Test Valkyrie Profile DS sur DS

Comme la majorité des productions tri-Ace, la série Valkyrie Profile bâtit sa spécificité sur un contexte plutôt original : ici la mythologie nordique remaniée et surtout une approche du gameplay dynamique, spectaculaire et immédiate. Offrant au joueur une progression sur un plan 2D, Valkyrie Profile Lenneth (pour sa réédition) et Valkyrie Profile Silmeria possèdent en quelque sorte les facettes habituelles du beat'em all à l'ancienne, vous confrontant directement à l'ennemi dans des niveaux nécessitant de votre part une dextérité assez poussée. Cet aspect arcade est une constante dans la saga et s'applique également aux affrontements, dans lesquels la prise en compte d'un timing précis dans l'enchaînement des attaques est indispensable. Avec un pareil terreau, l'adaptation à l'enveloppe assez étriquée du RPG tactique paraît difficile. Mais à l'image de ce que le joueur acharné ressent souvent dans l'expérience d'un titre griffé tri-Ace, c'est lorsque les problèmes s'accumulent que des solutions - alors inconnues - se dévoilent. Quitte à casser sa manette, voire sa DS.

Les ennuis se profilent

Démocratisé par Final Fantasy Tactics Advance, le T-RPG est un genre de jeu de rôle très particulier et souvent difficile d'accès pour des raisons d'implication, d'aspect gestion poussé et d'un challenge dans la majeure partie des cas bien relevé. Si Final Fantasy Tactics Advance s'était mis à la hauteur du grand public par ses influences de conte arabisant enfantin et son gameplay riche sans être complexe, Valkyrie Profile : Covenant of the Plume prend le chemin inverse et distribue des gifles à longueur de partie, tout en y prenant manifestement un malin plaisir. Le jeu de tri-Ace ne fait en effet aucune concession et apparaît comme un matériau brut et lisse dénué de prises. Un tutorial court et avare en informations, des subtilités dissimulées parfois jusqu'à la toute fin du jeu et un cheminement scénaristique aux embranchements quasi invisibles. Valkyrie Profile : Covenant of the Plume force le joueur à défricher le gameplay, à fouiller ses recoins, tentant le pari du plaisir de la découverte passant au-dessus la frustration. Un enjeu risqué tant la difficulté pousse dès les premières heures de jeu à penser que tri-Ace ne sait décidément pas régler la courbe de progression d'un soft. Et pourtant, en partant du principe que vous savez à quoi vous en tenir, cela fonctionne. Grâce d'une part à la présence de la Plume, véritable centre du scénario et du gameplay, et d'autre part à une histoire forte introduisant un personnage principal touchant d'humanité.

Valkyrie Profile : Covenant of the Plume force le joueur à défricher le gameplay, à fouiller ses recoins, tentant le pari du plaisir de la découverte passant au-dessus la frustration."

Pour résumer la situation, Wylfred est un jeune garçon dont le père a été tué durant l'une des nombreuses guerres ravageant le pays. Selon une rumeur, il aurait ensuite été choisi par la Valkyrie pour devenir un Einherjar, à savoir un guerrier conduit au dieu Odin pour devenir le soldat de son armée. Une grande marque d'honneur que Wylfred ne comprend pas, son père n'étant pas pour lui digne de ce statut. Retrouvant la plume d'une des ailes de la Valkyrie sur le corps de ce dernier, il se prend alors à penser que l'émissaire d'Odin a "aidé" à la mort de son père. Une disparition qui conduit également à la mort de sa petite soeur malade et à la perte de repères se sa mère. Wylfred décide alors de s'illustrer au combat pour faire venir la Valkyrie vers lui, afin de pouvoir se venger le moment venu. Rongé par la haine, il suscite l'intérêt de Hel, la reine de Niflheim, qui lui propose un marché. Elle lui confie la Plume Maudite, se nourrissant des pêchés commis par son détenteur, mais lui octroyant par la même des pouvoirs équivalent à ceux des dieux. Le principe est simple : Wylfred doit utiliser cette plume sur une personne de confiance afin de lui soutirer ses capacités de combattant. Le point "négatif" restant que la cible désignée meurt immédiatement après ce rituel. Une réalité qui saisira le jeune homme à la gorge au moment du sacrifice de son ami, lors de la première utilisation de la plume. Étouffé entre le désir de vengeance et la culpabilité, Wylfred erre de théâtres de guerre en champs de bataille, un pouvoir macabre entre ses mains. La façon d'appréhender cette capacité est le premier choix d'un éventail de décisions qui modifieront autant le gameplay que la trame.

