Test Fallout 76 : la chute d'un colosse qu'on avait vue venir sur Xbox One
11 20
On le sentait venir depuis un bout de temps, et la beta n'avait fait que confirmer cet état de fait : Fallout 76 est loin d'être un grand jeu. On y retrouve les écueils habituels, et de moins en moins acceptables des productions Bethesda, à savoir des bugs par centaines et une interface lourde et peu pratique. Mais ce nouveau Fallout pâtit également de lacunes supplémentaires et bien particulières, à commencer par un monde en ligne insuffisamment peuplé, et une absence totale de personnages non joueurs humains et de dialogues interactifs. Cette fois, l'ambiance à la fois post-apocalyptique et rétro-futuriste de la série, les sympathiques créatures mutantes et la bande-son portée par des radios très agréables ne suffisent pas à contrebalancer les défauts du jeu. Espérons que les prochaines mises à jour viennent rapidement corriger le tir. En attendant et en l’état, difficile de vous recommander le jeu.
- L'ambiance rétro post-apo
- Un système SPECIAL plutôt sympa
- De la survie, en quantité raisonnable
- Un terrain de jeu très grand
- Certaines holobandes intéressantes
- Des radios vraiment agréables à l'oreille
- L'espoir concernant les futures mises à jour
- Interface clavier totalement à la ramasse
- Temps de chargement trèèèèèèès longs
- Un moteur complètement obsolète
- Un monde sans vie
- Du PvP bancal
- Pas de PNJ humain
- Pas de dialogues à embranchements
- Le SVAV, dénaturé
- Un festival de bugs
- L'aspect "MMO du pauvre"
Au siècle dernier, Fallout était un jeu de rôle au tour par tour, aux multiples choix moraux et dont les dialogues avaient tellement d'importance qu'il était possible de battre le boss final uniquement par la parole. Mais ça, c'était avant... On nous signale dans l'oreillette que vingt ans plus tard, Fallout c'est un jeu multijoueur/coop en ligne orienté vers le tir en vue subjective, la survie et le craft, sans système de karma, ni aucun dialogue à embranchements, ni aucun interlocuteur humain. Wait... What ?
Comme tout Fallout qui se respecte, Fallout 76 démarre par une séquence de sortie d'abri, alors que des humains enfermés depuis le déchaînement du feu nucléaire tentent de reprendre possession des terres désolées.Avec une petite subtilité cette fois, les habitants de l'abri 76, inauguré en 2076 pour les trois cent ans de la Déclaration d'indépendance des Etats-Unis d'Amérique, sont parmi les premiers à pouvoir émerger de leur bunker. Nous sommes en 2102, vingt-cinq ans seulement après la grande guerre atomique, et le héros que vous incarnez s'apprête à faire le grand saut. Tout commence par la création de personnage, toujours aussi impressionnante depuis Fallout 4. L'outil de modélisation des visages pousse le souci du détail jusqu'à proposer des décorations de type "acné sur le front", c'est dire ! Une fois votre beau gosse ou votre laideron créé, il n'y a plus qu'à suivre le chemin jusqu'à la grande porte. Bizarrement, aucun autre habitant n'est encore présent dans l'abri, seuls des messages pré-enregistrés et des panneaux d'information étant là pour guider le joueur. On aurait préféré pouvoir discuter avec quelques humains, mais le jeu tient manifestement à nous isoler. Malgré cette lacune, l'ambiance Fallout est tout de même bien présente. Dès les premières minutes, décorations rétro-futuristes, robots low-tech et affiches mettant en vedette le sémillant Vault Boy sont là pour assurer le spectacle. Puis vient l'heure de sortir du bunker. La lourde porte s'ouvre majestueusement, on s'apprête à enfin revoir la lumière du soleil qui nous a tant manqué, un panorama s'étendant à perte de vue se dévoile sous nos yeux ébaubis, quand soudain… "Echec lors de la récupération de votre personnage. Le serveur n'a pas pu traiter votre requête. Code d'erreur de rappel de personnage : 4". Ok, Môssieur 76, puisque tu le prends comme ça, on va suivre ton exemple et entamer notre test par la question des bugs. Cela n'étonnera guère les habitués des productions Bethesda : ils sont aussi nombreux que variés.
