Test également disponible sur : PC

Test Spore sur PC

Test Spore
La Note
note Spore 15 20

Improbable mixture entre simulation, stratégie, gestion et jeu d’action, Spore ne fait avancer aucun de ces genres, mais fait progresser le jeu vidéo dans son ensemble. Par son ambition délirante, son échelle de temps, de jeu, par ses possibilités sans limite, son design attachant, ses options de personnalisation infinies et son approche communautaire unique, la dernière création de Maxis impressionne. Certes, les purs gamers comme les joueurs occasionnels seront déçus par ce gameplay cinq en un qui cumule les défauts formels. Mais passé l’agacement initial, et ayant fait gravir à un organisme monocellulaire les différents échelons de la chaîne trophique, tous se rendront compte du travail, incomplet, imparfait, mais toutefois colossal réalisé par Maxis pour mettre au point cet univers cloisonné mais cohérent. Will Wright entrouvre de nouvelles portes avec ce beau projet. Reste maintenant à savoir quel développeur aura les moyens de s’aventurer plus en avant sur ce chemin à peine défriché.


Les plus
  • Atelier convivial et ultra-complet
  • Echelle temporelle inégalée, échelle spatiale fabuleuse
  • Design attachant
  • Mode Espace ultra-addictif
  • Orientation communautaire
Les moins
  • Répétitif
  • Mécaniques moyennement pensées
  • Quatre premiers modes barbants
  • Prise en main très imparfaite


Le Test

Forts d'une série d'incroyables succès commerciaux, certains développeurs peuvent désormais vaquer à leurs occupations sans avoir de comptes à rendre à qui que ce soit. Créateur de Sim City et, surtout, des Sims - cent millions de copies vendues depuis 2000, toutes versions confondues - Will Wright a acquis en quelques années et beaucoup de travail quelques dizaines de millions de dollars et une liberté bien rare. Une situation confortable, qui en aurait incité plus d'un à prendre une retraite aussi méritée que luxueuse. Mais le cofondateur de Maxis n'aime rien tant que de bricoler des concepts délirants dans son garage doré. Et l'argent, ainsi que le soutien discret de son puissant propriétaire, Electronic Arts, lui permet d’assouvir ses désirs ludiques les plus fous. Fruit de cette ambition, voici Spore, premier jeu vidéo sur l’évolution d’une espèce.


Comment la vie apparaît-elle, puis s’épanouit-elle ? Quelle est la finalité de l’existence ? Ces interrogations métaphysiques hantent chaque être sensé, qui cherche généralement des réponses dans les théories développées par deux courants de pensée antagonistes, le darwinisme et le créationnisme. Avec son premier jeu depuis la sortie des Sims, il y a huit ans, Will Wright tente de répondre à ces questions vraiment existentielles, démonstration à l’appui.

 

La créature darwinienne qui venait de l’espace

 

Une météorite s’écrase sur une planète tellurique dotée d’une atmosphère. D’un fragment spatial tombé dans l’océan se dégage une cellule frétillante, qui se retrouve au milieu d’une foule grouillante d’organismes concurrents de tailles diverses. Aux commandes de la microscopique créature, vous débutez à la fois Spore, et la grande aventure de la vie. Et pour votre amibe colorée, l’existence se résume à peu de choses : manger (des déchets organiques ou d’autres organismes si vous êtes carnivore, des végétaux si vous avez opté pour un régime vert) ou être mangée. La prise en main de cette première phase de jeu est à l’image de votre objectif : primitive. Vous naviguez dans le bouillon de culture, vu de dessus, à coups de clics, et devez vous goinfrer en évitant les prédateurs. Vous pouvez même récupérer quelques attributs (trompe, nouveaux modèles d’yeux) et, en chantant un hymne à l’amour, rencontrer un partenaire sexuel et accéder à l’atelier des créatures, où vous modèlerez le fruit de votre minuscule union. Cet outil rigolo et particulièrement puissant est le cœur du titre, et revient tout au long de la partie, enrichi à chaque séquence de nouvelles options. Promoteur avant l’heure du communautarisme ludique, Will Wright s’ingénie à offrir aux utilisateurs de ses produits des options de personnalisation et de partage uniques. Spore va évidemment plus loin qu’aucun de ses prédécesseurs, et vous laisse totalement libre, dans les limites de la charte graphique du jeu, de créer une créature à votre image. Mais pour l’heure, vous vous contenterez de quelques retouches esthétiques et, une fois votre estomac bien rempli et votre taille critique atteinte, de l’ajout d’attributs de poids : des jambes.  

 

Le monde à vos pieds

 

