Test The Quarry : un hommage réussi aux classiques de l'horreur sur Xbox One
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The Quarry remplit parfaitement deux cahiers des charges : celui des films d'horreur et celui des films interactifs. Vous pouvez donc compter sur des personnages adolescents en guise de proies, des séquences angoissantes, une bonne dose de gore, de nombreux choix, de multiples fins, et des graphismes qui s'approchent du photoréalisme. Cependant, le dernier Supermassive Games n'arrive toujours pas à sortir de la vallée dérangeante, ce qui s'avère assez crispant par moments. Les joueurs les moins sensibles à cet effet ont en revanche la garantie d'une forte immersion. Surtout que le jeu utilise assez habilement les codes des films d'horreur, sans trop tomber dans les clichés. Au final The Quarry apparaît tout simplement comme l'une des meilleures productions du studio, ce qui n'est pas peu dire.
- Une histoire intéressante et des personnages attachants
- L'impression d'être devant de réels acteurs par moments
- Des choix qui ont de réelles conséquences
- Quelques scènes vraiment gore
- Un habillage "VHS" très sympathique
- Une VF totale et de qualité
- L'option cinéma qui permet de "rejouer sans rejouer"
- Des déplacements qui paraissent raides et artificiels
- L'effet "vallée dérangeante" est très présent
- Quelques problèmes graphiques (eau noire, cheveux trop peu détaillés…)
- Une avance rapide aurait été la bienvenue pour le mode cinéma
Supermassive Games a beau avoir été fondé en 2008, c'est en 2015 que le studio s'est réellement fait un nom. La sortie de Until Dawn sur PS4 a marqué un tournant pour les développeurs anglais, qui ont depuis réitéré dans le genre de l'aventure cinématographique et interactive avec Man of Medan, Little Hope ou encore House of Ashes, tous trois édités par Bandai Namco dans le cadre de la série The Dark Pictures Anthology. The Quarry est quant à lui un titre autonome et édité par 2K Games, mais qui reste dans la même veine. Alors, bonne pioche ou pas ?
The Quarry tire son nom du camp de vacances Hackett's Quarry ("la Carrière de Hackett") qui sert de décor à l'aventure. Mais en anglais, quarry signifie également "proie" et ce n'est pas un hasard… Qu'il s'agisse du scénario, des personnages ou de l'ambiance en général, le jeu de Supermassive Games est un hommage appuyé aux films d'horreur des années 80 et 90, qui envoyaient souvent une bande d'adolescents ou de jeunes adultes à l'abattoir. C'est bel et bien le cas ici, puisque le destin de neuf personnages différents nous est confié. Le prologue du jeu nous présente Laura et Max, qui n'auront jamais l'occasion d'entamer leur carrière de moniteurs de colonie, tandis que le premier chapitre nous permet de faire la connaissance de Dylan, Jacob, Kaitlyn, Nick, Ryan, Abigail et Emma au dernier jour des vacances (et donc de leur travail). Les amours adolescentes semblent dans un premier temps être au cœur du scénario puisque Dylan et Kaitlyn craquent tous les deux sur Ryan, Jacob et Emma viennent de se séparer, tandis qu'Abigail et Nick se tournent autour. Mais ces scènes d''exposition au rythme assez lent servent évidemment à nous familiariser avec les personnages, afin de mieux les malmener par la suite. Car l'horreur brute et sanglante va vite rattraper tout ce beau petit monde, à l'occasion d'un dernier feu de camp improvisé. Afin d'éviter tout spoiler nous ne vous dirons absolument rien sur ce(ux) qui menace(nt) la bande de jeunes, mais sachez que le scénario reprend de manière assumée les codes de l'horreur les plus classiques, sans jamais trop tomber dans les clichés toutefois. La scène d'introduction utilise d'ailleurs une caméra flottant au ras du sol façon Evil Dead, tandis que l'un des personnages fait une référence directe au film de Sam Raimi dès les premières minutes de jeu. Histoire de pousser le concept jusqu'au bout, l'interface multiplie les rappels aux magnétoscopes d'antan, tandis que les embranchements les plus importants sont illustrés dans les menus par de fausses cassettes VHS au packaging délicieusement rétro. Et ça, on adore !