Le supplice de la plume

Construit autour de trois axes de progression principaux, aboutissant chacun à une fin différente (A, B et C), Valkyrie Profile : Covenant of the Plume, contient également de nombreuses bifurcations vous faisant naviguer de l'une à l'autre de ces pistes scénaristiques. Si le choix initial ne dépend que d'un choix de lieu, définissant simplement le degré de difficulté que vous devrez supporter, les possibilités suivantes sont directement liées à votre façon de jouer. Ou plus précisément à votre manière de résister aux tentations du jeu. En effet, pimentées à dessein, les batailles prennent rapidement la forme d'un appel à la tricherie. Heureusement, et à l'inverse de tous ses concurrents,  Valkyrie Profile : Covenant of the Plume possède un cheat-mode accessible à tout moment, d'une simple pression sur une touche. Il vous suffit de désigner l'un de vos compagnons et d'utiliser la Plume sur lui. Ses capacités sont alors augmentées dans des proportions incroyables et, suivant le personnage désigné, il pourra pêle-mêle paralyser tous les ennemis, ressusciter tous les alliés durant trois tours, ou encore augmenter la portée des armes de toutes les unités. Ce qui vous permettra sans problème de viser une victoire plus ou moins certaine. Le second avantage de ce sacrifice est de conférer à Wylfred des compétences spéciales, très utiles dans les affrontements suivants. Reste à savoir si vous oserez pour cela causer la perte de l'un de vos comparses. D'autant que le fait de succomber au pouvoir de la Plume vous conduira de plus en plus vers la voie C, à savoir l'issue la plus sombre du scénario et la moins intéressante, mais vous évitera des crises de nerfs à répétition.

...le fait de succomber au pouvoir de la Plume vous conduira de plus en plus vers la voie C, à savoir l'issue la plus sombre du scénario et la moins intéressante, mais vous évitera des crises de nerfs à répétition."

Car s'il est tout à fait possible de terminer le jeu dès sa première partie en voie A et dans le cheminement le plus difficile, l'expérience tient alors davantage de la recherche d'adrénaline que l'on retrouve dans les manic-shooters que du plaisir habituel de la progression commune aux RPG. La possibilité de recommencer le jeu avec les capacités acquises étant présente dans jeu, la solution de la rejouabilité peut être la bonne si vous n'avez pas de scrupules à sacrifier vos compagnons. Cette notion d'hésitation, de moralité, est ce qui fait la force de Valkyrie Profile : Covenant of the Plume. De nombreux titres ont déjà tenté d'inscrire ces thématiques dans leur scénario, proposant aussi des chemins divergents suivant les actions entreprises, mais aucun n'était encore parvenu à lier de façon aussi viscérale choix de gameplay / scénario et conséquences sur ces mêmes points. Valkyrie Profile : Covenant of the Plume est un jeu ouvert, qui change de forme selon les aspirations du joueur, instaurant de l'émotionnel dans ses choix ludiques. Un parti pris très bien vu qui permet à cet épisode de se rapprocher bien plus du Valkyrie Profile original que ne l'avait fait Silmeria, pourtant construit sur les "bases" de ce dernier. Sous ces plumes, dans ses rouages les plus profonds, le titre de tri-Ace propose un système de jeu bien rôdé, malgré quelques problèmes de réglages de l'I.A, autant en ce qui concerne les alliés que les ennemis. Ces derniers basent d'ailleurs toute leur stratégie sur l'attentisme, ne bougeant pas d'un centimètre, tant que vous ne les agressez pas ou que vous n'êtes pas à leur portée. Un problème récurrent dans le T-RPG, mais qui trouve ici une résonance plus forte à cause de la force de frappe de vos adversaires qui, s'ils disposent de plus d'un tour d'avance, deviennent littéralement effrayants.

