Test A Way Out : le jeu vidéo qui réinvente la coopération ? sur PC
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Passé la contrainte de trouver obligatoirement un ami (ou un partenaire d’un soir ou deux), A Way Out est un jeu qui ose et qui s’affirme. L’idée de vouloir réunir deux personnes autour d’une même histoire, d’une aventure commune pour faire naître de l’entraide, de la complicité, de la fraternité, mais aussi de l’adversité est tout bonnement réussie. On se prend en effet au jeu assez rapidement, et de cette accointance jaillit un sentiment de communication et de partage qu’on avait presque oublié. Mais tout n’est malheureusement pas parfait dans A Way Out, loin de là, à commencer par des personnages et des situations un peu maladroites – et incohérentes – qui virent souvent dans le cliché. Ajoutez à cela des moments d’émotion forcés (on n’est pas loin du terrorisme lacrymal) suscitant davantage la moquerie que l’émotion, et vous comprendrez que Josef Fares a encore un peu de chemin à faire avant de s’imposer comme un pilier du jeu narratif. Toutefois, le game designer libano-suédois parvient à marquer les esprits grâce à de belles trouvailles et surtout l’envie de nous partager une expérience peu commune, qui nous rappelle que c’est l’union qui fait toujours la force. Dans un jeu comme dans la vraie vie. Amen.
- Un vrai jeu en coopération
- Concept intéressant, à approfondir
- Une mise en scène soignée
- Plutôt bien rythmé et bien varié
- Plein de bonnes petites idées
- Des mini-jeux sympas…
- Le dénouement final…
- L'hommage rendu au film Old Boy
- Graphiquement très inégal
- Ça manque d’énergie dans les gunfights et les courses-poursuites
- Personnages et situation clichés
- De grosses incohérences quand même dans certaines situations
- …mais qui n’apportent rien au final
- ...qui se devine assez rapidement quand même
- Les dialogues qui se chevauchent quand on déclenche une discussion en même temps
Un peu moins d’un an après son annonce surprise lors de la conférence E3 2017 d’Electronic Arts, A Way Out arrive donc sur PC, PS4 et Xbox One avec cette folle envie de nous faire redécouvrir le jeu vidéo d’une autre manière. En imposant son concept de jeu en coop’ obligatoire, A Way Out propose une vision très précise de l’entraide vidéoludique, dans la continuité de ce qui avait été entrepris avec Brothers : A Tale of Two Sons en 2013. Plus ambitieux, plus adulte et plus narratif aussi, A Way Out a deux grandes ambitions : hisser Josef Fares, son créateur, au rang des game designers qui comptent, et faire en sorte que les joueurs solitaires deviennent solidaires. Le challenge est relevé, mais le pari est-il réussi ?
Sous ses airs de bad boy et de développeur grande gueule qui n’hésite pas à faire des doigts d’honneur en direct à la télé, Josef Fares est un auteur au grand cœur. Un homme doué d’une grande sensibilité, qu’il souhaite d’ailleurs dévoiler au monde entier. En 2013, on avait pu voir avec force et émotion à quel point cet ancien réalisateur de films souhaite raconter des histoires basées sur l’entraide et la fraternité. Deux thèmes qui lui sont chers et qu’on retrouve une fois encore avec A Way Out, un titre dans lequel deux hommes vont devoir s’unir pour atteindre chacun leur objectif respectif. Il y a pour commencer Leo Caruso, 36 ans, grand nez crochu, gueule cassée, impulsif, sûr de lui et un brin sarcastique. Il purge une peine de 8 ans de prison pour un vol à mains armées, agression et vol aggravé. Incarné par Fares Fares, le frère aîné de Josef Fares, Leo est en réalité une représentation assez fidèle de ce dernier, un portait presque autobiographique. De l’autre, nous avons Vincent Moretti, 43 ans, condamné à passer 14 ans derrière les barreaux pour fraude, détournement de fonds et meurtre, celui de son frère, qu’il n’a évidemment pas commis. Plutôt du genre discret et discipliné, Vincent ne se laisse jamais être débordé par ses émotions, se révélant ainsi être l’exact opposé de Leo. Deux hommes aux caractères diamétralement opposés, mais qui vont devoir faire ami-ami pour fuir cette prison et retrouver l’homme qui les unit dans leur destinée.