UN JEU BOURRE DE RADCAFARDS
Erreurs de connexion, plantages du jeu occasionnels (et même systématiques lorsqu'on le quitte), créatures qui se coincent dans les décors, ennemis qui apparaissent en mode T (droits comme des poteaux avec les bras à l'horizontale) avant d'être animés, héros qui devient invisible ou bien déformé et en slip (oui, oui…) lorsqu'il rentre dans une armure assistée, robots à escorter qui se coincent dans les décors ou glissent sur le terrain, cadavres dont la tête se retrouve à dix mètres du corps tout en y restant attachée, indicateurs de quêtes qui disparaissent, lags lors des tirs, ralentissements impromptus, il y en a pour tous les goûts !Optimistes que vous êtes, vous vous dites peut-être qu'en dehors des moments où tout va mal, tout va forcément bien, non ? Hé non, car au-delà des bugs ponctuels, il faut faire avec un moteur vieillissant qui se paye le luxe de ramer. Les graphismes sont datés, les effets de flou servent de cache-misère, il manque des options basiques pour un FPS (réglage du FOV, compatibilité avec les écrans ultrawide…), les sensations de tir ne sont pas bien folichonnes, il faut redémarrer le jeu pour un simple changement de résolution, les temps de chargement sont insupportablement longs et l'ergonomie n'a pas été revue depuis Fallout 4.
Exclusivement pensée pour les manettes, l'interface est un véritable enfer pour quiconque décide de privilégier le couple clavier/souris sur PC. Les raccourcis n'ont ni queue ni tête, et le jeu ne gère même pas les claviers AZERTY ! Mais que la team gamepad ne se réjouisse pas trop vite, car l'interface simulant un Pip-Boy est aussi confuse et maladroite que dans les épisodes précédents. De plus, multijoueurs oblige, naviguer dans les menus ne met plus le jeu en pause. Dans Fallout 4, vous perdiez juste votre temps à chaque fois que vous vous paumiez dans les onglets et les listes. Dans Fallout 76, vous perdrez également de la vie si jamais vous avez besoin d'accéder au Pip-Boy en plein combat… Dans le même ordre d'idées, le système SVAV perd pas mal de son sens ici puisqu'il ne permet plus de geler ni de ralentir l'action. On peut toujours viser certaines parties précises des ennemis, mais pas programmer une succession de tirs car tous les protagonistes continuent de se mouvoir en temps réel. Du coup, pour compenser cela, le système se dote tout bêtement d'une sorte de visée automatique. Vous pouvez tirer totalement et visiblement à côté de votre cible, si le pourcentage de réussite affiché est élevé, vous la toucherez tout de même. Passionnant...
FALLOUT 4 ONLINE ?