Votre survie ne tient qu'à votre capacité à éloigner les ennemis les uns des autres, dans le but jubilatoire de les encercler afin de retrouver la puissance régressive du système de combat classique de la saga."

Le remède à ce massacre prévisible de vos troupes reste d'opérer des séparations stratégiques en tirant parti de ces comportements. Votre survie ne tient qu'à votre capacité à éloigner les ennemis les uns des autres, dans le but jubilatoire de les encercler afin de retrouver la puissance régressive du système de combat classique de la saga. Dès que vous défiez un ennemi, à la différence d'autres T-RPG, vous entrez dans une zone de combat dans laquelle chaque combattant est affilié à une touche de la DS (X, A, B et Y) que vous devez presser pour que celui ou celle que vous désirez faire passer à l'action dégaine son arme. Bien maîtrisé, ce système aboutit à des combos dévastateurs qui, s'ils sont effectués avant que l'adversaire touche le sol, vous octroieront des bonus d'expérience. De même, si vous parvenez à faire grimper la jauge d'attaque spéciale jusqu'à 100, vous aurez l'occasion de lancer des furies à la mise en scène aussi spectaculaire que les dégâts infligés. Pour cela, il faut bien sûr que vos alliés se trouvent suffisamment proches de la cible ; les ennemis pouvant être éliminés avec un seul guerrier étant très rares. Enfin, le placement autour de votre opposant s'avère primordial, certaines formations vous conférant des avantages non négligeables. Ne pensez pas pour autant que cela rend les affrontements plus aisés. Il ne faut jamais perdre de vue le sadisme de Valkyrie Profile : Covenant of the Plume.

Mais pourquoi est-il aussi méchant ?

Grande panacée reconnue d'utilité ludique, le level-up ne vous sauvera même pas dans le titre de tri-Ace. En effet, les missions annexes sont extrêmement éparses et ne rapportent souvent qu'un nombre de points d'expérience négligeables. La seule solution, outre l'utilisation de la Plume, reste d'acheter des livres de compétences vous permettant d'acquérir des capacités actives. Elles se déclenchent en échange de PA et des capacités passives qui agissent dès votre entrée sur le champ de bataille. Du moins, c'est ce que le jeu cherche à vous faire croire. Le problème étant encore ici relatif à un choix. Avec la bourse ridicule que vous possédez et qui ne se remplit que très difficilement, vous devrez soit faire un trait soit sur l'équipement, soit sur les objets de soin. Tout en sachant qu'une carence en certains items peut entraîner un Game Over surprise dans quelques combats. En cherchant à mettre le joueur au pied du mur, au service de son propos et de manière assumée, Valkyrie Profile : Covenant of the Plume commet un impair de taille, celui de trop restreindre son cadre. Par ce manque de missions annexes et donc de possibilités, le jeu donne l'impression d'être une sorte de mini Tactical-RPG sans véritable envergure. Ce qui ne retire en rien son intérêt, mais fait passer une fresque pour une petite histoire et un conflit national pour une guerre de villages. La question est alors de savoir si le joueur passera outre cette espèce de restriction généralisée et si le plaisir peut ressortir de ce titre engoncé. Comme pour son grand-frère sur PSone et PSP, c'est le cas si vous acceptez et connaissez dès le départ la contrainte même du genre et du jeu. Car en l'état, Valkyrie Profile : Covenant of the Plume est le meilleur T-RPG disponible sur DS, alliant une vraie finesse d'écriture, un gameplay perfectible certes mais intelligent, et surtout une fabuleuse idée de base sous-tendant le jeu dans son entier. Tout en étant atrocement sec et difficile. A vous de savoir si vous tendrez l'autre joue après votre première gifle. A noter que la seconde fait moins mal.