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Même s'il n'atteint pas la perfection, notamment à cause d'une localisation française totalement à la ramasse, Drakensang : The River of Time reste un très bon jeu de rôle qui saura satisfaire les amateurs du genre. Nous parlons bien ici de ceux qui aiment les jets de dés nombreux, les statistiques touffues et les personnages bien écrits. Car ceux qui ne jurent que par l'action immédiate risquent tout de même d'être déçus par le manque de dynamisme des combats, plus tactiques que spectaculaires. Toujours est-il que le jeu arrive à se placer sur le podium des meilleurs RPG de cette fin d'année, alors même que les excellents Divinity II : The Dragon Knight Saga et Fallout : New Vegas forment une concurrence très rude.
- Superbe par moments
- Règles de jeu riches et complexes
- Combats très tactiques
- Personnages bien écrits
- Localisation française honteuse
- Système de jeu parfois obscur
- Combats guère dynamiques
- Pas de saut
Moins célèbre que Donjons & Dragons, l'Oeil Noir est un jeu de rôle papier qui possède tout de même de nombreux fans à travers le monde. Il était donc logique qu'une adaptation en jeu vidéo finisse par voir le jour. Ce fut le cas l'année dernière, avec la sortie du bien-nommé Drakensang : l'Oeil Noir. Cette aventure bien sympathique était un peu passée inaperçue face au mastodonte Dragon Age : Origins, mais les développeurs vous ont prévu une session de rattrapage grâce à une suite intitulée Drakensang : The River of Time.
En guise de suite, il s'agit plus exactement d'une préquelle qui retranscrit une aventure de jeunesse des héros du volet précédent. Ainsi, tout le monde y trouve son compte. Ceux qui n'ont jamais parcouru l'univers du jeu saisissent sans difficulté tous les tenants et aboutissants de ce nouveau scénario, tandis que les habitués se réjouissent de croiser quelques têtes connues. La narration prend plus exactement la forme d'une discussion entre le nain Forgrimm et la jeune Gladys. Cette évocation des souvenirs du vieux barbu a ceci de bon qu'elle justifie chaque mort du héros par une facétie temporaire du narrateur. C'est anecdotique, certes, mais tout de même bienvenu pour l'immersion. Le héros en question peut naturellement être personnalisé par le joueur, qui n'aura même que l'embarras du choix pour créer l'avatar de ses rêves. Pas tant d'un point de vue cosmétique (seulement trois ou quatre visages différents, deux tailles, quelques coiffures...) que du point de vue des statistiques. Les règles de l'Oeil Noir étant ce qu'elles sont, il est en effet possible de sélectionner son personnage parmi de nombreux archétypes (combinaison de race, culture et classe) et même de passer en mode expert pour redistribuer manuellement tous les points des diverses catégories (attributs, valeurs, physique, social, traditions, artisanat, nature, bonus, pénalités...). Un véritable jeu dans le jeu, qui permettra aux mini-maxeurs d'optimiser à fond leur création pendant de très longues minutes. Les joueurs plus pressés et moins perfectionnistes se contenteront quant à eux des choix prédéfinis, suffisamment équilibrés pour être viables. Pour notre test, nous avons porté notre choix sur un archer elfe assez classique, mais l'on aurait également pu retenir un nain Géode, un élémentaliste Tulamide, un pirate Thorwalien ou bien une Amazone. Une fois encore, il y en a pour tous les goûts et pour tous les types de joueurs !
Le grand rôle
En tout cas, tout le monde appréciera la beauté du jeu. D'un point de vue purement technique, le moteur 3D n'est peut-être pas à la pointe du progrès, mais l'utilisation qui en est faite par les artistes du studio de développement force par moments l'admiration. On pense notamment à certains effets de lumière, qui subliment les paysages et les transforment en élégantes aquarelles. Le level design mérite également quelques louanges. Aux antipodes des niveaux-couloirs propres à certains jeux, la ville de Nadoret multiplie par exemple les recoins, croisements et dénivelés, et se rapproche ainsi d'une véritable architecture moyenâgeuse. L'endroit est même relativement vivant puisqu'en sus des commerçants rivés à leur poste, de nombreux piétons déambulent tranquillement. On peut même observer ça et là quelques scènes cocasses, comme ce couple d'amoureux s'embrassant plus ou moins discrètement dans un coin ou encore ce malheureux homme poursuivi par une femme brandissant un rouleau à pâtisserie. L'humour est également présent dans les dialogues et le déroulement de certaines quêtes. Dans l'ensemble ces dernières sont plutôt bien conçues, à l'exception des sempiternelles tâches de récoltes qu'on jurerait sorties d'un MMORPG (tuer tant d'animaux, ramasser tant de plantes...). Retenons tout de même que l'artisanat est très développé, puisqu'alchimie, forge et archerie autorisent aussi bien la création de puissantes armes et potions que le recyclage de pointes de flèches brisées. Le cœur du jeu reste tout de même les combats, fortement tactiques. Tel un Baldur's Gate des temps modernes, Drakensang : The River of Time ne nous offre pas le contrôle d'un seul personnage mais celui d'une équipe entière. Les affrontements se déroulent en pseudo tour par tour (ou en simili temps réel, comme vous préférez) et il est conseillé d'utiliser systématiquement la fonction de pause active afin de pouvoir utiliser au mieux les compétences spéciales de chaque héros.
Mais le véritable problème du jeu, celui qui l'empêche d'atteindre des sommets, provient en réalité de la localisation française."
Il en résulte des combats riches, intéressants, mais pas toujours très dynamiques. Les lancers de dés virtuels effectués par l'ordinateur pour calculer en permanence les attaques, parades et autres échecs ou réussites entraînent d'étranges et réguliers temps de latence où les adversaires se toisent sans vraiment s'agiter. Cette caractéristique réserve définitivement l'aventure aux joueurs plus "intellectuels" que bourrins. Ces derniers risquent de toutes manières de pester contre la richesse et la complexité des règles de jeu, qui confinent parfois à l'ésotérisme. On pourra également reprocher l'absence de touche de saut, qui oblige à réaliser un détour pour éviter une simple racine d'arbre ou franchir une marche un peu trop haute. Une lacune toujours frustrante et nuisible pour l'immersion quand on pense qu'on incarne un héros capable de terrasser des boss gigantesques et de lancer de puissants sorts. Mais le véritable problème du jeu, celui qui l'empêche d'atteindre des sommets, provient en réalité de la localisation française. Si l'on se réjouit que l'éditeur ait fait le choix de la version anglaise sous-titrée (cela vaut toujours mieux que des voix françaises de seconde zone), on reste bouche bée devant le massacre infligé aux textes. Fautes d'orthographe et de grammaire, mauvaises traductions, contresens et incohérences, c'est un véritable festival. "This is" traduit par "je suis", "c'est la première chose que j'ai entendue sur cette affaire" au lieu de "c'est la première fois que j'entends cette histoire", alternance non justifiée entre tutoiement et vouvoiement ne sont que quelques exemples illustrant à peine l'ampleur de la catastrophe. C'est à un tel point qu'on trouve même à un moment un "as-vous" au lieu de "as-tu" ou "avez-vous" ! Pas de quoi bouder définitivement le jeu, car il est vraiment plaisant par ailleurs, mais les anglophiles feront mieux de se dégoter une version internationale.