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Malgré quelques choix un peu contestables comme la micro-gestion des combats, l’esprit de la série est toujours bel et bien présent et a au moins le mérite de ne pas se reposer sur ses acquis. Sans toutefois révolutionner de nouveau le genre, Age of Empires III est assurément le meilleur jeu de sa catégorie, tout simplement.
- Réalisation somptueuse
- Les batailles navales
- Le système de la ville mère
- Plus dynamiques qu’auparavant
- Multijoueur addictif et bien pensé
- La possibilité d’enregistrer les parties pour les visionner plus tard
- Certains automatismes se sont égarés (I.A. villageois, etc.)
- Micro-gestion de combats à la trappe
- Campagne un peu tirée par les cheveux
Age of Empires fait partie de ces jeux dont on attend la suite de pied ferme et pour laquelle certains prient le soir pour une sortie prochaine. Après leur petite incartade avec Mythology, Ensemble Studios remet enfin le couvert pour la troisième fois et arrive encore à nous surprendre.
Le simple fait de prononcer l’expression "Age of Empires" peut faire frémir d’excitation n’importe quel amateur de jeux de stratégie qui se respecte. Et pour cause, les deux premiers opus, sortis respectivement en 1997 et 1999, ont littéralement révolutionné le genre et il est tout à fait normal d’avoir l’intime conviction qu’Age of Empires III en fera tout autant. Et pour l’occasion, la série fait un bond dans le temps en nous transportant à l’époque de la découverte du Nouveau Monde. Et si certaines améliorations apportent un nouveau souffle à la série, le titre n’arrivera peut-être pas à galvaniser tous les joueurs à cause de quelques changements plus polémiques.
A la conquête de l’Ouest !
Le tutorial est un passage obligatoire pour se mettre en jambes et notamment se familiariser avec les nouvelles fonctionnalités avant de s’investir pleinement dans
"J’ai de petits problèmes dans ma plantation…"
Bâtir une nation puissante passe nécessairement par la collecte des ressources et la construction de nombreux édifices économiques, technologiques et militaires. Et pour ce faire, il faudra assigner les villageois à cette tâche. Dans sa globalité, on remarquera de nombreux changements notables. Le nombre de bâtiments disponibles a considérablement diminué alors que d’autres ont fait leur entrée. En effet, si l’on ne peut amasser du bois qu’en coupant des arbres (admirablement logique, non ?), la nourriture peut se récolter par la chasse, l’agriculture, la pêche mais également l’élevage avec la construction d’une étable. Les moutons ou vaches ainsi générés voient leurs points de viande s’accumuler progressivement avec le temps et mieux vaudra attendre que les bêtes soient arrivées à maturité pour les consommer. Si l’on peut toujours envoyer ses mineurs se ruer sur une mine d’or, de nouveaux filons font leur apparition en zone maritime (avec la pêche à la baleine) ou avec l’exploitation de plantations. A l’instar des fermes et de certaines zones de pêche, les plantations sont inépuisables et on pourra assigner jusqu’à dix paysans à son exploitation pour augmenter le rendement. Et pour peu que vous ayez un allié sympathique, vous pourrez même exploiter ses terres. Par contre, la recherche de la pierre ne fait plus partie de vos occupations – alors qu’elle aurait pourtant convenu notamment pour les systèmes défensifs comme les murailles, tours et forts – sans doute pour ne pas trop "encombrer" les tâches du joueur et rendre le jeu plus accessible. Le système de stockage des ressources a également été supprimé et ces dernières atterrissent directement dans vos réserves personnelles sans que les colons n’aient jamais à interrompre leur travail. Une évolution qui entache encore le côté réaliste et surtout stratégique dans le sens où il fallait agencer correctement sa ville pour être productif mais les développeurs voulaient nous éviter les phases de micro-gestion pourtant intéressantes. Ainsi, le jeu se compose essentiellement en deux étapes : on passe de prime d’abord beaucoup de temps sur la gestion des ressources et de sa cité pour finalement s’en affranchir dans un second temps et privilégier l’aspect militaire.
