14 20
S.T.A.L.K.E.R : Shadow of Chernobyl n’est pas un jeu d’exception. Quelques choix ludiques ratés et associés à un processus de développement complètement anarchique ne pouvaient, logiquement, donner jour à une bombe capable de dynamiter la hiérarchie du FPS. Le pétard n’est toutefois pas complètement trempé. Doté d’une ambiance saisissante, offrant de grands moments de flippe, le titre de GSC Game World réintroduit une tension de chaque instant dans un genre qui tend souvent à n’offrir aux joueurs que quelques heures de tir au pigeon. Ici, durant une demi-douzaine d’heures, la cible, c’est vous, et vous allez en baver pour vous imposer, avant de découvrir, enfin, du matériel de bonne qualité. Tout ça manque un peu d’ingrédients révolutionnaires, à l’exception peut-être d’une gestion intelligente de l’environnement et de l’état de santé de votre héros (il brûle, il saigne, il est irradié, bref, il souffre) et d’un cadre hors norme, mais si vous êtes patient et totalement accro au grand frisson atomico-soviétique, vous prendrez pas mal de plaisir à voyager à l’ombre de Tchernobyl…
- Ambiance atomique
- Contexte intéressant
- Environnements réussis
- Quelques chouettes armes
- Autonomie (relative) des PNJ
- Assez beau
- Gestion des impacts moyennes
- Beaucoup trop de marche à pied
- Manque de rythme
- Héros et PNJ sans charisme
- Mise en route trop longue
- Missions rarement palpitantes
- Quelques fautes de goût graphiques
La réception, il y a quelques semaines, d’une version tristement sclérosée du plus si attendu S.T.A.L.K.E.R : Shadow of Chernobyl nous avait laissé sur notre faim. Cinq ans d’attente pour ça, un improbable jeu de randonnée dans de mornes steppes radioactives hantées par des hordes de bandits sans charisme et de mutants au design improbable ? Cinq ans d’attente pour un système de jeu ankylosée, une prise en main digne du pire FPS russe, une interface de jeu médiocre le tout mis au service d’une intrigue floue ? Il y avait de quoi se montrer plus que dubitatif. Et voilà qu’une version test a atterri sur notre bureau. Installée sans grande envie, débutée sans grande passion, et puis…
Ukraine, 2006. Une violente explosion ravage le périmètre de sécurité qui entoure la centrale de Tchernobyl, suivie par une seconde, deux ans plus tard. La Zone, c’est désormais son nom, est bouclée par l’armée, mais quelques aventuriers téméraires parviennent peu à peu à s’y infiltrer, traquant de mystérieux artefacts générés par les radiations. Ces Stalkers, toujours à l’affût, peuplent les ruines battues par le vent de ce qui fut le grenier à blé de l’URSS. Participants d’une véritable économie de la débrouille, ces chasseurs bourrus s’organisent en clans, se soutenant ou s’entretuant dans une monstrueuse adversité. Car la Zone accueille d’autres résidents. Animaux dégénérés et créatures abominables errent dans les plaines, les villes abandonnées, les réseaux souterrains et se ruent, crocs et griffes en avant sur tous ceux qui s’aventurent sur leur territoire. Retrouvé vivant au milieu d’un monceau de cadavres, vous êtes réanimé par un Stalker. Le seul souvenir que vous gardez de votre ancienne vie tient en quelques mots inscrits sur votre PDA : trouver, et tuer Strelok. Autant dire que votre aventure débute bien mal. Sans allié et sans équipement, simplement armé d’un bête flingue, vous devez vous faire un nom, de l’argent, et mettre au plus vite la main sur ce Strelok. Un seul moyen pour y parvenir : aider vos confrères.
Atomes crochus
La Zone est un véritable écosystème, dont chaque composant interagit librement avec les autres. Dans S.T.A.L.K.E.R. : Shadow of Chernobyl, vous n’êtes pas le centre du monde. Les mutants n’existent pas dans le seul but de réduire en lambeaux votre petite carcasse et les Stalkers n’attendant pas sagement à un coin de la carte que vous veniez leur rendre visite. Quelques PNJ incontournables exceptés, chacun vit une vraie vie : les chiens monstrueux se reposent sous les arbres, vos confrères chassent de leur côté, trouvent des reliques, tuent et meurent. Il est peu probable que la machine calcule en continu les actions de chaque individu intervenant sur l’ensemble de la Zone, mais tout ce qui se trouve à portée de vos jumelles agit bel et bien à sa guise. Une caractéristique qui offre d’intéressantes perspectives tactiques. Seul face à une meute de mutants, vous n’aurez que peu de chance de vous en sortir. Si vous parvenez à courir jusqu’à rejoindre un camarade, voire un campement, les bêtes pourront changer de cible, ou fuir sous le feu nourri.
