16 20
Composé de dix chapitres pas très longs, mais émaillé de missions supplémentaires et d’une replay value naturelle évidente, le cadeau architectural multicolore de Keita Takahashi dispose en plus d’un mode deux joueurs pour rouler en couple. D’un principe enfantin mais qu’il fallait encore savoir mettre en application avec brio, We Love Katamari en Europe est une perle rare. Aussi stupide que poétique, et définitivement très recommandable.
- Une perle rare
- Plaisir immédiat
- Etudié pour prendre son pied
- Melting-pot musical sous acide
- Une ambiance qui en rebutera beaucoup
- Se termine un peu trop rapidement
Parler de Katamari, jeu d’auteur s’il en est, revient obligatoirement à parler de son géniteur, le fugace Keita Takahashi. Fugace, parce qu’une fois propulsé au sommet du game design suite au succès surprise de Katamari Damacy en 2004, l’individu à qui Namco aurait plus ou moins forcé la main pour pondre cette suite, déclare se retirer du jeu vidéo. Définitivement ?
Pas selon ses dires, mais il semble que son esprit créatif ait besoin de déborder en dehors de la sphère virtuelle. Quand bien même, le jeune talent semble satisfait d’avoir pu insuffler un peu de joie et d’énergie positive à travers ses Katamari. Clairement pas l’éditeur le plus underground par excellence, c’est pourtant bien Electronic Arts qui nous fait l’honneur d’une sortie française de ce second opus intitulé We Love Katamari. Keita Takahashi n’a jamais jugé bon de réaliser une suite à un jeu qui n’en avait semble-t-il pas fondamentalement besoin. Mais les responsables du tiroir-caisse de chez Namco, on forcément vu les choses sous un autre angle. Et finalement c’est tant mieux, car cela permet aux occidentaux d’envisager l’adhésion d’un tout nouveau trip made in Japan. L’importation d’un enfant non-désiré comblera-t-il nos frileuses espérances ?
Katam a ri
Recevoir le second opus de la série implique quelques hauts et quelques bas. Du côté glop, il faut savoir que We Love Katamari propose des objectifs plus variés que son prédécesseur, sans pour autant en en trahir l’esprit. Du côté pas glop, on regrettera forcément la bande son du tout premier, laquelle figure probablement parmi les plus géniales et improbables soundtrack de jeux vidéo. Mais le travail musical de cette suite n’a pas pour autant été expédié, nous reviendrons dessus plus en amont. Pour commencer, peut-être est-il bon de prendre connaissance du principe du Katamari. Un principe qui va vous faire jouer des pouces, puisque caméra exclue, vous n’aurez besoin que d’utiliser les deux sticks de vos Dual Shock 2. Quid ? Le Prince, rejeton du Roi du Cosmos en personne et en collant, est sommé de réparer l’irréparable : rendre au cosmos la totalité de son firmament. Sa méthode ? Pousser une boule adhésive minuscule pour catalyser des objets de petite taille, et suivant le principe de la boule de neige, grossir pour attraper des éléments de plus en plus volumineux. La masse hétéroclite fera ensuite office d’astre dans le ciel. Jusqu'à quelle démesure ? Disons que l’on commencera modestement par accumuler quelques bouts de ficelles, puis des bouquins, des fruits, avant de passer aux panneaux de signalisations, en choppant quelques collégiennes au passage, qui précèdent les ours, voitures, maisons, dinosaures, montgolfières, Tour Eiffel, Muraille de Chine… jusqu’au soleil. C’est concept.
