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Cette conclusion répond aisément à la problématique de l'introduction. Même avec deux ans de retard, même après Final Fantasy XII, même après la sortie de la PlayStation 3, Rogue Galaxy s'impose aisément comme l'un des RPG les plus intéressants de la PlayStation 2, une mention qui n'est pas évidente à mériter. Largement accessible sans être pour autant creux pour les habitués, Rogue Galaxy fait fi de pas mal de considérations élitistes pour déballer l'énorme sac de plaisir de jeu qu'il détient. Le prendre pour un sous Final Fantasy XII serait une erreur de débutant, car les déçus du dernier Square Enix y verront au contraire un beau retour au fun et au plaisir de jeu débridé. Quand une aventure captive et addicte à ce point, il n'y a pas 35.000 questions à se poser : Rogue Galaxy est une petite bombe, point.
- Le retour du fun dans un RPG
- Bon équilibre entre l'exploration et la narration
- Des systèmes de jeu simples et efficaces
- Combats dynamiques et intéressants
- Les plus hardcores pourraient le bouder à cause de sa légèreté
C'est en ce début du mois de septembre que tous les joueurs français ont la possibilité de découvrir Rogue Galaxy. Vous noterez que je contourne la fameuse formule ? un des derniers grands jeux de la console ? tant le simple fait de l'employer depuis près d'un an l'auto-contredit illico. De plus, ce RPG développé conjointement entre Sony et Level 5 est sorti au Japon en décembre 2005 ! Un certain décalage donc, bien que nous nous passerons volontiers du systématique exercice d'indignation si caractéristique du peuple de Caliméro qui compose notre pays. N'empêche, qui aurait prédit que Rogue Galaxy serait repoussé au point de sortir non seulement après Final Fantasy XII, mais également assez tard pour être commencé sur PlayStation 3 ?
D'ailleurs, toute la problématique est ici. Quel impact peut avoir un RPG cuvée 2005 au beau milieu de l'année 2007, en pleine période de transition vers la nouvelle génération de console ? Même si personne n'ignore que le cas de Sony est un peu plus complexe, tant sa désormais mythique PlayStation 2 mettra du temps avant de rendre les armes, la question est légitime. Et la comparaison avec Final Fantasy XII ne l'est pas moins ! Contre toute attente, ces deux jeux de rôle semblent liés par une parabole intéressante, si bien que le jeu de Level 5 renferme de quoi enfoncer des clous dans certains membres délicats du jeu de Square Enix, qui firent saigner de déception le coeur d'une partie non négligeable des joueurs. En fait, préférer Rogue Galaxy à Final Fantasy XII revient, en tant qu'adulte, à favoriser le dessin animé au journal télévisé, où la bande dessinée au quotidien d'information. Vu de loin, cela ressemble à un délire immature et improbable. Vu de plus près, ça ressemble simplement à la primauté d'une certaine innocence et au retour en grâce d'un terme parfois mis de côté : le fun.
Final Fantasy XII Jr. ?
Si l'énorme Final Fantasy XII a tenté de s'épanouir à travers l'accumulation de restrictions (Licence Board) la surenchère de préparatifs (Gambit System) ainsi que dans une culture du conflit politique, Rogue Galaxy mise sur des systèmes similaires mais d'une dimension plus chaleureuse et accessible. C'est ainsi que l'on trouve dans le système appelé “Révélations” un rejeton bâtard du Sphérier et du Licence Board. Pour se découvrir de nouvelles capacités, chaque personnage dispose de son tableau personnel, où chaque groupe de cases représente autant de compétences à révéler. Avec quoi remplir ces fameuses cases ? Simplement avec divers objets récoltés ici et là au cours du périple ! Lorsqu'un objet en votre possession peut servir à compléter un tableau, le menu clignote et il vous suffit de valider votre choix. Intrinsèquement ingénieux et très progressif, ce système dispense des capacités communes mais aussi d'autres propres à chaque personnages, de manière à les rendre tous bien spécifiques. Que les personnages ne soient pas identiques semble fondamental, mais après le Licence Board de Final Fantasy XII, mieux vaut le signaler...
