La saga Dead Space : comment la série a balayé Resident Evil


On enfonce peut-être une porte déjà ouverte, mais les fans de Resident Evil sont encore nombreux à croire qu'Umbrella Corporation et ses zombies sont toujours capables de nous faire peur. La bonne blague. La réalité est pourtant implacable : depuis Resident Evil 4, la série créée par Shinji Mikami renie clairement ses origines qui lui ont permis d'être la référence incontestée du survival horror, et a préféré adopter une orientation action mal calibrée. Un terrible gâchis qui profite à Dead Space, le jeu d'action horrifique de Visceral Games qui, après être arrivé sur la pointe des pieds, est aujourd'hui considéré comme le digne successeur de Resident Evil. On vous explique tout de suite pourquoi.

Le héros Isaac Clarke en pleine actionSi Dead Space compte aujourd'hui trois chapitres (sans intégrer la version développée sur Android et iOS ainsi que les spin-offs Ignition et Extraction), on le doit beaucoup à Glen Schofield, ancien vice-président de Visceral Games, co-fondateur de Sledgehammer Games et, accessoirement, créateur de la série. Car cela faisait un moment que les aventures angoissantes de l’ingénieur Isaac Clarke mûrissaient dans son esprit, mais à l’époque, Electronic Arts était plutôt enclin à investir sur des licences déjà bien établies plutôt que d’en lancer des nouvelles. Ce n’est que lorsque l’éditeur américain décida de se débarrasser de son image d’usine à suites, que le feu vert lui fut donné. Et même si le survival horror était un genre auquel étaient déjà habitués les joueurs (Eternal Darkness Sanity’s Requiem, Alone in the Dark, Resident Evil par exemple), il s’agissait d’un univers dans lequel Electronic Arts devait faire ses preuves. Les impératifs financiers n’étaient pas ce qu’ils sont aujourd’hui, et l’équipe de Glen Schofield avait donc carte blanche pour mener le développement du premier Dead Space comme elle l’entendait. Visceral Games ne s’en est jamais caché : l’objectif était de détrôner Resident Evil en brisant les codes instaurés par Capcom, et cela passait inévitablement par l’introduction d’un nouveau type d’ennemi. Si Dead Space met autant la pression, c’est parce que les Nécromorphes ne sont pas aussi rouillés que les zombies. Leurs mouvements sont beaucoup moins prévisibles que ceux des créatures de Raccoon City, et ils adoptent une stratégie d’attaque différente en fonction de l’espèce à laquelle ils appartiennent. Du coup, il faut faire preuve d’une précision extrême pour s’en débarrasser définitivement. Car si un headshot suffit la plupart du temps pour mettre à terre un mort-vivant dans Resident Evil, les Nécromorphes, eux, ne capitulent qu’après avoir été complètement démembrés ; c’est-à-dire avec les bras, les jambes et la tête découpés. Naturellement, il existe des exceptions et il faut avoir recours à d’autres techniques pour coucher certains Nécromorphes colossaux. Mais on vous garantit que slalomer entre eux pour économiser ses munitions, c’est tendu.

 

DEAD SPACE : LE SURVIVAL HORROR A UN NOUVEAU VISAGE

Dead Space 2, une suite qui a tenu toutes ses promessesBref, vous l’aurez compris : les zombies sont devenus has been depuis qu’ils sont partis faire un tour en Afrique dans Resident Evil 5, où ils ont appris à se servir d’armes à feu. Lamentable. Cette initiative dénature non seulement l’essence même de la série, mais lui enlève également toute légitimité en termes de survival horror. Franchement, vous imaginez les morts-vivants de The Walking Dead se mettre à balancer des grenades, ou alors s’équiper d’un lance-roquettes ? Tout est organique dans Dead Space, et jamais se faire vomir dessus n’a été aussi jouissif. On n’a pas l’impression d’être dans un jeu d’action à la Gears of War où ça tire de partout, où l’effroi n’a pas le temps de naître, où le joueur ne se fait jamais dans la culotte à chaque recoin obscur. C’est exactement ce qu’est devenu Resident Evil, alors que Capcom avait promis un retour aux sources avec Resident Evil 6. Que dalle ! La campagne de Leon S. Kennedy et Helena Parker, annoncée comme la plus fidèle aux origines de la saga, n’arrive même pas aux orteils de Dead Space. Les énigmes ont disparu de la circulation, et on parle de vrais casse-têtes ici. Car déplacer quelques statuettes et faire sonner des cloches, c’est plus une insulte qu’autre chose. On ne peut pas dire non plus que les neurones soient mis au supplice quand on est dans la peau d’Isaac Clarke, mais ce n’est pas là-dessus que Dead Space s’est construit une réputation de cador. Les artistes de Visceral Games manient l’épouvante à la perfection, et chaque grincement entendu à l’autre bout de la zone donne des sueurs froides. Décidé à dépoussiérer les mécaniques du genre, le premier épisode de la série chamboulait les habitudes des joueurs en brouillant les cartes. Alors qu’on se doute bien qu’un cadavre croisé dans Resident Evil va ressusciter au moment où l’on va s’en approcher, ce n’est pas systématiquement le cas dans Dead Space. Au contraire, on peut passer plusieurs fois devant lui sans se faire croquer les mollets, ce qui est encore plus perturbant au final.

