Test Resident Evil 2 : quand Capcom livre un remake remarquable ! sur PS4
18 20
- Une réalisation de premier ordre, et le tout en 60fps
- Un rythme savamment bien entretenu
- Un magnifique hommage à la version de 1998
- Une intelligence de level design comme on n'en fait plus
- Un stress constant et progressif
- Une rejouabilité bien présente (scoring + bonus à débloquer)
- Un retour aux sources définitivement réussi
- L'exemple même d'un excellent remake
- Des doublages français plutôt kitsch
- Une toute fin quelque peu bâclée
- Trop de similarités entre les deux campagnes
Le moins que l’on puisse dire, c’est que Resident Evil 7 a su redorer le blason d’une licence absolument culte mais indéniablement en perte de vitesse. Bien conscient de cette réanimation maitrisée de fond en comble, Capcom n’allait pas s’arrêter en si bon chemin et, à défaut de donner suite à la saga par un nouvel opus canonique, a choisi de prolonger les codes de l’horreur au travers d’un remake furieusement attendu. Resident Evil 2, sorti en 1998, reste incontestablement l’un des grands chefs-d’œuvre de l’épouvante vidéoludique, étirant le concept novateur de son prédécesseur avec plus d’ambition et d’assurance. Un épisode inscrit au panthéon du Dixième Art : forcément, et même si les développeurs souhaitent lui rendre un hommage conséquent, un poids inestimable pèse sur leurs épaules. Le poids du passé, des codes originaux du survival-horror, des mémoires de millions de joueurs qui, fébrilement, patientent pour redécouvrir la glauque aventure de Leon S. Kennedy et Claire Redfield sous les hospices de la technologie moderne. Pari réussi pour la firme d’Osaka ?
En réalité, cela fait quelques temps que le remake de Resident Evil 2 est dans les cartons. Depuis 2015, très exactement, l’année d’annonce du projet qui aura, par la suite, provoqué un mutisme quasi-complet de Capcom pendant trois ans. Il aura fallu attendre l’E3 2018 pour un premier trailer en bonne et due forme, initiant moult frissons de la part d’une communauté solide et entièrement dévouée. Pile poil deux décennies après la sortie du jeu original, la fameuse refonte semblait, enfin, bien partie pour tout casser dans l’industrie. On peut dire ce que l’on veut de la politique commerciale de Capcom, souvent au cœur de débats et polémiques, mais ses cerveaux de développement restent définitivement impressionnants pour ce qui est de concevoir et penser un jeu vidéo. Cette refonte passionnée en est un bel exemple puisqu’elle a l’audace de faire rencontrer deux fronts, celui de l’old-school en respectant minutieusement son architecture, et celui de la nouvelle-école, en piochant dans une technologie et un gameplay affinés. Un combo brillant pour une aventure nerveuse réservée aux plus solides.
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Très au chevet des nombreuses caractéristiques ayant établi le charme de l’épisode original, Capcom n’y est pas allé de main morte et a, ici, mobilisé une équipe de plus de huit cents développeurs. Un staff impressionnant qui montre bien la détermination de l’entreprise à pondre une aventure à la hauteur. À l’instar du jeu de 1998, Resident Evil 2 propose ainsi deux campagnes : celle de Leon S. Kennedy, flic exerçant son premier jour de service dans la police de Raccoon City, et de Claire Redfield, à la recherche de son frère Chris, mystérieusement disparu. Dans chacune d’entre elles, les personnages jouables diffèrent, tout comme leur scénario et leurs intervenants. Deux aventures complètement différentes sur un seul disque, c’est ce que promet Capcom même si force est de constater que les deux périples sont résolument similaires. Sans doute même un peu trop. Nous y reviendrons plus tard : pour le moment, il est important de s’attarder sur ce qui fait leur plus grande force et, certainement, aussi l’un des plus beaux arguments du jeu tout entier : un rythme merveilleusement bien géré pour un voyage cauchemardesque comme il manque trop souvent.
