*Test* SNK HEROINES : plaisir coupable ou instant gênant ?
9 20
Avec l’investissement important consenti par SNK dans la création de KOF XIV, l’éditeur/développeur japonais se devait de rentabiliser ses coûts de production. Réaliser un spin-off 100% girly de son dernier jeu de baston n’était pas une mauvaise idée sur le papier, les fans y voyaient même une envie de rendre hommage à Gal Fighters. Mais une fois le jeu lancé, il faut bien admettre que c’est la débandade. L’habillage kawaii + otak’ pervers se révèle être au final un brin malaisant, tandis que le gameplay, charcuté au cutter sur l’autel de l’accessibilité mainstream, montre ses limites en quelques minutes. À cela, il faut ajouter des choix de game design douteux (guard button, l’impossibilité de se baisser, obligation de conclure un match par une furie) qui auront raison de ce jeu qui ne sait finalement pas sur quel pied danser. Parce qu’à vrai dire, on ne sait vraiment pas à qui SNK Heroines s’adresse. En tout cas, pas à nous.
- La suite spirituelle de Gal Fighters
- Des combos sympas à réaliser
- Lady Terry Bogard
- Un plaisir coupable pour les yeux
- Habillage kawaii / otak’ douteux
- La garde placée sur un bouton
- On ne peut pas se baisser (!)
- L’obligation de conclure un match par une furie
- Les items en jeu : zéro intérêt
- Contenu famélique
- S'adresse à tout le monde et à personne
Réputé pour son sens de la technicité quand il est question de Versus Fighting, SNK a depuis changé son fusil d’épaule. Non pas que le dernier KOF XIV a bridé son gameplay pour les sacro-saints joueurs mainstream, mais la firme japonaise a compris qu’adapter sa stratégie (marketing comme commerciale) aux exigences d’un marché en perpétuel changement peut être payant. Malgré l’arrivée de Ledo Millennium au capital, le développement de KOF XIV a été coûteux, notamment le moteur maison qu’il faut à tout prix rentabiliser. C’est à partir de ce postulat que la décision de développer SNK Heroines a été prise. Avec un gameplay simplifié (pour ne pas dire raboté), un enrobage ultra kawaii, le parti-pris de se focaliser uniquement sur des personnages féminins, hyper sexualisés en prime, SNK ne s’est-il pas égaré en allant trop loin dans son délire ?
Proposer un casting full féminin n’est pas une grande première pour SNK à vrai dire. Rappelez-vous, en 2000, on avait déjà eu le droit à Gal Fighters sur NeoGeo Pocket, un titre qui réunissait l’ensemble des plus grandes héroïnes de l’école SNK pour un pugilat festif, rigolo et kawaii, le design Super Deformed aidant beaucoup. SNK Heroines : Tag Team Frenzy pourrait être assimilé comme étant une suite spirituelle, à la différence près qu’il a opté pour un design qui tranche radicalement avec les productions habituelles de la firme d’Osaka. Si l’on sait le Japon friand de petites – jeunes – filles en culotte et string, on était loin d’imaginer que SNK était prêt à sexualiser à outrance ses icônes féminines. Certes, Mai Shiranui et ses quelques bouts de tissus qui font office d’habits sont le contre-exemple parfait, mais les créateurs de SNK Heroines ont réussi à aller encore plus loin, en la déshabillant davantage. Pire, les tenues les plus affriolantes dans le jeu sont accessibles par défaut, tandis que les costumes originaux de chaque combattante sont à débloquer en finissant le mode "Histoire" qui leur est dédié. C’est dire à quel point la notion de perversion est au cœur du jeu, justifié d’ailleurs par un scénario à peine digne d’un vieux porno. On découvre en effet avec stupéfaction que Kukri (l’un des nouveaux persos de KOF XIV, capable de manipuler le sable) est un pervers notoire et que son plaisir coupable est de mater les filles à leur insu. Pour satisfaire ses pulsions sexuelles, il a décidé de capturer, ou plutôt kidnapper, la plupart de ces demoiselles via un ordinateur ultra puissant qui permet de les garder dans une dimension parallèle. Et comme Kukri doit également aimer les combats de boue géants, il a décidé de toutes les confronter dans des combats truffés de cœur, de poupées et de peluches, qui remplacent ici tous les effets visuels liés aux impacts infligés par les coups. Un vrai scénar’ WTF qui n’est, soyons honnêtes, pas pour nous déplaire, d’autant qu’une telle proposition en 2018 à l’ère des hashtags revendicatifs, ça reste culotté, il faut bien l’avouer. Même au Japon.
