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Affichant l'une des directions artistiques les plus convaincantes de ces dernières années et une réalisation exceptionnelle, Final Fantasy XIII est bien le vrai projet ambitieux de Square Enix et assume totalement son statut. Brut et expéditif, il annonce une nouvelle voie très intéressante pour le J-RPG. Encore immature, il apporte nonchalamment le meilleur système de combat de cette génération et un travail de mise en scène qui surpasse aisément n'importe quel autre RPG de la nouvelle génération. Sans être une réussite totale, il incarne le RPG grand spectacle attendu. Rien de plus, rien de moins.
- Graphiquement exceptionnel
- Une direction artistique magnifique
- Une bande-son originale et de grande qualité
- L'un des systèmes de combat les plus aboutis
- Une mise en scène travaillée
- Un scénario assez classique mais bien écrit
- Certains personnages très réussis
- Un chara-design agréable dans son ensemble
- L'ensemble des derniers chapitres
- Des zones de jeu exiguës et peu/pas interactives
- Très long à démarrer
- Impossible de sauvegarder des configurations de combat
- Certains donjons très redondants
- Manque d'inventivité globalement
Vitrine et manne financière de feu Squaresoft depuis ses débuts, la série Final Fantasy fait partie des grandes sagas pouvant à elles seules changer le destin d'une console. Une nouvelle fois, la PS3 un tantinet chancelante a vu ses ventes remonter notablement au Japon grâce à un véritable épisode de ferveur populaire. Une excitation culturelle mais également "entretenue" à son insu par un Square Enix qui n'a cessé de repousser un treizième opus réunissant les espoirs de très nombreux fans traumatisés par Final Fantasy XII. Une chose est certaine, Final Fantasy XIII est effectivement l'antithèse complète de son prédécesseur, mais cela ne suffit pas forcément à en faire une réussite totale.
Mise à jour de notre test import japonais réalisé le 15 janvier 2010.
Quittant l'univers teinté d'heroic-fantasy propre à l'Ivalice de Matsuno, Final Fantasy XIII reprend le chemin des derniers épisodes dirigés par Yoshinori Kitase, à savoir une SF à la fois lisse et pessimiste. L'action prend place dans la société cloisonnée de Cocoon, refuge des Humains après le légendaire "cataclysme" qui les a chassé, et considéré dorénavant comme l'Enfer, alias Pulse. Une terre désolée où seule prévaut la loi de la nature et où la violence est omniprésente. C'est du moins la vision que propose le Sanctum, haute instance de Cocoon. Véritablement paniqué par tout ce qui pourrait avoir attrait à Pulse, le Sanctum organise régulièrement des Purges. Un terme global utilisé pour l'exécution sommaire de citoyens soupçonnés d'avoir été simplement en contact avec un élément de Pulse. Mais les créatures les plus importantes de ces deux mondes sont des êtres mystiques et mécaniques : les fal'Cie. Sortes de divinités, ces entités disposent d'un pouvoir étrange. Elles peuvent en effet entrer en contact avec un être humain et en faire un l'Cie. Une fois marqué du sceau des fal'Cie, un l'Cie se voit confier un but qu'il est seul à pouvoir accomplir dans un temps limité. Ce délai dépassé, l'hôte de la volonté de la fal'Cie se transforme en Cie Corpse, un cadavre ambulant sans âme. Néanmoins, si l'être changé en l'Cie réussit à répondre à sa destinée, il est immédiatement cristallisé et demeure sous cette forme pour l'éternité. Un sort peu enviable dans les deux cas de figure qui fait des l'Cie des personnes maudites. C'est logiquement ce qu'il va arriver au groupe de héros de Final Fantasy XIII, dont chaque membre va se trouver tatoué de la marque tragique. Un problème en appelant visiblement un autre, c'est une fal'Cie de Pulse qui a réussi à les mettre sous son contrôle. Ainsi, il devient impératif pour le gouvernement de Cocoon de mettre à mort ces six personnes souillées par un résidu de leur Enfer. C'est ici que commence une course-poursuite effrénée qui fera office de fil rouge pendant les deux-tiers du jeu.
Eloge de la fuite
Partant d'un postulat paradoxal très malin, à savoir la fuite au sein d'un monde cloisonné - rappelant 1984 - d'où personne ne peut par définition sortir, Final Fantasy XIII joue sur le désespoir avec une réelle finesse. Le contexte oblige en effet les personnages à faire face à qui ils sont vraiment et à ce en quoi ils croient, ne pouvant de toute façon pas prendre l'espoir comme point de fuite. Ils se recentrent donc sur eux et le jeu fonctionne en accord avec cette démarche. Il centre le propos avant toute chose sur les personnages et les rapports qu'ils entretiennent chacun avec les autres. Un turn-over incessant se met en place durant le premier tiers de l'aventure, les groupes se modifiant afin de développer le caractère de chaque protagoniste et de créer des nouvelles interactivités. Une idée intéressante qui permet au joueur de s'attacher petit à petit aux divers héros, en découvrant les fêlures de chacun d'entre eux. Allant a contrario d'un Final Fantasy XII qui semblait jeter des protagonistes en plein milieu d'un conflit démesuré, Final Fantasy XIII prend lui le temps d'inscrire le joueur dans une aventure focalisée sur l'humain. Dans ces conditions d'intimité, mieux vaut que le casting soit au moins supportable, à défaut d'être exceptionnel. Sur ce point, Final Fantasy XIII se montre assez convaincant, même si des personnages comme Hope ou Vanille poussent les archétypes japonais de l'émotif dépressif et de la fofolle kawaï dans des hauteurs insoupçonnées. Tout du moins lors des premières heures en leur compagnie. Evoluant lentement jusqu'à la découverte d'un aspect de leur personnalité souvent surprenant, ils ont tendance à réintégrer un nouveau stéréotype une fois cette "révélation venue". Ce qui fait de cette équipe un groupe agréable à suivre, mais qui peine à se détacher d'impératifs liés au genre, même si la construction intelligente des relations apporte un vrai plus narratif.