 

Qui n’a pas encore chopé ce satané TOC qui nous fait recharger notre arme toutes les deux secondes, même quand il reste encore un milliard de munitions dans le chargeur ? C’est la peur, ne cherchez pas plus loin.


Une image de Dead Space Extraction, la préquelle de Dead SpaceIdem en ce qui concerne les bruits suspects que l’on peut entendre ici et là : ils ne sont pas nécessairement synonymes d’attaque soudaine. Par contre, il arrive que l’on se fasse surprendre lors d’un moment d’accalmie, à l’image de l’énorme tentacule qui s’empare du héros dans le premier Dead Space. Résultat : le joueur est toujours sur le qui-vive et se tient prêt à dégainer son arme à tout moment. L’ambiance sonore est démoniaque, et d’après ce que nous avons aperçu dans la version définitive de Dead Space 3, Visceral Games est allé encore plus loin. "Nos ingénieurs du son sont les mêmes qui ont travaillé sur les deux premiers jeux, et ils savent donc comment créer une atmosphère à la Dead Space, nous a expliqué Yara Khoury, associate producter du jeu. Le nouveau challenge pour eux a été de susciter encore plus d’émotions chez le joueur, d’avoir un impact sur la manière dont il est engagé dans l’histoire de Dead Space 3. Le scénario du jeu révèle pas mal de choses, on a prêté une attention particulière aux relations que les différents personnages ont entre eux, et c’est justement là-dessus qu’ils ont concentré tous leurs efforts. Ils ont donc créé des musiques et des bruits qui soutiennent en quelque sorte les événements qui se déroulent au cours de l’histoire. Et en plus des sons qu’émettent les nouveaux Nécromorphes, ils ont également fait un énorme travail sur les nouvelles armes avec toutes les combinaisons possibles. Le résultat est vraiment impressionnant". Ce qui fait prendre son pied aussi, c’est cette omniprésence du clair-obscur qui renforce le caractère oppressant de la saga. On ne sait jamais ce que l’on va découvrir dans le coin sombre, là-bas, qui est à peine éclairé par un mince fil de lumière. Qui n’a pas encore chopé ce satané TOC qui nous fait recharger notre arme toutes les deux secondes, même quand il reste encore un milliard de munitions dans le chargeur ? C’est la peur, ne cherchez pas plus loin.

 

DEAD SPACE 2 : UNE SUITE QUI A CONNU UN GROS SUCCÈS COMMERCIAL 

Isaac Clarke et John Carver dans Dead Space 3Et puis, il faut reconnaître que l’univers science-fiction de Dead Space a clairement de la gueule, et change radicalement de certaines incohérences que l’on a pu connaître avec Umbrella Corporation. L’histoire n'est pas renversante non plus, mais cela n’empêche pas les petites feintes de dernière minute. Dans le premier épisode de la série, découvrir que Nicole n’est finalement qu’une illusion générée par le Monolithe pour attirer Isaac Clarke sur la planète Aegis VII, c'est plutôt bien vu. Personne n’aime se faire mener par le bout du nez, surtout après avoir risqué sa vie en affrontant des centaines de Nécromorphes. Dans tout ça, la licence n’offre aucune échappatoire puisque le scénario se déroule essentiellement dans l’espace. Les développeurs de Visceral Games se sont fait plaisir du coup, et si dans le premier Dead Space il fallait se contenter des zones Zero-G pas franchement souples – le personnage ne pouvait aller d’un point A à un point B sans dévier de sa trajectoire -, le système a été assoupli dans Dead Space 2. Notre ingénieur était ainsi capable de se balader librement dans les airs, et même s’aventurer dans l’espace pour accomplir certaines missions de maintenance. Terrible. Avec autant d’atouts dans sa manche, il est logique que Dead Space soit considéré comme une licence majeure chez Electronic Arts. "Ils sont très fiers de Dead Space. Par exemple, lorsque l’on pénètre dans les locaux de Redwood Shores, il y a trois grands pylônes avec des posters dédiés aux jeux du groupe, et deux d’entre eux sont occupés par Dead Space, nous a indiqué Yara Khoury. Je pense qu’il y a une vraie fierté de la force créatrice qu’il y a derrière la série. Il ne s’agit pas seulement d’un jeu mais d’un véritable univers qui a été conçu tout autour de la franchise, avec des comic books, des romans ou encore des animes. C’est quelque chose d’assez unique chez Electronic Arts".

