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- De quoi se prendre la tête pendant des dizaines d’heures, chouette !
- Bestiaire Mytho/Démonologique éclectique et intéressant
- Les 15€ économisés sur le prix du jeu permettent de s’offrir un bon jeu d’occasion
- Ambiance minable
- Succession soporifique de donjons sans âmes
- Fréquence des combats grotesque
- Intrigue sans intérêt
- Aberrations dans le système d’évolution
- Difficulté élitiste
- Bande-son à revoir totalement
- On continue le massacre ?
Apparue pour la première fois sur Famicom, Megami Tensei (MegaTen pour les intimes) est une série ancestrale du RPG japonais qui existe depuis les années 80. L’évocation de son thème récurrent laissait présager quelque chose de fondamentalement différent des aventures exotiques et oniriques dans lesquelles les Japonais de Square Enix ou de Namco ont l’habitude de nous promener. Et c’est le cas. Mais il ne suffit pas de s’afficher "différent de Final Fantasy" pour mériter la gloire et s’autoproclamer référence alternative, loin de là. Chronique d’une franche désillusion.
Jugez plutôt : il s‘agit d’évoluer dans un Japon moderne consumé par un contexte occulte. Les jeux de la série entraînent le visiteur dans un monde ou se mêlent religions alternatives et toutes sortes de contes et légendes ténébreuses de moult horizons. On peut d’ailleurs relever une explication au fait que la série n’ait jamais reçu son droit de visite dans l’occident jusqu’alors : imaginez l’air offusqué de la mère de famille texane devant une œuvre qui représente plus majestueusement le très déchu Lucifer que notre brave icône barbue Judéo-Chrétienne. Reste que pouvoir côtoyer Dieux et Démons issus des cultures du monde entier fait office de sacré bon point de départ. C’est un joli travail de recherche que nous offre le character designer Kaneko Kazuma en nous proposant en sus une petite description des origines de chaque créature. Un panel qui couvrira la toujours bienvenue succube (irrésistible créature occidentale qui abuse sexuellement de pauvres hommes pendant leur sommeil) en passant par des divinités plus méconnues d’origines scandinaves, hindoues ou égyptiennes, mais surtout un bon paquet de kami (Dieux de la nature et mythes fondateurs de la religion d’état japonaise, le Shintoïsme).
Il faut laisser Lucie faire
Shin Megami Tensei : Lucifer’s Call emprunte le contexte d’un Japon moderne teinté d’apocalypse, familier aux lecteurs de manga comme X, Tôkyô Babylone ou plus récemment Léviathan. Votre aventure démarre lorsque le monde tel qu’on le connaît prend fin sous vos yeux. C’est la "Conception", acte charnier d’un cycle perpétuel qui consiste à détruire un monde pour participer à sa renaissance. Par un heureux hasard, il se trouve que votre avatar survit en tant que Démon et sera à même de survivre et d’explorer les nouvelles lois d’un Tôkyô qui se veut post-apocalyptique, mais pas franchement étudié. L’absence de manichéisme dans le scénario ne rattrape malheureusement en rien les carences évidentes d’une trame qui n’accroche le joueur à strictement aucun moment. Vous serez amené à répondre à des questions qui tombent comme des cheveux sur la soupe, permettant de définir votre orientation morale, laquelle vous conduira à l’un des trois dénouements disponibles. Serez-vous un Démon pur jus, un individualiste ou bien une créature humaniste ? Vous le découvrirez si vous possédez le courage nécessaire pour aller au bout, ce qui est loin d’être gagné d’avance. Ce que nous avons devant nous n’est rien d’autre qu’un véritable gâchis, aussi bien ludique que narratif, compte tenu des possibilités offertes par l’amalgame des croyances et des créatures issues des quatre coins du globe.
Venons en aux autres particularités de Shin Megami Tensei : Lucifer’s Call et qui contribuent à nous ramener on ne sait trop combien d’années en arrière, tant on a la sensation que ce jeu ignore certaines règles de bienséance. Sachez tout d’abord que vous incarnerez un personnage principal autiste et complètement impersonnel, à l’instar de Suikoden IV pour prendre un exemple récent. Ce procédé, qui dans l’esprit des concepteurs doit sans doute servir à faciliter l’identification du joueur, est déjà guère louable en soi, mais MegaTen va bien plus loin puisqu’il n’existe personne dans votre équipe pour vous donner la réplique ! Tous vos coéquipiers seront les vils Démons que vous aurez réussis à enrôler dans votre excursion peu entraînante et dont il faudra régulièrement se séparer en vue de créatures autrement plus fortes. Ce principe permet certes d’assurer un minimum de variété mais bonjour l’ambiance et le charisme de certaines bestioles ! Pour les sensations d’empathie et d’immersion propre à tout bon schéma narratif, on repassera. La progression du "scénario" s’effectue donc uniquement par le biais de quelques rares et brèves rencontres avec les humains réchappés de la "Conception" et errant dans ce monde grotesque : vos potes de collège mous du bulbe, un adepte des sciences occultes qui passe son temps à étudier les points de sauvegardes, ou encore le terrible grand méchant et son non moins redoutable costume à pois.
Dante et rêve
Ce ne sera pas une surprise compte tenu de l’âge du soft et de son obscurantisme ambiant, Shin Megami Tensei : Lucifer’s Call est moche. A sa réalisation périmée (que compense un peu quelques jolis morceaux de character design) s’ajoute quelque chose de bien plus grave. Les donjons sont les héritiers des jeux d’aventures ancestraux ou l’on progressait dans les couloirs à la 1ère personne. On retrouve un peu cette ambiance, aujourd’hui carrément obsolète, avec une vue placée derrière le personnage, lequel se promène mollement dans de longs, vilains, vides et interminables couloirs sans âme. Souvent bien lourdingue à cause d’un level-design industriel, la progression dans les donjons (90% du jeu) est toutefois facilitée par une carte très lisible qui deviendra vite votre meilleure amie.