Gros chapitre de tout bon RPG, les combats de Rogue Galaxy tirent d'entrée la production de Sony vers le haut. Imaginez d'abord des déplacements et des actions totalement libres, comme dans un Star Ocean. Ici, le parallèle avec Final Fantasy XII s'éloigne. Ne cherchez pas une main mise sur l'I.A. alliée façon Gambit System, toute customisation abyssale (voire superflue) n'a pas sa place dans ce RPG qui compense avec un ingénieux système de suggestions. Le joueur ne maniant forcément qu'un seul individu à la fois (possibilité de switcher) l'interaction avec ses compatriotes ne se joue que sur très peu de détails, mais ces derniers vont, en fonction de la situation, vous proposer spontanément des solutions qu'il vous suffit de confirmer ou d'infirmer avec les gâchettes. Est-il utile d'utiliser une potion de soin comme le suggère Kisala , ou bien vaut-il mieux en finir tout de suite avec un bon coup spécial comme l'encourage Steve ? Libre à vous de décider. Si l'on peut regretter de ne pas vraiment avoir une influence sur les tendances des suggestions, ce principe ingénieux permet aux personnages commandés par le CPU de jouir d'un certain libre arbitre. Ni trop simplet, ni trop profond, ce petit détail tend à rendre l'équilibre et le rythme de jeu incroyablement bien balancés. Ajoutez à cela une capacité de mouvement très variée : le personnage saute, peut parer une attaque, ou encore choper les adversaires. Sommes nous dans un beat'em all ? Non, une petite restriction anti-bourrin a tout de même été pensée avec la jauge d'action qui, une fois vide, oblige à reprendre son souffle. Mais ce n'est que pour peu de temps, sans oublier que parer un coup avec succès aura pour effet de la remplir fissa ! Aviez-vous déjà vu un RPG dans lequel il faut d'abord sauter sur un ennemi pour pouvoir dévoiler son point faible ? Ce pur RPG qu'est Rogue Galaxy se fait donc hybride avec un Action RPG façon Kingdom Hearts. Si en plus je vous parle de la jauge spéciale qui, lorsqu'elle est pleine, permet de déclencher une sortie de furie basé sur une série de boutons à valider en rythme, nous parviendrons facilement à la même conclusion : le dynamisme est le maître mot des combats de Rogue Galaxy, terme qu'il était plutôt difficile d'employer à propos d'un Final Fantasy XII aux relents offensifs passifs. Et comme pour mettre toutes les chances de son côté, Rogue Galaxy surprend sur de petits détails ergonomiques comme l'utilisation instantanée d'un objet. Le combat est interrompu par l'ouverture du menu, et l'utilisation d'une bonne potion de soin ou de résurrection est immédiate, tant que la jauge d'action permet de piocher l'objet ! L'absence de la stratégie propre au tour par tour provoque t-elle une répétition de l'action ? A vrai dire, Rogue Galaxy n'est pas davantage répétitif, que n'importe quel autre RPG, mais la fréquence des combats est assurément conséquente, et son level design prévu pour que le joueur ait le temps de faire un bon paquet de rencontres. Par ailleurs, il s'agit d'une alchimie globale : le fait de constamment imbriquer des nouveaux objets dans les tableaux de Révélations donne la sensation d'évoluer constamment. On ne se prend également pas la tête au niveau de l'équipement, avec simplement deux armes par personnages (courte et longue distance) à renouveler régulièrement pour évoluer en cohérence avec son level.
Blue Sky in Games
S'il emprunte des paramètres de Final Fantasy XII en version “junior”, Rogue Galaxy se distingue foncièrement grâce à une identité qui fait la part belle à la volonté d'aventure et d'exploration. Loin de toute intrigue politique, il est thématiquement plus proche d'un Skies of Arcadia, auquel on pense forcément pour les bateaux volants, avec une dimension galactique supplémentaire puisque dans Rogue Galaxy c'est de planète en planète que l'on voyage. Dépaysement et contraste garantis, car même s'il n'y a pas un très grand nombre d'astres, leur bio-diversité et leur différent contexte technologique provoquent de sympathiques chocs des cultures. Le plus inattendu étant probablement la planète Vedan, astre minier où le soleil ne se lève jamais, ville de la nuit éternelle, où autour du dur labeur des mineurs, fourmille une cité nocturne avec ses gangsters tout droit sortis du Chicago de la génération Capone. Tendre histoire, ciel étoilé, atmosphère vaporeuse illuminée par les néons de la ville, ambiance piano bar et personnages sombres sont au menu de ce chapitre particulièrement travaillé. Eclectique est également la fine équipe de huit qui compose la tribu Rogue Galaxy. Si Jester