Test également disponible sur : PlayStation 2

Test Yakuza sur PlayStation 2

Test Yakuza
La Note
note Yakuza 16 20

Les amoureux de la firme au hérisson ont de quoi se réjouir. Nagoshi a beau rendre une copie techniquement indigne du support, Yakuza est un excellent jeu vidéo. Les grands amoureux du Japon vous diront sans complexe que c’est une des productions de l’année. D’autres ne comprendront même pas pourquoi il est impossible de frapper tout le monde juste pour le plaisir. Quel que soit votre bord, Yakuza est le plus grand Sega depuis longtemps, et une nouvelle perle du Japon pour la PlayStation 2.


Les plus
  • Ambiance anesthésiante
  • Un quartier très long à épuiser
  • Les lumières de la ville
  • De multiples façons de faire mal
  • Un vrai séjour dans la facette urbaine du Japon
  • Un Sega ambitieux !
Les moins
  • Pas de version originale
  • Assez laid vu de près
  • Temps d’accès pas assez optimisés


Le Test

Le terme "yakuza" provient d’une déformation des nombres "8, 9, 3" une combinaison perdante du jeu de cartes japonais nommé Hanafuda. Et comme tout est lié, le Hanafuda est aussi l’activité initiale de la société fondée par Fujisaro Yamauchi à la fin du XIXème siècle, et qui deviendra Nintendo. Quel rapport ? Aucun, mais au moins vous avez appris quelque chose.


Yakuza a ceci d’exceptionnel qu’il est capable de happer, hypnotiser et soumettre le joueur grâce au minutieux travail effectué sur son ambiance. Plus surprenant encore, l’ambiance en question ne provient pas de l’imagination fertile d’un conteur fantastique. On ne foule pas une nature débordante et verdoyante, on ne se pose pas au creux d’une lisière pour confondre le bruissement des feuilles avec celui des vagues, on ne se noie pas du haut de montagnes abyssales, on ne nage pas dans l’océan de fantaisie de ces univers imaginaires que les artistes peignent sur une couche numérique. Non, dans Yakuza le rêve provient de la rue. De ses lumières et de son obscurité, de sa beauté et de son dépotoir, de sa luxure et de sa crasse, de son bouillonnement et de son apathie. Un quartier urbain, un centre-ville d’une mégalopole nippone en effervescence. Pas de place pour la féerie à l’état brut donc, vous l’aurez compris. Et pourtant, quel pouvoir attractif ! Le jeu vidéo exprime ses émotions à travers toutes sortes d’environnements, et Yakuza se propose de vous immerger pendant un long moment dans les vapeurs anesthésiantes de son réalisme urbain. Un plaisir qui se voit généré non pas par la fantaisie, mais par le réalisme. En vérité, il s’agit d’un réalisme dont l’envoûtement ne prendra qu’en fonction de vos affinités avec la partie moderne de la culture japonaise. Car, autant le dire tout de suite, si le Japon côté ville n’a aucun intérêt particulier à vos yeux, Yakuza perd presque tout son sens, et il se pourrait bien qu’à travers votre perception le titre de Sega se réduise à un jeu de castagne linéaire et pas très beau. Mais pour les autres, ceux qui connaissent déjà ce Japon, aussi bien que ceux qui rêvent d’en fouler le sol un jour, alors bienvenue dans l’univers quotidien de Kazuma Kiryu, un homme certes entouré de violence, mais qui va se révéler un guide fort complet.

 

Tokyo Blues

 

Yakuza se déroule essentiellement dans un seul et unique quartier, dont la surface globale ne doit probablement pas dépasser le kilomètre carré. Ce quartier est celui d’un centre-ville typique d’une grande préfecture japonaise, semblable à Kabukichô, district de Tokyo aussi célèbre pour son affluence que pour son crime organisé et ses établissements de plaisir. Difficile en effet de ne pas se fendre d’un œil coquin quand on déambule dans les ruelles de Yakuza. Non content de réserver un axe Nord-Sud tout entier aux établissements roses  - puisque l’on dénombre dans la rue Pink : deux bars à hôtesses, un club de strip-tease et un vidéo club X - on à même droit à un centre de renseignements sur les loisirs pour adultes, ou encore à un tendancieux salon de massage asiatique et j’en passe. Bref, c’est un Sega un brin pervers sur le coup qui n’a pas lésiné sur ce domaine. Plus conventionnel, les incontournables Convenience Stores (supérettes multifonctions ouvertes 24/24), les clinquants Club Sega (grandes salles d’arcade sur plusieurs étages) et l’architecture générale nous rappellent que nous avons le bonheur d’errer au cœur d’une grande ville japonaise. Pour avoir eu la chance d’y séjourner plusieurs semaines, il est indéniable que la reproduction effectuée par les architectes de Sega est absolument remarquable, voire franchement hypnotique. La boutique Don Quijote (qui existe d’ailleurs réellement) avec ses multiples pancartes, ses palettes indénombrables de couleurs, et son hymne nasillard qui assomme le client, est tellement symptomatique du tourisme Tôkyôïte que la sensation de déjà vu est stupéfiante. Au détour d’une rue surpeuplée de jeunes filles en uniformes rivées sur leurs portables, de Salary Men en costumes éventuellement éméchés, et d’Office Ladies propres sur elles, on peut pénétrer dans un fast-food mondialisé comme le Burger ou opter pour un plus traditionnel restaurant de Ramen, où l’on déguste nos nouilles sur le pouce dans une ambiance conviviale. Dans tout les cas vous serez accueilli systématiquement par le spontané "Irashaimaseee" le cri de bienvenue obligatoire lorsqu’un client pénètre dans un établissement.