C’EST DE TOUTE BEAUTÉ
Très honnêtement, nous restions toujours un peu dubitatifs quant à l’idée de remettre le zombie sur le devant de la scène. Élément surexploité du monde culturel, celui-ci a perdu de sa superbe, pire, il lasse de plus en plus de monde depuis quelques années maintenant. Ce n’est un secret pour personne, les Japonais sont particulièrement bons quand il s’agit d’œuvrer dans l’horreur et Resident Evil 2 ne déroge pas à la règle : oui, les morts-vivants sont toujours terriblement flippants et, oui, ce remake n’est pas pour les fragiles. Pour aboutir à ce résultat, Capcom a tout d’abord opté pour une optimisation impressionnante de son moteur, le RE Engine, initié avec Resident Evil 7 et permettant des rendus quasiment photo-réalistes. L’ensemble du jeu s’avère franchement sublime, que ce soit dans les modèles 3D, les animations faciales ou les effets de lumière épatants : de ce fait, il est forcément plus efficace de retranscrire la sensation d’épouvante quand on se retrouve face à des zombies plus vrais que nature. Les viscères sont monnaie courante, l’hémoglobine luit sur les murs et les jeux d’ombre permettent d’intensifier merveilleusement une mise en scène intelligemment pensée. Presque constamment plongé dans le noir complet, le joueur doit avancer dans des couloirs sinueux ou le danger rôde à chaque recoin. L’univers n’est pas qu’agressif, il est oppressant et la vue derrière l’épaule – traditionnelle depuis Resident Evil 4 – l’appuie réellement bien. D’un point de vue atmosphérique, le soft est une réussite clinquante qui doit beaucoup à sa réalisation technique infaillible. Son travail sonore n’est pas en reste : c’est certainement l’un des plus efficaces de cette génération et jouer avec un équipement surround relève d’une très, très grande satisfaction.
ON N’EST PAS TOUT SEUL
Mais, par-dessus-tout, Capcom est parvenu à jouer avec les codes de l’épouvante moderne tout en respectant ceux des années 90. Le commissariat, les égouts et leurs différentes scènes cultes sont tous de retour et s’avèrent finement retravaillés. Si les environnements sont reconnaissables et jouent assurément sur la fibre nostalgique – c’est un véritable bonheur, entre nous – la cure de jouvence est telle qu’elle a également demandé de revoir certains pans entiers. C’était quasiment inévitable et l’on se retrouve donc avec la suppression de plusieurs pièces/scènes/énigmes au profit de toutes nouvelles, se greffant de façon très homogène et pertinente. Le bestiaire s’avère, lui aussi, particulièrement fidèle et, bordel, jamais les lickers n’auront été aussi terrorisants. Sans vous gâcher les autres surprises, le légendaire Tyran qui faisait déjà à l’époque partie des antagonistes les plus détestés du jeu vidéo (et c’est un bon point) fait là un retour tonitruant. Un Némésis ultra-stressant pendant une bonne partie de l’aventure, sincèrement bien géré et qui vient pimenter un rythme déjà bien relevé. Dans Resident Evil 2, il n’est pas que question de jump-scares consécutifs et de rouages grossiers : c’est une angoisse qui se concrétise aussi sur la durée et qui s’étire inlassablement.
Mais, par-dessus-tout, Capcom est parvenu à jouer avec les codes de l’épouvante moderne tout en respectant ceux des années 90.
