Concrete Genie : on y a rejoué, la PS4 est-elle vraiment une artiste dans l'âme ?
Le moins que l’on puisse dire, c’est que Concrete Genie s’est plutôt montré discret depuis son annonce à la Paris Games Week 2017. On se demande même si PixelOpus n’aurait pas dû attendre un peu avant de le dévoiler. « Ce qui est intéressant, c’est qu’au départ, nous n’avions pas l’intention de prendre part au salon, nous a confié Dominic Robillard, le directeur créatif du jeu. Et puis, l’opportunité s’est présentée, ce qui explique pourquoi nous avons réalisé le trailer qui a été diffusé lors de cet événement d’envergure. Une fois l’annonce faite, nous avons bien évidemment continué de travailler sur le jeu. Pour nous qui sommes un petit studio, ce projet a représenté un sacré défi, pas seulement parce que nous avons intégré différentes fonctionnalités tout autour d’une histoire, mais aussi parce que l’équipe a beaucoup appris. Donc oui, ça a mis un peu plus de temps que prévu, mais ce fut une excellente expérience. » Une expérience qui a débuté dès le développement d’Entwined bouclé. « On s’est immédiatement mis à réfléchir à notre prochain jeu, a-t-il poursuivi. Ce qu’il faut savoir, c’est que même si Jeff et moi sommes les dirigeants du studio, nous faisons en sorte de maintenir une hiérarchie horizontale ; chaque voix compte. Après avoir brainstormé, nous avons retenu une dizaine de concepts, et Concrete Genie en faisait partie. A la base, l’idée est d’Ashwin Kumar, notre VFX artist ; il nous a parlé d’un jeune garçon qui fait face à des délinquants en peignant des personnages sur les murs. A partir de là, on a élaboré des prototypes avec la volonté d’aboutir sur un véritable jeu. »
On a également apprécié la direction artistique qui fait mouche dès que l’on pose les yeux sur le jeu. Jeff Salangi ne s’en est pas caché, les équipes ont puisé leur inspiration dans le stop motion afin de donner l’illusion que chaque élément a été fait à la main.
L’histoire de Concrete Genie se déroule à Denska, une ville portuaire désertée par ses habitants. A travers un premier flashback, on nous fait comprendre que la grisaille n’a pas toujours été reine ici, et qu’Ash (le héros que l’on incarne) y a vécu des jours heureux avec ses parents. Aujourd’hui, il fait partie des rares à s’aventurer dans cette zone désormais occupée par des voyous. Un carnet de dessin à la main, il se met à colorier des créatures issues de son imaginaire, ce qui permet par la même occasion de se familiariser avec les commandes du jeu. Désactivables via les options (dans ce cas, les sticks prennent le relai), les fonctionnalités gyroscopiques servent à contrôler le pinceau, tandis qu’il faudra presser R2 pour que le personnage se mette à peindre, et Triangle si l’on a besoin de recentrer le curseur. Concentré sur ses croquis, Ash ne voit pas s’approcher les garnements qui se saisissent de son cahier pour en déchirer toutes les feuilles. Le véritable point de départ de l’aventure, puisque l’un des objectifs sera de retrouver les pages arrachées afin de redonner à Denska ses couleurs d’antan. Pour ceux qui se poseraient la question, non, à aucun moment du jeu on n’ira mettre des claques aux sacripants. Tout d’abord parce que l’on n’est pas dans la peau d’un héros badass prêt à en découdre. « L’un des thèmes du jeu est l’intimidation, nous a indiqué Dominic Robillard. Dès lors, il était nécessaire d’incarner quelqu’un d’atypique, qui ne ressemble pas aux autres personnages que l’on a l’habitude de voir ailleurs. Ash doit faire face à des situations auxquelles beaucoup enfants peuvent être confrontés. Il est tenace, mais c’est aussi quelqu’un de pacifique ; il est unique en son genre. »
Et puis, parce que Concrete Genie ne mise absolument pas sur la violence. « Pour nous, il était important que le jeu ne traite pas de la brutalité, a insisté notre interlocuteur. C’est un choix délibéré. Au sein du studio, certaines versions du jeu ont exploré cette voie, mais ce n’est pas le message que nous souhaitions faire passer. L’histoire tourne surtout autour de la tolérance, de la compréhension et de l’empathie. Au fil de l’aventure, vous pouvez voir Ash tisser des liens avec les délinquants, les comprendre et ressentir de la bienveillance à leur égard. On espère que c’est l’une des choses que les gens retiendront lorsqu’ils auront terminé le jeu. Vous savez, pendant le développement de Concrete Genie, nous sommes tombés sur cette terrible statistique selon laquelle un grand pourcentage d’enfants qui se font harceler deviennent à leur tour des délinquants. Dans Concrete Genie, le sujet est de briser ce cercle vicieux. » En fait, s’il fallait désigner un ennemi, ce serait le « Darkness », une espère de matière pourpre qui symbolise la négativité dans laquelle la ville de Denska a été plongée. Heureusement, Ash va pouvoir s’appuyer sur les Génies, la première rencontre ayant lieu au phare hanté. Guidé par Luna, une entité magique sans laquelle le jeune homme ne pourrait donner vie à ses créations, on réalise nos premières toiles. C’est à ce moment-là que l’on comprend que pour s’attirer les faveurs des Génies, on devra répondre à leurs moindres désirs artistiques, d’où la présence de plusieurs motifs - étoiles, arbres, aurores boréales, fleurs entre autres. Les indications sont suffisamment claires pour que l’on ne galère pas à dialoguer avec la créature.