 

Dans les rues, votre promenade sera souvent dénuée de musiques. La meilleure bande son est celle des jacassements de quelques étudiantes, des plaintes de sans-abri et du brouhaha général, bref la musique humaine qui joue sa propre mélodie égoïste à chaque pavé. Tant mieux d’ailleurs car les musiques ne sont franchement pas ce qu’on a entendu de mieux. La quasi-totalité de la métropole est donc condensée dans ce minutieux microcosme made in Sega. Une véritable étude d’ambiance a été nécessaire, même pour des natifs du Japon, puisque Toshihiro Nagoshi déclare s’être rendu en personne faire des repérages dans les quartiers nocturnes de Tokyo afin de retransmettre fidèlement l’ambiance, feutrée ou débridée, des clubs et des bars branchés ou intimistes. Le résultat est un vrai bonheur, hétéroclite. Du quartier des affaires et des plaisirs à la Shunjuku, au rythme jeune et dynamique d’un Shibuya, en passant par les commerces et divertissements d’un Ikebukuro. Manque en revanche une rue plus traditionnelle à la Asakusa avec son célèbre marché. Quelques détails choquent également un peu, comme l’absence de cyclistes, habituellement nombreux à toutes heures au Japon. Mais malgré son apparente exiguïté, le quartier de Yakuza est capable de vous tenir en haleine plusieurs dizaines d’heures. Pour peu bien entendu que vous ne vous contentiez pas bêtement de suivre les instructions du scénario à la lettre. Pour profiter pleinement de Yakuza, un minimum d’observation et de curiosité sera requis.

 

Nagoshi meet Suzuki

 

Car au fond Yakuza est un jeu linéaire. Chaque étape de votre prochaine destination est indiquée sur votre plan. L’histoire principale avance ainsi parsemée de scènes cinématiques, tout en étant constamment interpellé par quelques petites frappes locales largement infectées par la mode gangsta américaine, et autres criminels qui vous agressent par pur délit de sale gueule, si l’on peut dire. Amusant au début, on regrettera nettement de ne pas avoir la possibilité d’éviter le conflit. Car si les batailles de rues sont un élément obligatoire du gameplay (c’est un des rares moyens de récolter de l’argent) les temps de chargement qu’impliquent ces batailles, ainsi que leur fréquence trop importante, auront pour conséquence un impact plus que frustrant lors du bilan final. Mais pour l’heure, place à la découverte des secrets de Yakuza.

 

Au milieu de l’année 2003, Sega réorganisait ses studios de développements pour s’adapter au marché. C’est ainsi qu’une partie de SmileBit (Jet Set Radio) fusionnait avec le Amusement Vision de Toshihiro Nagoshi, le producteur du jeu, pour devenir le studio à l’origine de Yakuza dont l’objectif était de créer un jeu à dimension cinématographique. Pour ça, des cinématiques il y en a dans Yakuza. Mais loin de se borner à raconter une histoire de rancœur, de violence et de loyauté entre clans et familles, le jeu de Sega offre la liberté d’aller se perdre dans plus de 50 objectifs secondaires que l’on débloque au hasard de ses rencontres citadines. Toutes ces quêtes peuvent s’enchevêtrer, c’est à dire qu’il n’est pas obligatoire d’en terminer une pour en commencer une autre, et heureusement. Jouer le bon samaritain sera monnaie courante pour le loyal criminel (?) que vous incarnez, même s’il faut recourir neuf fois sur dix à la violence. D’autres quêtes secondaires seront plus personnelles, comme par exemple sortir avec une des hôtesses de clubs dont il faudra conquérir le cœur par des mots touchants et des attentions précises. Malheureusement pour moi, alors que j’avais Chisa dans la poche, la présence de la petite Haruka, 9 ans, au moment du rendez-vous m’a empêché de conclure… Bref, quoi qu’il en soit l’équilibre entre la progression de l’histoire principale et la réalisation des objectifs secondaires est laissé à votre libre appréciation. Un peu paradoxal, Yakuza se veut donc un jeu à la fois dirigiste et docile. Une construction contradictoire en somme, mais loin d’être frustrante. Le vrai plaisir de Yakuza ne sera clairement pas d’en venir à bout le plus rapidement possible, pas plus qu’il ne réside dans ses séquences de baston, qui font certes toujours un peu fantasmer à un Streets of Rage 4, notamment grâce à la possibilité de se munir de tout ce qui tombe sous la main pour éclater les délinquants impétueux. Du néon électrifié à la table basse en passant par le vélo ou la pince à câbles, tout est bon pour défoncer du pas beau. Une jauge de fièvre vous donne même le droit d’effectuer un coup mortel, lequel s’adapte en fonction de l’arme qui se tient dans votre main. Ecrabouiller un adversaire à terre à l’aide d’un vélo puis sauter sur l’amalgame de chair et de ferraille pour l’achever dans des souffrances que l’on imagine forts atroces, c’est aussi plaisant que d’exploser la face d’un moche contre un mur en une belle giclée de sang mêlée de fracas osseux. Mais tout cela implique une recommandation PEGI pour les plus de 18 ans.

