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Test 100 Livres Classiques DS sur DS

Test 100 Livres Classiques DS
La Note
note 100 Livres Classiques 2 20
Le débat entre les fanatiques du livre-objet et les défenseurs de la dématérialisation outrancière de la littérature a certainement de beaux jours devant lui, et nul doute que des produits comme ce 100 Livres Classiques apporteront de l’eau au moulin des premiers. Sur le papier, l’idée de Genius Sonority, associé pour l’occasion à Gallimard, est pourtant louable. En proposant au format poche et à un prix défiant toute concurrence pas moins de 100 chefs-d’œuvre de la littérature, le développeur japonais et la maison d’édition française souhaitaient offrir des heures et des heures de dépaysement élégant aux lecteurs branchés ou aux grands voyageurs. Hélas, la DS n’est nullement adaptée à la consultation de livres électroniques, et Hugo, Verlaine ou Proust peinent à s’épanouir dans le cadre très étroit du double écran. Dépourvu de tout appareil critique et d’outils de navigation et de recherche pertinents, 100 Livres Classiques n’est qu’une somme bête et méchante de beaux mots mal maquettés.

Les plus
  • Belle sélection d'œuvres françaises
  • Téléchargement possible
  • Pratique pour les nomades branchés
  • Donne envie de lire les œuvres sélectionnées… en format papier
  • Confort visuel sur les dernières générations de DS...
Les moins
  • …mais pas sur la DS Tank
  • A trop cliquer, on perd le fil du récit
  • Mise en forme discutable
  • Littérature étrangère sous-représentée
  • Absence totale d'appareil critique
  • Ambiances sonores ridicules
  • Navigation pénible


Le Test

Relativement épargné par la révolution numérique, et après quelques années d’attentisme, le microcosme littéraire investit nos petits écrans. Au même moment, et en dépit de quelques tensions entre instances officielles et opérateurs privés, le processus de numérisation d’œuvres anciennes s’accélère. Les créations contemporaines ne sont pas oubliées puisque la plupart des best-sellers bénéficient désormais d’une sortie quasi-simultanée en librairie et dans des versions dématérialisées qui alimentent les lecteurs de livres électroniques. Console de jeu, la DS tente aujourd’hui de marcher sur les plates-bandes des gadgets high-tech proposés par Sony, Amazon, iRex ou Bookeen. Le résultat n’est guère probant.


"Eh bien, prince, que vous disais-je ? Gênes et Lucques sont devenues les propriétés de la famille Bonaparte. Aussi, je vous le déclare d’avance, vous cesserez d’être mon fidèle esclave, comme vous dites, si vous continuez à nier la guerre et si vous vous obstinez à défendre plus longtemps les horreurs et les atrocités commises par cet Antéchrist… car c’est l’Antéchrist en personne, j’en suis sûre ! Allons, bonjour, cher prince ; je vois que je vous fais peur… Asseyez-vous ici et causons…" Si comme Pierre, qui a des lettres, vous avez reconnu les premières lignes de Guerre et Paix, peut-être ne trouverez-vous guère d’utilité à la dernière production de Genius Sonority, qui se fait forte de mettre à la disposition du grand public 100 ouvrages classiques – et libres de droit – dans des versions plus ou moins intégrales. La littérature française est évidemment largement représentée dans cette somme de beaux mots, et plus particulièrement les héros du XIXème siècle. Champions toutes catégories, Balzac, Hugo et Zola s’approprient à eux trois 15% du catalogue et écrasent une concurrence étrangère réduite à peau de chagrin. C’est là le premier reproche que l’on pourra adresser à Gallimard, partenaire du produit, qui nous case ici deux Raymond Radiguet mais rien de Shakespeare, quatre Dumas mais pas un seul philosophe grec, L’Odyssée étant la seule œuvre antique du panel. Malgré ces quelques malheureux oublis, inévitables lorsque l’on résume la littérature à cent œuvres, l’éditeur national limite la casse, d’autant que le caractère "classique" des titres proposés est indiscutable.