LES KAÏRA
« Nous avons fait attention à ce que vous n’ayez pas l’impression de suivre des études d’art, a tenu à préciser Jeff Salangi, le directeur artistique. Du coup, même un enfant de 10 ans peut jouer à Concrete Genie et voir chacun de ses coups de pinceau prendre vie. » Bien évidemment, il existera différents types de Génies, un fabuleux prétexte pour introduire toute sorte d’énigmes. Par exemple, nous avons fait connaissance avec un Génie Rouge capable de brûler certains éléments du décor. Grâce à lui, Ash a pu débusquer un balcon pour contourner un précipice infranchissable. Notons que le bonhomme n’aura pas forcément sous la main les éléments réclamés par les créatures. Du coup, il ne faudra pas hésiter à scruter le moindre recoin pour trouver LA page qui nous permettra de peindre le motif exigé ; et pour nous pousser à explorer Denska de fond en comble, les développeurs ont pensé au Super Paint. Plus concrètement, il s’agit d’une mécanique dont on bénéficie une fois le Génie pleinement satisfait. Il suffit alors d’appuyer simultanément sur L2 er R2 pour débarrasser définitivement les murs du « Darkness » et allumer l’intégralité des ampoules, ce qui signifie que la zone (en l’occurrence, le marché aux poissons) a retrouvé tout son éclat. L’une des contraintes avec lesquelles on doit composer dans Concrete Genie, c’est que nos compagnons ne peuvent jamais quitter la surface où ils se trouvent. Pour qu’ils passent d’un bâtiment à un autre, ils sont obligés d’emprunter une façade jouxtant leur propre mur. Ca nécessite un bon sens de l’observation, surtout quand il faut réunir deux Génies afin qu’ils dégagent un obstacle massif.
De ce que l’on a vu, les jeunes bandits viendront embêter leur tête de Turc de temps à autre, mais les semer n’a rien d’insurmontable. D’ailleurs, ça permet de souligner qu’Ash ne se contentera pas d’agiter son pinceau ; il sera parfaitement capable de sauter de toit en toit, de s’agripper aux rebords, et même de faire diversion en sifflant. Pas d’attaque au corps à corps comme expliqué un peu plus haut, ce qui ne veut pas dire que Concrete Genie sera dénué de boss fight. D’ailleurs, il s’agissait d’un petit twist que Pixel Opus avait emmené dans ses valises, à savoir un face-à-face contre un Dark Genie dont les intentions n’étaient pas les mêmes que celles de ses congénères. D’une simple pression sur R2, Ash pouvait glisser et se lancer à la poursuite du golgoth à travers le quartier, tout en prenant soin d’affaiblir son bouclier avec des projectiles gorgés de peinture. La tâche était d’autant plus simple qu’il y avait moyen de verrouiller notre cible avec R3 pour ne pas perdre en précision. Les derniers instants de la démo visaient surtout à rassurer ceux qui pensaient que le titre ne se résumerait qu'à une succession de graffitis. Sur ce point, on doit bien admettre que l’on a été agréablement surpris. On a également apprécié la direction artistique qui fait mouche dès que l’on pose les yeux sur le jeu. Jeff Salangi ne s’en est pas caché, les équipes ont puisé leur inspiration dans le stop motion afin de donner l’illusion que chaque élément a été fait à la main. Le studio s’est également attaché à ce que chaque création colorée d’Ash contraste avec l’ambiance terne et morne de Denska. Si l’on pourra toujours tiquer sur certains détails, cet équilibre entre le terrain de jeu et les personnages modélisés en 3D, et les illustrations qui prennent vie en 2D, est parfaitement maîtrisé.
L’une des contraintes avec lesquelles on doit composer dans Concrete Genie, c’est que nos compagnons ne peuvent jamais quitter la surface où ils se trouvent. Pour qu’ils passent d’un bâtiment à un autre, ils sont obligés d’emprunter une façade jouxtant leur propre mur.
Naturellement, on a profité de notre entretien avec Pixel Opus pour évoquer Jet Set Radio, le jeu emblématique de la Dreamcast. « Nous aimons les jeux cultes tels que celui-ci qui a été une source d’inspiration, bien sûr, a reconnu Dominic Robillard. La possibilité de se promener n’importe où, de grimper sur les toits et de dessiner partout, c’était vraiment la marque de fabrique du jeu. Cela dit, je pense que Concrete Genie est l’un des rares à vous permettre de dessiner aussi librement ; vous ne vous contentez pas d’apposer un simple tag. » Soyons clairs, on ne pourra pas se prendre pour Rambrandt en dessinant Bethsabée, mais le fait de pouvoir donner une allure particulière aux Génies confère une certaine liberté créative, c’est vrai. Même pour éclairer les ampoules, il n’est pas obligatoire d’utiliser des motifs identiques ; certains joueurs préféreront recouvrir le mur d’étoiles, tandis que d’autres peindront une sorte de clairière remplie de pommiers. Cette volonté de laisser le joueur exprimer son imagination, on la retrouve dans le mode VR (il y en aura deux) que nous avons pu essayer pendant une vingtaine de minutes. Splotch – qui, dans la campagne principale, nous permet d’identifier les spots à partir desquels les Génies prennent forme – nous fait visiter le sous-sol du phare de Denska avant de nous lâcher en pleine nature. Zéro motion sickness donc, on doit juste tenir le carnet de note à l’aide du PlayStation Move gauche, et le pinceau magique avec celui de droite. Grâce aux motifs découverts pendant l’aventure, on peut habiller les environnements comme on le désire ; un moment de détente malheureusement gâchée par une reconnaissance de mouvements pas au point.