Les liens entre Fallout 76 et son prédécesseur sont bien réels, mais on a l'impression que Bethesda a décidé de retenir de Fallout 4 uniquement ce qui fonctionnait le moins. L'interface confuse et le moteur vieillot ?On garde ! Tout l'aspect jeu de rôles avec interlocuteurs mémorables et choix de dialogues qui ont des conséquences sur la suite de l'aventure ? On jette ! Todd Howard nous avait prévenus : il n'y a aucun PNJ humain dans Fallout 76. Sur ce point, le studio américain a parfaitement tenu ses promesses. Mais depuis quand l'absence de personnages dans une série qui fut autrefois majeure dans l'histoire des RPG est une bonne nouvelle ? Bon, pour les développeurs, on voit bien l'intérêt. Pas de modélisations ni d'animations à concevoir, pas de dialogues interactifs à écrire, pas de choix et conséquences à développer, c'est tout bénéfice ! En revanche le joueur, lui, a de quoi se sentir lésé. Dans sa grande bonté, le studio s'est tout de même fendu de quelques donneurs de quêtes robotiques. Mais la plupart des temps, les missions ne s'obtiennent qu'en lisant des messages, en écoutant des holobandes (un nom qui dissimule en vérité de simples enregistrements audio) ou, pire encore, par la grâce du saint-esprit quand on rentre dans une zone donnée. D'ailleurs, les récompenses de quêtes empruntent également des voies impénétrables, puisqu'elles sont généralement téléportées dans notre inventaire comme par magie et depuis on ne sait où. Si l'absence de personnages humains a le mérite de la cohérence, puisque le scénario est fraîchement post-apocalyptique, les conséquences sont tout de même néfastes pour le joueur. Le monde que l'on parcoure manque cruellement de vie, et l'effet de surprise en prend un coup quand on sait par avance que quelque soit le personnage qu'on nous demande de rencontrer, il s'agira soit d'un robot, soit d'un énième cadavre ayant laissé un énième message derrière lui. Mais puisque l'aventure se déroule en ligne, on peut compter sur la présence des autres joueurs pour combler ce manque. Ou pas...
DU MULTI MAIS PAS TROP
Si les mécaniques de Fallout 76 empruntent beaucoup aux MMORPG, notamment sur leur aspect structurel, les développeurs ont bizarrement choisi de limiter le nombre de joueurs à vingt-quatre sur un même serveur. Et ce, alors qu'ils ont eu le mérite de développer un terrain de jeu quatre fois plus grand que celui de Fallout 4 ! Le résultat d'une telle dichotomie est inévitable : on ne croise quasiment jamais personne dans le jeu. Disons une ou deux fois par heure en moyenne, certains lieux importants étant un peu plus fréquentés que les autres. Ce manque de joueurs est notamment problématique pour les événements, qui sont des quêtes de zone reçues automatiquement et censées regrouper de nombreux participants. Il est parfois bien difficile de les remplir quand on se retrouve désespérément seul dans le coin. Quant aux joueurs plus belliqueux qui souhaiteraient se rabattre sur le PvP, de mauvaises surprises les attendent également. En dehors de quelques événements dédiés, le système n'incite clairement pas aux affrontements entre joueurs. Relativement bancal, le système PvP différencie le joueur qui attaque de celui qui est attaqué. Le premier inflige des dégâts extrêmement réduits au second tant que celui-ci ne riposte pas. Si jamais l'attaquant poursuit son harcèlement jusqu'au bout et arrive à abattre sa cible malgré la réduction des dégâts, il deviendra alors un "ennemi public" et sera indiqué comme tel sur la carte de tous les autres joueurs, qui n'auront plus qu'à le tuer pour récolter quelques récompenses. De l'autre côté du spectre multijoueurs, il y a la possibilité de coopérer. Le jeu propose un système d'émoticônes, une interface d'échange d'objets et du chat vocal automatique selon la proximité (pas encore de "push to talk" pour le moment). Mais les rencontres étant rares en général, celles de qualité le sont forcément encore plus ! Du coup, la plupart des joueurs se retrouvent à jouer solo...
