Ancestors : on a joué au nouveau jeu de Patrice Désilets (Assassin's Creed), nos impressions mitigées
Après des années d’absence, Patrice Désilets revient enfin aux affaires. Accompagné de son partenaire Jean-François Boivin, le père d’Assassin’s Creed vient, en effet de fonder sa propre structure, Panache Digital Games. Un studio à taille humaine pour des conditions de travail plus intimes que ce qu’il a connu chez le géant Ubisoft : c’est sans doute ce que cette première production, Ancestors, veut faire ressentir aux joueurs en les laissant vivre et créer leur propre histoire.
C’est d’ailleurs une histoire qui nous ramène pas moins de 10 millions d’années en arrière, à l’aube de l’humanité. Ancestors met alors en scène des hominidés en plein cœur de l’Afrique et le joueur est amené, non pas à incarner un personnage le temps d’une aventure linéaire, mais à mener tout un clan. Après une brève introduction, le jeu pose directement la question : serez-vous capable d’évoluer plus vite que la science ? Autrement dit, le joueur peut-il parvenir à franchir les étapes de l’évolution plus vite que ne l’on fait nos ancêtres dans la réalité ? Car le système de progression est ici fondé sur l’acquisition d’aptitudes à travers l’expérience. Ainsi, en interagissant avec le monde qui entoure les personnages, en manipulant différents objets, il est possible d’améliorer sa motricité, par exemple. En pratique, après avoir ramassé des pierres ou des branches séchées, le personnage incarné apprend à utiliser ses deux mains simultanément ; s’ouvre ensuite de nouvelles possibilités, comme celle de briser une noix de coco avec une pierre pour en consommer le contenu. On est alors incité à une démarche presque scientifique, ce qui est la clé pour faire face à un environnement particulièrement hostile.
En effet, Ancestors met également un gros accent sur l’aspect survie. Non seulement, des animaux sauvages se cachent à chaque recoin de la forêt vierge, mais il faut, en plus, prendre soin de sa propre santé, d’où la nécessité de manger, boire et dormir régulièrement pour recharger son énergie. Même ces actions basiques ne doivent pas être prises à la légère. Toujours dans une optique d’évolution, l’hominidé que l’on incarne au départ n’est pas omnivore et, si la plupart des fruits peuvent être ingérés sans trop de risque, avaler un œuf pour la première fois peut entraîner quelques troubles heureusement bénins ; la cueillette de champignons peut, en revanche, se montrer plus périlleuse, certains types pouvant causer un état d’hallucination, voire un empoisonnement pur et simple. Néanmoins, il est possible de transmettre la capacité omnivore à sa descendance via son patrimoine génétique en goûtant un peu tout ce que l’on trouve, en dehors des denrées vraiment dangereuses. L’alimentation a d’ailleurs d’autres vertus, puisque certains aliments permettent de mieux supporter le froid, de soigner une intoxication ou même d’augmenter temporairement la résistance physique, ce qui rappelle de nombreux jeux d’aventure, comme Breath Of The Wild, entre autres.
L’INVITATION AU VOYAGE
Mais Ancestors n’est pas l’histoire d’un individu : il s’agit ici de mener toute une lignée le plus loin possible. Même si au départ, le jeu propose le choix entre incarné un personnage féminin ou masculin, il est possible de zapper vers un autre membre de la tribu à n’importe quel moment. En outre, comme évoqué plus tôt, rencontrer un membre du sexe opposé est l’occasion de s’accoupler et d’enfanter des rejetons qui bénéficient des évolutions obtenues pour éventuellement pousser celles-ci encore plus loin. Cela dit, dans l’optique de laisser le joueur créer sa propre histoire, on peut très bien mettre cet aspect de côté et décider de partir à l’aventure, sans se soucier du reste, pour explorer le monde jusqu’à atteindre les limites de son avatar. Car, Ancestors n’impose aucun objectif particulier. Exit la carte avec des points d’intérêts à visiter obligatoirement, même si l’on retrouve tout de même quelques mécaniques classiques de monde ouvert. L’exploration mène ainsi à des « landmarks » qui étendent le domaine de son clan. Le personnage incarné peut également faire appel à ce que l’on appelle ici son intelligence, une sorte de vision qui fait ressortir les éléments, identifiés ou non, avec lesquels on peut interagir ; on peut alors marqué ces derniers comme on marque des cibles dans certains jeux d’infiltration pour les suivre plus facilement.
Mais Ancestors n’est pas l’histoire d’un individu : il s’agit ici de mener toute une lignée le plus loin possible. Même si au départ, le jeu propose le choix entre incarné un personnage féminin ou masculin, il est possible de zapper vers un autre membre de la tribu à n’importe quel moment.
Dans le même ordre d’idée, une fonction permet de matérialiser à l’écran la perception sensorielle : des symboles apparaissent alors pour signaler des sons ou des odeurs qui se distinguent afin d’en repérer la source. Par conséquent, Ancestors invitent avant tout le joueur à observer et expérimenter sans suivre la moindre ligne conductrice. Seulement, si le point de départ semble ambitieux, il reste la question du renouvellement à long terme. On peut, en effet, craindre que le jeu se résume à un cycle un peu redondant une fois que l’on a franchi les étapes clés. D’autant que le monde dans lequel on évolue n’est pas conçu de manière procédurale, les développeurs ayant choisi de créer un univers fixe ; même si des éléments d’aléatoires peuvent intervenir d’une partie à l’autre. Il va tout de même falloir jouer un certain nombre d’heures avant d’évacuer, ou confirmer, ce doute. L’autre sujet d’éventuels débats réside dans la maniabilité qui ne se montre pas toujours intuitive. Jongler entre les différents systèmes de perceptions mène parfois à la confusion à cause de stimuli encombrants, tout comme les contrôles qui consistent à alterner entre touches pressées et maintenues. A un stade qui n’est pas encore définitif, la sortie étant prévue entre fin 2019 et début 2020, ce genre d’écueils n’est pas forcément inattendu et il serait regrettable d’enterrer trop vite un projet aussi ambitieux et original ; mais il faut espérer que l’équipe de Panache Digital Games saura réajuster ces quelques points avant la date fatidique. A défaut d’une date de parution précise, l’éditeur Take-Two a tout de même dévoilé un tarif de 39,99 € et annoncé que le jeu sera traduit en plusieurs langues, dont le français.
Les fans d’Assassin’s Creed attendent sans doute le prochain projet de Patrice Désilets avec impatience, et c’est compréhensible : le réalisateur québécois expérimente une nouvelle formule de monde ouvert en offrant au joueur un niveau de liberté rarement vu auparavant. Surtout, il donne l’occasion de réécrire l’histoire de l’humanité, ou du moins ses balbutiements, tout en récompensant la curiosité et l’expérimentation. Seulement, après cette première séance d’essai, il est difficile de ne pas s’interroger sur le manque d’intuitivité dans la maniabilité ou encore sur le déroulement du jeu qui pourrait paraître redondant passé un certain point. Ancestors demeure tout de même suffisamment ambitieux pour que l’on garde un œil sur lui, mais avec quelques réserves que l’on espère voir s’envoler le jour de sa sortie.