L'HISTOIRE CENT FINS
Les embranchements tout juste évoqués ont le bon goût de n'être jamais dévoilés à l'avance au joueur. Ils peuvent donc intervenir après un choix d'apparence anodine. Mais le jeu prend soin de nous indiquer après-coup, par l'affichage du message "chemin choisi", que l'on vient de faire dévier le scénario de manière importante. Les choix moins cruciaux sont quant à eux soulignés par des informations du type "untel est déçu", à la manière des jeux Telltales. Et des choix, vous allez en faire des dizaines et des dizaines. Il s'agit de la mécanique de gameplay principale, et elle ne fait pas semblant ! Certes, il y aura toujours quelques faux-choix qui amènent au même résultat, mais le destin des différents persos peut réellement varier du tout au tout. Pour s'en convaincre il suffit de se référer au nombre officiel de fins, qui est de 186 ! Difficile de vérifier cela dans la pratique, mais nous pouvons vous assurer que la rejouabilité est bel et bien présente. Rien qu'avec la possibilité de sauver ou voir mourir chacun des neuf héros, il y a déjà de quoi faire. L'abondance de choix a ceci de bon que même les obsessionnels compulsifs seront forcés de lâcher prise et de se laisser porter par l'aventure (il y a bien une option permettant de "rembobiner" en cas de mort d'un perso, mais elle est limitée à trois vies). De plus, il n'y a pas vraiment de mauvais choix car dans un cas vous aurez la satisfaction d'avoir sauvé une vie, et dans l'autre celle d'assister à une scène délicieusement gore. Au delà des petites et grandes décisions, le jeu se dote plusieurs mécaniques annexes, plus anecdotiques. Les cartes de tarot à dénicher dans les décors permettent d'avoir un bref aperçu d'une scène à venir entre chaque chapitre. Les incontournables QTE sont également de la partie, et ils pourraient presque s'apparenter à des choix tellement ils sont faciles. Autrement dit : il faut quasiment le faire exprès pour les rater. Différents indices et preuves sont à récolter lors des phases d'exploration. Et quelques séquences plus portées vers l'action viennent apporter un petit pic d'adrénaline de temps à autre, qu'il s'agisse de tirer un coup de fusil ou de retenir son souffle pour ne pas se faire repérer par un ennemi. Mais qu'on ne s'y trompe pas, The Quarry reste avant tout une aventure narrative d'inspiration cinématographique.
DANS LA VALLÉE, OH, OH...
Les cinéphiles seront d'ailleurs ravis de retrouver des angles de caméra recherchés, du grain sur l'image (ainsi que quelques filtres cosmétiques additionnels et optionnels), des acteurs professionnels au casting (au premier rang desquels figure David Arquette dans le rôle du directeur du camp) ainsi qu'une motion capture et une performance capture au poil. C'est bien simple, il est par moments quasiment impossible de réaliser que nous avons affaire à des acteurs virtuels et non réels. Le jeu n'hésite d'ailleurs pas à afficher régulièrement des très gros plans sur les visages, afin de bien nous montrer ce dont il est capable. Cependant, la magie ne fonctionne hélas pas à tous les coups. Très régulièrement le jeu se retrouve en pleine "uncanny valley" (ou "vallée dérangeante" en bon français), cette position inconfortable où l'artificiel se rapproche tellement du réel que le moindre défaut saute aux yeux et met mal à l'aise le spectateur. C'est incontestablement le cas ici, et tout le monde sera gêné (plus ou moins selon sa sensibilité) par ces bouches tordues, ces expressions faciales trop cartoonesques pour des visages si réalistes, ces cheveux en carton-pâte, et ces cous trop longs et trop souples.
Et alors que le jeu affiche des graphismes de haute-volée la plupart du temps, il pâtit étonnamment de quelques faiblesses techniques indépendantes de la vallée de l'étrange. Il en va ainsi des éclaboussures d'eau (noires comme du pétrole), de certains effets de profondeur de champ (qui évoquent plus le mode portrait d'un smartphone bas de gamme qu'un objectif de cinéma), de certaines transitions malhabiles (beaucoup de "plan sur plan") et, surtout, de déplacements bien trop raides, pas vraiment dignes d'un jeu de 2022. On oscille donc en permanence entre l'émerveillement devant la beauté de certaines scènes et la déception devant les différentes petites ombres au tableau. Le doublage français est en revanche quasiment irréprochable, tandis que la possibilité de lancer le jeu en coop (chaque joueur incarne l'un des personnages) ou dans l'un des "modes cinéma" s'avère vraiment bienvenue. L'un de ces modes permet de visionner un montage où tout le monde survit, un autre où tout le monde meurt, un autre encore se concentre sur les scènes gore, et un dernier permet de "programmer" à l'avance les réactions des personnages en exploration, au combat, dans le dialogue et sous la pression. Toutes ces possibilités permettent d'explorer des voies alternatives sans avoir à rejouer, mais la perfection n'est là aussi pas au rendez-vous, puisqu'une option d'avance rapide aurait permis de faciliter cette tâche.