Quittant l’océan pour la terre ferme, Spore devient alors une espèce de jeu d’action-aventure en 3D. Vous explorez le monde à la rencontre de toutes les hardes qui le composent, et découvrez les joies de la sociabilité, pour le meilleur – la cohabitation pacifique – ou pour le pire – la lutte à mort. Le système d’interaction avec les autres espèces est amusant, puisque vous devez les impressionner positivement en chantant, dansant ou en prenant des poses conquérantes, mais cette phase baptisée Créature est extrêmement répétitive et les combats, à base de clics frénétiques, se révèlent confus et barbants. Les choses ne s’arrangent guère lorsque vous parvenez à maîtriser feu et outils et établissez un camp. Sorte de sous-RTS, le mode Tribu vous oppose aux tribus voisines que vous rallierez à votre bannière à moins que vous ne préfériez les annihiler. La nourriture étant le nerf de ces conflits primitifs, vous devrez veiller à ce que votre village ne manque de rien, avant d’équiper correctement vos hommes pour qu’ils partent en chasse, ou en guerre. Mal fichu, ennuyeux et bien peu stratégique, cette phase de jeu est indéniablement la plus faible des cinq qui composent Spore. Egalement dans l’esprit RTS, la séquence suivante, Civilisation, vous lance à la conquête militaire, économique, ou religieuse de la planète toute entière. En anéantissant les défenses ou en sapant le moral de vos adversaires, vous ferez tomber une à une leurs villes. Pour y parvenir, il vous faut préalablement construire des bâtiments, qui vous assureront des revenus et feront le bonheur de vos concitoyens, et entraîner des unités. Là encore, le design des quatre types d’édifices (mairie, usine, complexe de loisirs et maison) comme du trio de véhicules (terrestre, aérien ou maritime) est entièrement personnalisable. Maxis vous offre une série de formes, que vous pouvez étirer, incliner, colorées et assembler comme bon vous semble, pour mettre au point le tank le plus improbable ou le HLM le plus charmant de la galaxie. Des modèles prédéfinis sont évidemment mis à votre disposition, et si vous jouez en ligne, vous pourrez également accéder aux créations des autres joueurs. Toutefois, et malgré certaines lacunes, comme l’absence de règles, ou l’impossibilité de proportionner plusieurs éléments simultanément, l’outil est d’une belle accessibilité et sa richesse vous poussera à bidouiller par vous-même. La découverte de l’éditeur de véhicules constitue d’ailleurs le principal intérêt de cette phase Civilisation stratégiquement bien pauvre.

 

Le maître de l’univers

 

Le seul véritable intérêt ludique de Spore, en-dehors du côté bac à sable de son éditeur, c’est le cinquième gameplay, le mode Espace. Une fois pacifiée sa planète d’origine, votre espèce va en effet partir à la conquête de la galaxie, le terme n’étant, pour une fois, nullement galvaudée. Ce sont des milliers d’étoiles, des dizaines de milliers de planètes qui s’offrent aux velléités expansionnistes de votre petite créature devenue mégalomane et des autres espèces suffisamment avancées pour s’élancer vers le firmament. Toutes les exo-planètes telluriques ne sont toutefois pas colonisables en l’état, et il vous faudra les terraformer si vous souhaitez y installer une base chargée de l’extraction de l’épice, ressource colorée prisée par toutes les civilisations. La terraformation est à la phase Espace ce que l’éditeur est aux séquences précédentes : un outil puissant et interfactif qui vous permet de modéliser un monde entier selon votre bon vouloir, comme vous pouviez le faire dans Sim City. Mais l’univers ne peut être conquis d’un coup de pinceau cosmique. Il vous faudra  implanter des espèces exogènes dans des mondes désolés afin d’en garantir la viabilité, mais également effectuer des missions de défense de votre empire en devenir, en détruisant les vaisseaux ennemis qui peuvent fondre sur vos bases. Les politiques impérialistes étant friandes d’espèces sonnantes et trébuchantes, vous devrez vous enrichir, en vendant l’épice collectée par vos colonies aux quatre coins des astres, ou en menant à bien des missions pour vos partenaires. La liste de vos devoirs est longue, et l’accès au trône galactique vous demandera autrement plus de temps qu’il ne vous en a fallu pour terminer les quatre modes précédents. Il y a évidemment des milliers d’autres détails à révéler, mais nous achèverons là cette longue, et pesante, description des différents gameplays de Spore pour passer à l’essentiel : la qualité du jeu.

 

Altius fortius

 

La dernière œuvre de Will Wright est un bien drôle de machin. Que l’on distingue chaque mode ou que l’on envisage le jeu dans son ensemble, un constat s’impose rapidement : les mécaniques de jeu oscillent entre la bonne médiocrité et la catastrophe pure et simple. Toutes souffrent à la fois d’une trop grande répétitivité et de l’absence de raccourcis et d’automatisations qui soulageraient le joueur de certains aspects pénibles, notamment dans la Phase Espace, où la liste des tâches est proprement ahurissante. A l’usage, il est impossible de ne pas voir que Maxis ne sait pas faire de vrais jeux vidéo. Si les options de personnalisation de la créature, des véhicules ou des planètes sont bien pensées, les phases purement ludiques accumulent les tares. Même des séquences aussi basiques que les combats s’avèrent bancales, bien qu’assez faciles. Spore est un titre très accessible, mais l’agacement pointe à chacun des innombrables affrontements, à chaque voyage stellaire mené pour récupérer quelques unités d’épice, à chaque espèce malencontreusement perdue parce que le rayon de capture de votre soucoupe volante est imprécis et peu maniable. Profondément imparfait, ce titre forcément à part et dont l’ambition ne pouvait, à l’heure actuelle et malgré les moyens dont disposait Will Wright, être techniquement pleinement assouvie, a toutefois une énorme qualité : il est parfaitement addictif. Spore bénéficie de l’effet Maxis, le même qui a condamné des millions de joueurs à prendre des vacances forcées à chaque nouvelle sortie de Sim City ou des Sims. S’il est encore possible de rester indifférent aux quatre premières parties, le piège se referme au moment où votre civilisation s’élance vers l’espace. Les heures se succèdent alors sans que les pupilles quittent jamais l’écran. C’est à cet instant, alors que les premiers systèmes solaires tombent sous l’emprise de votre race conquérante, que l’on évalue pleinement le chemin parcouru, depuis le bouillon de culture primitif jusqu’à cet expansionnisme sans bornes. Les défauts rédhibitoires sont oubliés et le but de votre création, le sens de toute cette existence, et expérience, virtuelle, vous est pleinement révélé : avancer, progresser, encore, toujours. La devise de Will Wright, en quelque sorte.




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