Allant a contrario d'un Final Fantasy XII qui semblait jeter des protagonistes en plein milieu d'un conflit démesuré, Final Fantasy XIII prend lui le temps d'inscrire le joueur dans une aventure focalisée sur l'humain."
Mêlant troubles personnels et propos mystiques, réflexions shônen et tragédie nordique, Final Fantasy XIII a souvent du mal à trouver sa place. Partant sur des bases plutôt anecdotiques malgré le rythme extrêmement soutenu dû à la notion de fuite en avant, le jeu de Square Enix peine vraiment à devenir épique, à accepter de laisser pour quelques temps ses personnages de côté afin de décoller. Il faut facilement attendre le chapitre 6 et surtout la fin du chapitre 7 (environ une quinzaine d'heures) pour que les événements s'accélèrent. Si le fait d'observer les divers héros dans leurs doutes et leurs errances reste agréable, notamment grâce aux dialogues bien écrits, le jeu tourne tout de même bien en rond et l'accélération du propos est une respiration. Et ce même si la narration s'avère un peu chaotique et hachée, multipliant les ellipses. La mise en scène est en revanche nettement plus convaincante que dans beaucoup de productions récentes et il est très rare durant l'aventure d'avoir à subir des plans totalement fixes. Le travail sur les expressions faciales, même un peu raides, joue également beaucoup dans l'immersion et font de ces nombreuses scènes scénarisées du jeu des moments agréables à suivre. Un aspect plus appuyé de façon visuelle qu'en terme d'intensité. Grâce à sa structure "littéraire" solide et étonnamment pessimiste, Final Fantasy XIII accroche facilement le joueur, qui prendra plaisir à suivre une trame digne d'intérêt, malgré son irrégularité et les concessions qu'un titre grand public impose ; si toutefois la construction du jeu ne met pas un coup d'arrêt sec à l'immersion.
Borderline
Après quelques RPG japonais plus que décevants (ou simplement anecdotiques) sur consoles de salon actuelles, le genre semblait s'éteindre sans un sursaut d'honneur. Visiblement au courant de cet état de fait, Square Enix tente avec Final Fantasy XIII une sorte de putsch plus ou moins convaincant. Retirant villages, exploration à grand échelle et interaction avec de nombreux PNJ, le jeu dynamite le terrain pour la reconstruction. Suivant les pas de Final Fantasy X, voire même davantage de l'épisode X-2, Final Fantasy XIII se concentre sur le principal, à savoir aller du point A au point B en profitant des sublimes décors offerts pour l'occasion. De ce fait, déjà morcelé en chapitres, le titre est composé de véritables niveaux, avec un schéma bien établi : une zone réduite de progression, un boss et une cinématique comme récompense. Ce revival arcade réduit drastiquement la notion même de leveling et annihile toute quête annexe possible. Certes l'arrivée sur Gran Pulse, simili monde ouvert, change la donne durant un chapitre, mais elle ne survient qu'au 2/3 du jeu. Le reste se résume à l'obligation d'avancer, de toujours avancer. Si ces limitations d'interaction avec l'univers peuvent se justifier en un sens au regard de la trame, l'enfermement total l'est beaucoup moins. Oui Cocoon est un monde fermé, mais lorsque le joueur traverse une forêt luxuriante ou des falaises verdoyantes, la restriction à un chemin prédéfini trouve difficilement une justification. Même si ce choix n'est pas gênant ludiquement parlant, il s'avère très frustrant lorsque le jeu offre une profondeur inatteignable.
Suivant les pas de Final Fantasy X, voire même davantage du X-2, Final Fantasy XIII se concentre sur le principal, à savoir aller du point A au point B en profitant des sublimes décors offerts pour l'occasion."