Comme l’indique très clairement le terme "survival-horror", il s’agit avant tout, littéralement, d’être en galère le plus souvent possible. D’en suer, de se creuser les méninges, de s’acharner pour atteindre son objectif. Largué dans des environnements labyrinthiques, on se doit d’avancer, d’ouvrir des portes scellées et de s’extirper de ce cauchemar géant dont les griffes se sont déjà refermées sur nous depuis longtemps. Les fameuses mécaniques typiques de Resident Evil refont alors surface : il faut résoudre des énigmes alambiquées en récupérant d’innombrables objets (les fameuses clés à couleur sont de retour) dans les moindres mètres carrés des multiples zones, sans vraiment savoir ce qui sert à quoi, et, surtout, où ils se trouvent. S’en suit alors un terrible casse-tête géant, une enquête minutieuse où l’analyse manuelle des objets est primordiale et où l’examen des différentes notes écrites demande d’y déceler les possibles sens cachés. Concrètement, on se retrouve alors à, en premier temps, dompter le level design pour ne pas s’y perdre géographiquement en regardant la carte toutes les trente secondes, puis à réfléchir rationnellement au moyen le plus viable de résoudre tel problème. Des ficelles bien connues par Capcom, exigeant d’innombrables allers-retours et qui font toujours mouche, même vingt ans plus tard. Resident Evil 2 est loin, tellement loin d’être un simple jeu d’action accessible !
De plus, le caractère survivaliste est largement renforcé par la vulnérabilité de notre personnage. Que ce soit Claire ou Leon, le protagoniste n’est jamais qu’un humain largué au milieu des enfers d’Umbrella et dont les ressources viennent à manquer à peu près constamment. La taille de l’inventaire, au début très limité, tend à s’agrandir avec l’acquisition de nouvelles sacoches pour y déposer plus d’objets : seulement, tout dépend de votre flair et non seulement vous pouvez passer à côté des upgrades, mais ceux-ci demanderont parfois réflexion pour les récupérer. À Raccoon City, tout se mérite. Il en est de même pour les armes, assez limitées, dont certaines s’avèrent difficiles d’accès : les munitions sont également très précieuses et leur gestion doit s’effectuer avec une véritable parcimonie, craft à l’appui. Les fameuses herbes, qui servent à restaurer notre santé ou éliminer les toxines, manquent aussi vite à l’appel et suivent le même chemin. Mieux encore, même les couteaux, qui permettent maintenant de se sortir d’une situation in-extremis (il est possible, avec les grenades flash ou à fragmentation, de se sortir d’une choppe ennemie sous peine de se faire blesser) sont des éléments qui se détériorent au fil de leur utilisation. Resident Evil 2 est donc un titre particulièrement exigeant, et c’est cette même exigence qui en fait l’une de ses plus puissantes qualités. Tous nos sens sont en alertes et, pour peu que vous augmentiez la difficulté (en mode Hardcore, les sauvegardes sont par exemples limitées), le sentiment d’infériorité n’en est que plus que flagrant. Le plus chouette dans tout cela, c’est que Capcom est parvenu à doser minutieusement ces manques de ressources pour que l’on soit toujours en position de faiblesse… mais jamais bloqué. On trouve toujours, à un moment ou un à un autre, un moyen de progresser timidement dans l’histoire : en dénichant une poudre dans un tiroir que l’on transformera en chevrotine, en récupérant un spray de premier-secours dans un coffre-fort dont la combinaison aura été subtilement trouvée sur une photo, ou bien en allant fouiller ce cadavre que l’on n’osait approcher par peur qu’il ne soit pas si mort que ça… On sent que les développeurs ont pensé à tout et ont exploité chaque millimètre, chaque pièce et chaque armoire dans un bon sens évident.
ÇA COULE DE SOURCE
L’un des plus grands challenges résidait sûrement dans la restranscription d’un gameplay tourné vers l’action – le fameux côté TPS introduit avec l’excellent quatrième chapitre – au sein d’une ambiance horrifique. À ce niveau, Capcom s’en sort particulièrement bien puisque malgré la visée à l’épaule, les affrontements demandent un sang-froid tout particulier. Tout d’abord, le réticule de visée met un certain temps à se rétracter et s’élargit à chaque balle tirée. Une mécanique toute bête mais qui empêche le joueur d’aligner les headshots, d’autant plus que le recul de l’arme est aussi à prendre en compte. Et s’il est bien possible de viser tout en se déplaçant, on ne peut que se mouvoir lentement. Léon, tout comme Claire, ne sprinte pas comme un chef et n’effectue pas des roulades à s’en exploser la colonne. Le gameplay préfère miser sur le réalisme et la fluidité, aussi grâce à des animations détaillées, et renforce ainsi la crédibilité du personnage dans son environnement. Assurément, le gameplay est maîtrisé de bout en bout et permet même quelques évolutions grâce à l’upgrade de certaines armes, permettant ainsi une meilleure stabilité ou précision. Que l’on soit clair pour autant : le premier run de Resident Evil 2 est clairement le plus sensationnel, le plus intense et le plus marquant. Un parcours diabolique et délicieux d’une dizaine d’heures dont on ressort un poil lessivé, mais dans lequel on replongera pourtant avec curiosité afin d’y découvrir les nombreux secrets restants. Un plaisir malsain ? On y est presque.
