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Peu novateur finalement, God of War II s'avère en revanche plus brutal et plus gore que le premier. Un peu de la même façon qu'un Gears of War, le titre entraîne le joueur dans un maëlstrom d'action non-stop du début à la fin, sublimée par une réalisation du tonnerre qui démontre que la PlayStation 2 n'est pas encore prête pour l'inhumation tant promise. Les puristes de la Grèce antique reprocheront sans doute à l'oeuvre de Sony d'être moins scénarisé que l'opus précédant, préférant les actes barbares aux grandes repliques et autres tournements de talon. Une fois la quête principale achevée, les aficionados pourront toujours attaquer les modes bonus casse-molaire pour faire durer le plaisir. La confirmation compostée, une licence mythique est bel et bien née. Le mot est enfin lâché.
- Des cinématiques splendides
- Plus long que le premier
- Des énigmes affûtées
- Une B.O. mélodieuse
- Une réalisation sublime
- De la violence et de l'action non-stop
- Des QTE dynamiques
- De nombreux boss…
- ...mais qui manquent parfois de charisme
- Scénario inexistant
- Les combats par moments linéaires
- A quand le lock ?
- Un choix de caméra discutable
Sorti dans l'indifférence la plus totale il y a deux ans déjà, God of War s'était immédiatement imposé comme l'un des patrons du genre, un exploit qui devait beaucoup à l'effet de surprise. Comme toujours dans pareil cas, la suite d'un jeu élevé au rang de mythe suscite des attentes pour ne pas dire des exigences des plus sévères, avec le risque de se briser les dents si elle ne conforte pas le potentiel aperçu dans le premier opus. Kratos est donc attendu au tournant par tout un peuple chrétien cramponné à ses sandales. A lui de leur donner la foi.
Les apôtres de God of War qui ont suivi les aventures du fantôme de Sparte depuis le début le savent déjà : Kratos a été sacré Dieu de la Guerre après avoir sauvé Athènes des griffes d'Arès. Un statut divin anecdotique pour notre anti-héros qui décide de partir à la conquête de la Grèce avec ses fidèles Spartiates, usant des pouvoirs qui lui ont été fraîchement conférés par les dieux de l'Olympe pour semer la terreur et le chaos. Prié de calmer ses ardeurs par la prude Athéna, le chauve enragé semble avoir du mal à trouver la sérénité éternelle, et finit par céder aux sirènes de la violence en se rendant lui-même sur les lieux du crime pour porter le coup fatal. C'était sans compter sur une intervention providentielle qui ramène Kratos à une taille humaine plus conventionnelle, plus périlleuse aussi car il va devoir livrer un combat homérique contre le Colosse de Rhodes et ses trente mètres de bronze. Zeus profite de ce déséquilibre physique pour convaincre Kratos d'utiliser la lame de l'Olympe, seule arme capable de terrasser son adversaire qui figure d'ores et déjà au Panthéon des boss. Méprisant envers ses pairs, l'ex-guerrier spartiate se rend compte que ladite lame n'était qu'un prétexte pour absorber toute son énergie, un coup bas qui le renvoie deux années en arrière avec une dépouille de mortel. Expédié aux portes du royaume d'Hadès par Zeus himself, Kratos ne devra son salut qu'à Gaia, un Titan qui voue une haine sans limite à l'Olympe et compte bien se venger de la prise de pouvoir de ses occupants. Kratos va devoir alors partir à la recherche des trois Soeurs du Destin pour changer le cours de l'Histoire, et accessoirement mettre fin au règne de Zeus. La Fileuse, l'Implacable et la Répartitrice, une brochette divine qui nécessitera entre douze et quinze heures de jeu selon le niveau de difficulté sélectionné. Au-delà du simple fait que God of War II reprend là où le premier chapitre s'était arrêté, on apprécie toujours cette volonté de Sony de tisser une Grèce antique archi-crédible dont les fondations reposent sur des noms connus de la mythologie. Cette fois, on apprend que les Titans et les Dieux de l'Olympe n'étaient pas les meilleurs amis du monde, chaque camp possédant bien évidemment sa propre science sur l'histoire de l'humanité. Malheureusement, cet antagonisme constitue l'unique point d'intérêt du scénario d'un God of War II bizarrement moins profond que le premier. Le spectaculaire au détriment de l'histoire, un choix sans doute discutable.
God save the Queen
Dopé à la créatine, God of War II nous gratifie d'une réalisation de haute volée, et gave ses niveaux de boss aux mensurations défiant toute loi de la physique. Il faut être sacrément burné pour placer un colosse dès les premières minutes de jeu, un traumatisme rétinien qui va perdurer pendant toute la quête. Bien qu'il se révèle plus beau que le premier opus sur certains plans, le titre ne persiste pas dans la surenchère visuelle et préfère la jouer subtile en plaçant quelques effets ici et là, et en abusant d'angles de vue qui donnent aux lieux une immensité et une profondeur infinies. L'exemple le plus marquant est sans doute le passage où Kratos marche sur les chaînes de l'Ile des Soeurs du Destin, avec les chevaux en ligne de mire. Une certaine proportion dans les distances parcourues semble aussi avoir été respectée, ce qui joue forcément en faveur des perspectives. Le character design n'est pas en reste, et Kratos adopte toujours cette dégaine de bad boy avant J.C. qui le caractérise tant. Même si ce n'est pas de la haute définition, on ne peut pas non plus nier le fait que Sony ait sensiblement affiné les muscles des monstres, et lézardé l'écorce des troncs. Ca reste du détail, c'est vrai, mais seuls les grands peuvent se payer ce genre de luxe. La caméra fixe a été conservée, et on remarquera avec surprise que les développeurs s'en sont moins bien tirés que la première fois. En effet, certains angles - qui se compte sur les doigts d'une main, rassurez-vous - contraignent le joueur à opérer à l'aveuglette, sans réel danger de game over cependant. God of War II rend plus ou moins bien sur un écran plat, le progressive mode de la version US pouvant toujours servir à éliminer les éventuels grumeaux. Le bon vieux cathodique est évidemment recommandé.
