Test The Sinking City : à mi-chemin entre la réussite et le naufrage sur PS4
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Sur le fond, sur la forme, par son ambiance, sa thématique, ses points forts comme ses points faibles, The Sinking City a beaucoup à voir avec le récent Call of Cthulhu. Mais alors que le jeu de Cyanide choisissait la voie de la linéarité, la production de Frogwares tente l'aventure en monde ouvert. Si on y gagne incontestablement en liberté et en durée de vie, la réussite n'est tout de même pas totale, surtout d'un point de vue technique. Heureusement que la représentation de la folie et l'univers fantastico-marin viennent compenser les bugs et les combats sans intérêt. Nous avons donc affaire une fois de plus à jeu qui est loin d'être parfait, mais dont l'ambiance lovecraftienne suffit à le rendre attachant. La malédiction de Cthulhu a encore frappé !
- L'ambiance typiquement lovecraftienne
- La représentation de la folie
- Des choix cornéliens
- Une bonne durée de vie
- Un monde ouvert trop vide
- Des gunfights trop mous
- Une interface perfectible
- Quelques bugs
Ces derniers temps les amateurs de Cthulhu ont le vent en poulpe. Pardon, en poupe. Il y a huit mois, Cyanide et Focus sortaient un certain Call of Cthulhu, tandis qu'aujourd'hui, c'est Frogwares et Bigben qui nous proposent leur vision de l’œuvre de Lovecraft. Et on ne se plaindra pas vraiment de cette concomitance, car les jeux de ce type sont bien trop rares. Reste tout de même à voir si, au-delà de son inspiration lovecraftienne, The Sinking City a d'autres atouts à faire valoir...
Nous sommes dans les années 20, et Charles Reed, détective privé de son état, est en proie à des visions cauchemardesques. Il débarque alors à Oakmont, Massachusetts, car de très nombreux cas semblables au sien y ont été recensés. Il faut dire que la ville est un refuge parfait pour les frappadingues. Non seulement elle ne figure sur aucune carte, mais en plus elle a été victime il y a six mois d'une catastrophe (sur)naturelle appelée l'Inondation. Plusieurs semaines de tempêtes ont fait monter le niveau de la mer jusqu'à séparer la ville du continent, et même transformer certaines rues en canaux. Quant aux habitants, certains ont un visage étrangement simiesque, tandis que d'autres ont une véritable tête de poisson. Ajoutez à cela des rumeurs parlant de ruines submergées à l'architecture étrange, de géant endormi et de voix appelant depuis les profondeurs ! Aucun doute possible, The Sinking City s'inspire bel et bien de l’œuvre de Lovecraft. Et la principale qualité du jeu réside sans conteste dans la restitution de cette ambiance si particulière.
POULPE FICTION
Pluie battante, houle, créatures monstrueuses, meurtres, folie, coquillages et crustacés sont de la partie. La direction artistique mêle habilement à tout cela des éléments de film noir, pour un résultat global très satisfaisant. Les dialogues participent également à nous plonger dans une véritable nouvelle de Lovecraft, tandis que certaines situations racialo-politiques rappellent que nous sommes bien dans les années 20. La représentation de la folie du héros est également digne de louanges. Pour le joueur, il s'agit de gérer une jauge de santé mentale, sans quoi diverses perturbations sont à prévoir. Héros qui pointe inexorablement son pistolet sur sa tempe avant de revenir à la raison, apparitions fantomatiques, créatures rampantes qui apparaissent progressivement devant nos yeux, image qui se déforme façon grand angle, vision qui se trouble, et autres signes cabalistiques qui apparaissent sur les décors traduisent ainsi l'esprit dérangé de Charles Reed.
Assez protéiforme, le gameplay se concentre tout de même essentiellement sur des mécaniques d'enquête. Il est également possible de tirer sur les Malbêtes qui envahissent la ville, mais ces combats sont d'une mollesse encore plus terrifiante que le regard d'un Grand Ancien. Bon, on exagère un peu mais il ne faut vraiment pas trop compter sur les gunfights de The Sinking City. Misez plutôt sur le travail d'enquêteur, plus réussi que la composante action. Le jeu propose tout un panel d'outils, parmi lesquels on trouve un carnet de notes où sont automatiquement consignées les informations importantes, une carte de la ville au rôle primordial, des preuves à épingler sur cette carte, et même un "palais de la mémoire". Ce tableau permet d'associer des indices afin d'obtenir des déductions, qui elles-mêmes peuvent à amener à résoudre une affaire de différentes manières. Les choix sont souvent cornéliens, et on passe de longues secondes à déterminer quelle action serait réellement la meilleure.