répond au cahier des charges du classique jeune homme paumé dans sa campagne de sable qui a toujours rêvé d'atteindre les étoiles, ses compatriotes ne sont pas piqués des vers. Kisala et Lillika sont les deux atouts charmes de cette équipe, la première est l'indispensable mignonne héroïne et fille héritière du capitaine du navire, tandis que la seconde est une amazone chef de guerre de sa tribu primitive, pendant sculptural de la Viera de Final Fantasy XII, Fran. Le genre de personnage qu'on aime avoir dans son équipe simplement pour la regarder évoluer de dos. Mais une grosse partie de l'aventure vous interdit toutefois le choix des personnages. Cela afin de mieux les faire réagir avec l'environnement, en fonction du chapitre. Dynamisme toujours avec les répliques qu'ils lâchent un peu partout pendant les phases de déplacement. Rogue Galaxy cherche ainsi à inclure de la vie et du mouvement dans son univers, malgré une linéarité certaine, dans le sens où le découpage est classique, avec des donjons particulièrement longs à explorer, et dont la nature est assez proche d'un Donjon-RPG. Le jeu n'est pas pour autant particulièrement difficile, à partir du moment où l'on parvient à bien gérer son stock de potions. Malgré des donjons très longs, la présence de nombreux points de sauvegarde restaurateurs permettent d'avancer sans trop de craintes. Par ailleurs, ils font également offices de téléporteur correspondant avec tous les autres points d'une même planète ! En ce qui concerne ces téléporteurs donc, ils s'intègrent dans une volonté de fluidité de la progression, le jeu développé par Level 5 se veut davantage porté sur le fun et l'accessibilité que sur les longues séances de level up et les longs allers-retours. Ce qui signifie clairement qu'en plein milieu du donjon, si j'ai envie de ressortir du dédale pour aller chez l'épicier du coin, Hassan Cehef, c'est possible.
Level 5 Completed
Que d'humour, hein. D'ailleurs ça tombe bien, Rogue Galaxy est dans cet esprit là, en parodiant dès la première partie du jeu les geeks en tant qu'individus socialement exclus de la masse, les fanboys et les idoles niaiseuses. Très japonais et léger dans l'esprit sans pour autant verser dans le fan service, le jeu de Akhiro Hino bouleverse pas mal de conventions avec des personnages jouables et secondaires qui sortent vraiment des canons de l'esthétique habituel. Jouable dès le début du jeu, Steve est par exemple un robot crispant façon C3PO, et pour citer un personnage secondaire, le Dr. Poccachio semble tout droit sorti de l'imagination d'un Tezuka, par exemple. On ajoute à tout cela un doublage US fort correct et on obtient, en plus d'un jeu bien pensé et dynamique, une équipe qui se révèle petit à petit fort attachante et avec laquelle c'est un véritable plaisir de progresser. Une équipe formée au bout du compte de 50% d'humains et de 50% divers. Une pluralité des genres dans un monde de fantaisie qui évoque directement la sauce Star Wars (ce qui nous offre encore un point commun avec Final Fantasy XII) mais après avoir évoqué Skies or Arcadia d'un point de vue thématique, il peut également nous remémorer Dark Cronicles à cause de l'excellent grain de l'image superbement cel-shadée. Alors non, Rogue Galaxy n'est pas métaphysico-tragique, mais il n'est pas non plus la futilité incarnée. Quand il fait de l’humour il fait mouche, Quand il veut se montrer sérieux il faut mouche aussi. C'est une balance équilibrée, concoctée par un studio déjà parvenu à maturité (Level 5 avait déjà réalisé un certain Dragon Quest VIII, rien que ça).
Rogue Galaxy veut aussi appâter les acharnés avec des à côtés qui ne font pas forcément dans l'originalité, à l'exception quand même de la Factory dont la conception vraiment poussée permet de créer des objets très utiles si l'on s'en donne la peine. Le tournoi d'insectes (à capturer puis à nourrir et élever) ou encore la grenouille de fusion d'armes apparaissent moins importants, mais soulignent que Rogue Galaxy est bel et bien un véritable RPG avec ses nombreuses tâches secondaires en exergue du fil directeur. A tous ceux qui le taxerait trop rapidement de léger à cause de sa progression limpide, Rogue Galaxy répond donc avec la Factory, un exercice confondant de complexité pour qui ne se donne pas la peine de rentrer dedans tant il s'agit d'un vrai petit Factory Tycoon intégré. Il répondra également avec ses Gladius Towers, un donjon situé en fin d'aventure qui rejoint la Tour de Lezard Valeth (Valkyrie Profile) et le Pharos (Final Fantasy XII) dans la catégorie des dédales les plus longs du RPG.