro terriblement efficace et novatrice, on bloque dès le début sur le scénar' de ce nouveau Batman. L'entrée en matière est brute de décoffrage, comme si Rocksteady avait voulu perdre un minimum de temps à développer son setting. Aucun civil ne reste en ville hormis les gangsters ; hop, comme ça pas besoin de les modéliser ou de les gérer ! A vous le Gotham bac-à-sable ! Et puis comme ça, aucune pitié à sortir la Batmobile au boutde dix minutes de jeu, au moins on est pas obligés de faire attention aux piétons ! Le problème, c'est que ça fait un peu tâche et qu'on se retrouve avec un goût de déjà-vu, celui d'une situation identique dans Arkham City et Origins.
BRUCE WAYNE, CE BEAU GOSSE
Après ce premier coup de gueule (qui ne sera pas non plus le dernier), force est tout de même de constater une chose : sabre de bois, Arkham Knight est un jeu magnifique. Dès les premières minutes, ce nouvel opus enchaîne les patates visuelles sans broncher. La distance d'affichage de dingue est la première chose qui frappe, même si cela est facilité par l'empilement de bâtiments massifs et hauts qui bouchent le vue sur l'horizon ; on sent une puissance supplémentaire. Puis, on s'attarde sur la pluie qui détrempe Gotham, sur les textures du costume de Batman, caoutchouc, kevlar, plastique, métal, toutes rendues à la perfection et sur lesquelles on pourrait admirer les gouttes en train de couler pendant des heures. On papote avec des PNJ ; modélisation des visages et synchro labiale sont impeccables, plus qu'impeccables, Rocksteady ayant même réussi à atténuer l'effet de brillance inhérent à l'Unreal Engine. On navigue un peu sur les toits de la ville : cette chère vieille Gotham est toujours aussi lugubre et Rocksteady fait des merveilles quand il s'agit d'en extraire toute la perversion pour la recracher à l'écran, avec un sens du détail chirurgical. Le sens du détail de la direction artistique aura d'ailleurs été une constante dans les épisodes qu'ils auront réalisés et Arkham Knight ne fait pas exception à la règle. C'est un jeu complètement maîtrisé visuellement, de A à Z ; même le framerate ne fait pas un pli (même si là encore, on aurait à redire compte tenu du peu d'activité à l'écran). Et les Londoniens réussissent même le pari d'introduire une Batmobile qui tient la route.
DARK NIGHT : MOST WANTED
Car oui, vous vous retrouverez aux commandes du bolide en moins de temps qu'il n'en faut pour dire "Batou", sans même avoir à le mériter. On comprend alors que celle-ci ne soit pas un gadget, et c'est une partie du problème. Mais on y reviendra plus tard. Saluons d'abord le travail de Rocksteady qui a réussi là ou beaucoup d'autres ont failli par le passé, à savoir concevoir une jouabilité véhiculée viable dans un jeu d'action/aventure. J'avoue avoir eu un peu peur de voir ce que ça allait donner manette en main. Mais au final, c'est une bonne surprise. Assez proche d'une voiture de Need For Speed, la Batmobile est facile à prendre en main et souple à conduire. Elle peut être appelée à tout moment, pour peu que vous ne soyez pas trop loin d'un terrain roulable, et Batman peut s'en éjecter quand il le souhaite, pour prendre de la vitesse ou se jeter sur un ennemi par exemple. Les rues de Gotham ont été conçues assez larges pour ne pas entraver sa progression et de toute façon, une bonne partie des obstacles exploseront sous la puissance du tank de Bruce Wayne, à l'esthétique proche de celle de Nolan. L'occasion pour le moteur physique de nous offrir plein de jolis effets de particules qui font plaisir. De tout cela résulte un sentiment de puissance grisant, en particulier dans les courses-poursuites, durant lesquelles vous devez neutraliser vos adversaires par des embardées ou des tirs de missiles. En parallèle, le véhicule surpuissant du Dark Knight peut également passer en mode Combat, ce qui le transforme alors en machine de guerre ultra-mobile pour les affrontements avec les blindés de l'Arkham Knight, l'énigmatique vilain qui viendra suppléer l'Epouvantail. Des bastons d'un autre genre, qui mettront vos réflexes à rude épreuve et qui, s'ils sont un peu trop récurrents, ont le mérite de varier les plaisirs. Petit détail qui claque : Batman ne tue pas, si vous essayez de rouler sur des criminels, un courant électrique parcourera la Batmobile au moment de l'impact pour l'écarter de sa route en le laissant plus ou moins indemne.