Assurément, le gameplay est maîtrisé de bout en bout et permet même quelques évolutions grâce à l’upgrade de certaines armes, permettant ainsi une meilleure stabilité ou précision.
Pourtant, tout n’est pas rose dans ce remake impressionnant. Tout d’abord, son scénario relativement fragile bénéficie d’une écriture simple et, évidemment, déjà vue et revue depuis toutes ces années. Si l’on apprécie les dialogues plutôt sobres qui ne font pas dans la surenchère nipponne que l’on pouvait redouter, la toute fin du jeu semble extrêmement précipitée, accentuant étrangement les relations des personnages pour un épilogue à l’eau de rose peu justifié. On doit avouer que les crédits de fin arrivent de façon surprenante et qu’il manque, tout de même, cette petite chose pour nous rassasier définitivement. Heureusement, une fin secrète est à débloquer pour les curieux. Pour ce qui est des deux campagnes, il ne faut surtout pas s’attendre à deux histoires réellement distinctes et c’est sans doute là que le bât blesse : alors que, dans le scénario, Leon et Claire sont sensés évoluer en parallèle dans le même environnement avec chacun des événements qui leur sont propres et s’entrecroisant, ici, ils se retrouvent tous deux à parcourir les mêmes lieux, à faire les mêmes énigmes et à affronter les mêmes boss… Ce qui n’a, du coup, plus aucun sens et qui équivaut presque à deux timelines totalement opposées. Forcément, cela occasionne une certaine lassitude quand on refait le jeu aussitôt avec un autre personnage.
Alors, bon, ne soyons pas non plus mauvaise langue : il existe bien quelques différences notoires, à commencer par un arsenal résolument différent (Léon disposera d’un fusil à pompe ou d’un lance-flamme tandis que Claire pourra récupérer un lance-grenade ou un fusil électrique) et des séquences exclusives. D’ailleurs, ces dernières sont véritablement bien pensées et permettent une bouffée d’air frais conséquente, ce qui nous conforte dans l’idée que deux campagnes réellement différentes aurait été tout simplement géniale et pertinente (bien que l’on comprenne la difficulté, technique comme financière, d’exécuter un tel projet). Ainsi, comptez une dizaine d’heures pour votre première campagne puis entre trois et quatre heures de moins pour votre deuxième, les différents mécanismes de l’aventure ayant été logiquement assimilés. Capcom a cependant pensé à la rejouabilité : le mode The 4th Survivor, incluant Hank et Tofu (déjà disponibles dans la version originale) est à débloquer et viendra étendre un peu la durée de vie. Par-dessus tout ça, une tonne de défis est disponible, lesquels donneront lieux à plusieurs bonus comme des munitions illimitées, des modèles 3D dans le musée, des tenues et autres bonus croustillants. Clairement, Resident Evil 2 est un jeu qui peut s’apprendre par cœur avec une vraie dimension scoring, chaque fin de partie se résultant par une note en fonction de votre temps et de votre nombre de sauvegardes. Il existe même des challenges demandant de terminer le jeu en moins de quatre heures, ou en faisant moins de 14 000 pas ! Un titre à la replay value appréciable, donc, du moins si vous vous sentez assez musclés pour embrasser de nouveau son atmosphère lugubre et défier vos nerfs une énième fois. Sincèrement, on vous le recommande chaudement : l’année 2019 commence beaucoup trop bien pour ne pas en profiter.