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Fort d'une direction artistique marquante et d'une ambiance délicieusement sombre, Little Nightmares ne manque clairement pas de charme. On passe donc un bon moment en sa compagnie, mais ce moment est hélas de courte durée. Les trois ou quatre heures nécessaires pour boucler l'aventure laissent incontestablement un goût de trop peu. Mais le plus problématique reste tout de même le sentiment permanent de jouer à un clone de INSIDE. Et ce n'est pas l'ajout d'une petite troisième dimension dans les contrôles qui y change grand-chose. Au final, ce qui aurait pu être un bijou de créativité passe pour une simple copie, voire un travail de commande. Difficile de marquer l'histoire du jeu vidéo dans ces conditions...
- Direction artistique au top
- Univers bien glauque
- Une ou deux surprises scénaristiques
- Ambiance sonore discrète mais efficace
- Faible durée de vie
- Rappelle beaucoup trop le INSDIDE de Playdead
- Contrôles perfectibles
- Plein de questions sans réponse
Jusquà présent cantonné à de la sous-traitance (les DLC et la version PS Vita des LittleBigPlanet, c'est eux), le studio Tarsier a décidé de sortir de l'anonymat en 2017. Quoi de mieux donc que de se faire-valoir par une production indépendante à l'esthétisme léchée et à l'ambiance mystérieuse ? C'est à partir de ce postulat qu'est né Little Nightmares, que Bandai Namco Entertainment n'a pas hésité une seule seconde à prendre son sous égide. Enfilez votre ciré et préparez-vous à affronter vos peurs d'enfants, nous allons voir ce qu'il se cache "à l'intérieur" de ce jeu...
Vêtue d'un ciré jaune, la (toute) petite héroïne que vous incarnez s'appelle Six. Mais le jeu ne vous le dira jamais. Pas plus qu'il ne vous expliquera ce qui amène cette pauvre enfant à se réveiller dans une valise perdue au fond d'une pièce sombre, qui est la grande geisha qui semble hanter ses nuits, que sont les étranges petits lutins à chapeau pointu que vous croiserez régulièrement ou encore pourquoi de monstrueux adultes difformes semblent emprisonner des enfants. La seule véritable révélation qui sera faite au cours de l'aventure concerne l'endroit général où vous vous trouvez (même si un sens aigu de l'observation suffit à en deviner la nature grâce à certains mouvements de caméra…). Autrement dit, Little Nightmares joue à fond la carte de l'ambiance et du scénario cryptiques.
200 MINUTES INSIDE
En faisant l'impasse sur toute narration au sens strict du terme (pas de texte ni de dialogue) le jeu se pare de mystère, quitte à laisser le joueur perplexe par moments. Notamment en tout début d'aventure, où même le gameplay n'est pas expliqué. Ainsi, vous croiserez dès vos premiers pas une statue représentant la geisha aperçue dans la minuscule cinématique d'introduction. En interagissant avec elle, Six se mettra à la porter. Naturellement, vous chercherez alors un endroit où la déposer afin de déclencher un quelconque mécanisme. En vain, car il s'agit juste d'un objet "de collection" qui doit être lancé et cassé pour être comptabilisé comme trouvé… Si le manque général de clarté n'est jamais réellement handicapant, on termine tout de même l'aventure avec un bon nombre de questions qui restent sans réponses. Heureusement, le jeu nous offre tout de même une ou deux évolutions scénaristiques intéressantes, à travers notamment la thématique de la faim. Inutile d'en dire plus, car ce serait gâcher le peu de propos exprimé à peu près clairement par le jeu. Une chose est sûre : l'ambiance pesante et sombre se trouve renforcée par ce manque d'explications, et on la pardonnera donc assez facilement.
Car l'atmosphère glauque dégagée par le jeu est assez fascinante. La direction artistique frappe fort et se permet même d'afficher des proportions totalement incohérentes, qui participent à installer encore plus le malaise.
Car l'atmosphère glauque dégagée par le jeu est assez fascinante. La direction artistique frappe fort et se permet même d'afficher des proportions totalement incohérentes, qui participent à installer encore plus le malaise. Ridiculement petite, Six croise régulièrement des objets trop grands pour elle mais résolument trop petits pour les géants dont elle croise le chemin. L'impression d'évoluer dans un rêve, ou plutôt un cauchemar, est permanente, et c'est un régal pour les yeux. Filtre granuleux sur l'image, couleurs délavées, lumière volumétrique et autres subtilités graphiques renforcent une patte artistique déjà fort plaisante à la base, qui multiplie les éléments faisant référence à l'enfance et les juxtapose avec un univers carcéral et violent. La bande son n'est pas en reste et, elle aussi, cherche à la fois à nous séduire et à nous inquiéter. Grincements métalliques, craquements du plancher, murmures mystérieux, grognements des créatures géantes, musique enfantine : toutes les boucles sonores s'infiltrent discrètement dans votre cerveau pour le déstabiliser. Avec un tel univers, le gameplay ne saurait évidemment jouer la carte de l'action pure. Little Nightmares est essentiellement un jeu de plateformes, mâtiné de petites énigmes et de quelques parties de cache-cache avec des créatures monstrueuses. Face aux aveugles aux grands bras ou aux cuisiniers à tête de poisson, il vous faudra régulièrement trouver refuge aux bons endroits et aux bons moments afin d'échapper à leur vigilance.
LIMBO BIMBO
A l'image d'un LIMBO ou d'un INSIDE, le jeu reste essentiellement un side-scrolling puzzle-platformer faisant la part belle au die and retry (RIP la francophonie…). Avec une petite subtilité par rapport aux deux exemples suscités : la possibilité de se mouvoir vers l'avant ou l'arrière du décor. Mais cet ajout ne s'avère finalement guère utile et il complique même certains passages, les contrôles manquant un peu de précision. On pourra également regretter la faible durée de vie du jeu, qui ne demande que trois ou quatre heures pour être parcouru (et qui se permet malgré cela d'afficher un inquiétant message de "recherche de contenu téléchargeable" au lancement…). Mais le plus gros défaut de Little Nightmares, qu'on aurait pourtant aimé adorer, réside probablement dans l'influence bien trop évidente du suscité INSIDE. L'ambiance, le gameplay, les personnages et même certains plans précis (par exemple celui où l'enfant que vous dirigez se trouve au premier plan tandis que des adultes évoluent mollement en file indienne au second...), absolument tout rappelle le titre de Playdead. Ce mimétisme bien trop prononcé est tellement évident que l'excellente plateforme GOG offre carrément Inside pour l'achat de Little Nightmares, alors que les développeurs et éditeurs des deux titres n'ont absolument rien à voir entre eux. Au passage, sautez immédiatement sur l'occasion si vous n'avez pas encore eu la chance de jouer à INSIDE ! Mais aussi intéressante soit-elle, cette offre sonne tout de même comme un terrible aveu...