"Rome n’est plus Rome" - Delacroix
"L’Histoire avec une grande hache"
L’hôtel de ville prend ici une importance cruciale dans le développement de votre cité. Siège stratégique pour la création de vos villageois et le passage à une ère nouvelle, la ville évoluera de pair avec sa capitale du Vieux Continent. En effet, chaque action "constructive" comme l’élaboration d’un bâtiment, l’entraînement d’une unité, la collecte de ressources ou encore la destruction d’unités ennemies vous confère un certain nombre de points d’expérience et une jauge se remplit progressivement. Une fois pleine, la métropole pourra vous ravitailler à votre convenance : des vivres par exemple, des colons, une technologie en particulier ou encore des renforts militaires. La réciproque n’est pas possible mais les interactions ne s’arrêtent pas là. A l’instar d’un jeu de rôle, votre bourg passera des niveaux et chaque level vous octroie un point pour vous permettre de l’embellir et de se bâtir un deck entre deux parties. On pourra alors, au choix, privilégier l’aspect esthétique d’un édifice en particulier, inclure de nouveaux éléments de décors ou donner un peu plus de vie en rajoutant quelques personnages que l’on verra circuler dans les rues. La ville devient véritablement animée et si vous avez ajouté un saltimbanque, ce dernier fera alors un petit spectacle et la foule se rassemblera pour venir le voir puis chacun poursuivra son chemin une fois le show terminé. Précisons également que chaque capitale est représentative et reconnaissable au premier coup d’œil grâce à ses monuments célèbres. Que serait Paris sans sa cathédrale Notre-Dame et Londres sans Buckingham Palace ? Et cerise sur le cake, les voix sont doublées dans la langue d’origine de la nation choisie. Enfin, les points gagnés serviront à débloquer des cartes subdivisées en 5 catégories correspondant chacune à un type de renfort que la capitale pourra vous attribuer au cours d’une partie. Ainsi, certaines cartes ne deviennent disponibles qu’à partir d’un certain niveau ou ne peuvent être utilisés qu’une seule fois. Il faudra donc être particulièrement méticuleux puisque certaines cartes sont volontairement obsolètes et vos choix pourront s’avérer salvateurs. Recevoir des colons supplémentaires au tout début de la partie ou des renforts militaires en pleine attaque pèsera lourd dans
"L’Europe se rapproche de l’Amérique d’un centimètre par siècle. Et pourtant, le prix de la traversée reste le même !"
Pas moins de 8 civilisations se partagent l’affiche avec, bien sûr, des caractéristiques économiques et militaires bien spécifiques. On pourra diriger les plus grandes nations de l’époque : l’Angleterre,
"Ce fut admirable de découvrir l’Amérique mais il l’eût été encore plus de passer à côté"
Six ans après le précédent opus et surtout avec le contexte historique qui fait un bond en avant de quelques siècles, les combats s’appréhendent forcément différemment et certains corps d’armée prennent naturellement le dessus au détriment des autres. Par exemple, les moines n’ont plus qu’une influence très faible et leur compétence de soin affecte par contre tout un groupe mais il faut un certain temps pour les recharger après utilisation. Ils ont d’ailleurs perdu leur pouvoir de conversion. Particulièrement vulnérable vis-à-vis de la cavalerie, l’artillerie prend énormément d’importance et une vingtaine de pièces peuvent presque venir à bout de toutes les armées. Au niveau défensif, il est désormais impossible de construire un fort à tout va et il faudra passer commande à sa cité mère d’un chariot contenant le matériel nécessaire et celle-ci ne pourra en fournir qu’un seul. Les tours représentent une bonne alternative et peuvent être améliorées plusieurs fois mais leur construction est limitée à un certain quota. L’agencement des murailles est bien plus aisé qu’auparavant puisque l’on peut les étirer dans la direction de son choix et on n’aura désormais accès à un corps de garde qu’en transformant un pan de mur moyennant finance. Quant aux différents corps d’armée, ils sont tous les quatre développés dans des bâtiments bien distincts mais une usine importée par la capitale pourra également produire en masse des roquettes gratuitement ou les ressources de votre choix. Particulièrement vulnérable vis-à-vis de la cavalerie, l’artillerie prend toutefois énormément d’importance et une vingtaine de pièces peuvent presque venir à bout de toutes les armées si elles sont dirigées avec stratégie. Seulement, cela ne se fait pas sans contrepartie. En effet, les pièces d’artillerie sont d’une lenteur notoire et représente en général 5 à 8 unités de votre population en sachant que cette dernière ne peut excéder 200 individus pour peu que vous ayez construit le nombre d’habitations adéquat. La création des unités se veut par ailleurs bien plus aisé en mettant sur pied directement des groupes de 5 membres au maximum. Etrangement, le temps est identique pour produire une ou cinq unités ce qui fait que l’on n’a pas trop à craindre une contre-attaque si votre armée s’est faite décimer. Mais si tant est que les deux parties ont à disposition beaucoup de ressources, les affrontements peuvent durer des heures…