Déjà proche de la perfection, le level design se contente d'incorporer de nouveaux boss histoire de gommer l'un des rares défaut de God of War. Cette fois, Sony a privilégié la quantité à la qualité, incapable de trouver un juste équilibre entre charisme et abondance. On se retrouve face à des chefs embauchés à l'arraché, relativement balèzes en tchatche mais qui n'en pètent pas une la hache en main. Les combats perdent du coup en saveur, mais n'en demeurent pas moins épiques avec une mise en scène des exécutions particulièrement soignée. C'est sans doute pour insister (lourdement ?) sur ces actes de barbare que le respawn des ennemis semble par moments abusé; cela dit, c'est un délice de voir Kratos embrocher les soldats de Rhodes, briser la nuque d'une méduse ou enfoncer ses lames dans la gorge d'un minotaure. Le bestiaire du jeu rend un hommage sans commune mesure à la mythologie grecque. Omniprésente, la violence donne une dimension supplémentaire à un Kratos qui va à l'encontre des moeurs. Entre ces sessions de boucherie collective viennent s'intercaler des phases de réflexion généralement ponctuées par une ou deux énigmes faciles à résoudre. Faciles, on vous ment un peu car sans vous révéler quoi que ce soit sur les puzzles, God of War II sait rendre indispensable un élément du décor à priori anodin. On passe et repasse plusieurs fois dans les mêmes pièces en scrutant chaque recoin, en allant même jusqu'à reprendre la partie au dernier checkpoint. Pas de casse-tête nécessitant un QI supérieur à 125 donc, juste un zeste de logique. Plus accessible que son prédécesseur, le jeu mise aussi sur la force physique de Kratos pour progresser dans l'aventure. Aussi habile que Tarzan, le dieu déchu se balance de stalactite en stalactite à l'aide de ses Lames d'Athena, laissant une fenêtre d'action assez large pour ne pas imposer un timing meurtrier au joueur. Le jeu prend alors des allures de Prince of Persia, la moindre corniche pourvant servir de point d'appui pour atteindre une plateforme placée un peu plus haut. Kratos peut même s'adonner à la varappe en s'agrippant aux parois, sans mousqueton s'il vous plaît.
Tonnerre de Zeus !
On vous l'a fait comprendre, God of War II n'est pas une révolution par rapport au premier épisode, ce qui lui a d'ailleurs valu des insultes à peine déguisées de la part des radins du portefeuille. Si le gameplay sera vraisemblablement remis à neuf sur Playstation 3, on a droit ici à la même recette, avec des ingrédients en plus et en moins pour ne pas avoir l'impression d'être à la cantine. L'absence remarquée du lock fait toujours débat chez les adeptes de la précision qui n'aiment pas trop s'en remettre au destin pour éliminer les monstres. C'est vrai quoi, exécuter des combos sans trop savoir où le coup va frapper, c'est assez frustrant. D'un autre coté, une fois l'enchaînement lancé, il est toujours possible de changer de direction pendant sa réalisation, ce qui fait que l'on est très rarement pris en traître. Une souplesse qui ne fait pas pour autant oublier l'aspect très bourrin des combats, au risque de sombrer dans le linéaire. En fait, le joueur peut se contenter de conserver et d'améliorer l'arme de base pendant la douzaine d'heures de jeu, sans rencontrer le moindre problème. Modifier le niveau de difficulté pour s'offrir un peu de challenge peut résoudre le problème. Sony a pensé à intégrer quelques artifices, tels que les Ailes d'Icare qui permettent à Kratos de prendre son envol de façon ponctuelle. Au rayon armes, on a droit à du grand classique avec les Lames d'Athéna, le Marteau de Barbare ou encore la Lance du Destin. Chacune d'elle est bien sûr upgradable via les orbes rouges, tandis que les bleus s'occupent de regénérer les PM. On notera également la présence d'une troisième jauge jaune qui permet en fait de ralentir le temps. Certains y verront un pompage non dissimulé de Prince of Persia, mais dans le jeu des comparaisons on peut aller beaucoup plus loin. Prenons par exemple les QTE qui torturent les phalanges toutes les deux minutes. Bien évidemment, le charme du concept atteint son paroxysme lors des affrontements contre les boss, un carré ou un triangle provoquant un vent de panique alors que l'on se grattait le nez. Le jeu bénéficie d'une ambiance musicale mélodieuse. Entièrement dévoués à l'action pure et dure qui émane du DVD, les thèmes sont dignes des plus grandes productions hollywoodiennes. Le doublage français est quant à lui soigné, en en faisant ni trop ni pas assez. Une clé de sol parfaite qui dissimule à moitié son amour pour les craquements d'os et les gerbes de sang.