 

Que de violence tout de même. Que peut-t-on bien faire pour mériter de se faire encastrer par un vélo ou découper par un sabre chinois ancien ? Par exemple localiser un jeu de Yakuza sans conserver la version originale ! Kazuma, et tous les autres belligérants de l’aventure s’expriment donc en anglais, secondé en cela par des acteurs de renommée internationale comme Michael Madsen (Kill Bill) ou Mark Hamill (Star Wars), ce qui ne se ressent d’ailleurs absolument pas. On aurait clairement préféré que les 21 millions de dollars du budget annoncé par Sega passent davantage dans les graphismes. Car techniquement Yakuza s’en tire d’un cheveu. Nous avons affaire à un jeu qui est beau de loin mais les dont les modèles physiques (certes très nombreux pour le processeur de la PlayStation 2) sont vraiment moches vus de près, si bien que la magie et l’illusion du réel s’effritent un peu. En fait, on est tellement loin d’un Shenmue, pourtant antérieur de six années, qu’il est clair que la PlayStation 2 n’a pas été exploitée comme elle aurait pu l’être. C’est une des raison pour laquelle un non-amoureux de l’ambiance urbaine japonaise ne risque pas de fantasmer des masses devant cette réalisation qui, concédons-le tout de même, reste dans l’ensemble de très bonne facture pourvue que l’on n’y regarde pas de trop près… 

 

Lost in translation

 

Kazuma Kiryu, votre Yakuza déchu et discrédité à tort après avoir endossé pendant 10 ans la peine de prison d’un crime que son jeune protégé avait commis, est un dur à cuire. Il pourra notamment apprendre auprès d’un vieux maître sans abri quelques nouvelles aptitudes au fur et a mesure de sa montée en puissance et de son renforcement corporel. En définitive, on se retrouve avec un panel de coups correct, quelques enchaînements de base pieds/poings, des projections, coups de têtes, feintes, mais aussi esquives et coup sautés. Un panel offensif aiguisé pour un personnage de Beat'em all, auquel beaucoup reproche à juste titre un manque de précision due à l’absence de ciblage, Kazuma ayant tendance à se laisser emporter de travers. Qu’à cela ne tienne, en cas de baisse de tension, s’arrêter manger une glace ou boire un coup vous remettra de l’énergie, et Kazuma peut porter un faible nombre d’objet sur lui pour se régénérer ou avoir sous la main quelques armes plus ou moins insolites (je suis passé expert du coup de parapluie).

 

Finalement avec Yakuza les choses sont assez claires, et nous l’avons déjà expliqué en début d’article : votre perception et votre intérêt pour la métropole japonaise et les images qui en découlent serviront de support pour mesurer à coup sûr la solidité du couple que vous pouvez former avec le jeu de l’excellent Nagoshi. Yakuza ne loupe que peu de clichés. Le gigantisme, l’agitation, le Base-ball, les lycéennes, les Yakuza, les sans-abri, les petites frappes, la prostitution des jeunes étudiantes pour de l’argent de poche, les hôtesses de compagnie, l’industrie du sexe sans complexe, les salles de jeu, le changement de la société en 10 ans avec l’arrivée massive et symptomatique du mobile… Si vous êtes amateur, avec l’intention de vous rendre, ou déjà allé, au Japon, Yakuza fait réellement office d’invitation au voyage. Un voyage agité autour d’un jeu de castagne noir mais véhiculant des valeurs saines, assez bien réalisé avec un scénario qui tient la route sans pour autant nous décrocher la mâchoire. Malheureusement pas toujours très précis dans ses gestes et surtout trop haché par les agressions incessantes des délinquants. Pour l’amateur, Yakuza renferme de quoi devenir un jeu culte, n’ayons pas peur des mots. Pour les autres, Yakuza ne prétend ni être un substitut à Shenmue (même si la volonté d’interactions totale du Full Reactive Eyes Entertainment de Yu Suzuki existe dans le jeu de Nagoshi, le coté campagnard et pacifiste en moins) et encore moins d’être un GTA à Tokyo. Si vous cherchez instinctivement une bagnole à faucher pour écraser des passants, vous vous êtes déjà trompé de jeu, trompé d’ambiance, et trompé d’objectif.




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Steeve Mambrucchi

le lundi 11 septembre 2006, 17:20




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