FOR YOUR EYES ONLY
Malheureusement, il n’y a pas que l’enrobage qui risque de faire jaser, le gameplay de SNK Heroine a lui aussi subi les foudres d’un marketing persuadé qu’en virant toute l’approche technique de KOF XIV va permettre au grand public d’accrocher aux combats. Exit les quarts de cercle, les demi-cercles ou bien encore les furies ultra complexes à exécuter ; ici, tout se déclenche à l’aide d’une touche et d’une simple direction. Pire encore, pour se protéger, il faut dorénavant appuyer sur le bouton de garde (comme dans Dead or Alive ou bien encore Mortal Kombat) et non plus via la direction Arrière. À quel moment, dans un quelconque brainstorming entre développeurs, on valide le fait que le Guard Button est plus « grand public » que la touche Arrière ? Le pire, c’est que les incohérences ne s’arrêtent pas en si bon chemin, SNK ayant pris la décision débile d’empêcher les personnages de se baisser. Inutile de relire la phrase, vous allez bien lu : dans SNK Heroines, il n’est pas possible de s’accroupir. MANGEZ BIEN VOS MORTS ! Comment ne pas partir en rage quand on vous balance à la face des aberrations pareilles ? Et qu’on ne nous dise pas que c’est mainstream, parce que ça serait prendre le pékin lambda pour le premier des Mongoliens.
À quel moment, dans un quelconque brainstorming entre développeurs, on valide le fait que le Guard Button est plus « grand public » que la touche Arrière ?
Pour ce qui est du game system, sachez qu’on joue une équipe de 2 combattantes, partageant la même jauge de vie commune, tandis que la barre de Super et celle liée aux combos sont à l’inverse dissociés. L’idée n’est pas mauvaise en soi, puisqu’elle insuffle une certaine part de stratégie dans les combats, poussant le joueur à rester alerte, puisque le combat peut se terminer à tout moment, même avec 2 persos. Là où ce système devient complètement absurde, c’est que pour achever son adversaire, il faut le faire avec une furie (Dream Finish), une frappe basique n’ayant aucun effet sur son adversaire qui peut continuer à rester debout. Cela signifie qu’il n’y a qu’une seule et unique façon de conclure un match, alors que la beauté d’un jeu de baston, c’est de pouvoir varier les situations, notamment quand vient le moment de terminer l’ennemi. Remporter un combat sur une petite pichenette peut être parfois plus gratifiant que de sortir un Dream Cancel. Et ce n’est pas à SNK qu’on est censé leur apprendre ça pourtant…
Histoire de rajouter un peu de piment lors des pugilats, sachez que des items peuvent faire irruption en plein match. Des bonus ou des malus envoyés par les co-équipières restées au fond du décor et qui sont censés nous aider ou pénaliser le concurrent. Orbe pour regagner un peu de vie, bombe, peau de banane ou bien encore écran entièrement pixellisé, à vrai dire, on n’a jamais compris l’intérêt d’intégrer des collectibles dans un jeu de baston se déroulant sur un même plan. Cependant, tout n’est pas noir dans SNK Heroines et ce dernier, malgré un gameplay tranché au katana, parvient à proposer quelques moments de jeu sympathiques, notamment dans la possibilité de switcher d’un personnage à un autre, et autoriser des enchaînements de coups parfois intéressants, sinon gratifiants. Bien entendu, nul besoin d’avoir été biberonné au Versus Fighting dans sa jeunesse pour réaliser ces exploits, le titre de SNK autorisant les auto-combos à foison avec matraquage de bouton unique. La command list n’étant pas chiche, il y a de quoi se faire plaisir en matière de combos, d’autant que les juggles sont bien présents. Malgré ces rares moments de baston intenses, SNK Heroines ne restera pas dans les mémoires, la faute à une approche bancale qui ne satisfera ni les profanes ni les experts du stick arcade. Reste alors l’otak’ pervers qui s’amusera à aller jusqu’au bout du mode Histoire avec le maximum de teams possibles pour débloquer chaque cinématique de fin. Ce dernier pourra aussi débloquer toutes les tenues alternatives, acheter toutes sortes de bonus cosmétiques via la monnaie virtuelle pour customiser ses poupées virtuelles préférées. On vous avouera qu’on a un petit faible pour Lady Terry Bogard, sans doute la vraie surprise de ce jeu de baston un peu OSEF.