Mais, comme je vous l'ai laissé entendre un peu plus haut, la Batmobile est aussi un des écueils du jeu et à plus d'un titre. On s'attendait à un gadget, à un simple moyen de transport à travers Gotham. On avait même peur que ce soit le cas. Rocksteady nous a servi l'extrême inverse : le studio l'a incrustée quasiment partout, quasiment tout le temps, comme s'il devait se justifier de l'avoir créée ou plus simplement rentabiliser une nouveauté particulièrement difficile à mettre au monde. Dans Arkham Knight, le Chevalier Noit résout quasiment tous ses casse-têtes à l'aide de son véhicule customisé, à base de treuil électrique, de parois à exploser, de "il faut que j'amène la Batmobile ici pour ouvrir la porte", de commande à distance, de puzzles à deux niveaux, etc. Les idées sont bonnes mais beaucoup trop utilisées et parfois introduites à l'arrache. Au point de se demander si le Batounet sait encore faire quelque chose sans son gros joujou. Même l'Homme-Mystère, si prompt à clamer qu'il veut démontrer la stupidité du justicier, ne cesse de vouloir l'affronter sur le terrain de la mécanique (pas uniquement par chance). Tout cela semble forcé, fort peu naturel et au final on accroche moyennement. D'autre part, la Batmobile est aussi le symptôme d'un mal plus profond : avec ce nouveau moyen de transport, Rocksteady renforce le côté simple décor de Gotham, qu'on avait déjà senti dans les deux précédents opus. On ne fait plus rien à pied, tous les trajets vont à cent à l'heure, au diable la contemplation. Et pourtant, les artistes du studio ne sont pas moins bons que dans Arkham Asylum ; leur travail est simplement beaucoup moins mis en valeur, puisqu'on pousse le joueur à se déplacer le plus vite possible, sans prêter une seconde d'attention à ce qui l'entoure. Beaucoup de flou, voilà ce qu'on retient de Gotham.
LA MALADIE DE L'OPEN-WORLD
Ce n'est pourtant que la partie émergée de l'iceberg. Avant l'utilisation de la Batmobile, c'est la mise en place du sacro-saint monde ouvert qui a lentement mais sûrement rongé la série Baman Arkham. Là encore, le problème se précisait déjà en pointillés dans les deux épisodes précédents, mais il devient évident dans Arkham Knight : l'open-world nuit terriblement au rythme du jeu. Quand Arkham Asylum prenait le temps de vous emmener, étape après étape, là où les développeurs le souhaitaient, déroulant peu à peu le fil du scénario, montant doucement en pression, Arkham Knight s'avère haché et inégal. Les quêtes annexes portent bien leur nom et chacune, sans grande nouveauté, est consacrée à un type de missions et à un grand méchant à mettre en cage avant la fin de la nuit. Mais c'est aussi un formidable moyen de casser le rythme de l'aventure, tout comme les allers-retours incessants et aux distances grandissantes. OK, durant les premières heures, c'est assez chouette et bad-ass de se balader en Batmobile ou de planer sur la ville, toujours plus vite et plus haut grâce à la nouvelle combinaison du Chevalier Noir. Mais rapidement, on en vient à se lasser de ces trajets sur des toits un peu ternes. L'unité de temps et de lieu, qui faisait la force d'Asylum, qui lui donnaient aussi son côté claustrophobique, s'évapore, se dilue dans l'open-world. On perd le fil, on cherche, "Qu'est-ce que je faisait déjà ? Ah oui, je devais péter le machin pour accéder au bidule". L'écriture. Un autre mal terrible d'Arkham Knight. Outre les dialogues toujours très fades, l'histoire principale, pleine de longueurs inutiles, manque un peu d'intérêt, manque de moments forts. Exit les vrais combats de boss par exemple, à de rares exceptions près. Et on voit venir le dénouement final plusieurs heures à l'avance.
Là encore, le problème se précisait déjà en pointillés dans les deux épisodes précédents, mais il devient évident dans Arkham Knight : l'open-world nuit terriblement au rythme du jeu.
Si vous avez lu jusqu'ici, vous avez certainement compris qu'on a des reproches à faire à ce nouveau Batman. Mais il fait tout de même partie du haut du pavé et ce notamment grâce à une base de gameplay toujours aussi efficace. Certes, l'essentiel était déjà présent auparavant mais quelques petites nouveautés suffisent à sublimer l'ensemble : une poignée de nouveaux gadgets, des nouveaux coups et de nouvelles éliminations (à l'aide des objets environnants ou de la Batmobile si elle n'est pas loin), et le tour est joué. Les phases d'infiltration en particulier sont toujours aussi jouissives. D'autres part, le scénario réussit quelques envolées très réussies, soutenues par une mise en scène de grande qualité ; globalement, dès que Rocksteady cesse de vouloir expédier son histoire et tente de s'écarter un peu des sentiers battus, en creusant dans la pysché de notre super-héros, Arkham Knight y gagne grandement en intensité, et ce sont ces moments-là qui marquent les esprits. On aurait d'ailleurs aimé entendre les pensées de Bruce autrement que pour nous indiquer la démarche à suivre.