Assez protéiforme, le gameplay se concentre tout de même essentiellement sur des mécaniques d'enquête.
Quant à l'importance de la carte, elle est due à l'absence de marqueurs de quêtes automatiques. Il appartient en effet au joueur d'épingler lui-même les lieux de son choix sur la carte, afin que leurs symboles s'affichent sur la boussole "tête haute". Il faut ajouter à cela le pouvoir "œil de l'esprit" dont est doté le héros. Il lui permet de reconstituer des scènes du passé à partir de souvenirs spectraux, à la manière de Murderered : Soul Suspect, The Vanishing of Ethan Carter ou encore… Call of Cthulhu. Le travail de détective prend également des formes plus terre à terre, comme les recherches dans les archives du commissariat, de l'hôpital ou encore du journal local, qui s'effectuent en sélectionnant trois critères parmi de multiples catégories disponibles. Si votre sélection est cohérente avec l'information recherchée, elle vous sera délivrée. Tout cela est sympathique, mais globalement très simple. Le souci d'accessibilité est compréhensible, mais on aurait tout de même aimé devoir faire un peu plus chauffer nos neurones.
PLONGÉE EN EAUX TROUBLES
Inondation oblige, il est parfois nécessaire d'emprunter une barque pour traverser certaines rues. Nager reste possible, mais quelques secondes seulement, car des tentacules auront vite fait de vous choper. Le jeu propose également quelques passages en scaphandre, histoire de mettre un peu plus la pression (dans tous les sens du terme) au héros. A noter qu'à la manière d'un Metro 2033, l'argent n'a plus cours à Oakmont, avantageusement remplacé par l'alcool, les cigarettes et, surtout, les munitions. Le jeu se dote d'un système d'artisanat qui permet notamment de créer des balles, des kits de soin et des antipsychotiques (qui servent à faire remonter la jauge de santé mentale). Afin de cocher toutes les cases du jeu vidéo moderne, les développeurs nous proposent également un système de points de compétence (totalement anecdotique), une flopée de missions secondaires (parfois banales, parfois plus intéressantes que certaines missions principales) et, ceci expliquant cela, une structure en monde ouvert. Ainsi, le joueur est libre de visiter les différents quartiers de la ville comme bon lui semble, et la durée de vie dépasse allègrement la vingtaine d'heures, voire la trentaine si l'on souhaite venir à bout des quêtes secondaires.
The Sinking City n'arrive jamais à tutoyer l'excellence, et il doit son salut essentiellement à son ambiance lovecraftienne. A réserver aux fans de Cthulhu, qui sauront passer outre ses quelques manquements.
Hélas, cet open world manque singulièrement de vie. Le jeu tente bien de placer régulièrement quelques groupes de piétons sur notre passage, mais on n'y croit pas vraiment. Il faut dire que l'aspect technique n'aide pas à l'immersion. Les graphismes soufflent le chaud et le froid (la direction artistique rattrapant par moments l'aspect globalement daté), tandis que des bugs viennent de temps à autre s'immiscer dans l'expérience (vêtements pris de soubresauts, personnage qui rentre dans un élément de décor quand on le bouscule, ennemis qui restent recroquevillés dans leur coin…). Enfin, la bande-son nous propose un doublage français intégral, certains acteurs se montrant très convaincants... et d'autres beaucoup moins. Quant à l'interface, elle aurait pu être mieux pensée, surtout en ce qui concerne le placement de lieux sur la carte quand on utilise une souris. Bref, The Sinking City n'arrive jamais à tutoyer l'excellence, et il doit son salut essentiellement à son ambiance lovecraftienne. A réserver aux fans de Cthulhu, qui sauront passer outre ses quelques manquements.