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- Charisme des personnages
- Voix japonaises !
- Durée de vie conséquente
- Une distance d’affichage impressionnante.
- Quelques défauts d’I.A. flagrants
- Peut devenir capharnaumesque
Nul besoin d’être féru d’Histoire japonaise pour avoir entendu parler de l’ère Sengoku, dite des "provinces en guerre". Il suffit de suivre un peu l’actualité vidéoludique, nombre de productions lui ont été consacrées, notamment chez le très viril Koei avec le récent Samurai Warriors. 1467-1568, siècle de barbarie et d’anarchie dans un Japon guerrier, désordonné et anarchique. Au fil de ce siècle d’escarmouches, trois principaux réunificateurs vont se succéder pour conquérir le pays et mettre fin aux troubles : Oda Nobunaga, Toyotomi Hideyoshi et Tokugawa Ieyasu. C’est le premier d’entre eux que Kô Shibusawa vous propose d’incarner dans le troisième épisode de la série Kessen, terme désignant un "assaut final".
On se souvient de Kessen comme l’un des tous premiers jeux sortis sur PlayStation 2 en mars 2000. Epoustouflant techniquement il y a cinq ans, il racontait l’émergence définitive de Ieyasu Tokugawa, le grand gagnant de cette fameuse ère de troubles. Celui-ci, allié indéfectible du clan Oda, viendra d’ailleurs vous apporter son aide précieuse à de nombreuses reprises. Après avoir fait un saut dans la Chine médiévale avec Kessen II, Koei revient donc aux racines de la série, en nous narrant formidablement l’épopée d’un jeune homme dont le comportement peu conventionnel et la détermination à prendre le pouvoir par tous les moyens feront de lui une icône du mal à plusieurs reprises.
Réhabilitation d’un grand seigneur ?
Cela ne vous aura sans doute pas échappé, Nobunaga Oda a joué à de nombreuses reprises le rôle du méchant ! Citons la trilogie des Onimusha de Capcom, ou encore le manga Samurai Deeper Kyo dans lesquels le plus moustachu des seigneurs, incarne carrément le démon dans toute sa splendeur. Est-ce parce que dans la réalité historique, ce chien fou de Nobunaga apparaît sans scrupule, au point qu’il n’a pas hésité à tuer son propre frère dans sa soif de pouvoir ? Peu importe, il est seulement amusant de constater à quel point l’histoire aborde une tournure différente selon le point de vue où l’on se place. Ainsi, non seulement nous découvrirons dans Kessen III un Nobunaga chaleureux, amoureux, ambitieux et loyal, mais Mistuhide Samanosuke Akechi, le lieutenant qui trahira son seigneur en 1582, devient à son tour l’incarnation du mal. C’est sans doute le propre de la guerre : "L'ennemi est con, il croit que c'est nous l'ennemi alors que c'est lui". (Pierre Desproges).
Depuis Janvier 2005, Koei dispose d’une filiale française domiciliée à Neuilly-sur-Seine, et ce n’est rien de le dire, l’éditeur fait tout pour satisfaire les joueurs. Non content d’avoir importé chez nous les joyaux de Nippon Ichi, Kessen III se voit localisé à la perfection, puisque non seulement les textes sont intégralement traduits dans la langue de Maître Capello, mais surtout, ô joie, les voix japonaises sont disponibles ! Une option qui n’a rien d’anecdotique tant la production de Shibusawa s’apparente à une épopée cinématographique, s’étalant sur 25 heures de jeu ! Historiquement prenantes, les nombreuses batailles du seigneur d’Owari sont découpées en treize chapitres et sont parsemées de superbes scènes cinématiques. Plusieurs décennies s’écoulent entre le point de départ de Oda Kazusanosuke Nobunaga en tant que Daimyo du fief d’Owari, jusqu’à la fin de son histoire. Le joueur suit ainsi sur plus de deux heures de cinématiques l’évolution du charismatique leader du clan au chrystanthème et de ses principaux généraux. Entre trahisons, alliances et retournement de situations, Kessen III vous happe pour ne jamais plus nous lâcher.
Kakari !!!
Symbiose intéressante de deux genres, Kessen III écrit la stratégie avec un petit "s" et l’action avec un grand "A". Disons-le tout de go, l’aspect stratégique n’est pas assez présent pour rebuter les plus bourrins d’entre nous. Le joueur a le contrôle direct de ses troupes, et si le choix préalable des armes reste primordial, la gestion manuelle n’en est pas moins déterminante. Une troupe complète est composée d’une section leader et de deux sections de soutien, mais il est possible de permuter à n’importe quel moment entre celles-ci. Pendant ce temps, les autres troupes se défendent automatiquement, à l’exception d’un problème d’intelligence artificielle particulièrement gênant qui fait que vos alliés n’iront pas automatiquement défendre un camp assiégé, quand bien même l’ennemi n’est qu’à une dizaine de mètres. Cela nécessite alors un regard permanent sur le champ de bataille (bouton START). Heureusement, celui-ci dispose d’une représentation simple et limpide.