Les mots pour le lire

Des classiques, les bibliothèques familiales n’en manquent pas, dont bon nombre n’ont pas été ouverts depuis bien des années. Genius Sonority  se devait donc de trouver le moyen de séduire les lecteurs en sommeil. Ne vous y trompez pas, si vous détestez lire, si vous n’avez pas effleuré la couverture d’un bouquin depuis la fin de vos études et que les quotidiens gratuits vous semblent étonnamment denses, 100 Livres Classiques ne vous convertira pas à la cause de la littérature, et ce en dépit de son accessibilité théorique. L’utilisateur est invité à tenir sa DS à la verticale, à lire sur les deux volets et à feuilleter son roman du jour en jouant du stylet. Le format de la console n’étant guère propice à l’étalage rédactionnel, les œuvres se déroulent ici au fil de très brèves pages. Le mince paragraphe cité en introduction de ce texte s’étend ainsi sur deux pleins écrans de DS Lite, et vous devrez cliquer un bon paquet de fois dans l’angle inférieur droit de l’écran tactile pour rallier le salvateur mot "Fin à la page 11757". Et pour peu que vous optiez pour la taille de police la plus imposante parmi les deux disponibles, vous ne sortirez du fleuve narratif imaginé par Tolstoï qu’à la page… 17867 ! Cette construction a une qualité : le lecteur, qui ne passe que quelques secondes sur chaque feuillet, a le sentiment d’avancer à vitesse grand V. La mise en page des œuvres pâtit néanmoins sérieusement de ce format miniature, qui facilite la lecture des mots mais complique paradoxalement la compréhension du texte. Incapable d’avoir une vision large, contraint de cliquer continuellement, le lecteur peut aisément perdre le fil du récit. Les pièces de théâtre ou la poésie souffrent le plus de ces contraintes formelles. Ainsi de Don Juan aux Enfers : 

"Quand don Juan descen-
dit vers l’onde soute-
rraine,
Et lorsqu’il eut donné
son obole à Charon,
Un sombre mendiant,
l’œil fier comme",

Et là on tournera la page. Sans vouloir jouer les extrémistes, les mots de Baudelaire ne s’épanouissent guère dans un tel cadre (et merci pour la césure abominable). Mais les amateurs de belles lettres ne semblent guère visés par un titre qui accompagne la lecture d’un fond sonore aussi synthétique que kitsch. Crépitement d’une belle flambée, ambiances aéroportuaires ou ferroviaires, envolées orchestrales au clavier bas de gamme ou chant des cigales, tout cela s’accommode abominablement mal à Phèdre ou aux Misérables. Il est également regrettable que ce produit à destination du "grand public" se contente de livrer les textes à l’état brut. Pour moins de trente euros, nous ne nous attendions naturellement pas à bénéficier d’un appareil critique digne de la Bibliothèque de la Pléiade, la prestigieuse collection des éditions Gallimard, mais 100 Livres Classiques n’en demeure pas moins étonnamment chiche en informations. A l’exception d’une brève notice introductive et de quelques lignes consacrées à la vie de l’auteur, les œuvres ne sont ni expliquées ni annotées, et ne disposent pas même d’une table des matières. Un choix curieux pour ce produit original mais mal conçu, qui ne permet finalement qu’un gain de place et de poids, deux arguments qui pourraient interpeller les grands voyageurs. Nous invitons ces derniers à méditer les mots d’Umberto Eco, interviewé il y a quelques mois par Télérama : "Robinson Crusoé sur son île aurait eu de quoi lire pendant trente ans avec une bible de Gutenberg. Si elle avait été numérisée dans un e-book, il en aurait profité pendant les trois heures d’autonomie de sa batterie." Ou pendant une dizaine d’heures sur sa DS.





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