Si vous avez parfois besoin de ce genre de coups de pouce, c’est plutôt vous qui allez occuper la fonction d’homme providentiel. Certains habitants de la Zone ont en effet toujours quelque chose à vous demander, une mission à vous proposer. De la simple récupération d’un objet (perdu dans une zone malfamée) au nettoyage pur et simple (d’une zone malfamée) en passant par un échange de documents avec un individu isolé (dans une zone malfamée), chacun ira de sa demande particulière, vous promettant gloire, objets rares et argent en cas de réussite. Des récompenses qui vous seront bien utiles : reconnus par vos pairs, vous accéderez à des secteurs de plus en plus dangereux de la Zone ; riche, vous pourrez vous offrir le kit du parfait petit chasseur : munitions, médikits, armes d’assaut. Chaque Stalker possède en effet un sac à dos dans lequel il peut stocker de l’équipement. Des restrictions de poids vous empêcheront de vous trimballer toute une armurerie nord-américaine, mais vous aurez largement la place de conserver au chaud vos calibres préférés. Du moins au bout d’une demi-douzaine d’heures de jeu. Auparavant, vous devrez lutter contre les éléments à l’aide de vieilles pétoires capricieuse et redécouvrirez ce que c’est que de galérer dans un FPS.
L’école russe
S.T.A.L.K.E.R. : Shadow of Chernobyl est loin d’être un jeu facile d’accès. Piochant avec allégresse dans une palette chromatique s’étendant du kaki pâle au marron foncé en passant par des nuances de rouge boueux des plus délicates, le titre de GSC Game World est aussi lugubre que peuvent l’être des paysages de désolation industrielle post-soviétique. Le silence assourdissant qui pèse sur la Zone n’est déchiré que par le sinistre râles des bêtes, les détonations sèches des armes des Stalkers éloignés, le hurlement du vent ou le martèlement de la pluie. La météo dynamique et le cycle jour/nuit ajoute au charme particulièrement oppressant de lieux dans lesquels on s’attarde plus par obligation que par choix, et c’est l’arme au poing et la peur au ventre, que l’on s’avance au-devant d’un danger souvent bien caché entre les buissons, les arbres tortueux ou les pans de béton. Les premières heures de jeu sont à ce titre particulièrement décourageantes, alors que vous ne trouvez que de rares munitions, bien insuffisantes pour venir à bout d’ennemis nombreux, loin d’être toujours futés mais tous extrêmement mobiles, qui rechargent plus rapidement que vous et visent juste à des distances surprenantes. Si vous êtes plutôt adeptes du massacre de masse dans des décors ensoleillés façon Far Cry, ou des escapades explosives et héroïques sur les plages de Normandie, il faudra repasser. Avec son ambiance post-apocalyptique, son bestiaire bizarroïde qui génère des sentiments variables, du vrai malaise à la plus totale hilarité, et son interface hors d’âge, la production ukrainienne est loin d’être sexy. La réalisation graphique est pourtant honorable et malgré des couleurs loin d’être chatoyantes, les environnements raviront les pupilles des amateurs de grands espaces. La carte est certes découpée en secteurs, séparée par des temps de chargement, ce qui brise parfois les perspectives, mais la sensation d’être un petit être vulnérable perdu dans un grand monde sauvage ne cesse d’étreindre le joueur.
C’est sans doute là la plus grande réussite de S.T.A.L.K.E.R. : Shadow of Chernobyl qui, en dépit de son indéniable manque de charisme, parvient à captiver après quelques heures de galère. L’intrigue se traîne, le héros et ses interlocuteurs ne brillent pas par leur prestance, mais une fois bien installé dans la communauté des chasseurs d’artefacts et, surtout, lourdement armé, vous imposerez joyeusement votre loi. Vous ne cesserez de souffrir de problèmes récurrents, et notamment de l’inconstance de l’IA, de quelques gros problèmes de collision, mais au moins, vous vous amuserez… entre deux promenades champêtres.
Marche ou crève !
Nul doute que si la Fédération Française de Randonnée Pédestre veut un jour se lancer dans la grande aventure vidéoludique, elle fera appel aux services de GSC Game World. Les Ukrainiens viennent en effet de mettre au point le premier simulateur de randonnée sportive, ennui compris. La Zone a beau s’étendre sur plusieurs dizaines de km², vous ne pourrez compter que sur vos jambes musculeuses pour vous y déplacer. Vos divers commanditaires vous envoyant jouer les coursiers aux quatre coins de la carte, vous allez rapidement connaître par leur prénom tous les brins d’herbe modélisés. Le poids de votre inventaire ayant de lourdes conséquences sur votre endurance, n’espérez même pas pouvoir sillonner la Zone au pas de course. L’implémentation de véhicules, ou tout du moins d’un système de transport automatique dès les premières heures de jeu, aurait été plus que bienvenue. S.T.A.L.K.E.R. : Shadow of Chernobyl paie ici les erreurs de jeunesse de son géniteur. Ambitieux, voire mégalomane, le studio à l’origine de Cossacks s’était mis en tête de créer un jeu de rôle moderne, un Oblivion post-apocalyptique. Un bien beau rêve, qui a fini par tourner court, et le titre a dû être amputé de plusieurs de ses attributs. Quêtes annexes mornes et redondantes, système de faction moyennement convainquant, PNJ aux discours souvent identiques, impossibilité de développer quelques compétences que ce soit, on se demande même si les grands pontes de THQ n’ont pas fait les mauvais choix lorsqu’il a fallu procéder à l’élagage. Mais malgré ces airs de chef-d’œuvre raté, entre FPS plus réfléchi que la normale et RPG allégé, S.T.A.L.K.E.R. : Shadow of Chernobyl dispose de quelques atouts qui sauront faire crépiter votre compteur Geiger pour peu que vous lui passiez ses nombreuses faiblesses de gameplay. L’attente fut trop longue, mais pas totalement vaine.