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Donner une note à un jeu dont seul le premier épisode est disponible est un exercice on ne peut plus complexe et périlleux. Si l’on accepte aisément que les premières heures d’un jeu d’aventure ne peuvent révéler le véritable potentiel d’une intrigue qui se juge sur la longueur, on ne peut pas nier non plus les nombreuses errances côté gameplay dans Life is Strange. A mi-chemin entre une production Quantic Dream et celle de Telltale Games, le titre de Dontnod n’a cependant pas les qualités nécessaires pour se hisser au même niveau que les deux studios sus-cités. Alors oui, l’ambiance du jeu est plaisante, grâce notamment à une patte artistique qui fait mouche et une bande-son malicieusement choisie, mais les trop nombreux clichés et ce sentiment d’être constamment pris par la main gâchent quelque peu l’expérience. Pire, dans certains cas, les développeurs essaient même de nous faire culpabiliser, comme pour justifier ce système de rewind dont on demande à déceler le véritable intérêt. Reste que ce premier épisode, Chrysalis, ne demande qu’à se bonifier avec les prochains épisodes, sans oublier que son petit prix de 5€ ne ruinera pas non plus vos finances, même si vous n’accrochez pas à l’idée. Vous voilà donc prévenus.
Retrouvez plus bas la suite de notre test de Life is Strange
- Une patte artistique vraiment chouette
- Une bande-son mélancolique qui fait mouche
- L’idée du rewind
- Pas cher (5€)
- Beaucoup trop dirigiste, surtout dans le système de rewind
- De grosses lacunes techniques
- Un peu trop scolaire dans ses mécaniques de jeu
- Le générique d’intro gâchée
- Bourré de clichés, persos comme situations
- Synchro labiale ratée
La sortie de Remember Me en 2013 a failli leur coûté leur vie professionnelle, la faute à une production coûteuse et un retour sur investissement peu rentable. Mais les Français de Dontnod sont plutôt des durs à cuire et pas vraiment du genre à baisser les bras. Après Capcom, c’est auprès d’un autre éditeur japonais, Square Enix, que le studio parisien a trouvé refuge, lui permettant de sortir Life is Strange, un jeu dont on ne connaîtra le dénouement que dans quelques mois. Car à l’image des jeux de Telltale Games, Dontnod a choisi le jeu vidéo qui se déguste par épisode. Une pirouette artistique qui permet non seulement d’avoir plus de temps pour finir un développement qui trainerait trop en longueur, mais aussi de grappiller quelques euros de plus. Hey, personne n’est philanthrope, vous imaginiez quoi ?
Avec ses graphismes qui donnent l’impression d’avoir été réalisés à la main et sa musique délicieusement folk, Life is Strange tranche radicalement avec l’ambiance très futuriste et limite dépressive du Néo-Paris de Remember Me. Même l’image de la femme forte représentée par Nilin est ici écorchée et remplacée par Maxine Caulfield, une jeune étudiante introvertie, limite autiste sur les bords, qui préfère de loin la solitude que les regroupements de jeunes fêtards bobo dans le campus du lycée Blackwell. Après 5 années d’exil, Max est donc de retour dans sa ville natale d’Arcadia Bay dans le but de terminer ses études de photographie. Seulement voilà, son retour ne sera pas aussi peinard qu’elle le pensait, notre héroïne ayant laissé derrière elle quelques séquelles en abandonnant sa meilleure amie Chloé, qu’elle retrouvera transformée. Non seulement celle-ci lui en veut de ne pas lui avoir donné de ses nouvelles mais en plus, la disparition de Rachel, sa nouvelle meilleure amie, la tracasse au plus haut point. Que lui est-il arrivé ? Pourquoi personne ne semble porter d’intérêt à sa mystérieuse absence ? Autant de questions qui font le sel et le point d’orgue de l’intrigue de Life is Strange qui mise avant tout sur l’histoire, la narration et le développement des personnages. Un jeu vidéo pas comme les autres, ou du moins différent de ces blockbusters où l’on s’amuse à s’entretuer sur des serveurs jusqu’à pas d’heure, et rappelant sur certains aspects les productions de David Cage (Heavy Rain, Beyond Two Souls) et sur d’autres celles de Telltale Games (The Walking Dead, Wolf Among Us, Game of Thrones).
