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Entre jeu vidéo et cinéma sans être un vrai "walking simulator", Virginia propose une narration d’une puissance rare, sublimée par une des meilleures bande-son de ces dernières années. Affichant un minimalisme sans complexe, le jeu parvient à happer le joueur dans ses filets, sans relâcher son étreinte pendant les deux heures que dure l’aventure. On en ressort perdu, sans savoir quoi en penser, mais certains d’avoir vécu une expérience. Ce mot si souvent employé par l’industrie du jeu vidéo - et généralement galvaudé - prend ici tout son sens. On ne joue pas à Virginia, on vit une expérience. Aucun dialogue, ni écrit ni oral, un gameplay qui frise le zéro absolu et pourtant il s’agit bien d’un jeu vidéo. Virginia s’adresse clairement à un public averti, divisera autant qu’il laissera de bons souvenirs, mais reste sans hésitation une parenthèse que vous vous devez d’afficher dans votre CV de gamer.
- Une narration de folie
- Direction artistique de qualité
- La meilleure BO de ces dernières années
- Une véritable expérience
- Vendu 10 pauvres euros
- Un vrai trip sous LSD
- On ne comprend pas tout
- Peut tourner à 60fps mais pensé pour être joué à 30fps ?
- Peu de replay-value
Un peu paumé dans la masse de jeux vidéo indépendants qui viennent s’échouer sur les rives du Steam Store chaque semaine, Virginia ne manque pourtant pas d’arguments. Inspiré par les séries Twin Peaks et X-Files, le jeu de Variable State ose ouvertement chasser sur les terres des longs- métrages, via de nombreuses techniques issues du grand écran. Le studio vise donc à nous offrir une narration sans égal dans l’univers du jeu vidéo. Pas d’infantilisation, puisque les développeurs refusent de tenir le joueur par la main, ce dernier sera donc pris à la gorge par une histoire qu’il faudra évidemment interpréter, à l’image des chefs d’œuvre du septième art. Virginia vaut il ses 10€ arrachés à vos petites économies ? Verdict ci-dessous.
Tout comme on sait bien qu’il faut se préparer à vivre une expérience aux frontières du réel avant un épisode de X-Files, Virginia nous propose une expérience aux frontières du jeu vidéo. Développé par le studio indépendant Variable State, Virginia est un OVNI dans le paysage vidéoludique. Tout commence en 1992 au moment où Anne Tarver reçoit son badge du FBI lors d’une cérémonie officielle. Elle devient ainsi une des premières femmes de couleur à porter le titre d’agent spécial. Pour sa première enquête, Anne va devoir aller élucider la disparition du petit Lucas, en plein cœur de l’état de Virginie. Seulement à peine votre badge en main, un flash se produit et on se retrouve dans le même endroit, désormais déserté, avec un magnétophone qui diffuse un bip bip de moniteur cardiaque. On éteint l’engin, second flash, nous voici dans notre propre appartement, faisant face à notre personnage assoupi sur son lit. Une interaction plus tard, c’est une porte lumineuse rouge qui apparaît et nous invite à la curiosité. Pas le temps de tergiverser puisqu’un nouveau flash nous emmène au lendemain.
AUX FRONTIÈRES DU RÉEL
Twin Peaks dépouille le joueur de toute initiative, afin de le plonger profondément dans une histoire complexe et difficile à appréhender. Sans le moindre dialogue oral ou écrit, Virgina réalise néanmoins la prouesse de proposer une narration d’une qualité rare. L’image et le rythme imposés au joueur sont magistralement secondés par une des meilleures bande-son de ces dernières années, intégralement jouée par l’orchestre philarmonique de la ville de Prague. Les codes du cinéma sont repris comme les bandes noires qui encadrent l’image durant toute l’aventure, tandis que le rythme est assuré. Aucun temps mort grâce aux flash et un enchaînement un peu décousu qui tire l’imaginaire du joueur d’un théorie à l’autre, alors que les choses s’éclairent petit à petit au cours de l’aventure. Pas question d’y passer 80 heures comme sur un Witcher, ici tout sera plié sur une semaine d’évènements, condensés en deux heures, montre en main. Un récit court, minimaliste, mais haletant qui prend aux tripes comme les meilleurs épisodes de la série X-Files.
La référence est d’ailleurs assumée, puisque dès les premières secondes de l’introduction, on voit apparaître les codes visuels de la série. On s’attendrait presque à voir débarquer Mulder et Scully lors d’une des réunions au FBI.
La référence est d’ailleurs assumée, puisque dès les premières secondes de l’introduction, on voit apparaître les codes visuels de la série. On s’attendrait presque à voir débarquer Mulder et Scully lors d’une des réunions au FBI. Evidemment, il est assez dur de ne rien pouvoir dire de l’histoire sans ruiner complètement l’attrait du jeu. Sachez simplement que le scénario est très riche, et que pour faire court, Anne Tarver n’est finalement pas celle qu’on croit, l’enquête n’est pas celle que l’on croît, et sa coéquipière Maria Halperin ne déroge pas à la règle. On assemble ainsi mentalement les pièces d’un puzzle incomplet, ce qui laisse une part d’interprétation, laissant au joueur le plaisir de jouer comme un enfant avec sa propre imagination. Plongé dans l’enquête et dans la relation qui lie l’héroïne avec sa collègue et avec le FBI, on ne décroche jamais du jeu, happé par la magie qu’il dégage et surtout par sa capacité à nous scotcher à l’écran.
CE QUI EST VRAI, CE QUI EST FAUX
Techniquement, le jeu offre une direction artistique de folie, avec – sans reparler de la magnifique BO – des panoramas vraiment superbes. Les habitués reconnaîtront instantanément la touche du moteur Unity, tandis que les textures et le dessin rappelleront des souvenirs à ceux qui ont arpenté les canyons du Wyoming dans Firewatch de chez Campo Santo Studios. En ce qui concerne le gameplay, les choses restent toujours minimalistes, faisant presque passer Heavy Rain pour un jeu d’action. On se déplace, on déclenche quelques actions en cliquant et c’est à peu près tout. Enervés du joystick, passez votre chemin. Si par contre vous avez adoré les jeux de The Chinese Room et êtes un disciple de David Cage, Virginia devrait vous taper dans l’œil par sa capacité à brouiller les lignes entre cinéma et jeu vidéo.