 

Et puis, il faut reconnaître que l’univers science-fiction de Dead Space a clairement de la gueule, et change radicalement de certaines incohérences que l’on a pu connaître avec Umbrella Corporation."

 

Dead Space 3 : dans l'espace, personne ne vous entendra crierEn parlant d’univers justement, celui de Dead Space frappe justement par la qualité de sa réalisation. C’est simple : dès le premier épisode, les développeurs avaient placé la barre très haut et ont, depuis, continué sur le même rythme. Même si on ne peut pas trop en dire sur le sujet (embargo oblige), Dead Space 3 est une claque graphique dans tous les sens du terme. De toute façon, c’est dans le premier volet que les bases ont été posées, avec une caméra toujours placée au bon endroit afin de maîtriser les perspectives et la profondeur de champ avec une efficacité redoutable. Le jeu d’ombres n’a plus aucun secret pour Visceral Games, avec qui un simple ventilateur prend subitement des allures de Nécromorphe effrayant. Oui mais voilà, l’enfermement, la claustrophobie, l’isolement dans de longs couloirs étroits sont des plaisirs masochistes que l’on craint ne plus retrouver dans Dead Space 3, qui semble vouloir emprunter la voie de l’action à outrance et de la coopération pour séduire un public plus large. Sur ce point, Yara Khoury a tenu à nous rassurer. "Pendant tout le développement d’un jeu Dead Space, l’horreur est en tête et mon rôle a été de voir si dans la globalité du jeu il y avait des opportunités pour créer des moments d’horreur, de tension. On a conservé tout ce qui fait le charme de la campagne solo, donc si vous n’êtes pas intéressé par cette nouvelle expérience vous n’êtes pas obligés de la faire et John Carver n’apparaîtra à aucun moment à vos côtés. Il n’est pas contrôlé par l’I.A. et devient du coup un personnage secondaire dans l’histoire si l’on décide de jouer en solo. En revanche, si l’on opte pour le mode coopération, on n’est plus seul face au danger et il y a beaucoup plus de dialogue entre les deux personnages. En fait, on a préféré se focaliser sur l’horreur psychologique qui est si particulière dans Dead Space, avec le thème de la démence. Et c’est justement ce point qui est très intéressant lorsque l’on joue à deux, parce que Carver entend des sons assez flippants qu’Isaac n’entend pas, ce qui crée des interactions plutôt sympathiques. On peut aussi voir des choses que l’autre ne voit pas, et du coup on se retrouve dans des moments de tensions totalement différents de ce que vous avez pu connaître avec Dead Space et Dead Space 2".

 

DEAD SPACE 3 : UNE VIDÉO DE LA DÉMO DU JEU

Tout n'est pas parfait dans Dead Space, et on n'oubliera jamais le mode multijoueur raté de Dead Space 2 qui gâchait le spectacle. La honte, franchement. La série n'est pas non plus réputée pour ses boss qui sont trop peu nombreux pour marquer les esprits, et on espère que le final de Dead Space 3 sera vraiment à la hauteur de l'événement, car il s'agit là aussi d'un domaine dans lequel Visceral Games fait preuve d'une certaine naïveté, aussi bien dans le premier Dead Space que dans sa suite. Néanmoins, rares sont les licences capables de bouleverser l’ordre établi, surtout face à une référence telle que Resident Evil qui n’est plus que l’ombre de lui-même. Le survival horror de Capcom s’est fait piquer la couronne par un prétendant qui aurait très bien pu s’arrêter au premier épisode, si Electronic Arts n’avait pas les reins solides. Et l’éditeur américain a eu du flair, puisque Dead Space 2 s’est écoulé à plus de deux millions d’exemplaires au bout d’une semaine, alors qu’il a fallu deux ans au premier épisode pour en faire autant. Du coup, Visceral Games espère vendre pas moins de 5 millions de Dead Space 3, condition sine qua non selon Frank Gibeau d’EA Labels pour que la série perdure. En ce qui nous concerne, on espère qu’elle ne s’arrêtera pas là.


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