Néanmoins, cette technique a le mérite de donner au joueur rapidement ce qu'il désire sans le contraindre à fouiller dans divers menus et sous-menus de tels ou tels magasins, sans perdre de vue son objectif. Final Fantasy XIII s'inclut en fait assez habilement dans la mode actuelle de l'immédiateté, sans perdre totalement l'essence bidouillage du RPG avec un système de combat s'étoffant largement au fil des heures. Remettant au goût du jour la notion de costumes de Final Fantasy X-2, mâtiné d'un soupçon de Gambits empruntés à Final Fantasy XII, le principe de combat repose sur une gestion tactique de 6 types de rôles : Attacker, Blaster, Enhancer, Jammer, Healer et Defender. Comportant trois personnages maximum simultanément, chacun peut à terme occuper n'importe quel rôle, si tant est qu'il ait débloqué au moins une attaque du type désiré dans le Crystarium, équivalent plus dirigiste du sphérier de Final Fantasy X. A vous ensuite, via 5 associations mémorisables possibles, de composer vos combinaisons de combat. Une grande variété de customisation est offerte, sublimée par l'Optima Change, à savoir la possibilité de switcher en temps réel entre vos formations dans le but de parer à n'importe quelle situation et notamment de "breaker" votre adversaire. En effet, une fois sa défense mise à mal par une subtile association de magie et d'attaques physiques, n'importe quel ennemi sera à votre merci. L'intérêt est de déverser immédiatement sur lui vos coups les plus adéquats afin d'effectuer le maximum de dégâts avant que son état de break s'estompe. Si la première partie du jeu ne vous oblige pas du tout à vous pencher sur ce système très bien conçu, les choses se gâtent rapidement et les ennemis deviennent extrêmement agressifs. Devant tant de haine à son encontre, le joueur doit alors peaufiner au mieux ses stratégies. Il faut surtout maîtriser le changement de rôle, qui se révèle au final indispensable pour ne pas se faire acculer sans retour possible par des groupes d'opposants parfois très nombreux. L'observation et la réaction doivent souvent être immédiates dans une obligation de concentration et un rythme qui rappellent farouchement la série Baten Kaitos. Un système qui prend une ampleur encore plus importante une fois dans Gran Pulse, terrain de jeu imposant, regorgeant de créatures surpuissantes. Si le leveling redevenu au goût du jour à partir de ce moment précis joue un rôle assez important, la dextérité et l'adaptation restent majoritaires. Dynamique et spectaculaire, ce système nécessitant sans cesse de petites modifications pour coller au plus près de la situation fonctionne à l'échec. D'où la possibilité de revenir au début de n'importe quel affrontement perdu sans pénalité. Un déroulement frustrant qui laisse tout de même suffisamment de latitudes pour que le joueur s'adapte. Et c'est cela qui fait sa force. La défaite n'est pas synonyme d'arrêt, juste de réflexion. Une réflexion que l'on peut aussi dédier à tenter de comprendre pourquoi Final Fantasy XIII se révèle si contradictoire.
Final Fantasy XII-2
Malgré son système de combat exceptionnel et son coup de pied bien mérité dans un genre stagnant sur consoles next gen', Final Fantasy XIII multiplie les petits impairs qui en s'associant deviennent nettement plus problématiques. Sa nouvelle conception, intéressante dans ce qu'elle peut apporter au genre, n'empêche pas une carence notable de game design. Ces "niveaux" n'offrent rien au joueur à part un cadre. Très peu d'interactivité, aucun moyen de piéger les ennemis, très peu d'événements modifiant la progression, le monde alentour paraît totalement mort et figé. De même, la notion de changement apportée par Final Fantasy XIII est au final relativement mince dans le fond, le titre retombant assez souvent dans les affres de donjons rallongés artificiellement, de mécaniques de jeu assez peu subtiles et d'une contemplation passive désormais difficilement acceptable. Mis à part un passage très court en mécha surprenant mais très mal réalisé, Final Fantasy XIII reste finalement assez timide. De nombreux passages, ici non jouables, perdent de leur intensité face à une concurrence, n'appartenant peut-être pas au domaine du RPG mais travaillant l'interactivité de façon à jouer sur l'émotion. Final Fantasy XIII se gargarise de cinématiques, sublimes ceci étant dit, mais très vieille école. L'arrivée de personnages inattendus en plein affrontement et la fin du chapitre 7 enchaînant les phases de jeu dans la narration sans temps mort, sont des moments de génie bien trop rares dans un titre qui tente de briser ses propres barrières. L'arrivée sur Gran Pulse et son univers ouvert, un peu tardive, propose une expérience tellement différente, envoûtante, vivante, mais si courte qu'il est légitime de se demander si Final Fantasy XIII n'a pas souffert comme son grand frère d'un développement chaotique. Certaines limitations grossières dans l'exploration, le fonctionnement en couloirs donnent réellement le sentiment d'un titre pensé, réfléchi mais soumis à des restrictions non prévues, plus qu'à un choix profond. Néanmoins, tout cela ne fait pas de Final Fantasy XIII un mauvais titre, loin s'en faut. Mais cet aspect bicéphale, un peu bâtard, associé à ce fonctionnement général en niveaux magnifiques mais stériles provoquent un sentiment partagé. Celui d'être face à quelque chose de nouveau mais qui ne réussit pas vraiment à se développer pleinement. Yôichi Wada a récemment annoncé vouloir faire évoluer la série Final Fantasy. Final Fantasy XIII est donc la première pierre de ce renouveau. Une brique un peu tordue, d'une forme étrange, mais de laquelle pourra peut-être naître un beau monument.