Le système de magie et de personnalisation a au moins le mérite d’être concis. Il est tout simplement impossible de customiser quoi que ce soit sur ses alliés ! Ni armes, ni armures, ni accessoires, rien. Seul le héros peut se parer d’une pierre sacrée appelée Magatama, laquelle lui confère généralement une immunité particulière mais également une faiblesse. C’est aussi en fonction du Magatama équipé que dépend la nature de votre prochain sort (on obtient principalement des sorts en gagnant un niveau). Et on tient certainement là une des plus grandes errances du soft : il est impossible de se constituer les bons sorts en temps voulu ! Le leveling étant particulièrement lent et soporifique (la commande d’attaque automatique n’est pas là par hasard) n’espérez pas pouvoir concocter une configuration très personnelle et encore moins pouvoir l’adapter aux nécessitées de tel ennemi qui vous bloque le passage. Car, ne riez pas, les rares autres possibilités d’évolutions sont complètement aléatoires ! Je m’explique. A l’issu d’un niveau gagné, votre Pokémon, ou bien votre Magatama dans le cas du héros, va vous demander si vous désirez “modifier un pouvoir”. En l’y autorisant (il est en effet logique de vouloir acquérir des sorts plus puissants dans un RPG) vous risquez de dire adieu à votre indispensable sort de soin généraliste qui disparaît pour laisser la place à un nouveau sort surprise, comme celui qui permet… d’augmenter la fréquence des combats. Mais quelle bonne idée, Gaston !
Concédons tout de même une possibilité intéressante, la Fusion de deux monstres. Pour une fois le jeu enlève sa tenue de sado-maso et vous laisser parfaitement voir à l’avance quelles sont les capacités du monstre qui résultera de telle fusion, de sorte que le joueur ne jouera pas au petit chimiste à l’aveuglette et ne risquera donc pas de perdre inutilement ses collègues. Il ne s’agit pas pour autant d’un passage obligé étant donné que les Démons issus du sacrifice des deux autres ne sont pas exclusifs, nous avons tout à fait la possibilité de les rencontrer un peu plus tard pour les enrôler. Mais le tableau noir est loin d’être fini. J’ajouterais que la difficulté du soft est éhontée dans la mesure où il suffit que le héros seul tombe au champ d’honneur pour avoir un joli écran de fin de partie. Bien sur c’est le genre de chose qui fait moins rire lorsqu’on découvre qu’une grosse partie des adversaires dispose de sorts de type "mort" permettant de faire tomber l’épée de Damoclès en un tour. Une non tolérance à l’échec d’autant plus inadmissible pour un jeu dont le marketing tourne autour d’un appât à casual gamers nommé Dante (Devil May Cry). Même habitué à jouer les guest star, on se demande franchement ce que le fils de Sparda est venu faire dans cette galère au lieu de jouer à God of War, d’ailleurs lui aussi, vu son faible degré d’implication. Le jeu propose pourtant le choix du niveau de difficulté (entre "normal" et "dur", la belle affaire) alors pourquoi, sachant pertinemment que la série est réputée pour sa difficulté, ne pas avoir proposé un mode "facile" pour laisser un peu d’espoir aux occidentaux pas encore suffisamment familiers à un type de jeu de rôle aussi tortueux ? Ce ne sont sans doute pas les deux apparitions et monologues de Dante qui inciteront le joueur non acharné à continuer le dialogue, pas plus que les textes et la narration abscons de cette production qui semble réellement venir d’un autre monde, dont on ne souhaite ne jamais faire partie. Non vous ne rêvez pas, à l’heure ou chacun s’estime encore bien redevable que des éditeurs comme Codemasters (Magna Carta), Ubisoft (Star Ocean), ou Midway (Shadow Hearts) nous distribuent du RPG sur un plateau, c’est bien la première fois que je m’abstiendrais de m’extasier devant l’arrivée d’une nouvelle franchise du genre sous nos latitudes, tant il y a mieux ailleurs.
Coup de griffe
Rien à faire, le jeu de Atlus brille par son absence totale de plaisir de jeu. En dehors, tout de même, de la satisfaction personnelle en cas de victoire contre ces boss terriblement hargneux. Ceux-ci sont exigeants au point qu’il faille trouver la (souvent unique) bonne technique à employer. Ce qui aurait pu être un petit délice pour les amateurs de stratégies et de combats longs et étudiés si seulement le système d’acquisition des compétences (le soutien, notamment, est particulièrement significatif) n’était pas aussi mal fichu et scandaleusement aléatoire ! Ce qui sauve finalement ce bien mauvais ambassadeur de la noyade reste sa durée de vie très étendue (en partie due à la longueur des niveaux, à leur level-design alambiqué et à une fréquence de combat excessive) ainsi que sa richesse. Enfin, une richesse toute relative dans la mesure où ce succédané de RPG se permet de ne proposer aucune quête secondaire, hormis l’éradication des "Maudits", une tâche plus nécessaire que secondaire si on veut profiter des rares moments intéressants du scénario.
Une succession d’aberrations ludiques qui se permet en plus de faire durer la torture particulièrement longtemps. Totalement dénué d’âme, pas enchanté pour un sou mais particulièrement désenchanteur, sa narration arthritique est au service d’une intrigue bas de plafond. A réserver aux stakhanovistes (pour ne pas dire autistes) du genre, qui arriveront peut être (je dis bien peut être) à prendre du plaisir à regarder se dérouler des combats monotones toutes les deux secondes dont les tenants et aboutissants ludiques relèvent de la tartufferie à peine masquée.