UN JEU UN PEU SPÉCIAL
Qu'il soit possible de jouer à Fallout 76 sans avoir recours à d'autres joueurs est très louable. Mais on sent en permanence que le jeu n'est pas vraiment fait pour cela (bon, on vient également de voir qu'il ne semble pas vraiment fait pour le multi non plus, mais passons…). Sans PNJ vivant, les quêtes ont tendance à n'être que des prétextes à des allers et retours incessants, et n'impliquent pas vraiment le joueur. L'absence de choix et de conséquences, ainsi que la nature relativement figée d'un monde en ligne, décuplent l'aspect "parc d'attractions" (vide, qui plus est). Le repop incessant des ennemis et les événements de zone qui se déclenchent en boucle sans jamais tenir compte du fait qu'on les ait déjà accomplis ou non participent également à l'aspect artificiel de l'aventure. Fallout invente en quelque sorte le minimally multiplayer online game. Remarquez qu'on préfère ne pas utiliser le terme RPG, pour toutes les raisons précédemment évoquées. Seul le système de progression du personnage, le fameux SPECIAL, rappelle les origines rôlesques du jeu. Cependant, il évolue par rapport aux épisodes précédents puisqu'il repose désormais sur un système de cartes aléatoires. Chaque montée de niveau donne l'occasion de dépenser un point en force, perception, endurance, charisme, intelligence, agilité et chance puis de choisir une aptitude représentée par une carte. De temps à autre, le jeu nous gratifie d'un paquet de cartes à ouvrir, ce qui apporte une dose supplémentaire d'aléatoire et permet de disposer d'un pool d'aptitudes plus grand. Il est d'ailleurs possible de changer à la volée les cartes associées à notre personnage, et donc de l'adapter aux événements en cours. Et puis avouons-le, l'ouverture d'un paquet de cartes apporte forcément un petit frisson pas désagréable (tant qu'il ne vient pas à Bethesda l'idée d'en vendre sur sa "boutique atomique"…).
QUELQUES GRAMMES DE DOUCEUR...
Nous l'avons vu, nous n'avons pas affaire à un RPG, les sensations de tir sont assez moyennes, et l'aspect online a l'arrière-train entre deux chaises. En vérité, Fallout 76 tient plus du jeu de survie qu'autre chose. Vous avez tout intérêt à récolter tout ce qui vous tombe sous la main (même si vous n'aurez jamais assez de force pour tout porter et de place pour tout stocker…) et à utiliser les postes de cuisine, ateliers de chimie, et autres établis d'armure afin de crafter un maximum d'objets utiles. Vous devrez également veiller à ne pas tomber malade, à vous soigner le cas échéant, à éviter au maximum les radiations, à gérer d'éventuelles mutations temporaires, et à surveiller vos jauges de faim et de soif. Les joueurs qui aiment bâtir pourront également établir leur CAMP (Centre d'Assemblage et de Montage Portatif), afin de disposer de leurs propres ateliers, lits, murs et autres mécanismes de défense. Incontestablement, le jeu ne manque pas de richesse, et c'est en cela qu'il n'est pas totalement à vouer aux gémonies. Malgré des défauts nombreux et importants, l'aventure possède également quelques atouts non négligeables. A commencer par le terrain de jeu, qui est vaste, plus coloré et varié que les terres désolées des précédents épisodes, et qui abrite quelques lieux uniques et marquants. Par ailleurs, certaines holobandes bénéficient d'une bonne qualité d'écriture et racontent des histoires intéressantes, voire touchantes (même s'il n'est pas toujours simple de les suivre en plein combat). On croise régulièrement des créatures mutantes qui n'auraient pas dépareillé dans une version post-apo des Animaux fantastiques. Un ou deux PNJ robotiques sortent du lot (coucou monsieur le maire), et les radios proposent une sélection musicale très agréable. Lorsque la radio classique se met à diffuser "Dans l'antre du roi de la montagne" (extrait de Peer Gynt d'Edvard Grieg) au moment où on s'apprête à attaquer une meute de loups, des réminiscences de Pierre et le loup viennent agréablement à l'esprit. D'une manière générale, il est fortement conseillé d'activer les radios afin de combler l'absence de vie du monde de Fallout 76. Enfin, nous terminerons ce test par quelques notes d'espoir, Bethesda ayant déjà promis plusieurs mises à jour majeures. Qui sait, dans quelques mois ou dans quelques années, Fallout 76 sera peut-être devenu un bon jeu...