Une commande spéciale permet de se jeter à l’assaut d’une troupe, en solo sur son cheval, et de se la jouer à la Samurai Warriors en bourrinant tout ce qui bouge. Une technique peu efficace en vérité, mais c’est en vue de ces séquences façon beat'em all qu’il est possible d’équiper son commandant de la tête au pied (casque, arme, armure, monture). Mais l’élément primordial, celui qui déterminera vraiment vos chances de victoires, c’est la nature de votre troupe. Des ninjas rapides mais peu nombreux ? Des cavaliers pour piétiner les fantassins ? Des hommes armés de mousquets made in Portugal pour le soutien à distance ? Des brutes armés de lances au coup spécial dévastateur ? En outre, il est parfois bon d’adapter ses troupes selon la topographie du terrain, laquelle a une réelle incidence sur vos déplacements. Des terrains de jeu par ailleurs pas vilains techniquement, la PlayStation 2 se permet une distance d’affichage superbe et des univers plus riche que ceux de Samurai Warriors, les personnages étant techniquement plus modestes que dans le jeu de castagne d’Omega Force. La technique tient donc bien la route et la console ne montre ses faiblesses que rarement, dans ce capharnaüm de corps de coups et de cris que sont pourtant les combats de Kessen III. Pour autant rien d’époustouflant techniquement, voilà le genre de jeu qui prendra une toute autre ampleur dans les entrailles bourrées de ram des consoles de la prochaine génération !
A tout seigneur, tout honneur !
Toujours est-il que vivre des batailles historiques dans des lieux qui ne le sont pas moins, c’est diablement prenant. Citons le clash au Mont Fuji, dont les majestueuses vallées bordent des cours d’eau puissants, tandis que d’autres missions sont plus linéaires, telle celle où il s’agit d’envahir la capitale, Kyôto, pour faire tomber le Shogunat en place. A cette époque les ruelles des villes étaient conçues sur un plan en damier. Le déroulement du soft, découpé en chapitres, a été conçu de façon à tenir régulièrement en haleine, avec un point bref mais précis sur l’avancée de votre conquête du pays. S’ensuit une carte du chapitre qui permet de se rendre dans vos appartements du moment pour s’équiper et gérer ses troupes, d’aller faire quelques emplettes chez le marchand, et enfin de choisir l’ordre des batailles. Pour les plus mordus, des missions facultatives sont mises à votre disposition, dans lesquelles il s’agit de mettre au pas quelques brigands forcément mal intentionnés. L’intérêt étant d’accumuler un peu d’expérience, puisque vos troupes montent en level à la manière d’un RPG ! La gestion des sorts se fait avec une jauge de quatre slots, et celle-ci se remplissant avec le temps, il convient d’en user avec parcimonie. Il sera parfois nécessaire de jouer avec le temps, le sort de soin pouvant vous tirer d’un bien mauvais pas à plus d’une occasion, de même que certains bons sorts d’attaque et de soutien. Le jeu prend ici une dimension vaguement fantastique, via l’invocation de divinités élémentaires tout à fait oniriques comme des vagues d’eau tranchantes, un dragon, ou encore un colosse de flammes.
Si la difficulté progressive n’est pas à négliger, il convient d’insister sur l’absence de réel sens tactique. Le jeu de Koei n’est pas assez profond pour rebuter les joueurs peu habitués à la stratégie. Le conseil de guerre précédant une campagne se fait ainsi très naturellement, et il est possible de remporter n’importe quelle mission sans passer des heures à évaluer un plan d’attaque. Tout juste est-il bon d’envisager le meilleur itinéraire lorsque le temps presse et que la mission ne nécessite que de tuer un général en particulier. Chacune d’elles sont effectivement limitées à trente minutes, et il arrive que l’issue de la bataille se joue à quelques dizaines de secondes, le cas échéant le stress est à son maximum ! Un autre détail qui prouve qu’il n’est pas nécessaire d’étudier longuement une stratégie mais seulement de réfléchir un peu, vient de l’apparition subite de troupes ennemies. Lorsque cela arrive à l’avant, ce n’est pas un problème, mais imaginez que des vilains peuvent soudainement faire surface, disons juste devant votre campement laissé à l’abandon, par exemple. Et le tout sans que le jeu ne daigne vous en prévenir ! Les quelques missions qui nécessitent de protéger son camp sont à ce titre particulièrement frustrantes et demandent une attention de tous les instants, car souvenez-vous, j’ai expliqué plus haut que vos unités n’allaient pas forcément à la rencontre des ennemis ! Au final, réfléchir à un équilibre des forces en présence ne sert plus à rien, tant les "troupes surprises" sont nombreuses. Kessen III est définitivement un jeu d’action mâtiné d’un peu de stratégie et non l’inverse.
Avec une cinquantaine de missions disponibles, Kessen III se permet de faire durer le plaisir largement plus de vingt heures, tout en s’efforçant d’offrir des situations géographiques variées, bien que la finalité d’une campagne repose à 90% sur le fait d’éliminer le commandant en chef des forces adverses. Et la sauce prend ! Elle prend malgré des petits regrets comme les écueils d’I.A. déjà évoqués, ou encore la lourdeur de certains affrontements au corps a corps, qui peuvent devenir vraiment incompréhensibles. De même les unités secondaires ne peuvent pas recevoir d’ordre de type "s’écarter, elles se sentent indéniablement obligées d’attaquer la même cible que le joueur. Il en résulte souvent une gêne plus qu’une aide, malheureusement.