TANGO & CASH
Avec une durée de vie avoisinant les 7 heures de jeu, A Way Out se découpe en deux grosses parties. La première, peut-être la plus intéressante, consiste à s’évader de la prison où nos deux voyous sont retenus. C’est aussi dans cet établissement carcéral que l’on va pouvoir apprécier tous les contours qui dessinent le gameplay du titre, mais aussi sa mise en scène. D’emblée, A Way Out nous plonge dans le jeu en coopération, reprenant – et imposant – le fameux écran splitté qui faisait jadis le bonheur des joueurs dans les années 80/90, période pendant laquelle le online n’existait pas encore. Mais contrairement à ces titres où l’écran était scindé soit à l’horizontale soit à la verticale, la ligne de démarcation dans A Way Out change selon les situations et les saynètes, renouvelant sans cesse le cadrage, mais dynamisant avant tout la mise en scène. Le jeu va encore plus loin, avec une scène marquante où un troisième personnage entre en jeu, divisant alors l’écran en trois parties, livrant ainsi trois points de vue différents. Du jamais vu dans le jeu vidéo, et sans doute à réitérer à l’avenir. C’est clairement l’une des forces de ce titre qui mise sur l’entraide donc, le partage et plus important encore : la communication. Avec l’aide d’un.e ami.e (ou de sa femme) assis.e à côté de soi, ou au bout du web, accroché.e à son casque-micro, A Way Out se vit obligatoirement à deux. Un choix qui risque de déplaire à certaines personnes, mais que Josef Fares espère convertir à son idée en proposant un pass ami qui permet d’inviter un ami à participer à l’aventure avec celui qui a acheté le jeu. C’est sans nul doute la base, le socle du jeu de Josef Fares, qui tient absolument que les joueurs se parlent, afin de créer une osmose entre eux, et donc une forme de fraternité. Et pour le coup, c’est réussi. Car c’est ensemble que Leo et Vincent (et par prolongement les deux joueurs devant leur téléviseur) vont affronter l’adversité et surmonter toutes les épreuves qui vont se dresser sur leur chemin.
TERRENCE HILL & BUD SPENCER
Créer une diversion pour détourner l’attention d’un garde ou d’une infirmière, éclairer une zone pour permettre de tourner une manivelle tapie dans le noir, faire le guet pendant que l’autre dévisse une bouche d’aération, défoncer une porte à deux, porter secours pendant une rixe, étourdir des gardes de façon synchronisée, faire la courte échelle, les actions à réaliser en binôme sont aussi nombreuses que variées, sachant que tout repose sur la simultanéité et ainsi générer toute forme d'échange et de communication entre les joueurs. Tout a été pensé et réalisé pour que l’aventure, très narrative par ailleurs, ne soit rarement entachée par une difficulté trop accrue. Dans la lignée d’un jeu à la David Cage, la jouabilité repose sur pas mal de QTE que les Ayatollahs du jeu vidéo rejetteront comme de la peste, tandis que les autres y verront une manière plutôt subtile de faire participer des personnages jusqu’à présent réfractaires à toute forme de jeu vidéo qui demande trop de skill. Malgré quelques scènes de gunfight et de course-poursuite, A Way Out n’a nullement la prétention de s’adresser aux joueurs les plus hardcores, même si l’on regrette quand même un certain manque de challenge, et quelques situations qu’on a trouvé ubuesques.
Plus ambitieux, plus adulte et plus narratif aussi, A Way Out a deux grandes ambitions : hisser Josef Fares, son créateur, au rang des game designers qui comptent, et faire en sorte que les joueurs solitaires deviennent solidaires.
C’est d’ailleurs là le principal défaut de A Way Out, à savoir multiplier les maladresses, aussi bien dans certaines situations peu crédibles ou incohérentes, que s’enfoncer dans des clichés un peu grossiers pour un jeu sortant en 2018. Le titre de Josef Fares aurait d’ailleurs gagné en profondeur et en maturité s’il s’était donné la peine de rallonger son histoire, approfondir certains aspects du personnage et peut-être masquer quelques grosses ficelles scénaristiques, qui auraient peut-être évité qu’on devine le dénouement final au bout de seulement 3 heures d’aventure. Comme nous vous le signalions plus haut, c’est la première partie de A Way Out qui s’en sort le mieux, là où il faut travailler de concert pour arriver à ses fins. Dès lors que le jeu vire dans la coopération basique où l’écran splitté n’a plus lieu d’être, notamment lors des séquences de gunfight et de la course-poursuite à moto, le jeu sombre dans une banalité affolante, rattrapée qui plus est par une réalisation assez datée et un manque évident d’énergie dans certaines scènes d’action, prouvant que le moteur 3D n’a pas été développé pour cela.
JACQUIE & MICHEL
Alors oui, Leo et Vincent sont plutôt bien modélisés et les gros plans sur leur visage, ainsi que certains environnements (tout le passage dans la forêt par exemple) parviennent à masquer le manque de budget évident. On a bien conscience que le studio n’a pas eu les moyens d’un AAA à la GOD OF WAR, mais avec Electronic Arts en back up, on aurait aimé quand même des graphismes plus travaillés, notamment au niveau des personnages secondaires et de la représentation de l’eau, ultra cheap dans ses animations. Pour contrebalancer ces aspérités visuelles, A Way Out sait surprendre par sa mise en scène, avec deux moments assez mémorables. Le premier n'est autre que la course-poursuite avec le contre-maître véreux sur un chantier, où la caméra se met alors à reculer jusqu'à en devenir aérienne, tandis que le second reprend le plan signature du film Old Boy de Park Chan-Wook, qui s’inspirait déjà du jeu vidéo afin de reproduire le mouvement de scrolling horizontal des beat’em all des années 90. Une façon quelque part de boucler la boucle.