Project CARS 2 : une suite qui repousse les limites de la simulation automobile ?
Si le traditionnel chassé-croisé entre juilletistes et aoûtiens a causé des bouchons s’étalant sur plusieurs kilomètres il y a une dizaine de jours, il risque également d’y avoir embouteillage sur consoles cet automne. En effet, Forza Motorsport 7 sortira le 3 octobre sur Xbox One (et le 7 novembre sur Xbox One X), tandis que Gran Turismo Sport a prévu de débarquer le 18 octobre sur PS4. Et puis, il y a aussi Project CARS 2, le jeu de course de Slightly Mad Studios qui sera disponible dès le 22 septembre sur Xbox One et PS4, ce qui explique pourquoi Bandai Namco Entertainment a accéléré la campagne promotionnelle du jeu. Ainsi, nous avons eu l’occasion de croiser une nouvelle fois sa route après l’avoir approché à l’E3 2017. Pratique pour échanger quelques mots avec Olivier Reocreux et Goran Marinkovic, respectivement chef de produit et producteur chez Bandai Namco Entertainment.
On aurait tendance à l’oublier, mais Slightly Mad Studios n’est pas novice en matière de simulation automobile. En effet, on trouve à sa tête Ian Bell, celui qui a également dirigé SimBin (GTR). Donc, autant vous dire que lui et ses équipes sont considérés comme des darons du sport mécanique, même si les Need For Speed Shift n’ont pas laissé un souvenir impérissable. Après le Test Drive : Ferrari Racing Legends encore plus mauvais, ils ont compris qu’il fallait créer leur propre licence. "Il est toujours difficile de créer une marque, et c’est quelque chose que nous avons réussi, nous a expliqué Olivier Reocreux. Bien sûr que j’ai joué à Gran Turismo, à Forza et, dans une moindre mesure, à Assetto Corsa. Je pense que notre principale force, c’est la fraîcheur que l’on apporte. Gran Turismo, ça fait maintenant plus de 20 ans que la série existe ; et Forza, un peu plus de 10 ans. A mes yeux, il s’agit des deux plus belles marques actuelles, mais quand vous ne jouez qu’à ces deux séries-là, Project CARS permet de découvrir d’autres sensations, de bénéficier d’une autre approche du sport automobile". "Par rapport à cette fraîcheur, on a l’avantage d’avoir une grosse communauté très active qui nous permet vraiment de proposer un jeu pensé par des joueurs, a ajouté Goran Marinkovic. D’ailleurs, je viens de croiser un membre de la communauté qui m’a confié que des modifications avaient été reportées aux développeurs tout juste hier, et ils sont déjà en train de les analyser. Il s’agit d’un processus ultra dynamique".
Par exemple, sur un circuit classique, on pourra voir le dépôt de gomme se former au fil des tours, ce qui offrira une meilleure adhérence. En enlevant toutes les assistances, c’est vrai que dès que l’on s’écarte de la trajectoire, la perte de grip est perceptible.
Depuis le premier épisode, on sait que Slightly Mad Studios a fait du réalisme son cheval de bataille, même si du côté de Bandai Namco Entertainment, on reconnaît qu’Assetto Corsa est sans doute plus pointu. Toujours est-il que des pilotes professionnels – tels que Nicolas Hamilton – ont participé au développement de Project CARS 2, toujours avec cette obsession de récupérer le moindre retour pour procéder aux ajustements nécessaires. "Il y a deux points sur lesquels les pilotes ont insisté : le comportement des différents types de pneus et le freinage, nous a confié Goran Marinkovic. Je ne dis pas que le reste n’a pas compté, mais concernant ces deux éléments-là, j’ai pu assister à quelques séances de test les retours qu’ils sont capables de faire sont assez hallucinants. Certains pilotes de rallycross viennent s’entraîner sur le jeu – parce que le tracé se trouve trop loin, ou parce que leur voiture est endommagée – et ils savent qu’ils vont retrouver les mêmes sensations qu’en compétition officielle".