Le cas Tamari
Guidé par votre autocentriste de père, souverain flatté qui aime à parler de lui à la première personne du pluriel, vous voici propulsé de plein pied dans un univers qui hésite entre le niais, le burlesque et le grotesque. Parfois fines et drôles, parfois lourdes et pauvres les répliques et les motivations des intervenants de Katamari ne recèlent sans doutes pas d’autres messages, profondément enfouis sous la surface cubique de la réalisation, que celui du carpe diem. Dans "Cueille le jour sans te soucier du lendemain" remplacez seulement "cueille" par "roule". Qu’on se le dise, on est là pour s’amuser, immédiatement et instinctivement, pour rouler, rouler et encore rouler. We Love Katamari est presque un jeu d’autiste, cette suite se regarde le nombril comme aucun autre jeu, tout est basé sur l’adoration ou la curiosité que les autochtones vouent à cette expérience universelle qu’est le Katamari. Chaque être vivant représente autant de requêtes à accomplir et de désirs variés à satisfaire. Le point de départ est donc d’apprendre à rouler son petit Katamari, de maîtriser une jouabilité particulière qui implique les deux sticks, avec des demi-tours et des accélérations, et de le faire grossir jusqu’à un certain seuil, souvent en un temps limité. Apprendre à faire cela, ce qui revient à maîtriser intégralement We Love Katamari, prendra deux minutes. Délicieusement accessible ! Ensuite, des variations s’effectuent lorsqu’il s’agit par exemple d’accumuler des lucioles pour éclairer un étudiant nocturne, de consumer régulièrement des éléments afin que la flamme du Katamari ne s’éteigne pas, ou encore de faire rouler un Sumotori sur tout ce qui est comestible en vue de le faire grossir et éliminer son adversaire. Comme je vous le disais, c’est concept.
La sensation produite au fur et à mesure qu’un Katamari prend de l’ampleur, du fait de pouvoir progressivement assimiler des objets de plus en plus gros, est particulièrement addictive. Une fois de plus, voici un principe tout simple, pour lequel il fallait tout de même fabriquer un moteur physique qui tienne la route, qui remporte tous les suffrages à l’aide un game design étudié dans la seule optique de prendre du plaisir. Les aires sont souvent grandes, et se dévoilent petit à petit, causant malheureusement à cette occasion un ou deux loading pour les espaces les plus importants. En même temps, passer de la taille d’un dé à coudre à celle du Mont Fuji constitue quelque part un certain exploit technique. N’attendez cependant pas d’être émerveillé en quoi que ce soit par la réalisation, concept, elle aussi. Sans pour autant être vilain, We Love Katamari est très coloré, respire la vie, l’activité et la bonne humeur. Et surtout c’est le grand n’importe quoi, même avant que vous ne veniez mettre votre grain de sel dans ce bordel magistralement organisé par l’équipe de développement. Quelle joie de voir toute cette activité urbaine ou rurale frétillante, mise à votre disposition uniquement pour le plaisir de tout saccager à la façon Katamari : en accumulant. Signalons également que le tout reste parfaitement et royalement fluide.
C’est la cata Marie !
Outre une mégalomanie naturelle, doublée d’une volonté de puissance exacerbée scandée par Nietzsche, qu’est ce qui pousse le joueur à persévérer dans sa quête pour avoir la plus grosse ? Sans aucun doutes je réponds : la bande son. Comment décrire l’indescriptible ? Pour simplifier, disons qu’on se trouve devant quelques substances sonores tendance jazzy, pop, crétin. Une cohérence étonnante compte tenu qu’un panel d’une dizaine d’artistes sont impliqués dans ce délicieux capharnaüm auditif. Bien que l’ensemble soit nettement moins frais que l’inégalable bande son de Katamari Damacy, quelques morceaux sont dignes de rentrer dans la légende, à commencer par Killing Hot Savannah, qui est une sorte de megamix des meilleures musiques du premier, mais entonné par l’arche de Noé. Pas évident d’expliquer aux gens qui vous entourent pendant une partie qu’il y a une volonté artistique évidente derrière un jeu d’où s’élèvent des grognements de porcins sur un rythme primesautier ponctués d’aboiements stupides. Mais peu importe. Car sans forcément se positionner au firmament des jeux cultes, nul doute que We Love Katamari mérite amplement son succès critique, commercial, ainsi que l’aura tendance qui l’entoure.