"La guerre est une chose trop grave pour la confier à des militaires"
Si les développeurs ont souhaité mettre en avant l’aspect militaire avec notamment un système de jeu plus dynamique, une gestion des ressources amoindrie et des armées pouvant être mises sur pied très rapidement, ils ont surtout opéré un changement un peu plus polémique en supprimant toute la partie micro-gestion stratégique. Ainsi, les formations de combat sont, par exemple, supprimées et il est donc impossible d’ordonner à une poignée d’hommes de protéger votre artillerie ou de programmer leur attitude. Tirant négligemment à vue, certains membres de votre groupe pourront être tentés de suivre l’ennemi au lieu de tenir leur position et de tomber dans une embuscade. Finalement, les groupes se forment d’eux-mêmes en colonne : l’artillerie se plaçant logiquement à l’arrière, l’infanterie au centre sur deux ou trois lignes et la cavalerie fait office d’avant-garde. Le régiment ainsi formé se déplace alors au rythme de l’unité la plus lente et c’est aussi le cas sous le feu ennemi ! Les unités étant relativement petites et donc difficiles à sélectionner en cas d’attaque, mieux vaudra former des groupes à l’avance, composés exclusivement d’unités du même corps d’armée pour pouvoir les contrôler manuellement et en tirer un meilleur parti. Les batailles sont un peu brouillonnes voire chaotiques et les unités n’hésitent pas à rompre les rangs à la moindre occasion. L’infanterie tire un peu partout et la cavalerie ne charge pas préférant se grouper sur quelques ennemis. Le comportement de l’artillerie est un peu meilleur et est d’une extrême précision, touchant toujours sa cible, même si elle est mouvante. A l’inverse, les batailles navales sont superbes avec des vaisseaux qui entament un balai pour se mettre sur les flancs et faire rugir leur canon, la fumée s’échappant de ces derniers. Dans le même ordre d’idée, on pourra applaudir l’attention qui a été apportée à certains détails comme le rechargement des munitions par l’infanterie et l’artillerie ou encore les cris de joie lancés par vos troupes après une victoire.
Finalement, les développeurs ont opéré de nombreux changements et le moins que l’on puisse dire c’est que certains se sont faits dans
"Il y a trois sortes d'intelligence : l'intelligence humaine, l'intelligence animale et l'intelligence militaire."
Donnons le ton d’emblée, Age of Empires III présente des graphismes somptueux. La version preview que nous avions reçue à la rédaction nécessitait pour profiter pleinement de la bête de posséder pas moins d’un Pentium 4 cadencé à 3,6 gigahertz, 1 Go de RAM et une carte graphique de dernière génération. Certes, la version n’était pas optimisée mais nos craintes s’envolent quand on prend enfin connaissance de la configuration minimum, "seulement" 1.4 GHZ pour le processeur, 256 Mo de RAM, 64 Mo quant à la carte graphique et 2 giga d’espace disque sont nécessaires. Evidemment, mieux vaudra posséder une configuration un peu plus musclé pour profiter pleinement du spectacle et s’affranchir notamment des temps de latence. Mais dans l’absolu, les options se règlent d’elles-mêmes et s’adaptent au mieux possible à votre machine. C’est bien simple, Age of Empires III flatte la rétine et peut se targuer d’être à ce jour le RTS le plus beau. Le soin apporté à certains détails est certainement bluffant, particulièrement les effets des vagues sur la mer – à titre d’information, les développeurs ont mis plus d’un an pour modéliser les surfaces maritimes – la végétation s’agitant doucement au gré du vent, les ombres calculées en temps réel pouvant même se superposer. De même, le territoire américain est suffisamment vaste pour proposer des environnements dépaysants, de la jungle primitive aux grandes plaines en passant par les monts glacés sans oublier l’exploration de souterrains. La petite déception vient du fait que l’on pouvait voir sur certaines images fournies par l’éditeur que Age of Empires III respectait un cycle jour / nuit et apparemment il n’a pas été intégré à la version finale mais peut-être le sera-t-il un peu plus tard avec l’add-on traditionnel. Enfin, le moteur physique n’est autre que le célèbre Havok qui, s’il a déjà fait ses preuves, trouve le moyen de nous impressionner de plus belle. Par exemple, les boulets de canon projettent les ennemis sur quelques mètres et continuent de rouler dans leur course, pouvant ainsi causer des dommages collatéraux. Les soldats ne tirent plus idiotement quelques balles pour détruire un bâtiment mais préfèrent plutôt balancer des torches enflammées. Les dégâts sont localisés et on verra alors des parties touchées de l’édifice s’effondrer peu à peu à même le sol, donnant parfaitement l’illusion des dommages qu’il reçoit.
It’s good to play together !