BE KIND, REWIND
En termes d’inspirations, avouez qu’on a fait pire, mais ce parti-pris, comme vous le savez, est à double-tranchant. Il suffit de voir les débats houleux qui se créent à chaque sortie d’un titre estampillé David Cage pour comprendre que le jeu vidéo est divisé en deux catégories de joueurs : ceux qui préfèrent du fun immédiat et les autres qui militent pour un jeu vidéo plus intimiste où l’histoire prime avant le gameplay. Life is Strange est donc un jeu à ranger dans cette deuxième catégorie et ce n’est pas un hasard si la presse du monde entier le taxe de Juno du jeu vidéo. Le côté film indépendant américain où l’on aime raconter de belles histoires. A l’instar du film de Jason Reitman, le titre de Dontnod a été pensé pour un public plus mature, prêt à recevoir des émotions, à se sentir plus humain en jouant à ce type de jeu. Il est évidemment que ceux qui pensent pouvoir faire exploser des immeubles ou créer des ouragans sous prétexte que Max possède le don de jouer avec le temps, ceux-là risquent de déchanter rapidement. Manipuler le temps, voilà un aspect de Life is Strange repris de Remember Me mais que les développeurs de Dontnod voulaient approfondir.
C’est d’ailleurs l’un des plus gros reproches de Life is Strange qui a tendance à vouloir guider le joueur dans les actions qu’on pourrait qualifier de positives.
Dès le début du jeu, il est possible de remonter le temps, histoire de refaire une action qui nous aurait déplu et qui peut in fine avoir une conséquence sur l’histoire. Le cas échéant, le jeu n’hésitera pas à nous le signaler par le biais d’une notification textuelle, comme pour nous avertir que l’on peut encore changer d’avis, et donc remonter dans le temps pour réaliser une tout autre action. C’est d’ailleurs l’un des plus gros reproches de Life is Strange qui a tendance à vouloir guider le joueur dans les actions qu’on pourrait qualifier de positives. Un goût pour la good attitude ? Il semblerait que chez Dontnod, il n’est pas recommandé de faire de Max un personnage détestable ni odieux. Bien sûr, rien n’empêche le joueur d’assumer ses choix, mais il est dommage en revanche de vouloir faire culpabiliser le joueur en cas d’actions pas toujours très orthodoxes. D’un autre côté, ce besoin de prendre le joueur par la main est en parfaite adéquation avec l’esprit du jeu, qui n’a de cesse de guider le joueur à chaque instant. Pénible. Et puis, il y a ces bonnes idées qui ne fonctionnent pas, ou qui sont gâchés par l'envie de pas trop frustrer le joueur, déjà trop pris par la main. On pense notamment au générique d'intro qui se lance, accompagné d'une belle musique envoûtante, mais rapidement gâchée par les discussions qu'on peut entreprendre avec n'importe quel PNJ qu'on croise sur son chemin. Il aurait été par exemple plus judicieux de la part de Dontnod de limiter le champ d'action du joueur, pour être en totale osmose avec ce générique. Pour le coup, c'est raté !
ELLE EST LIBRE MAX ?
Le gameplay de Life is Strange est dans son ensemble assez scolaire, limite basique il faut bien le reconnaître. Sorte de point & clic où le joueur est libre de ses mouvements, Life is Strange nous pousse à développer tout l’aspect social en le poussant à discuter un maximum avec les différents PNJ du jeu. Chaque protagoniste rencontré à quelque chose à dire ou à révéler à Max, permettant ainsi à l’histoire de prendre forme et permettre surtout aux principaux protagonistes d’obtenir de la consistance. Dontnod est allé plus loin en créant carrément le journal intime de Max, dans lequel elle se confie et permet de révéler des traits particuliers de sa personnalité. Life is Strange est donc un jeu très contemplatif où l’on passe plus de temps à explorer les bas-fonds du lycée Blackwell qu’à véritablement jouer avec le temps. Malheureusement, on remarque très rapidement que les possibilités de discussions sont assez limitées et se résument souvent à trois ou quatre choix qu’on pourra de toutes les manières toutes étudier.
Ce qui est aussi décevant dans Life is Strange, c’est la quantité de clichés qu’on peut trouver dans cette histoire qui partait pourtant d’un chouette postulat.
Ce qui est aussi décevant dans Life is Strange, c’est la quantité de clichés qu’on peut trouver dans cette histoire qui partait pourtant d’un chouette postulat. Entre Chloé, une fille désabusée qui se fait maltraiter par son beau-père, le gosse de riche tête à claques (Nathan) qui joue les méchants de service, Victoria la petite peste bourgeoise dont le hobby est de pourrir la vie de notre héroïne et Warren, l’amoureux bêta prêt à tout pour sa dulcinée, on baigne vraiment dans le soap américain pour ados qu’on n’oserait même pas regarder un lundi soir faute de programme intéressant. Néanmoins, Life is Strange a quelque chose en lui de Tennessee, un côté mélancolique assez hypnotisant qui donne quand même envie d’aller jusqu’au bout de ce premier épisode, certes un peu timide mais dont le but est de poser les bases de cette histoire qui pourrait bien devenir intéressante. Il faudra de toutes les façons attendre la sortie des 5 épisodes pour véritablement juger l’œuvre dans son entier. En attendant, pour un premier épisode, on aurait aimé un résultat plus percutant, soyons honnêtes.