Avant de poursuivre : "Je peux vous parler d’un autre exemple de ce genre. Quand nous avions organisé l’événement en Laponie avec Mercedes, il y avait une version du jeu dans laquelle on pouvait conduire sur glace. Bien évidemment, il était possible de faire la même chose avec de vraies voitures, et sur la même piste. Nous avons donc comparé les deux, et un pilote Mercedes est venu nous voir en disant : ‘C’est la première fois que je joue à votre jeu et il est magnifique. Par contre, il y a quelque chose qui ne va pas car sur une piste telle que celle-ci, la voiture ne doit pas avoir ce comportement’. Nous avons discuté pendant plusieurs heures, et nous n’arrivions pas à comprendre pourquoi ça n’allait pas. Et à la fin de la journée, un autre pilote Mercedes est venu nous voir en disant : ‘C’est bizarre, avec votre voiture [dans le jeu], on a l’impression d’être sur une patinoire’. Nous nous sommes donc regardés, et j’ai dit : ‘C’est normal, c’est de la glace’. Et là, il m’a répondu : ‘Oui, mais avant que l’on pilote sur cette glace, on passe un tracteur pour abîmer la glace et augmenter ainsi l’adhérence’. C’est tout bête, mais nous n’avions pas cette donnée-là. La semaine suivante, tout était réglé. Sans l’aide d’un pilote professionnel, jamais nous n’aurions atteint ce résultat sur glace. Ca n’a pas de prix".
La présence de Ferrari a été confirmée récemment, mais des cadors tels que Porsche ou encore Jaguar ont signé aussi. On reste en-dessous de ce que propose Forza Motorsport 7 avec ses quelque 700 voitures, mais la marge de manœuvre est nettement plus grande que par le passé.
Cette anecdote renvoie au fameux Live Track 3.0, le système qui permet à Project CARS 2 d’aller encore plus loin dans le réalisme en tenant compte de plusieurs facteurs cruciaux dans le sport automobile. Par exemple, sur un circuit classique, on pourra voir le dépôt de gomme se former au fil des tours, ce qui offrira une meilleure adhérence. En enlevant toutes les assistances, c’est vrai que dès que l’on s’écarte de la trajectoire, la perte de grip est perceptible. Même chose pour les courses sous la pluie : des flaques d’eau apparaîtront progressivement, ce qui aura naturellement un impact sur la manière d’appréhender la piste. L’idée derrière le Live Track 3.0, c’est de rendre chaque tour unique et de retranscrire ce caractère imprévisible de la course, tout ça avec une météo dynamique. Eviter que le joueur se sente dans en fauteuil en quelque sorte, Olivier Reocreux affirmant que dans Project CARS 2, "le circuit est un personnage à part entière". Avec le Drivatar, Forza fait figure de référence en termes d’I.A.. De leur côté, les développeurs de Slightly Mad Studios ont opté pour une solution basée sur deux jauges. "On peut gérer à la fois le niveau de difficulté de l’I.A. et son agressivité", a indiqué Olivier Reocreux. "En fait, la première jauge correspond à : ‘L’I.A. pilote bien et fait d’excellents temps’, et l’autre, c’est pour éviter le côté queue leu-leu de Gran Turismo’, a renchéri Goran Marinkovic. Si l’on réduit tout au niveau 0, on va donc obtenir une I.A. assez bête et qui conduit pépère. A l’inverse, elle sera agressive et fera des super temps".
L’autre point sur lequel nous nous sommes attardés, c’est la prise en main avec la manette. Dans le premier Project CARS, c’était tout simplement un cauchemar de jouer avec un pad. La frustration était énorme et il était assez compliqué de se passer des aides. "En fait, le jeu n’était pas très permissif, a admis Goran Marinkovic. La moindre erreur se payait cash. Cette fois-ci, le jeu est moins punitif et on ne finit pas systématiquement en tête à queue. Ce qu’il faut savoir, c’est que le premier Project CARS était très orienté PC, et les développeurs se sont dit que ça allait être facile d’adapter les commandes sur une manette. Sauf que les calibrages ne sont pas tout à fait les mêmes ; l’amplitude que l’on peut avoir avec un volant n’est pas la même qu’avec un stick, par exemple". On confirme : Project CARS 2 n’a plus rien à envier à la concurrence, et il est même assez surprenant de voir que Slightly Mad Studios a pu rectifier le tir de manière aussi efficace. C’est le jour et la nuit, vraiment. Visuellement splendide, le jeu dispose d’un garage largement plus étoffé que celui de son prédécesseur. Bandai Namco Entertainment est conscient que le succès du premier épisode (plus d’un million d’exemplaires vendus dans le monde) lui a permis de frapper à la porte de certains constructeurs prestigieux. La présence de Ferrari a été confirmée récemment, mais des cadors tels que Porsche ou encore Jaguar ont signé aussi. On reste en-dessous de ce que propose Forza Motorsport 7 avec ses quelque 700 voitures, mais la marge de manœuvre est nettement plus grande que par le passé.