L’incontournable mode escarmouche permet de s’adonner à des affrontements à sa guise avec soit le mode combat à mort qui consiste à démarrer avec beaucoup de ressources et les injecter directement dans l’effort de guerre, soit le plus classique suprématie qui nous fait commencer à l’âge de découverte. C’est bien suffisant pour s’occuper mais il aurait été judicieux d’incorporer un peu plus de variétés dont certaines fonctionnalités des précédents épisodes comme "roi de colline" ou le contrôle de tous les comptoirs commerciaux durant une période donnée ou encore la construction d’une merveille qui a tout simplement disparu. La gamme de cartes disponibles reprend les plus importants territoires américains mais on regrettera de ne pas pouvoir choisir soi-même la taille des maps aléatoires puisque ces dernières sont un brin petite. Cela s’explique sans doute par une utilisation moindre de l’espace (plantation, élevage, ferme, etc.) et une volonté d’accentuer le dynamisme du jeu. L’intelligence artificielle est plus ou moins efficace selon le mode de difficulté sélectionné mais il faut bien avouer qu’elle peut bâtir une économie hors du commun en un rien de temps en expert. Cependant, elle utilise souvent les mêmes unités, prend rarement la mer on peut s’en défaire en seulement une dizaine de minutes grâce à la technique du rush. La technique est simple, il s’agit par exemple de recruter deux colons en plus des six que l’on possède déjà et de les affecter à la recherche de nourriture afin de passer à l’âge colonial rapidement. Ceci fait, il ne reste plus qu’à bâtir une caserne près de son campement et de harceler ses colons pour déstabiliser son économie et enfin l’achever.
Cette technique marche également contre d’autres joueurs et il est désormais temps de nous intéresser au mode online qui est une franche réussite. S’il n’est pas toujours d’une stabilité exemplaire à l’heure où sont écrites ces lignes, c’est tout de même plus que convenable et les développeurs procèdent à des réajustements pour parfaire le confort de jeu. Rejoindre une partie tout comme en héberger se fait très aisément et environ 15 jours avant la sortie européenne, le jeu affichait en soirée plus de 1000 joueurs connectés simultanément. On est donc certains de trouver quelqu’un pour jouer avec soi et si ce n’est malheureusement pas le cas, l’intelligence artificielle fera l’affaire. Rien ne remplace bien évidemment un joueur humain ne serait ce que pour son imagination ou sa mauvaise foi, certains joueurs n’hésitant pas d’ailleurs à disséminer dans tous les coins sombres de la carte leurs derniers villageois au lieu de donner leur reddition et à attendre passivement pour ralentir un tant soit peut leur défaite inéluctable. Heureusement, il est tout de même possible de révéler la carte mais cette technologie n’est pas donnée. Enfin, il est possible d’enregistrer une partie pour pouvoir la visionner ultérieurement et peut-être réussir à percer les arcanes des meilleurs stratèges. Le jeu fait pleinement le distinguo entre chaque mode de jeu et vous ne pouvez pas, par exemple, disposer de la même capitale pour utiliser le mode suprématie et combats à mort ni même alterner entre le jeu en solo et les parties en ligne. Ce dernier point est sans doute le plus frustrant mais c’est sans doute mieux ainsi et cela limite les tentatives de tricherie. Et ne pensez même pas passer une nuit ni même plusieurs – on a essayé – pour débloquer toutes les cartes et les améliorations esthétiques de votre cité. Le challenge est long, passionnant et surtout terriblement addictif. Un peu plus anecdotique mais méritant tout de même d’être souligné, les archives peuvent être consultées pour s’informer davantage sur les protagonistes de la campagne solo et les événements de cette période, alors que l’éditeur de cartes se veut vraiment complet. Espérons que des amateurs éclairés nous fourniront tout autant de ressources que ce que l’on avait pu avoir pour le second opus. Afin de séduire les fans, une version collector est également disponible et comprend un making-of du développement des trois épisodes, un CD doté des plus beaux thèmes musicaux de la série interprétés par un orchestre symphonique (s’il vous plaît !) et un livre regroupant différents artworks.
La der des ders ?
Quant à l’avenir, si Ensemble studios s’était particulièrement montré discret sur la question, la société y a déjà songé. Outre le traditionnel add-on qui devrait indubitablement mettre en scène de nouvelles civilisations dont probablement les Suédois et les Italiens d’après nos informations, le studio a apparemment mis en chantier d’ores et déjà le quatrième et cinquième opus. Pour appuyer cette rumeur, on pourra notamment prendre en considération qu’il a déjà réservé les noms de domaines suivants : ageofempires4.com et ageofempires5.com. Plus troublant, un artwork présent sur le bouquin de la version collector présente cinq effigies : la première représente un guerrier de l’antiquité, la seconde un chevalier de l’époque médiévale, le troisième un conquistador du Nouveau Monde… et il semblerait contre toute attente que le quatrième et cinquième épisode nous transportent respectivement en pleine guerre mondiale et dans un lointain futur.