Pour ce qui est de la PS4, nous sommes toujours en train de travailler dessus et nous ne pouvons pas garantir une compatibilité avec le PS VR day one. Des optimisations sont en cours.
Avec une telle communauté de fous furieux, Slightly Mad Studios se devait d’apporter des améliorations au niveau de l’aspect eSport, et cette nouvelle présentation de Project CARS 2 a permis de faire le point sur ce sujet. En fait, deux modes ont été ajoutés : réalisateur et diffuseur. Dans le rôle du réalisateur, le joueur pourra gérer tous les plans de caméra et choisir les voitures sur lesquelles il souhaite se focaliser, comme s’il s’agissait d’un événement télévisé. Quant au diffuseur, en plus de retransmettre la course sur YouTube ou Twitch, il aura la possibilité de commenter la course. Nous n’avons pas pu essayer ces nouveaux outils, et il faudra vraisemblablement attendre d’avoir la version définitive entre les mains pour voir comment tout ça fonctionne. Quid de la réalité virtuelle sur PS4 ? "Aujourd’hui, ce qui est certain, c’est que le jeu sera compatible avec la réalité virtuelle sur PC au moment de sa sortie, nous a assuré Goran Marinkovic. Le contenu sera identique. Pour ce qui est de la PS4, nous sommes toujours en train de travailler dessus et nous ne pouvons pas garantir une compatibilité avec le PS VR day one. Des optimisations sont en cours". En creusant un peu plus, on nous a confirmé que le jeu, tel qu’il était aujourd’hui, ne pourrait pas tourner correctement sur le casque de Sony Interactive Entertainment. "Par rapport à notre technologie, le hardware ne le supporterait pas, a ajouté Goran Marinkovic. On arrive à faire tourner le jeu, mais nous n’arrivons pas à obtenir un rendu suffisamment fluide pour les yeux. Du coup, le cerveau est perturbé". Slightly Mad Studios ne souhaitant faire aucune concession en termes de contenu une fois que l’on bascule dans la réalité virtuelle, les équipes travaillent d’arrache-pied pour que l’expérience proposée ne se limite pas qu’à une seule piste.
Enfin, avant d’aller faire quelques tours sur la piste Jean-Pierre Beltoise située à Trappes, on a demandé à nos interlocuteurs s’il était possible que Project CARS, un jour, emprunte une voie plus grand public comme l’a fait Forza avec la saga Horizon. "Il s’agit de la seule licence qui ait réussi dans ce domaine, a fait savoir Olivier Reocreux. D’autres ont essayé : DiRT avec DiRT Showdown, ou encore F1 avec F1 Race Stars ; et à chaque fois, ça n’a pas fonctionné. Avec Forza Horizon, j’étais également très dubitatif au début. C’est difficile d’avoir un positionnement clair en proposant un jeu orienté simulation au départ avant d’aller chasser d’autres terres, car le public est perdu par la suite. Par exemple, Need For Speed a toujours été considéré comme un jeu d’arcade, et Slightly Mad Studios a pourtant sorti deux Need For Speed Shift qui étaient plus simu. Le risque avec ce cas de figure, c’est qu’une personne qui achète un jeu de course tous les cinq ans va penser qu’il s’agit d’un jeu d’arcade, alors que non. C’est vraiment quelque chose de compliqué à faire, et je trouve justement que Forza le fait très bien. En fait, l’idéal serait de proposer une nouvelle licence". Pas de Project CARS Horizon pour le moment donc, mais si la communauté et les développeurs en ressentent un jour l’envie, ce n’est pas impossible comme nous a fait comprendre Goran Marinkovic. En attendant, ce second rendez-vous avec Project CARS 2 n'a fait que confirmer tout le bien que l'on pensait du jeu : solide sur le plan visuel, une physique au top, un contenu plus généreux. Mais avec un premier épisode déjà souverain, pouvait-il en être autrement ?